II. L'AIDE AU LOGEMENT LOCATIF PRIVÉ SOUS CONTRAINTE

A. L'ACTIVITÉ DE L'AGENCE NATIONALE D'AMÉLIORATION DE L'HABITAT EN BAISSE RÉGULIÈRE MALGRÉ DE NOUVELLES COMPÉTENCES

1. Un décroissance de l'activité amorcée dans la loi SRU

Après avoir sensiblement progressé en 2000, l'activité de l'ANAH dans son ensemble a diminué en 2001 et en 2002.

 

ANAH

PAH (1)

TOTAL

 

Nombre de dossiers agréés et non annulés

Nombre de logements subventionnés

Nombre de logements subventionnés

Nombre de logements du parc privé subventionnés

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

52 478

48 557

48 595

50 634

54 250

59 767

56 191

111 223

126 446

111 795

107 574

111 187

118 414

135 542

127 682

178 385

55 909

72 510

66 623

69 419

77 414

80 184

72 046

63 380

182 355

184 305

174 197

180 606

195 828

215 726

199 728

178 385

(1) A compter de 2002, nombre de logements, occupés par leur propriétaire, subventionnés par l'ANAH.

Le niveau atteint en 2002 est inférieur à celui de la période 1996-1999, qui avait déjà marqué un « creux » d'activité.

L'an dernier, le ministère expliquait que la diminution du nombre de logements subventionnés par l'ANAH en 2001 par rapport à 2000 s'expliquerait notamment par le fait que les commissions de l'agence ne se sont pas réunies pour agréer des dossiers en décembre 2001.

La très forte diminution constatée en 2001 était due pour partie à une diminution du nombre d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) et surtout à la non tenue des commissions en décembre, mois au cours duquel est habituellement engagé le plus grand nombre de dossiers en OPAH où se trouve la plus grosse part des opérations conventionnées.

En réalité, la chute du nombre de logements conventionnés s'est poursuivie et même accentuée en 2002.

En 2002, le nombre de dossiers agréés a quasiment doublé du fait de la prise en charge par l'agence de la gestion des dossiers des propriétaires occupants. 47.838 dossiers ont été agréés au titre des aides versées aux propriétaires bailleurs et 63.385 dossiers ont été agréés au titre des aides versées aux propriétaires occupants.

La répartition du nombre de logements subventionnés en 2002 est respectivement de 115.005 logements subventionnés pour les propriétaires bailleurs et 63.380 logements subventionnés pour les propriétaires occupants.

2. Les critiques de la Cour des comptes

L'ANAH a fait l'objet, comme l'ensemble de la politique de réhabilitation des logements privés, de critiques significatives de la Cour des comptes.

La Cour des Comptes a publié en effet dans son rapport public annuel 2000 les résultats de son enquête sur les subventions de l'Etat pour l'amélioration de l'habitat privé conduite auprès de vingt-neuf directions départementales de l'équipement (DDE) et de vingt délégations locales pour l'ANAH, qui, selon ses termes, fait ressortir que :

- le niveau insuffisant de connaissance du parc privé et des besoins exprimés ne permet toujours pas de disposer des informations indispensables à la mise en oeuvre efficace d'une politique à moyen terme d'aide aux propriétaires privés ;

- les modalités d'attribution de ces aides restent peu lisibles et ne sont pas exemptes d'anomalies ;

- outre l'évolution du parc et la multiplication des dispositifs d'aides, l'extension des allégements fiscaux mis en oeuvre depuis quelques années pour les propriétaires privés, tant bailleurs qu'occupants, notamment l'abaissement du taux de TVA de 20,6 % à 5,5 % à compter du 15 septembre 1999 pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien, éclairent désormais d'un jour nouveau ces dispositifs de subventions dont l'excessive complexité rend la gestion malaisée.

