N° 73

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès verbal de la séance du 20 novembre 2003

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2004 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 6

CULTURE ET COMMUNICATION :

Rapporteur spécial : M. Yann GAILLARD

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1093 , 1110 à 1115 et T.A. 195

Sénat : 72 (2003-2004)

Lois de finances.

I. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Bien qu'il ait perdu son statut régalien, le ministère de la culture reste apparemment un département sans histoire budgétaire. Non seulement ses crédits pour 2004 augmentent à un rythme supérieur à 5 % mais encore les gels qu'il a subis n'ont pas été convertis en annulations de crédits.

Au surplus, toute une série de grosses opérations se trouvent désormais relancées ou en voie d'achèvement qu'il s'agisse du Grand Palais, de l'affectation du Palais de Tokyo ou de l'aménagement de l'immeuble dit des « Bons Enfants ».

Et pourtant, la gestion de ce ministère est loin de ressembler à un long fleuve tranquille. Celui-ci ressent encore l'onde de choc de la grève des intermittents du spectacle dont on retrouvera, affaiblis, les échos budgétaires. La potion est à l'évidence désagréable mais elle n'en reste pas moins nécessaire si l'on veut sauver un système qui garantit la création dans les secteurs du spectacle vivant du cinéma et de l'audiovisuel.

L'exécution budgétaire subit également le contrecoup de la réforme de l'archéologie préventive. Le problème était législatif, administratif et social ; il a pris un autre dimension avec ce qu'il faut bien appeler un krach financier : le nouvel organisme, l'Institut national de recherches archéologiques préventives va accuser 27 millions d'euros de déficit en 2003, soit pour donner un ordre de grandeur la moitié de ce que le ministère a pu dégager comme augmentation du titre IV entre 2002 et 2004.

Enfin, le ministère pourrait bien avoir « mangé son pain blanc » par suite de l'épuisement de la marge de manoeuvre qu'il s'est donnée avec l'opération de vérité budgétaire de la précédente loi de finances et ce d'autant plus que les réserves que constituaient les stocks d'autorisations de programme non consommées et les reports de crédits de paiement sur les titres V et VI, ont été neutralisées par la régulation budgétaire.

Le réajustement des dotations intervenu l'année dernière, tout comme la modification partielle de la clé de traduction des AP en CP pour la rendre plus conforme aux habitudes de paiement, ont permis de desserrer la contrainte budgétaire au profit de facto des titres III et IV. Même si le patrimoine n'a pas été oublié avec l'augmentation très sensible des crédits d'entretien dans le projet de loi de finances pour 2003, c'est surtout le spectacle vivant et les dotations des établissements publics qui ont pu ainsi indirectement bénéficier de ce réajustement. Nul doute, que le procédé a atteint ses limites et qu'il va falloir pour l'avenir accentuer les redéploiements en cours afin de dégager de nouvelles marges d'action.

A. LES QUESTIONS DE STRUCTURE

Si la préparation de l'entrée en vigueur de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances se déroule de façon exemplaire, le ministère doit, parce qu'il prend sa part de l'effort de maîtrise des déficits, faire face à des difficultés de gestion à court terme.

1. Une exécution budgétaire en flux tendus

L'année dernière, pour la première fois depuis de nombreuses années, les crédits de paiement ont été dimensionnés à la hauteur des besoins compte tenu des crédits de reports disponibles. Le ministère avait ainsi délibérément rompu avec la pratique consistant à demander, pour des raisons d'affichage, plus de crédits qu'il n'était capable d'en dépenser .

Sur le plan administratif, le ministère a pris deux mesures énergiques : d'une part, il a modifié pour le chapitre 56-20 la clé d'attribution des crédits de paiement relatifs aux autorisations de programme qui s'étalent sur cinq ans (10/15/30/30/15) au lieu de quatre (25/30/30/15) ; d'autre part, il a mobilisé l'ensemble des DRAC autour de la question de la consommation des crédits.

On peut dire, à cet égard, que le ministère ait été victime de son succès. Compte tenu des efforts accomplis dans les conservations régionales des monuments historiques, les dotations pour 2003 en crédits de paiement se sont révélées calculées au plus juste, au point de déboucher en cette fin d'année sur des crises de paiement dans de nombreuses régions.

