ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 9

Rétablissement du plafonnement de la cotisation de l'impôt de solidarité sur la fortune

Commentaire : le présent article additionnel tend à rétablir le plafonnement de la cotisation de l'impôt de solidarité sur la fortune.

I. L'ÉVOLUTION DE LA LÉGISLATION EN MATIÈRE DE PLAFONNEMENT DE LA COTISATION DE L'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE


La loi de finances pour 1989 avait introduit un plafonnement de la cotisation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour éviter que cet impôt n'excède les revenus perçus au cours de l'année. En effet, lorsque l'impôt sur les grandes fortunes avait été créé par la loi de finances pour 1982 (n° 81-1160 du 30 décembre 1981), il avait été constaté que, tel qu'il était alors conçu, il pouvait conduire un contribuable à devoir aliéner une partie de son patrimoine pour acquitter l'impôt.

Afin de mettre un terme à cette situation, il avait été décidé que le montant de l'impôt global dû au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et du prélèvement libératoire ne devait pas dépasser 70 % du revenu annuel global. Le taux de plafonnement avait été porté à 85 % par la loi de finances pour 1991.

Toutefois, l'article 5 de la loi de finances pour 1996 a limité les effets du mécanisme de plafonnement de la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune en fonction du revenu disponible. Celui-ci ne peut désormais aboutir à une réduction de l'impôt supérieure à la moitié du montant de l'impôt normalement dû ou à 10.970 euros 69( * ) . Le mécanisme de plafonnement est donc limité pour les redevables dont le patrimoine taxable excède, au jour du fait générateur de l'impôt, la limite supérieure de la 3 ème tranche du barème de l'ISF, soit 2.300.000 euros en 2002.

4.163 redevables à l'ISF ont été plafonnés au titre de l'exercice 2002, contre 3.508 l'année précédente, soit une hausse de 18,7 %. Ces contribuables ont, pour 24 % d'entre eux, acquitté une cotisation à l'ISF supérieure à leurs revenus de 2001.

Nombre de redevables plafonnés en 2002

Tranche imposable

Nombre de contribuables plafonnés

<1.160.000

240

1.160.000 à 2.300.000

558

2.300.000 à 3.600.000

546

3.600.000 à 6.900.000

938

6.900.000 à 15.000.000

1.129

>15.000.000

752

Total

4.163

Le nombre de contribuables qui voient leur plafonnement limité par les effets de l'article 5 de la loi de finances pour 1996 est en forte hausse, de 26 %, par rapport à 2001. Leur nombre s'élève à 1.742.

Evolution du nombre de redevables à l'ISF dont le plafonnement est plafonné depuis 1998

II. LE RÉTABLISSEMENT DU PLAFONNEMENT DE LA COTISATION DE L'ISF : UNE URGENCE RECONNUE PAR TOUS

Depuis l'examen du projet de loi de finances pour 1997, votre commission des finances propose chaque année un amendement visant à supprimer la limitation du plafonnement de la cotisation. En effet, les craintes qu'elle avait émises lors de l'instauration du plafonnement, à savoir le risque de délocalisation des fortunes françaises, se sont révélées fondées.

Dans son rapport préparatoire au débat sur les prélèvements obligatoires tenu au Sénat le 12 novembre 2003 70( * ) , votre rapporteur général développe l'analyse, à partir de chiffres obtenus à la direction générale des impôts, qu'il a présentée en séance publique le 27 mars dernier, selon laquelle l'ISF aura fait perdre à l'économie française, en cinq ans, 11 milliards d'euros de capitaux. L'étude réalisée sur le fondement des éléments fournis par la direction générale des impôts montre que les délocalisations concernent plus particulièrement les redevables à l'ISF au patrimoine élevé.

Deux rapports parlementaires se sont également prononcés en faveur du rétablissement du plafonnement de l'ISF.

D'abord, nos collègues sénateurs Denis Badré et André Ferrand ont enquêté sur les questions liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises. Dans le rapport 71( * ) qu'ils ont rendu public en juin 2001, ils soulignent le rôle d'accélérateur des départs joués par le « plafonnement du plafonnement » de la cotisation instaurée par la loi de finances pour 1996.

Ensuite, notre collègue député Michel Charzat a été chargé par le Premier ministre de l'époque, M. Lionel Jospin, de mener une mission sur l'attractivité du territoire français. Dans son rapport 72( * ) , il insiste sur la nécessité de revenir à la règle du plafonnement de l'ISF antérieure à 1996.

Il écrit ainsi : « En terme d'attractivité et de maintien en France des centres de gravité des entreprises, cette mesure est l'une des causes les plus souvent citées pour expliquer la délocalisation des patrimoines et des personnes. Cela vaut particulièrement pour des créateurs d'entreprises à forte croissance, rapidement exclus de l' exonération au titre de l'outil de travail du fait de la dilution rapide de leur participation, mais qui se retrouvent avec des liquidités faibles face à un actif composé de titres non réalisables dans l'immédiat, et dont la valeur est extrêmement fluctuante. La réforme de l'ISF effectuée dans la loi de finances pour 1999 n'a fait qu'accroître l'acuité du problème . [...]

« Dans ces conditions, le mécanisme mis en place en 1996 apparaît générateur d'effets pervers nuisibles à l'emploi et à la croissance [...]. Il apparaît donc souhaitable de supprimer purement et simplement le mécanisme de « plafonnement du plafonnement ».

Votre rapporteur général tient à souligner que c'est précisément pour des raisons tenant à l'absence d'un plafonnement raisonnable de l'impôt sur la fortune allemand que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a jugé le dispositif de cet impôt, pourtant fort ancien, inconstitutionnel. Elle a en effet considéré que l'impôt, compris comme l'addition de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur la fortune, ne devait pas dépasser 50 % du revenu annuel.

En l'absence d'accord entre la majorité du Bundestag et la majorité du Bundesrat pour instituer un mécanisme de plafonnement, la déclaration d'inconstitutionnalité de la Cour de Karlsruhe a conduit à interdire aux services fiscaux allemands de percevoir l'impôt sur la fortune à compter du 1 er janvier 1997.

Il paraît probable que, lorsque la Cour européenne des droits de l'homme aura à se prononcer, ce qui sera fait tôt ou tard, sur l'impôt de solidarité sur la fortune français, elle prendra en considération les mécanismes de plafonnement. Elle jugera alors sans doute le plafond de 85 % contraire au droit de propriété et déclarera objectivement confiscatoire le mécanisme de plafonnement du plafonnement.

Plutôt que d'attendre une décision jurisprudentielle européenne, votre commission des finances vous propose de supprimer l'anomalie fiscale la plus marquée, le plafonnement du plafonnement, qui constitue un mécanisme aux nombreux effets pervers reconnus et nuit considérablement à l'attractivité fiscale de notre pays.

Le coût de cette mesure s'élève à 130 millions d'euros.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

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