B. LA HAUSSE PROFITE ESSENTIELLEMENT À L'AIDE BILATÉRALE

La baisse constatée de l'APD de 1996 à 2001 résultait uniquement de la chute de l'aide bilatérale, qui a perdu 1,12 milliard d'euros en cinq ans , soit près de 30 % du montant atteint en 1996 . Ce mouvement était imputable à la disparition des prêts nets (remboursements nets de 90 millions d'euros en 2001), à la diminution des dons de 5 % et la baisse de près de moitié des annulations et consolidations de dettes.

La tendance s'est cependant inversée à partir de 2002 : l'aide bilatérale a successivement augmenté de 37,5 % en 2002 puis de 21,2 % en 2003 5 ( * ) , soit une hausse de deux tiers en deux ans, mais cet effort est essentiellement le fait de la progression de plus de 1,5 milliard d'euros des annulations et consolidations de dettes entre 2001 et 2003, et dans une moindre mesure de celle de 275 millions d'euros des dons. Pour 2004, la hausse de l'aide bilatérale devrait être de 7,6 % (336 millions d'euros), se décomposant en une augmentation de 6,7 % des dons et de 8 % des allègements de dettes, et en une réduction de 6,2 % des prêts, accordés à des conditions de marché ou concessionnelles, nets de remboursements (qui demeurent toutefois négatifs, ce qui signifie que la France prête moins qu'elle ne reçoit de flux de remboursements). La progression des dons, qui devrait n'être que de 3,7 % en 2003, est donc confirmée en 2004, alors que celle des allègements de dette dans le cadre de l'initiative multilatérale pour les pays pauvres très endettés (PPTE), moins forte qu'en 2003 (67 %), confirme toutefois cette nouvelle orientation de l'APD française. Rappelons à cet égard que la France est avec le Japon le principal créancier des pays en développement, avec un encours trois fois supérieur à celui des Etats-Unis.

Au total, l'aide bilatérale représente en 2004 71,1 % de l'APD française, contre 68,1 % en 2003 et 62 % en 2001.

C. L'AIDE MULTILATÉRALE

1. La stabilisation de l'aide multilatérale globale

La diminution de l'aide bilatérale en 1996-2002 s'est faite au profit de l'aide multilatérale , qui a augmenté de 50,5 % sur la même période et a vu son poids dans l'APD globale passer de 22,7 % à 34,1 %. Cette progression est essentiellement imputable à l'aide européenne, qui a plus que doublé sur la période, alors que les contributions aux fonds et banques de développement régionaux ont diminué de 10 %, et que celles aux institutions des Nations Unies ont progressé de 14,5 %. La tendance a été renversée en 2003 puisque l'aide multilatérale devrait diminuer de 97 millions d'euros et sa part dans l'APD se situer à 29,1 %. Par un parallélisme des formes, l'essentiel de cette baisse est imputable à l'aide européenne et plus particulièrement aux crédits affectés au Fonds européen de développement (FED), dont la dotation devrait diminuer de 99 millions d'euros par rapport à 2002.

Le PLF pour 2004 tend à stabiliser l'aide multilatérale avec une hausse modérée de 2,6 % des crédits et une part d'environ 29 % de l'APD totale. Les contributions aux banques et fonds de développement s'inscrivent en forte baisse de 20,6 %.

2. La prégnance de l'aide européenne

Outre les versements au FED, l'aide multilatérale au titre des actions de l'Union européenne comprend des crédits qui ne sont pas inscrits en tant que dépense budgétaire, mais constituent la part du prélèvement sur recettes au profit du budget général des Communautés européennes qui relève de l'aide au développement, et qui comprend de multiples programmes communautaires 6 ( * ) . Au total, les versements de la France au budget extérieur de l'Union européenne ont évolué ainsi sur la période récente :

Versements de la France au budget extérieur de la Commission européenne

(en millions d'euros)

 

1999

2000

2001

2002

2003

PLF 2004

1999/ 2004

Contribution au budget extérieur de l'Union

836

859

1.051

1.365

1.278

1.365

63,3 %

dont part APD

482

586

723

980

ND

N.D.

N.D.

Part APD / total

58 %

68 %

69 %

72 %

N.D.

N.D.

dont FED

268

272

442

595

496

565

110,8 %

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; « jaune » annexé au PLF 2004

La participation de la France à ces deux contributions européennes est inégale puisque sa quote-part dans le FED - 24,3 % - est supérieure à celle au titre du budget général (17,3 %). Il est vrai que ces deux quotes-parts ne répondent pas aux mêmes règles, dans la mesure où le FED constitue un compte financé hors du budget général de l'Union.

L'aide européenne représente environ 20 % de l'APD globale de la France (13 % en 1996) . C'est donc une part notable de l'APD française qui demeure exclue du contrôle des parlements nationaux, lesquels restent cependant compétents pour contrôler les montants alloués par les Etats, les dates de versement des fonds, les justificatifs produits à l'appui des appels de fonds et la part de la contribution nationale dans les diverses actions engagées et financées par l'Europe.

