N° 376

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 juillet 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de loi de MM. Christian COINTAT, Gérard BAILLY, Laurent BÉTEILLE, Dominique BRAYE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Robert CALMEJANE , Auguste CAZALET, Charles CECCALDI-REYNAUD, Robert DEL PICCHIA, Michel DOUBLET, Louis DUVERNOIS, Daniel ECKENSPIELLER, Michel ESNEU, Jean-Claude ETIENNE, Alain GÉRARD, François GERBAUD, Charles GINÉSY, Daniel GOULET, Alain GOURNAC, Adrien GOUTEYRON, Georges GRUILLOT, Michel GUERRY, Emmanuel HAMEL, Lucien LANIER, Gérard LARCHER, André LARDEUX, Patrick LASSOURD, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Philippe LEROY, Jean Louis MASSON, Jean-Luc MIRAUX, Bernard MURAT, Paul NATALI, Mme Nelly OLIN, M. Joseph OSTERMANN, Mme Janine ROZIER, MM. Louis SOUVET, Jacques VALADE et Jean-Pierre VIAL , relative aux jardins familiaux et aux jardins d'insertion ,

Par M. Hilaire FLANDRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Détraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 368 (2001-2002)

Code rural.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi dont notre collègue Christian Cointat a pris l'initiative et que vous présente aujourd'hui votre Commission des Affaires économiques tend à donner une nouvelle impulsion au développement des jardins collectifs, en améliorant d'une part le statut légal dont bénéficient les jardins familiaux, principale catégorie de jardins collectifs par l'ancienneté et par le nombre, et en ouvrant d'autre part le bénéfice de ce régime aux jardins d'insertion et aux jardins partagés, deux catégories nouvelles de jardins collectifs.

Marquées par un désir général de « retour à la nature », notamment dans les espaces urbains et périurbains 1 ( * ) , ces vingt dernières années ont en effet vu se multiplier et se diversifier les initiatives tendant à la création de jardins collectifs : existant depuis plus d'un siècle, les jardins familiaux ont connu un nouvel engouement, tandis que de nouvelles formes de jardins collectifs, orientées davantage vers des motivations sociales ou culturelles, sont apparues et se sont développées.

Suite à la mission d'expertise sur les seuls jardins familiaux commandée en 1997 par le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales à MM. René Breton et Xavier de Buyer, ingénieurs généraux du génie rural, des eaux et des forêts, une expertise complémentaire portant sur les expériences de réinsertion développées à travers les jardins collectifs avait été confiée en 1998 à M. de Buyer et avait débouché sur un rapport rendu en mai 2000.

Déposée en juillet 2002, la présente proposition de loi enrichit les préconisations issues de ce rapport en ce qui concerne tant les jardins familiaux, dont elle consolide le régime légal, que les jardins d'insertion, qu'elle incorpore dans les différents codes concernés et à qui elle étend ce régime. Les jardins partagés s'étant depuis largement développés, il semble aujourd'hui opportun d'en reconnaître également l'existence et de les soumettre à un statut similaire.

I. LE CONTEXTE : LA MULTIPLICATION ET LA DIVERSIFICATION DES JARDINS COLLECTIFS

L'appellation générique de « jardins collectifs » recouvre différentes réalités, allant des classiques « jardins familiaux » aux nouveaux « jardins partagés », en passant par les récents « jardins d'insertion ». La première catégorie connaît aujourd'hui une nouvelle renaissance, tandis que les deux autres émergent et se développent très rapidement.

A. UN NOUVEL ESSOR DES JARDINS FAMILIAUX

1. Une histoire séculaire

La naissance des jardins collectifs remonte à la fin du XIXème siècle, sous l'impulsion de l'abbé Lemire, par ailleurs député, et du père Volpette, qui y voient un moyen tout à la fois d'assurer l'autosubsistance alimentaire de populations aux ressources modestes et de constituer une saine occupation prévenant ses bénéficiaires du vice fort répandu que constituait à l'époque l'alcoolisme.

Généralement situés à proximité des agglomérations, des usines ou des voies ferrées, les jardins familiaux sont alors essentiellement composés de plantes potagères.

La loi du 31 octobre 1941, partiellement modifiée par celle du 7 mai 1946, leur donne pour la première fois un statut juridique, en distinguant les jardins ouvriers des jardins industriels ou ruraux et des jardins familiaux, leur point commun étant l'interdiction de tout usage commercial des productions réalisées .

La loi du 26 juillet 1952 fusionne ces différents types de jardins en ne retenant plus que le terme de « jardins familiaux » et les fait bénéficier pour la première fois d'exonérations fiscales.