La situation est d'autant plus tendue et délicate que le ministère a dû trouver les moyens de faire face aux besoins budgétaires imprévus résultant à la fois de la nécessité de renflouer l'institut national de recherches archéologiques préventives, dont le déficit prévisionnel pour 2003 est estimé à 27 millions d'euros, et du soutien qui a dû être dégagé en urgence pour venir en aide aux festivals, dont l'équilibre financier avait été compromis par les manifestations d'intermittents du spectacle.

Votre rapporteur spécial s'est inquiété des chapitres sur lesquels ont été prélevées les ressources nécessaires. On peut craindre en effet, qu'une fois de plus, ce soit le patrimoine monumental qui fasse les frais de ces mesures de régulation budgétaire auto administrées. De fait, on peut s'attendre à ce que des mouvements interviennent en loi de finances rectificative pour abonder du titre III au détriment des titres V et VI.

Le climat créé par le rapport de M. Rémi Labrusse ainsi que par le rapport de la commission des finances, qui ont sans doute contribué à faire croire que le secteur du patrimoine monumental était atteint d'une incapacité structurelle à dépenser ses crédits, a incité le Gouvernement à surréagir.

Dans un tel contexte, il était donc logique -mais il faut le reconnaître quelque peu contradictoire-, à la fois de réduire les dotations, et d'encourager les opérateurs à ouvrir de nouveaux chantiers. C'était oublier que le secteur avait déjà connu, par le passé, des crises de paiement, et que ce n'était pas l'existence de reports importants qui permettait de l'en préserver.

Dès lors que les reports font l'objet d'une régulation budgétaire spécifique obligeant le ministère à reporter, en fin d'exercice, autant de crédits qu'ils en avaient reçus en début d'année, le « matelas » de crédits en stock pouvant justifier un calcul au plus juste des dotations, devient sans utilité et laisse donc les services concernés subir de plein fouet les effets des mesures de régulation budgétaires de l'année. Le ministère a dû accepter pour 204 millions d'euros de reports en 2003 , dont il essaye d'obtenir du ministère des finances le déblocage partiel à concurrence de 60 ou 80 millions d'euros, sachant que pour des raisons techniques, la charge nette supplémentaires sera moins importante, sans doute à peine plus de 30 millions d'euros, compte tenu des fonds de concours et des remontées de crédits non consommés pour des raisons techniques.

En tout état de cause, la seule réalité budgétaire incontestable reste celle des budgets exécutés . De ce point de vue, le tableau ci-dessous qui concerne les dépenses en capital permet de constater que l'on devrait, selon les prévisions communiquées par le bureau du budget du ministère, retrouver en 2003 et même dépasser le niveau élevé de 1997 pour se situer à plus de 100 millions d'euros au dessus du minimum atteint en 2000 .

2. De nouvelles perspectives pour le patrimoine monumental

Le Plan patrimoine annoncé par le ministre en septembre dernier, qui s'est substitué à la loi programme initialement annoncée, prévoit des mesures tant législatives que réglementaires destinées à lever certains blocages et à mieux associer les différentes collectivités territoriales à la protection et à la sauvegarde du patrimoine monumental.

La qualité des réflexions contenues dans le rapport de M. Jean-Pierre Bady sur la base duquel il a été élaboré -qui sont en parfaite continuité avec celles contenues dans les travaux de votre commission sur le patrimoine monumental-, tout comme la démarche expérimentale qui le caractérise, font de ce plan l'ossature de la nouvelle politique dont le patrimoine avait besoin.

Maintenant, si l'ampleur du changement envisagé suppose une certaine prudence, il ne faudrait pas prolonger à l'excès cette période de transition. Il convient de mettre en place le plus rapidement possible certaines réformes symboliques telles la modification du statut des architectes en chef des monuments historiques -le décret augmentant le nombre d'ACMH et ouvrant une possibilité de choix aux maîtres d'ouvrage est en cours d'élaboration- ou la constitution, au niveau des DRAC, de services patrimoniaux intégrés.

