ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 60 A

Amélioration de l'information du Parlement sur le coût des dépenses fiscales

Commentaire : le présent article additionnel tend à abroger l'article 32 de la loi de finances pour 1980 relatif au contenu du fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances de l'année pour lui substituer une nouvelle rédaction de nature à améliorer, conformément à la suggestion du Conseil des impôts, l'information du Parlement sur le coût, les bénéficiaires et l'impact économique et social des dépenses fiscales.

Le présent article additionnel a pour objet de donner suite à la proposition n° 2 « Rendre plus transparente l'estimation du coût des dépenses fiscales » du rapport du XXI e rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité dérogatoire 4 ( * ) . Cette estimation est aujourd'hui contenue dans le tome II du fascicule des voies et moyens annexé au projet de loi de finances.

En l'occurrence, il est proposé, au I du présent article additionnel, de tirer les conséquences de la nouvelle nomenclature budgétaire en missions et en programmes issue de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances et de procéder à la réécriture des règles actuelles telles qu'elles résultent de l'article 32 de la loi de finances pour 1980, qui serait en conséquence supprimé.

Le tome II de l'annexe « évaluation des voies et moyens » comporte :

- une présentation générale qui définit l'origine du concept de dépenses fiscales et précise le champ couvert par le fascicule qui ne concerne que les seules mesures déjà votées ;

- une liste de dépenses fiscales par nature d'impôt qui indique pour chacun des grands types d'impôt le mécanisme sur lequel porte l'avantage fiscal. C'est ainsi que, pour l'impôt sur les sociétés, on distingue les postes suivants : exonération, provisions et amortissements, modalités particulières d'imposition, régimes spéciaux, dispositions relatives à l'imposition forfaitaire annuelle et dispositions diverses ;

- un regroupement synthétique des dépenses fiscales, par catégories d'objectifs, par ministères concernés, ainsi que par catégories de bénéficiaires, ménages, et/ou entreprises.

En ce qui concerne le détail du dispositif proposé, il est simplement proposé de compléter les éléments d'information actuellement fournis sur les points suivants :

- une annexe méthodologique est explicitement mentionnée pour que le Parlement soit informé des méthodes de calcul, des changements de périmètre ainsi que des écarts entre prévisions et résultats ;

- la ventilation par nature de mesure, critiquée par le Conseil des impôts, est maintenue, tandis qu'il n'est pas repris dans le texte lui-même l'idée de distinguer les allègements structurels des instruments de politique économique : pour votre commission des finances, la distinction est apparue suffisamment incertaine pour que l'on se contente d'une formulation générale renvoyant au décret en Conseil d'Etat pour le choix de la typologie la plus adaptée.

D'une façon générale, il apparaît plus efficace et plus respectueux de la distinction entre pouvoir législatif et réglementaire de laisser au décret le soin de fixer dans le détail les informations à caractère méthodologique nécessaires pour l'appréciation de la portée des données ainsi communiquées au Parlement.

Le II du présent article additionnel demande au gouvernement de procéder, pour le projet de loi de finances pour 2005, à une enquête sur le montant et le nombre de bénéficiaires des dépenses fiscales figurant avec la mention « å » ou « non connu » dans le fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2004.

Il s'agit d'être en mesure de tenir compte des observations du Conseil des impôts sur le nombre de dépenses fiscales ne faisant pas l'objet de chiffrage.

Cet organisme rappelle qu'en « 1980, la première annexe bleue Evaluation des voies et moyens consacrée aux dépenses fiscales en recensait 317 dont seulement 39 % étaient chiffrées. En 2003, la proportion s'était améliorée puisque sur 418 mesures recensées, 56 % étaient chiffrées.

« Les dépenses fiscales non chiffrées recouvrent plusieurs situations. En 2003, l'indication « å » figure pour la vingtaine de dépenses fiscales dont le coût est estimé inférieur à 0,5 millions d'euros. Quelques cas se présentent également pour lesquels les incertitudes sur l'estimation sont telles qu'aucun chiffrage n'est avancé. Ainsi, l'imposition forfaitaire au taux de 16 % des gains de cession de valeurs mobilières ou l'exonération de gains réalisés dans le cadre d'un plan d'épargne en actions n'ont pas fait l'objet de chiffrages dans les projets de loi de finances pour 2002 et 2003 en raison de l'incertitude forte qui a affecté les cours boursiers. Mais pour le reste, c'est-à-dire pour environ 40 % des dispositifs recensés, l'absence de chiffrage traduit l'incapacité des administrations de procéder à des estimations, faute de données suffisantes. Les dépenses fiscales « non chiffrées » sont donc, en pratique, très largement « non chiffrables ».

