EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le 11 juin 2003 sous la présidence de M. Jacques Valade, président , la commission a examiné le rapport de M. Jacques Legendre sur le projet de loi n° 320 (2002-2003) modifiant la loi n°2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive et sur la proposition de loi n° 311 (2002-2003) de M. Claude Biwer visant à réduire le montant de la redevance d'archéologie préventive pour les collectivités territoriales .

A l'issue de l'exposé du rapporteur un large débat s'est engagé.

M. Jacques Valade, président , a souligné l'urgence qu'il y avait à réformer la loi du 17 janvier 2001. Il a insisté sur la nécessité de prendre conscience des contraintes générées par ce texte pour les aménageurs, notamment les collectivités territoriales, et plus particulièrement celles situées en milieu rural qui, pour certaines, ont été confrontées à des difficultés considérables compte tenu des barèmes actuels des redevances d'archéologie préventive.

Mme Françoise Férat, après avoir approuvé la réforme proposée, s'est demandée quels seraient les critères auxquels devront satisfaire les opérateurs de fouilles pour être agréés. Elle a estimé à cet égard indispensable de garantir l'indépendance de l'opérateur de fouilles par rapport à l'aménageur. Elle a observé qu'il conviendrait de trouver, dans le cadre de l'application de la loi un équilibre entre l'encadrement strict des opérations de fouilles et la liberté nécessaire à une diversification des opérateurs de fouilles.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , tout en approuvant les analyses du rapporteur, a exprimé le souhait que les délais nécessaires, tant à l'édiction des prescriptions archéologiques qu'à la réalisation des opérations de terrain, puissent être réduits. Il s'est interrogé sur les modalités de réalisation des diagnostics de la qualité desquels dépend l'ampleur des fouilles à réaliser. Il a souligné que, dans la situation actuelle, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) était incapable de répondre à la demande des aménageurs. S'il a relevé que les services archéologiques territoriaux disposaient encore de moyens limités, il a admis l'opportunité d'ouvrir à une diversité d'opérateurs la réalisation des opérations archéologiques.

M. Jacques Valade, président , a considéré que le projet de loi créait une très forte incitation pour les collectivités territoriales à se doter de services archéologiques qui, par leur proximité et leur complémentarité avec l'opérateur national, contribueraient à accroître les moyens disponibles pour garantir la bonne réalisation des diagnostics et des fouilles.

M. Yves Dauge , après avoir déclaré apprécier l'orientation des propositions formulées par le rapporteur, a estimé que le dispositif proposé par le Gouvernement supposait que l'Etat exerce un rôle actif dans la conduite de la politique archéologique et dispose des moyens budgétaires nécessaires. A cet égard, il s'est demandé quels seraient les moyens mis en oeuvre pour accélérer la réalisation de la carte archéologique. Il s'est également interrogé sur les intentions du Gouvernement en matière de décentralisation des compétences archéologiques.

Il a considéré que le projet de loi ne permettrait sans doute pas de réduire les coûts induits par les diagnostics et les fouilles. Ces coûts doivent être évalués le plus finement possible en tenant compte de la nécessité d'assurer l'exploitation et la valorisation des résultats des opérations de terrain.

Evoquant les exonérations prévues par le projet de loi, il a souligné que l'archéologie ne devait pas supporter la charge de politiques nationales, par ailleurs légitimes, mais étrangères à son objet.

Il s'est demandé quels types d'opérateurs pourraient venir compléter l'offre de l'INRAP. A cet égard, il a estimé que les alternatives étaient peu nombreuses, à l'exception des services territoriaux et d'entreprises ou d'associations de taille modeste.

Rappelant que les difficultés engendrées par l'application de la loi du 17 janvier 2001 ne résultaient pas du coût de l'archéologie, mais plutôt de sa répartition entre les aménageurs, il a jugé souhaitable de mettre en place des mécanismes de mutualisation plus larges que ceux proposés par le projet de loi. Il a considéré qu'une taxe additionnelle à la taxe locale d'équipement constituerait un système à la fois simple et efficace.

Après s'être félicité de l'esprit d'ouverture manifesté par le Gouvernement pour résoudre les problèmes soulevés par la loi du 17 janvier 2001, M. Philippe Richert a considéré que l'échec de ce texte n'était pas imputable au coût de l'archéologie préventive mais à l'existence d'un monopole. Ce monopole a engendré des délais insupportables pour les aménageurs et a généré une absence de dialogue inacceptable. L'ouverture à une diversité d'opérateurs, qui est proposée par le projet de loi, sans avoir pour effet de diminuer directement la charge financière qui pèsera sur les aménageurs, constituera une avancée très positive, notamment dans la perspective du développement de services territoriaux. Enfin, il a regretté l'absence de sens de la concertation qui prévalait aujourd'hui parmi les personnels de l'INRAP.

Mme Marie-Christine Blandin s'est également inquiétée des liens de subordination qui pourraient exister entre les opérateurs de fouilles et les aménageurs dans la perspective d'une concentration du marché de l'archéologie. Puis, évoquant une possible pression à la baisse du prix des fouilles résultant de l'ouverture à la concurrence, elle s'est interrogée sur l'avenir de l'INRAP. Enfin, elle a souligné la nécessité d'instaurer un dialogue entre les différents opérateurs, notamment pour assurer la mutualisation des savoirs nécessaire à la préservation de la mémoire collective.