Tout retard dans la mise en oeuvre de la réforme, toute prolongation au delà du nécessaire des expérimentations, certes indispensables, mais dont on peut comprendre qu'elles puissent désorienter certains fonctionnaires, pourraient avoir un effet d'autant plus démobilisateur sur les services patrimoniaux de l'Etat et, en particulier, sur les équipes des conservations régionales des monuments historiques, que la réforme intervient dans une période d'incertitude budgétaire de nature à faire douter de l'engagement de l'Etat en faveur du patrimoine monumental.

Il est urgent de définir une nouvelle répartition des tâches entre les différents acteurs du patrimoine -CRMH, ACMH, corps d'inspection, etc...- de nature à les mobiliser pour le succès de la réforme en cours.

3. Des efforts de redéploiement budgétaire appréciables

Le ministère a été conduit, par la force des événements, à faire des redéploiements. Sous la pression budgétaire, il a dû trouver les ressources pour pratiquer « l'auto assurance » que lui impose le ministère des finances, ce qui démontre qu'il existe toujours, ou presque, des marges de manoeuvre budgétaires.

Pourtant, à moyen terme, on ne peut que s'inquiéter comme le faisait d'ailleurs le rapport d'audit que le ministre avait commandé au cabinet KPMG lors de son entrée en fonction, de la rigidité croissante du budget de la culture.

A cet égard, il conviendrait que le ministre fasse le point des efforts entrepris pour retrouver des marges d'action.

Après deux décennies d'expansion caractérisées par la création d'un grand nombre de nouveaux établissements, il faut se préparer à trouver non seulement les moyens de fonctionnement adéquats, mais encore à dégager les ressources nécessaires à la remise à niveau d'équipements déjà vieillissants. L'opération a été faite pour le premier d'entre eux, le Centre Georges Pompidou, mais il faut s'attendre à devoir procéder à des opérations de réhabilitation de même nature pour d'autres grands équipements nationaux.

Le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, a demandé à tous les ministres de définir avant le 1 er octobre 2003 une stratégie ministérielle de réforme, dont l'objet est d'amener chaque responsable à préciser les changements de structures qu'il compte opérer et notamment, les services qui pourraient être supprimés ou fusionnés. On ne peut, à cet égard, que rester perplexe devant l'opinion, souvent émise au sein des organes centraux, selon laquelle la décentralisation doit s'accompagner du renforcement des autorités de tutelle

Il conviendrait que le ministre expose, notamment dans la perspective de la décentralisation, les efforts qu'il a entrepris en matière de redéploiements des services, ainsi que les premiers résultats de la circulaire qu'il a adressée à chaque direction d'administration centrale, à chaque direction régionale des affaires culturelles ainsi qu'à chaque responsable d'établissement public pour leur demander de mettre en place un redéploiement de 10 % de leurs crédits de titre IV, d'ici à 2006 ou sur 3 ans.

4. Une contribution substantielle à l'effort national de maîtrise de l'emploi public

En matière d'emploi, le ministère de la culture a fait un effort considérable dans le budget pour 2004 en acceptant de réduire de 191 (150 titulaires et de 41 contractuels) le nombre de ses emplois inscrits au « bleu » Culture et communication .

En diminuant ses effectifs de 100 unités au niveau du tableau général des emplois figurant en annexe du projet de loi de finances par rapport à un chiffre total de 4756, le ministère de la culture apporte une contribution au rééquilibrage de plus de 2%, deux fois -et même trois fois si l'on raisonne en exécution- supérieure à ce qu'il représente dans le budget de l'Etat.

Ce satisfecit que la commission des finances se plait à souligner, ne l'empêche pas d'attirer l'attention du ministre sur une nécessaire vigilance, notamment en matière d'emplois précaires.

5. Une mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) satisfaisante

La mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), doit être l'occasion pour le ministère de se pencher sur son organisation et d'entreprendre des réformes de structures.

Il s'agit, avec ce texte, de donner une impulsion à un processus de réforme de l'Etat qui doit déboucher sur un accroissement de l'efficacité administrative. De ce point de vue, comme le ministre l'a indiqué, il faut veiller à ce que « le nouveau cadre budgétaire soit construit à partir des finalités d'actions de l'Etat, et non qu'il soit simplement calqué sur les structures administratives existantes ».