On a des raisons de penser qu'une partie au moins de ces dépenses « non chiffrables » est d'une utilité ou d'une efficacité douteuses.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE 60 A (nouveau)

Suppression de l'abattement sur les pensions de source métropolitaine versées aux personnes domiciliées dans les anciens territoires d'outre-mer

Commentaire : le présent article résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par la commission des finances avec l'avis défavorable du gouvernement. Il vise à supprimer l'abattement de 40 % dont bénéficient les pensionnés dans les anciens territoires d'outre-mer sur les pensions de source métropolitaine.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN ABATTEMENT QUI S'APPLIQUE EN PRATIQUE UNIQUEMENT POUR CERTAINES COLLECTIVITÉS

L'article 83 A du code général des impôts prévoit que les pensions servies par un débiteur établi en France métropolitaine à des personnes domiciliées dans les anciens territoires d'outre-mer bénéficient d'un abattement de 40 % pour le calcul de l'impôt sur le revenu ou de la retenue à la source.

Cet abattement s'applique donc, toutes autres conditions réunies par ailleurs (c'est-à-dire le débiteur établi en métropole et créancier domicilié dans les anciens territoires d'outre-mer) à la fois aux pensions publiques et aux pensions privées .

Si cet abattement s'applique en théorie à l'impôt sur le revenu, sa seule application est la retenue à la source prévue à l'article 182 A du code général des impôts.

L'article 182 A du code général des impôts indique en effet que « les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française, servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l'application d'une retenue à la source » .

Cette retenue à la source varie entre 15 % pour les sommes comprises entre 9.839 euros et 28.548 euros, et 25 % au delà de 28.548 euros pour les revenus de 2003. Le barème est revalorisé chaque année. Pour 2004, il devrait s'établir à 15 % pour les sommes comprises entre 10.177 euros et 29.528 euros, et 25 % au delà.

La retenue à la source pour les revenus de source française

L'application de la retenue à la source a fait l'objet d'une question écrite de notre collègue Monique Cerisier-Ben Guiga (question écrite n° 33149 du 17 mai 2001, réponse publiée au Journal Officiel du 18 octobre 2001, page 3328).

Les éléments suivants sont extraits de la réponse du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie :

« La retenue à la source prévue par l'article 182 A du code général des impôts appliquée aux traitements, salaires, pensions ou rentes viagères de source française des contribuables non-résidents a pour objet de permettre de préserver les droits du Trésor. Elle est opérée selon un barème à trois tranches (0 %, 15 % et 25 %), dont les limites sont revalorisées tous les ans. En outre, les contribuables qui n'ont pas leur domicile fiscal en France et qui perçoivent des revenus de source française sont soumis à une obligation fiscale limitée et doivent souscrire une déclaration annuelle des revenus, conformément aux dispositions de l'article 170 du code déjà cité. Les revenus de source française ainsi déclarés sont soumis en application du a de l'article 197 A du même code, au même barème progressif que celui auquel sont assujetties les personnes fiscalement domiciliées en France, avec application dans les conditions de droit commun des règles du quotient familial, sans que le montant de l'impôt ne puisse être inférieur à un taux minimal de 25 % du revenu net imposable. Toutefois, lorsque les contribuables justifient que le taux moyen de l'impôt résultant de l'application du barème progressif à l'ensemble de leurs revenus mondiaux (français et étrangers) est inférieur au taux minimal de 25 %, les revenus de source française des personnes concernées sont imposés en fonction de ce taux moyen, qui se substitue alors au taux de 25 %. Ce dispositif s'applique dès lors que le contribuable dépose sa déclaration dans les délais légaux et joint à l'appui de cette déclaration tous les éléments permettant au service des impôts d'établir la réalité du taux moyen d'imposition invoqué par le contribuable. Pour sa part, la retenue prélevée à la source en application de l'article 182 A du code déjà cité fait l'objet d'une régularisation dans les conditions définies à l'article 197 B du même code. Il est ainsi prévu le remboursement de la retenue à la source, y compris celle prélevée au taux de 15 %, pour la fraction qui excède le montant de l'impôt calculé en application des dispositions du a de l'article 197 A selon les modalités mentionnées ci-dessus ».

En pratique, l'abattement prévu à l'article 83 A s'applique uniquement pour le calcul de la retenue à la source des pensions servies à des résidents de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, dont les résidents ne sont pas considérés comme fiscalement domiciliés en France.

En effet, les conventions fiscales conclues avec la Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte leur confèrent le droit exclusif d'imposer les pensions versées à leur résident. L'abattement de 40 % est donc privé de sa portée pour ces territoires.

B. UN MÉCANISME DESTINÉ À TENIR COMPTE DU COÛT DE LA VIE ET EXONÉRER LES INDEMNITÉS TEMPORAIRES PERÇUES PAR CERTAINS PENSIONNÉS

Ce mécanisme a été institué par l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1977 (loi n° 77-1466 du 30 décembre 1977) afin de compenser le coût de la vie dans ces territoires. Il permet également d'assurer forfaitairement l'exonération de la majoration de pension dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat retraités sous la forme d'une indemnité « temporaire ».

