B. LES QUESTIONS PONCTUELLES

A côté de ces problèmes généraux, votre rapporteur spécial souhaite évoquer un certain nombre de questions qui appellent des précisions et des réponses du ministre.

1. Le « krach » de l'INRAP

Comme on l'a dit plus haut, lors du rappel de l'exécution budgétaire de 2003, l'Institut national de recherches archéologiques préventives va accuser 27 millions d'euros de déficit en 2003.

La situation financière de cet organisme ne devrait d'ailleurs pas se rétablir immédiatement, puisqu'il est encore prévu un déficit de 12 millions d'euros pour 2004. Au total, cet organisme devrait accuser en deux ans un déficit de près de 40 millions d'euros à comparer à un budget d'à peine plus de 100 millions d'euros.

Répondant à une première série de questions de votre rapporteur spécial, le ministère a fourni les explications suivantes à ce qui constitue un véritable krach :

- l'inadéquation du mode de calcul de la redevance qui favorisait les fouilles urbaines et renchérissait les fouilles en milieu rural, a une double conséquence : l'accélération des premières, qui étaient sous-facturées, et le gel des secondes par suite des protestations des personnes concernées par l'augmentation brutale des coûts archéologiques ;

- la réduction de 25 %, par l'article 105 de la loi de finances pour 2003 2 ( * ) , du montant de la redevance, acquittée par les redevables, justifiée sur le fond, a aggravé le déficit de l'organisme ;

- l'absence de contrôle des services des DRAC qui ont validé les demandes présentées par l'INRAP ;

- enfin, le recours massif de l'organisme à des contrats à durée déterminée pour faire face à la multiplication du nombre d'opérations.

A l'origine de cette situation financière catastrophique, il y a d'abord ce qu'il faut considérer comme des vices de conception du système mis en place par la loi du 17 janvier 2001 : la création d'un établissement public bénéficiant d'un monopole, d'une part, l'insuffisance et l'inadaptation de la redevance censée le financer, d'autre part.

Mais il y a aussi des défaillances de gestion qui concernent, elles, directement la commission des finances. Pourquoi les services archéologiques des DRAC ont-ils validé un nombre de prescriptions archéologiques en si forte croissance ? Pourquoi les responsables de l'établissement ont-ils pu créer jusqu'à 300 emplois en CDD avant que la « sonnette d'alarme » ne soit tirée ? Quelles sont les circonstances de fait qui expliquent que le conseil d'administration de l'INRAP ait mis autant de temps à se constituer et qu'il n'ait pas pu se réunir pendant les 20 premiers mois d'existence de l'établissement ? Voilà autant de questions qui doivent être tirées au clair.

2. Le soutien aux festivals et le développement du mécénat en faveur du spectacle vivant

La crise consécutive à la réforme du régime d'indemnisation chômage des intermittents du spectacle a durement frappé les festivals qui contribuent à la vitalité culturelle de notre pays.

Les pertes accusées à la suite des manifestations par un certain nombre de grands festivals ont nécessité des aides compensatrices dont le ministère de la culture a dû se donner les moyens par des efforts de redéploiements internes. C'est ainsi que « des aides spécifiques », dont le montant total n'est pas encore définitivement arrêté mais qui devraient être comprises entre 5 et 6 millions d'euros, ont « déjà été partiellement engagées » en faveur des manifestations les plus touchées.

Mais votre rapporteur spécial voudrait insister sur la nécessité de mettre en oeuvre le plus rapidement possible les dispositions introduites par la nouvelle loi du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations et même d'en étendre la portée.

D'une part, il faudrait que la nouvelle rédaction de l'article 238 bis du code général des impôts s'applique non seulement aux festivals mais également à tous les organismes publics ou privés ayant pour objet la présentation de spectacles vivants ou cinématographiques de bénéficier du mécénat d'entreprise à condition que leur gestion soit désintéressée.

Votre rapporteur spécial attire en outre l'attention du ministre sur la nécessité d'avoir une conception suffisamment souple de cette notion de « gestion désintéressée » pour ne pas priver la mesure de toute sa portée.

Il s'agit là, avec la nouvelle loi qui consacre la fin du monopole de l'Etat en matière d'actions d'intérêt général, d'un moteur puissant en faveur de la culture. Le suivi des mesures d'application de la loi du 1 er août 2003 doit faire partie des priorités du ministère de même que l'organisation d'une publicité adéquate sur les mesures quasi-révolutionnaires que comporte ce texte, et notamment en matière de mécénat d'entreprise, la substitution d'un mécanisme de réduction d'impôt, -au taux de 60 %- à un mécanisme de déduction de charges.

3. La relance de la Fondation du patrimoine

L'article 13 de la loi de finances pour 2003 a prévu à la suite d'un amendement de votre rapporteur spécial soutenu par votre commission des finances, l'affectation, à la Fondation du patrimoine, d'une fraction des revenus tirés par l'Etat des successions en déshérence.

Un accord a été trouvé sur le fond entre le ministère de la culture, la fondation du patrimoine et le ministère des finances, qui prévoit une augmentation progressive du pourcentage des recettes ainsi affectées au petit patrimoine.