Le ministère a déjà défini les grandes lignes de ce nouveau cadre budgétaire dans un esprit salué notamment par la Cour des comptes lorsqu'elle est venue présenter son rapport sur l'organisation des services déconcentrés du ministère de la culture, le 10 juillet 2003.

En l'état actuel des choses, il est envisagé de structurer le budget de la culture en trois programmes :

- connaissance, préservation, enrichissement et promotion du patrimoine ;

- développement et diffusion de la création ;

- transmission des savoirs et démocratisation de la culture.

En outre, conformément à l'article 20.II de la loi organique précitée, le compte d'affectation spéciale n° 902-10, « soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie audiovisuelle » constitue, à lui tout seul, une mission spécifique .

Les trois programmes sont destinés à figurer au sein d'une seule et même mission, sans que le ministère de la culture envisage de participer à des missions interministérielles au sens de la LOLF, notamment dans le domaine de la recherche, par suite de la faiblesse des dotations considérées.

En termes financiers, le premier programme à vocation patrimoniale représenterait un peu plus d'un milliard d'euros, le second relatif à la création, presque 850 millions d'euros, le dernier, qui a trait à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture, 685 millions d'euros. Au total, ces trois programmes représenteraient respectivement 41,1 %, 31,6 % et 26,3 % du budget du ministère de la culture.

Ce schéma, qui fera l'objet de développements détaillés dans le corps du rapport, a été transmis au ministère des finances conformément au plan de validation qui doit aboutir pour la fin de cette année 2003.

Un certain nombre de points ne sont pas encore arrêtés et notamment les contours du programme 3 relatif à la transmission des savoirs qui inclut, par convention, la fonction support relevant aujourd'hui de la direction de l'administration générale.

Si votre rapporteur spécial estime qu'il faut féliciter le ministère d'être parmi les bons élèves de la classe « LOLF », il croit néanmoins devoir attirer l'attention du ministre sur un certain nombre de difficultés , d'ailleurs bien naturelles, compte tenu de la complexité de l'exercice et de la spécificité du domaine de la culture.

Une première question a trait aux conséquences administratives qui vont être tirées de la nouvelle architecture budgétaire . Chaque programme est subdivisé en actions correspondant à des directions ou organes assimilés du ministère. Il n'en reste pas moins que pour respecter la loi organique, chaque programme doit avoir à sa tête un responsable susceptible de rendre des comptes et donc d'avoir l'autorité qui est la contrepartie de sa position. Si la direction du patrimoine apparaît le chef de file naturel du programme 1, ce n'est pas le cas des autres instances pressenties pour assumer la responsabilité des deux autres programmes qui paraissent plus hétérogènes. En tout état de cause, il conviendrait de faire plus de place à terme à une organisation fonctionnelle par opposition à une approche organique calquée sur les directions existantes. Ce devrait d'ailleurs être le cas dans les Directions régionales des affaires culturelles.

Un deuxième souci est la mise en place d'indicateurs permettant d'apprécier les performances. Ils ne seront sans doute pas simple à mettre en oeuvre dans des domaines aussi qualitatifs, comme votre rapporteur spécial a pu le constater lorsqu'il s'est efforcé d'évaluer avec son collègue Paul Loridant, l'efficacité des aides au cinéma 1 ( * ) . Il faut à cet égard veiller à assurer l'homogénéité des critères de performances budgétaires avec ceux retenus dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens que devront signer, à la suite du Louvre, la plupart des grands établissements culturels. C'est aussi à ce niveau qu'il convient d'insister sur l'importance des procédures de contrôle de gestion, rendues nécessaires par la révolution que constitue la fongibilité asymétrique des crédits.

Enfin, on peut s'interroger sur la nécessité d'assurer une meilleure vision consolidée de l'action du ministère de la culture dans la mesure où celui-ci s'appuie sur un nombre de plus en plus important d'établissements publics pour mener ses politiques. C'est toute la problématique des opérateurs publics, dont on relève qu'elle n'est pas propre au ministère de la culture. Sans doute l'outil que devrait constituer les budgets opérationnels de programme, BOP, qui ne sont pas encore définis à ce stade de la procédure, devrait en partie du moins, pallier à ce défaut lisibilité.

* 1 « Revoir la règle du jeu - mieux évaluer l'efficacité des aides publiques au cinéma » n° 276 (2002-2003).

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