Soulignant les divergences d'appréciation qui les séparaient, M. Dominique Mortemousque a considéré que le succès de la nouvelle loi dépendrait de sa capacité à restaurer un dialogue entre les aménageurs et les archéologues.

Mme Annie David a estimé opportun d'ouvrir la possibilité aux aménageurs de procéder à des diagnostics avant le lancement de leur projet. Elle a également insisté sur l'importance de restaurer la confiance entre les archéologues et les aménageurs. Enfin, elle a à son tour évoqué les risques d'émergence d'opérateurs de fouilles liés à des entreprises d'aménagement.

Observant que le coût des fouilles était très étroitement déterminé par des choix scientifiques, M. Serge Lepeltier a déploré que ne soient pas définies au niveau national une politique de l'archéologie préventive et des priorités en matière de recherche. Il a relevé que la mauvaise connaissance du contenu archéologique du sous-sol, conjuguée à l'application du principe de précaution, conduisait à systématiser des prescriptions archéologiques induisant des coûts et des délais parfois sans rapport avec l'intérêt scientifique des terrains.

M.  Jacques Valade, président , a indiqué que les universités rencontraient des difficultés pour assurer la bonne conservation des vestiges exhumés dans le cadre de fouilles conduites par leurs équipes.

Mme Brigitte Lyupaert a insisté sur la nécessité d'accélérer la réalisation de la carte archéologique. Elle estimé souhaitable que, lors de l'élaboration des cartes communales et des plans locaux d'urbanisme, puissent être prises en compte, de manière systématique, les données relatives à la localisation du patrimoine archéologique. Enfin, elle s'est interrogée sur le seuil qu'il serait souhaitable de retenir pour définir l'assiette de la redevance de l'archéologie préventive afin d'éviter que ne se reproduisent les effets pervers engendrés par l'actuelle législation.

En réponse aux intervenants, M. Jacques Legendre a apporté les éléments de réponse suivants :

- le renforcement des services de l'Etat est une des clés de la réussite du dispositif proposé par le Gouvernement ;

- la procédure d'agrément constitue le moyen de se prémunir contre les risques de collusion entre les aménageurs et les opérateurs de fouilles ;

- la principale faiblesse du dispositif actuel consiste dans le fait que le monopole place les autres opérateurs de fouilles en situation de dépendance par rapport à l'INRAP, ce qui ne les incite guère à se développer. Les diplômés en archéologie n'ont pour seul débouché que de devenir salariés de l'établissement public. Or, le nombre de postes budgétaires dont dispose cet établissement est soumis à des contraintes financières qui en limitent les possibilités de recrutement. Les moyens opérationnels disponibles pour répondre aux besoins des aménageurs sont donc limités. Le projet de loi, s'il ne résoudra pas à court terme toutes les difficultés, introduira un élément de souplesse indispensable en ouvrant la réalisation des fouilles à une diversité d'opérateurs. Ce dispositif devrait notamment permettre d'espérer un raccourcissement des délais nécessaires à la réalisation des opérations de terrain ;

- la réalisation de la carte archéologique constitue une priorité. Les services archéologiques territoriaux doivent être associés aux travaux conduits par l'Etat en ce domaine. L'amélioration de la connaissance de la richesse archéologique du territoire national, en assurant la transparence des prescriptions archéologiques, apparaît comme une condition nécessaire pour faire accepter aux aménageurs la nécessité de réaliser des opérations archéologiques et les convaincre d'en supporter le coût ;

- l'amélioration des conditions de conservation du patrimoine archéologique passe par la constitution d'un réseau de dépôts de fouilles qui exigera l'effort conjugué de l'Etat et des collectivités territoriales ;

- la loi ne devrait pas se traduire par une réduction de l'effort national en matière d'archéologie préventive, mais permettra d'en assurer une meilleure répartition ;

- le monopole instauré par la loi du 17 janvier 2001 conduit inévitablement l'établissement public à être tenté d'abuser de sa position dominante à l'égard des aménageurs ;

- l'avenir de l'INRAP était hypothéqué par le dispositif même de la loi du 17 janvier 2001. L'insuffisance de ses ressources a eu pour conséquence une dégradation de sa situation financière et une réduction de ses marges opérationnelles. A terme, cette rigidité aurait conduit à placer l'établissement dans la situation de ne plus pouvoir assumer les missions que la loi lui attribue ;

- le dispositif proposé par le Gouvernement repose sur l'existence d'un organisme national disposant des moyens nécessaires pour faire face en complémentarité avec d'autres opérateurs aux besoins des aménageurs ;

- la définition d'une politique archéologique nationale constitue une nécessité. Pour l'heure, les organismes consultatifs prévus par la loi du 17 janvier 2001 n'exercent pas les compétences qui leur sont dévolues en ce domaine. Par ailleurs, le relatif désintérêt manifesté par le ministère en charge de la recherche constitue un obstacle à la formalisation de choix scientifiques clairs. A l'avenir, le fonds prévu par l'article 7 du projet de loi a vocation à contribuer à définir des priorités en matière de recherche archéologique. A côté des diagnostics, des méthodes d'investigation nouvelles doivent être développées pour assurer la détection du patrimoine archéologique en limitant les atteintes portées aux terrains.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Après avoir adopté les amendements proposés par son rapporteur, la commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

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