Les observations de la Cour  sur les aides au logement privé

1 - Des études notoirement insuffisantes : tant à l'administration centrale du ministère du logement que dans les DDE, « la connaissance du parc privé est diffuse, partielle, empirique et de qualité insuffisante. Cette situation contraste avec la connaissance qu'a le ministère de l'état du parc locatif social. » En ce qui concerne l'habitat privé non locatif, hormis les enquêtes nationales sur le logement, la DGUHC n'a fait réaliser depuis 1994 que trois études sur les copropriétés en difficulté. Aucune étude ou enquête n'a été effectuée sur les demandeurs ou les bénéficiaires de la PAH. L'administration centrale n'a globalement qu'une connaissance très lacunaire du parc à améliorer. Jusqu'à une période très récente l'ANAH n'a pas eu non plus de politique claire en ce qui concerne les études à mener, sauf pour des sujets techniques tels que l'amiante ou le saturnisme. Au niveau local, la connaissance par quelques DDE du profil des bénéficiaires des aides résulte essentiellement d'une initiative spontanée de leur part.

2 - Une appréciation incomplète des attentes en matière d'amélioration des logements . La notion de « confort » telle qu'exploitée par l'INSEE résulte des normes prévues par la loi du 12 juillet 1967 relative à l'amélioration de l'habitat et définies par son décret d'application du 9 novembre 1968. Ces normes minimales de confort, qui datent de plus de trente ans, n'apparaissent donc plus comme des références appropriées pouvant fonder des actions d'amélioration des logements. Les problèmes actuels de l'habitat ancien sont, de fait, sous-estimés. Il en est notamment ainsi des copropriétés dégradées.

3 - Une politique « dépourvue d'objectifs clairs » : Les aides à l'habitat privé, notamment la PAH, ne sont que très marginalement évoquées dans la circulaire de l'Etat, sauf ponctuellement comme les actions contre l'amiante et le plomb mentionnées dans la circulaire pour 1999. La circulaire de l'ANAH comporte entre six et huit priorités qui ne sont pas assorties d'objectifs chiffrés, même indicatifs, à court ou moyen terme. Au surplus, leur rang change presque chaque année.

4 - Un système complexe : une agence sans autonomie, l'instruction des dossiers souffre de plusieurs faiblesses (un système informatique de gestion ancien et peu sécurisé, une analyse souvent sommaire des pièces des dossiers et des travaux à réaliser ; un contrôle insuffisant du respect des contreparties à l'obtention des financements). Le demandeur a parfois des difficultés à s'orienter dans le maquis des aides à l'amélioration des logements. De nombreuses collectivités territoriales et organismes de protection sociale interviennent aujourd'hui en complément ou en alternative des actions de l'Etat.

5 - Les subventions de l'ANAH semblent n'avoir qu'un effet limité sur le marché du logement : leur impact sur les vacances ne paraît pas déterminant, hormis l'effet psychologique induit par la création de la prime à la vacance de 1995 à 1997. L'effet d'aubaine ne paraît pas négligeable pour la PAH comme pour les primes de l'ANAH. Le mécanisme fiscal est donc devenu l'instrument le plus massif et le plus simple d'aide aux propriétaires privés.

6 - La question du maintien des aides de l'ANAH est posée depuis la baisse du taux de TVA à 5,5 %, sauf à les réserver à des opérations très sociales comme les PST ou à des opérations d'amélioration cohérentes, globales et simultanées dans des périmètres précis, comme les OPAH.

3. Des abondements budgétaires inutiles

Depuis que, par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, l'intervention de l'ANAH a été étendue au financement des travaux réalisés par les propriétaires-occupants, les moyens qui lui ont été accordés ont connu une baisse sensible.

Les parlementaires ont été à plusieurs reprises amenés à proposer d'abonder la ligne budgétaire.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, nos collègues députés ont adopté à l'Assemblée nationale un amendement pour revaloriser de 30 millions d'euros en AP/CP le budget de l'ANAH.

Cependant, l'exécution réelle du budget, notamment les annulations et gels de crédits, a conduit à effacer complètement ces initiatives, puisque, après annulations, la dotation de l'ANAH aura été réduite de 9 % en crédits de paiement et 15 % en autorisations de programme. La baisse atteint même respectivement 27 % et 20 % si l'on tient compte des gels (qui devraient cependant être débloqués).

