CHAPITRE IV :
L'ABANDON PROGRESSIF DES AIDES A LA PIERRE POUR LE LOGEMENT PRIVÉ AU PROFIT DES MESURES FISCALES

I. LES AIDES POUR L'ACCESSION A LA PROPRIÉTÉ « RECENTRÉES »

A. LE PRÊT À TAUX ZÉRO : MALGRÉ D'EXCELLENTS RÉSULTATS, UNE FORTE RÉDUCTION DES MOYENS

1. Un dispositif d'une grande utilité

Votre commission des finances a mis en évidence ces dernières années que ce sont les flux d'accession à la propriété qui, tant dans le neuf que dans l'ancien, ont permis la bonne tenue du secteur de la construction et de l'entretien.

La reprise constatée dans la construction aidée en 1999 (141.000 logements mis en chantier contre 127.000 en 1998) s'est expliquée uniquement par la progression du prêt à taux zéro ; la construction locative sociale demeurant atone jusqu'à cette date.

Une mission a été confiée en 2001 à l'Inspection Générale des Finances, au Conseil Général des Ponts et Chaussées et au directeur de l'Agence Nationale d'Information sur le Logement (ANIL) sur le prêt à taux zéro.

Les conclusions de cette mission ont confirmé tout l'intérêt du prêt à taux zéro, tant du point de vue social qu'économique.

Les conclusions de la mission d'inspection sur le prêt à taux zéro

Une mission avait été confiée en 2001 à l'Inspection Générale des Finances, au Conseil Général des Ponts et Chaussées et au directeur de l'Agence Nationale d'Information sur le Logement (ANIL) sur le prêt à taux zéro.

Les conclusions de cette mission montraient tout l'intérêt du prêt à taux zéro, tant du point de vue social qu'économique.

D'un point de vue social, la cible visée a été atteinte : 75 % des bénéficiaires ont des ressources au plus égales à 2,5 SMIC en 2001 et bénéficient de 80 % des subventions versées ; plus de 60 % sont ouvriers ou employés ; par ailleurs, ce prêt contribue à la mobilité dans le parc locatif, puisque 85 % des accédants avec un prêt à taux zéro sont d'anciens locataires (dont 20 % de locataires HLM) ; enfin 61 % des bénéficiaires ont entre 25 et 35 ans.

D'un point de vue économique, ce prêt, réservé aux opérations neuves de construction ou d'achat, ou présentant un fort pourcentage de travaux a contribué à améliorer la situation du secteur du bâtiment . Le nombre d'opérations déclenchées par le seul prêt à taux zéro a pu représenter jusqu'à 20.000 opérations par an (créant de l'ordre de 15.000 emplois) ce qui a permis d'apporter une réponse efficace à la crise de la construction observée au début des années 1990. La création du prêt à taux zéro a ainsi évité de passer sous 250.000 mises en chantier en 1996 et 1997 et a soutenu par la suite la remontée vers le seuil de 300.000 mises en chantier annuelles.

De plus, l'effet de levier du dispositif a pu être évalué à environ 2,5 ce qui veut dire que les 800 millions d'euros de subventions versées sur l'année ont généré 2 milliards d'euros d'activité. Il convient de souligner le caractère exceptionnellement élevé de ce coefficient pour un investissement public (les valeurs généralement observées sont en effet voisines de 1).

2. Un dispositif pourtant réduit ces dernières années

Depuis 1997, de nombreuses mesures ont été prises pour limiter le coût du prêt à taux zéro.

En octobre 1997, les prêts à taux zéro ont été restreints aux primo-accédants. Un arrêté du 29 décembre 1999 a plafonné la subvention de l'Etat et un arrêté du 29 septembre 2000 a réduit la période de remboursement des prêts. Depuis 1997, aucune revalorisation des plafonds de ressources n'a eu lieu , ce qui a eu pour conséquence de « sortir » plusieurs milliers d'accédants demandeurs potentiels du prêt à taux zéro.

De fait, le nombre de prêts à taux zéro s'est fortement réduit depuis 1997, passant de 123.000 prêts émis à 102.000 . Les deux premiers trimestres de 2003 montreraient une tendance à la baisse assez marquée (de l'ordre de 7 %). Les effets de la dégradation de l'activité économique expliquent sans doute cette accentuation de l'érosion du produit. Le gouvernement avait annoncé une légère embellie en 2003 (103.000 prêts émis) qui n'aura vraisemblablement pas lieu.