Deux questions doivent être posées :

- d'une part, il reste à savoir quand le système entrera en vigueur, car le décret d'application n'est pas encore paru au Journal officiel privant cette institution des ressources sur lesquelles elle pouvait légitiment compter en 2003 à partir du moment où un accord avait été trouvé sur le fond dès la fin du printemps de cette année ;

- d'autre part, il semble important que l'Etat se rapproche de la Fondation du patrimoine et mette en place un cadre contractuel de nature à garantir aussi bien la qualité des interventions de cet organisme, ce qui va de soi, que la coordination de son action avec celle des services de l'Etat ou des collectivités territoriales concernées. C'est à ce prix que sera garanti la bonne utilisation des crédits ainsi affectés à un organisme à qui l'occasion est donnée de prouver que l'Etat n'a pas le monopole de l'intérêt général.

4. Une vigilance nécessaire en matière d'emplois précaires

La satisfaction manifestée plus haut en matière d'emploi n'empêche pas votre commission des finances de rester attentive. La part prise par la création incontrôlée de contrats à durée déterminée -CDD- dans les difficultés de l'INRAP souligne l'importance de l'enjeu des emplois dits « précaires ».

C'est ainsi que votre commission a relevé avec intérêt que le contrôle d'Etat des établissements publics culturels a attiré l'attention sur le risque de reconstitution, dans les établissements publics, administratifs, culturels, du « stock » des « vacataires permanents », c'est-à-dire des agents rémunérés sur crédits.

Il s'agit d'un domaine sensible qui avait été à l'origine de mouvements sociaux virulents en 1999, ce qui avait conduit le gouvernement d'alors à engager à la fois une politique de résorption de l'emploi précaire et à mettre en place un certain nombre de « verrous » à l'augmentation de ces catégories de personnels.

La circulaire du 15 octobre 1999 rappelle ainsi que l'emploi d'agents sur crédits est strictement limité aux trois cas mentionnés à l'article 6 modifié de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 : service à temps incomplet, besoins occasionnels ou besoins saisonniers.

Les personnels sur crédits constituent toujours une part importante des effectifs des établissements publics administratifs culturels : 780 équivalents temps plein (ETP) pour les huit établissements étudiés, soit 16 % de l'ensemble des effectifs.

Si leur nombre décroît, notamment dans les grands établissements comme le Louvre ou la Bibliothèque Nationale de France, le contrôle financier souligne les risques de dérives toujours possibles.

Il semble d'une part, considérer que la circulaire ministérielle n'est pas assez rigoureuse en ce qui concerne les emplois à temps complet, et d'autre part que les recrutements occasionnels ou saisonniers peuvent aboutir à une augmentation des personnels considérés dans la mesure où, après un délai qui peut être fort court, les personnes concernées peuvent être réemployées dans le même établissement. Il y a là une source d'instabilité sociale dans la mesure où les intéressés se sentiront, après quelques années, fondés à exprimer des revendications, notamment en matière de rémunération.

5. La diversification opportune des aides au cinéma

Votre rapporteur spécial relève que les crédits du compte d'affectation spéciale 902-10 « soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie audiovisuelle » augmentent de plus de 26 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004. Cette croissance tient pour une large part, plus de 16 millions d'euros, à la ligne 08 « taxe sur les encaissements réalisés au titre de la commercialisation des vidéogrammes ». Il s'agit là de la mise en oeuvre de la mesure, souhaitée par la profession, d'aménagement de l'assiette et des modalités de perception de la taxe sur les DVD.

Favorable à la mesure, votre rapporteur spécial n'en avait pas moins conclu qu'il était souhaitable de modifier les mécanismes d'aides au secteur du cinéma. Avec son collègue Paul Loridant, il avait notamment suggéré que l'on mette en place, à côté de l'aide fondée sur le nombre d'entrées-salles, un nouveau mécanisme prenant en compte d'autres critères et, notamment, des variables de nature comptable.

Aussi, doit-on se féliciter de ce que le ministère de la culture ait obtenu de celui des finances un accord de principe sur la création d'un crédit d'impôt qui est destiné à favoriser la localisation des tournages en France et à venir ainsi en aide à des industries techniques en grande difficulté . Tout juste pourrait-on souhaiter, précisément, que ce mécanisme, qui prend place à l'article 62 bis du présent projet de loi de finances, prenne aussi en compte le phénomène de l'accroissement abusif des rémunérations de certains talents. Ainsi, aboutira-t-on à un système d'aide aux entreprises à caractère mixte permettant de modérer les tendances inflationnistes du système d'aides actuel.

L'article 49 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, au plus tard huit jours francs à compter de la date de dépôt du projet de loi de finances. Cette date était donc le 9 octobre 2003.

A cette date, 95 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

* 2 On peut remarquer que la mesure n'avait pas bénéficié de la levée du gage, qui était une taxe additionnelle à la taxe sur les conventions d'assurance prévue à l'article 991 du code général des impôts.

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