B. UNE DOTATION 2004 QUI TIENT DE LA SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE SI ELLE EST EXÉCUTÉE

1. Une gestion 2003 très difficile

Compte tenu de l'expérience des deux dernières années, la dotation affectée à l'ANAH pour 2004 tient plutôt de la sincérité budgétaire que de la réduction réelle de moyens.

Il n'en reste pas moins que la contrainte de moyens à laquelle est soumise l'ANAH réduit ses capacités réelles d'intervention comme en témoigne la baisse constante de logements subventionnés par l'agence.

Par ailleurs, le nombre de dossiers en attente augmente fortement.

Au 1 er janvier 2003, le nombre de dossiers en instance était de 17.744 dossiers qui se répartissent pour 4.898 dossiers propriétaires bailleurs, soit un montant estimatif de 29,56 millions d'euros et pour 12.846 dossiers propriétaires occupants soit un montant estimatif de 25,37 millions d'euros.

(en millions d'euros)

Situation au :

Nombre de dossiers en instance

Montant

1 er janvier 1995

1 er janvier 1996

1 er janvier 1997

1 er janvier 1998

1 er janvier 1999

1 er janvier 2000

1 er janvier 2001

1 er janvier 2002

1 er janvier 2003

10 997

5 536

6 091

5 057

5 426

4 302

2 400

4 464

17 744

71,96

37,65

42,08

33,54

38,11

25,92

15,24

29,27

54,93

Il semble donc que la gestion budgétaire de l'année 2003 ait été particulièrement heurtée pour l'ANAH, avec une distorsion croissante entre le nombre de dossiers éligibles à des subventions de l'agence et les crédits réellement disponibles.

2. Un nouveau « ciblage » des aides de l'ANAH

Le gouvernement a souhaité que l'ANAH cible ses interventions sur les domaines qu'il juge prioritaires : développement d'un parc privé à vocation sociale, lutte contre les logements insalubres et prise en compte du développement durable. Une modification de la réglementation concernant les travaux éligibles aux subventions de l'ANAH est donc en cours et devrait permettre en 2004 de diminuer cette distorsion entre les demandes et les moyens.

Par ailleurs, il faut rappeler que des mesures significatives ont été prises à compter de 2002 pour « adapter » l'intervention de l'agence.

De 1994 à fin 2001, les taux de subvention n'avaient pas été modifiés.

- le taux applicable dans le secteur diffus était fixé à 25 % ;

- dans les OPAH, ce taux était porté à 35 % si le propriétaire acceptait de conventionner le logement. Depuis juillet 1994, il pouvait être porté à 40 % si une collectivité locale apportait une subvention complémentaire au moins égale à 5 % ce qui portait au total le taux de subvention à 45 % ;

- dans les programmes sociaux thématiques (PST) destinés à réhabiliter les logements que le propriétaire s'engage à louer à des personnes défavorisées, ce taux de subvention de l'agence pouvait atteindre 70 %.

- à compter du 1 er septembre 2000, les travaux sur les parties communes des copropriétés faisant l'objet d'un plan de sauvegarde étaient financés à 50%.

Le nouveau régime financier des aides de l'ANAH

Depuis janvier 2002, un nouveau régime financier des aides de l'ANAH a été mis en place.