Nombre de prêts à taux zéro

année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

PTZ émis

145 000

123 000

111 200

126 266

111 000

102 000

101 323

PTZ mis en force

117 900

129 150

109 200

116 858

112 169

101 893

102 124

B. UNE RÉFORME QUI VISE À « RECENTRER » LE PRÊT

1. Les propositions de votre commission des finances allaient plutôt vers un renforcement du prêt à taux zéro

Votre commission des finances estimait l'an dernier qu'il convenait de renforcer le prêt à taux zéro, notamment en milieu urbain, en étudiant le rôle spécifique des collectivités territoriales.

Elle notait par ailleurs que le rapport de la mission d'évaluation sur le PTZ proposait de nouvelles pistes d'amélioration.

La principale problématique est celle de l'élargissement du prêt à taux zéro à l'acquisition dans l'ancien . L'obstacle auquel se heurte l'élargissement à l'ancien du prêt à taux zéro est toutefois le coût budgétaire très élevé de cette mesure : en 1996, l'abaissement de la quotité de travaux à 20 % a ainsi coûté près de 260 millions d'euros.

D'autres mesures peuvent être envisagées :

- soit créer une aide permettant aux accédants modestes de réaliser les travaux de mise aux normes des logements qu'ils acquièrent dans l'ancien mais la création d'un tel dispositif a un coût important (de l'ordre de 300 millions d'euros) et doit être considérée en lien avec les subventions de l'ANAH ;

- soit abaisser la quotité de travaux nécessaire pour obtenir un prêt à taux zéro uniquement dans les zones tendues en remplaçant celle-ci par un montant de travaux minimal de l'ordre de 15.000 euros ; cette mesure d'un coût plus réduit (de l'ordre de 61 millions d'euros) permettrait d'avoir une action pour développer l'accession sociale en milieu urbain.

Malgré les contraintes budgétaires actuelles, votre rapporteur spécial souhaitait que ces pistes de travail soient explorées et que soit notamment tenu compte de l'action et de l'expérience de certaines grandes villes, qui renforcent le prêt à taux zéro.

2. Le gouvernement a choisi de contenir le champ d'application du prêt à taux zéro

De nouvelles économies sont prévues sur le prêt à taux zéro en 2004.

Le prêt à taux zéro (PTZ) est ainsi « recalibré » :

- en positif avec l'allongement de la durée du différé de remboursement pour les ménages disposant des revenus les plus bas (inférieurs à 2 SMIC, c'est à dire au plafond de la deuxième tranche du barème), cette disposition étant cependant en partie compensée par le raccourcissement de la durée concernant les ménages ayant les plus hauts revenus du barème 8 ( * ) ;

- en négatif avec la modification des règles de prise en compte des ressources.

Jusqu'à présent, il était tenu compte des revenus perçus les deux années avant la demande du prêt.

Or, dans la population des titulaires de prêt à taux zéro en 2002, l'augmentation moyenne des revenus constatée entre n-2 et n s'élève à 25 % pour l'ensemble des tranches du barème et même à 68 % pour les ménages situés en tranche 1.

Il a donc été décidé de prendre comme référence les revenus connus les plus récents, ceux de n-1, comme le font les établissements de crédit dans l'octroi du prêt principal.

Cette mesure vise plus particulièrement les personnes entrant dans la vie active, qui étaient non imposables ou faiblement imposables en raison de leur statut d'étudiant en année n-2. Il s'agit donc d'éliminer une forme « d'effet d'aubaine », même si cet effet avait l'avantage de donner une incitation à de jeunes ménages à accéder à la propriété rapidement.

Il faut noter que ce « recalibrage » est particulièrement fort, puisque les dotations au prêt à taux zéro chuteront d'environ un tiers. Même s'il faut tenir compte des économies de constatation liées à la baisse des taux d'intérêt, il ne pourra pas ne pas avoir d'effet sur le nombre total de prêts distribués et sur l'accession sociale à la propriété, dont un rapport d'inspection avait pourtant démontré l'intérêt.

* 8 Un arrêté vient de paraître le 16 octobre 2003 : il allonge la durée du différé de remboursement pour les deux premières tranches du barème (revenu fiscal de référence inférieur à 15.793,86 euros) mais raccourcit cette même période, parfois sensiblement, pour les quatre autres tranches du barème.

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