Pour la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, la majoration de retraite s'établit à 75 %, ce qui fait que l'abattement ne permet pas d'éviter la retenue à la source pour l'intégralité de l'indemnité temporaire.

L'indemnité temporaire

Les retraités titulaires d'une pension de l'Etat justifiant d'une résidence effective à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna bénéficient en effet d'une majoration, dont le montant varie entre 35 % et 75 %.

Cette disposition est issue pour les pensions civiles et militaires du décret n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et pour les pensionnés tributaires du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre du décret n° 54-1293 du 24 décembre 1954.

La seule condition posée par les décrets porte sur les conditions de résidence, qui doivent être « au moins équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service ». L'instruction comptable n° 82-17-B3 du 20 janvier 1982 précise que les absences de territoire ne peuvent en conséquence dépasser en une ou plusieurs fois quarante jours pour l'année civile et qu'une période probatoire, de six mois de présence ininterrompue sur le territoire, est nécessaire avant le premier versement de l'indemnité.

La Cour des comptes a souligné, dans son rapport particulier consacré aux pensions des fonctionnaires civils de l'Etat (avril 2003), qu'il s'agit là « d'une indemnité avantageuse au contrôle quasi impossible ».

Dans le cas précis de l'abattement, il faut relever que les conditions pour en bénéficier ne sont pas identiques. Le critère de la « résidence effective » est plus contraignant que celui du domicile fiscal, puisqu'il n'autorise pas à sortir du territoire plus de 40 jours. En pratique, il est rare que les deux conditions ne soient pas simultanément remplies.

L'imposition des pensions de source française s'effectue donc de la manière suivante pour un retraité de l'Etat en résidence « effective » en Polynésie française ou à Wallis-et-Futuna :

- une majoration de 75 % est appliquée sur sa retraite ;

- l'article 83 A du code général des impôts prévoit que, sur les sommes ainsi dues, un abattement de 40 % est appliqué afin de déterminer l'assiette imposable. Les abattements de « droit commun » de 10 % et 20 % sont également appliqués ;

- une retenue à la source est effectuée, suivant le barème de l'article 182 A du code général des impôts.

En application de l'article 197 A du code général des impôts, l'impôt ne peut être inférieur à 25 %, sauf dans le cas où le contribuable peut prouver que le taux de l'impôt français sur l'ensemble de ses revenus français et étrangers serait inférieur à ce taux, ce qui est favorable aux foyers fiscaux les plus modestes.

Le mécanisme est similaire pour les pensions qui sont servies à des non fonctionnaires de l'Etat, à l'exception de la majoration.

II. LA PROPOSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis du gouvernement, un amendement abrogeant l'article 83 A du code général des impôts.

Cette mesure ne s'appliquerait toutefois qu'à partir du 1 er janvier 2005. Il n'y a donc aucune rétroactivité pour les revenus perçus en 2003 .

Le bénéfice de l'abattement de 40 % sur les pensions de source française serait donc supprimé, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.

L'imposition des pensions porterait donc sur la totalité de la pension versée, c'est à dire avec l'indemnité temporaire.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article s'inscrit dans le débat plus large sur les avantages dont bénéficient les retraités domiciliés dans certains territoires.

Lors des débats sur la loi de programme pour l'outre-mer 5 ( * ) , un amendement avait été déposé par notre collègue le président Jean Arthuis et par votre rapporteur général, tendant à supprimer le système des majorations de retraite. Il n'avait pas été adopté.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, votre commission des finances a également adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel rattaché au budget des charges communes afin de limiter le bénéfice des majorations de retraite aux seuls fonctionnaires de l'Etat ayant effectué une partie de leur carrière dans une des collectivités concernées.

Votre commission des finances est pleinement consciente de l'intérêt de cette aide. Lors des débats sur la loi de programme pour l'outre-mer, notre collègue Gaston Flosse en avait souligné la portée économique pour la Polynésie française : « dans les restaurants et les commerces [les retraités de l'Etat] sont les meilleurs clients. Les retraités d'Etat installés en Polynésie constituent la troisième source de revenu de la Polynésie après le tourisme et les perles ».

Cependant, le principe même d'une indemnité d'un coût considérable pour les finances publiques (plus de 200 millions d'euros en 2003) et qui bénéficie de surcroît d'un traitement fiscal avantageux pose des problèmes qui ne peuvent être ignorés.

La position de l'Assemblée nationale, qui vise à mettre fin à un avantage particulier, lié à la question des majorations , est donc pleinement soutenue par votre commission des finances.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 4 « La fiscalité dérogatoire. Pour un réexamen des dépenses fiscales », XXI e rapport au Président de la République. Les éditions des Journaux officiels.

* 5 Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003.

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