Face à l'importante décroissance du nombre de jardins familiaux depuis l'après-guerre, la loi du 10 novembre 1976 tend à assurer leur préservation en ouvrant aux SAFER et aux collectivités locales le droit de préempter pour acquérir des terrains leur étant destinés et les aménager, ainsi qu'en permettant aux associations de jardins familiaux expropriées d'exiger la mise à disposition d'un terrain équivalent.

Relativement ancien, le dispositif juridique actuel encadrant les jardins familiaux est également complexe puisqu'il concerne cinq codes 2 ( * ) et représente 45 articles.

2. Une présence conséquente aujourd'hui

Même s'il est difficile d'obtenir des chiffres précis, on estime que les jardins familiaux représentaient au début des années 90 de 100.000 à 200.000 unités et couvraient une surface totale de 2.500 à 5.000 hectares.

Divisés en parcelles individuelles d'une superficie moyenne de 200 m², ils sont aujourd'hui essentiellement gérés par des associations dont une majorité s'est fédérée au niveau régional ou national. La Fédération nationale des jardins familiaux 3 ( * ) , les Jardins du cheminot ou encore la Société nationale d'horticulture de France constituent les organismes les plus représentatifs des jardins familiaux. S'y ajoutent des associations « porteuses de projets » qui, tel le Jardin dans tous ses états, regroupent les divers acteurs et leur fournissent une assistance technique pour la création et l'aménagement de jardins collectifs.

La pérennité des associations de jardins familiaux est particulièrement forte puisque 9 % d'entre elles ont été crées avant 1915 et 35 % entre 1915 et 1945, certaines étant même centenaires. Les demandes de parcelles à cultiver leur étant adressées par des particuliers ne cessent de croître et dépassent aujourd'hui largement l'offre disponible : on estime en effet à 2.000 le nombre de dossiers non satisfaits pour la seule région parisienne, représentant un délai d'attente de cinq ans environ !

Le jardinier adhère à l'association, paie une cotisation et se voit en contrepartie autorisé à utiliser une parcelle. Outre les cotisations de ses membres, l'association est financée par des subventions d'origine essentiellement publique.

L'association n'est généralement pas propriétaire des terrains sur lesquels sont assises les parcelles : ces dernières appartiennent le plus souvent à des collectivités publiques ou semi publiques (communes, établissements publics intercommunaux, conseils généraux ou départementaux, organismes HLM, Réseau ferré de France, OPAC ...), voire à des particuliers, qui les mettent à disposition à titre onéreux ou gratuit. Elles peuvent être regroupées ou dispersées, plus ou moins proches de la population et de qualité agronomique fort variable.

Les fonctions des jardins familiaux dépassent aujourd'hui largement leur cadre initial. S'ils représentent toujours un appoint alimentaire non négligeable pour de nombreux ménages 4 ( * ) et s'ils continuent de prévenir des « vices de l'oisiveté », ils remplissent désormais de nombreuses autres fonctions :

- ils constituent un lieu de vie locale privilégié où peuvent s'épanouir les relations sociales et associatives entre des personnes à l'origine et au profil socioprofessionnel souvent fort varié ;

- ils jouent un rôle important dans les loisirs et dans la vie familiale, en constituant un lieu de détente et d'activité apprécié pour les fins de semaines ;

- ils représentent un terrain de prédilection pour l'initiation aux cycles naturels et à la protection de l'environnement, notamment à l'égard des jeunes ;

- ils contribuent à la réhabilitation de quartiers négligés ou délaissés, où ils constituent un support de solidarité et de résistance à la précarisation ;

- ils sont un instrument économe 5 ( * ) de gestion et de mise en valeur d'espaces périurbains excessivement dominés par le minéral, leur qualité paysagère ne cessant de s'améliorer ;

- ils sont un moyen efficace de lutte contre l'inactivité choisie ou forcée (chômage, retraite, réduction de la durée du travail ...).

* 1 Selon l'INSEE, environ 19 millions de personnes possèdent 7,7 millions de potagers couvrant 225 000 hectares.

* 2 Code rural, code de l'urbanisme, code de la construction et de l'habitation, code de l'expropriation et code général des impôts.

* 3 Appelée aussi Ligue du coin de terre et du foyer.

* 4 L'impact économique d'une parcelle de 200 m² a ainsi été évalué à 760 euros par an, soit l'équivalent d'un treizième mois pour une personne dont les revenus sont proches des minima sociaux.

* 5 On estime entre 7 et 22 euros HT/m² les frais d'aménagement de parcelles individuelles regroupées en jardins familiaux, contre 15 à 70 euros HT/m² pour les espaces verts conventionnels.

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