Outre le fait qu'elles sont trop largement influencées par les pays nordiques et le Royaume-Uni, les actions extérieures de l'Union souffrent d'un problème récurrent de sous-exécution , qui se traduit par l'accumulation d'engagements restant à liquider représentant environ deux années et demi du montant de cette rubrique. La sous-consommation est toutefois fortement différenciée selon les programmes : moins d'une année pour l'aide humanitaire, quatre à cinq années pour les programmes destinés à l'Asie ou à l'Amérique latine, près de cinq ans pour la Méditerranée. L'année 2002 a été marquée par une hausse sensible de la consommation pour certains programmes traditionnellement en retard (+ 45 % pour MEDA, + 18 % pour ALA), et le taux de consommation des crédits de paiement s'est établi à 89 %, contre 86,2 % en 2001. Ces écarts de performance s'expliquent essentiellement par le mode de gestion des fonds et le choix des instruments d'intervention. Les régions où les décaissements sont les plus rapides sont en effet celles qui ont bénéficié de la première vague de déconcentration. De même, l'existence d'une structure spécifique au mandat clair peut contribuer à accélérer les versements. A cet égard, votre rapporteur spécial tient à souligner la performance de l'Agence européenne de reconstruction au Kosovo, dont il a pu constater sur place l'efficacité puisque le taux d'engagement des crédits s'élevait début 2003 à 90 % et le taux de paiement à 74 % , sur les 902 millions d'euros que l'Agence a programmé depuis 1999 dans cette province.

Les réformes des modalités de gestion des fonds actuellement mises en oeuvre, tant sur les lignes du budget de l'Union que pour le FED, laissent espérer une plus grande efficacité de l'aide européenne. Néanmoins cette réforme ne saurait faire l'économie d'une budgétisation du FED (cf. le II. E. de la seconde partie) , qui constitue une proposition française dont votre rapporteur spécial se félicite.

Les recommandations du CAD sur l'aide européenne

Dans sa dernière évaluation (août 2002) de l'aide au développement conduite par l'Union européenne, le CAD salue les réformes internes engagées par la Commission, mais constate encore de nombreuses difficultés. Il relève en particulier des « problèmes de cohérence entre la politique de développement et certaines politiques intérieures de la Communauté européenne, par exemple la politique agricole commune et la politique commune de la pêche ». Le rapport indique également que « le processus de réforme et la mise en oeuvre du programme risquent encore de se heurter à quelques difficultés si des mesures ne sont pas prises pour, entre autres, mobiliser le soutien des sphères politiques jusqu'à l'achèvement des réformes, et notamment assigner un rôle plus stratégique au Conseil et au Parlement, affiner encore le dispositif organisationnel afin de préciser les responsabilités, d'accélérer l'acheminement de l'aide et de mettre en place les moyens organisationnels et analytiques voulus pour que la déconcentration porte ses fruits, et déployer des ressources humaines appropriées et suffisantes pour appuyer la mise en oeuvre ».

Le CAD formule les recommandations suivantes pour améliorer l'efficacité pour le moins perfectible de cette politique communautaire :

- renforcer son avantage comparatif en matière de promotion du développement : préciser les rôles respectifs de la Commission et des Etats membres, encourager la mise en oeuvre intégrale de l'aide déliée, et faire une plus large place au partenariat pour la réduction de la pauvreté, dans le droit fil de ce que prévoit l'Accord de Cotonou ;

- inscrire son action de lutte contre la pauvreté dans la durée : budgétiser du FED, accroître l'APD allouée aux secteurs sociaux, réduire le nombre des lignes budgétaires, définir des critères de répartition des ressources, améliorer la qualité des comptes rendus au Parlement européen et au Conseil des ministres, faciliter le passage de l'aide humanitaire à la reconstruction dans le cadre des mesures de sortie de crise, mieux assurer la prise en compte des question transversales (droits de l'homme, égalité homme-femme et viabilité environnementale) dans les domaines jugés prioritaires, oeuvrer en concertation avec les autres bailleurs à l'amélioration de la gestion financière et des capacités institutionnelles dans les pays participant au processus CSLP ;

- améliorer la cohérence de ses politiques et instaurer des dispositifs institutionnels garantissant la cohérence : renforcer les capacités analytiques et ressources sur le terrain pour accroître la cohérence des politiques internes de la Communauté avec les Documents de stratégie nationale (DSP), améliorer l'échanges d'information entre le processus DSP, le Groupe interservices d'appui à la qualité et la Cour des comptes ;

- renforcer l'attention portée aux résultats et à l'efficacité de l'aide : préciser la structure des responsabilités au sein de la « famille » Relex pour l'acheminement des ressources, étudier si la gestion de tous les programmes d'aide ne devrait pas être confiée à une même entité, mieux évaluer la performance relative de la Communauté européenne par rapport aux autres donneurs, inciter le comité de direction EuropAid à privilégier l'obtention de résultats, entreprendre des études d'évaluation sur les approches novatrices et structurantes (prévention et règlement des conflits, supervision par l'ECHO des activités des ONG, efficacité du processus de déconcentration, dispositifs de promotion du secteur privé...) ;

- améliorer la mise en oeuvre du programme d'aide afin de favoriser l'appropriation locale : déléguer davantage de responsabilités aux missions locales mais en leur fournissant des orientations claires, étoffer l'effectif des spécialistes et leur complémentarité avec les ressources humaines des Etats membres de l'UE, constituer une équipe spécifiquement chargée de la gestion des ressources humaines des coopérants.

Source : OCDE

* 5 Selon les prévisions d'exécution à fin septembre.

* 6 Ces programmes sont : PHARE (préparation de l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale), TACIS (actions de réformes économiques et institutionnelles en Russie, dans les Etats de l'ex-URSS et en Mongolie), OBNOVA/CARD, MEDA (programme de coopération avec les pays méditerranéens), l'aide humanitaire et alimentaire, et les actions de coopération avec l'Afrique australe, l'Amérique latine et l'Asie.

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