Les nouveaux taux, pour l'essentiel, sont les suivants :

- le taux de base a été fixé à 20 % pour les propriétaires bailleurs et les propriétaires occupants ;

- le taux d'aide pour les logements conventionnés a été relevé de 35 % à 50 % dans les zones à marché tendu (le zonage retenu est celui relatif aux zones éligibles aux prêts locatifs intermédiaires (PLI)) ;

- un taux d'aide a été créé pour les logements intermédiaires (35 %) dans les mêmes zones à marché tendu ;

- des taux fortement majorés ont été mis en place pour les travaux sur parties communes, aussi bien pour les propriétaires occupants que pour les propriétaires bailleurs, pour régler des situations d'insalubrité, de péril ou encore pour intervenir dans des copropriétés dégradées ;

- un taux d'aide majoré (35 %) est appliqué pour les propriétaires occupants très sociaux ;

- pour les propriétaires bailleurs et les propriétaires occupants, des taux très favorables (70 %) ont été mis en place sur des montants plafonnés pour des priorités techniques telles que le traitement du saturnisme ou l'adaptation des logements à des personnes à mobilité réduite.

Source : DGUHC

Il n'en reste pas moins que le choix est clairement fait de réduire le périmètre d'intervention de l'Agence, qui s'explique sans doute par les suites du rapport de la Cour des comptes qui avait mis en cause l'efficacité de la politique menée par cet établissement public mais aussi par la prise en compte, avec retard, de l'impact de la réduction du taux de TVA pour les travaux dans les logements d'habitation, dont le coût est significatif pour l'Etat (de l'ordre de 3 milliards d'euros par an).

En conclusion votre rapporteur spécial comprend la nécessité de maîtriser la dépense publique. Il souhaite cependant que la dotation de l'ANAH ne connaisse plus les « coups d'accordéon » qu'elle a enregistrés en 2003 et que les crédits qui sont annoncés dans le budget 2004 soient le plus proches possible de la dotation qui sera réellement versée à l'agence l'an prochain. Il en va de la lisibilité de l'action publique et du respect des engagements pris à l'égard des propriétaires-bailleurs et occupants lorsqu'ils sont éligibles aux aides de l'agence. Il importe enfin que les moyens que l'ANAH consacre aux OPAH soient préservés, en tant qu'un des objectifs prioritaires de l'agence.

C. LA BAISSE DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES S'EXPLIQUE EN GRANDE PARTIE PAR LA MONTÉE EN CHARGE DES MESURES FISCALES

1. La prolongation de la TVA à taux réduit pour la rénovation des logements

La directive européenne du 22 octobre 1999 a autorisé les Etats membres à appliquer à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2002 un taux réduit de TVA à certains services à forte intensité de main-d'oeuvre.

Mis en place en 2000 pour une période expérimentale de trois ans pour développer l'emploi et lutter contre le travail au noir, ce régime a permis aux neuf Etats membres qui en ont fait la demande d'appliquer des taux réduits de TVA sur une liste de services énumérés à l'annexe K de la directive précitée.

La France a fait pleinement usage des facultés offertes par la directive puisqu'elle a décidé d'ouvrir le bénéfice du taux réduit à trois secteurs dont les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur les locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans . Cette mesure est entrée en vigueur le 15 septembre 1999.

La directive du 22 octobre 1999 faisait obligation à tout Etat-membre qui en utilise les facultés de mener une évaluation , à l'issue de l'expérimentation, en termes de créations d'emplois et d'efficience. Cette évaluation devait concrètement se traduire par la remise d'un rapport à la Commission européenne, avant le 1 er octobre 2002.

La France a remis son rapport le 8 octobre 2002.

Ce rapport conclut que, s'agissant des services à domicile, la baisse de la TVA a permis d'augmenter le chiffre d'affaires du secteur de 130 millions d'euros entre 2000 et 2001 et de créer 3.000 emplois.

Concernant le logement privé, le secteur de la rénovation aurait enregistré une progression de 14 % de son chiffre d'affaires entre 1999 et 2001 et une augmentation de l'emploi de 8,6 %. La réduction du taux de la TVA aurait augmenté le chiffre d'affaires annuel de 1,3 à 1,5 milliard d'euros et le nombre d'emplois salariés créé aurait été de 40.000 à 46.0000, parmi lesquels un tiers proviendrait de la régularisation de travail au noir. Enfin, 75 % de l'avantage fiscal aurait été répercuté sur les prix.

Les évaluations du rapport remis par la France à la Commission européenne, octobre 2002

Impact sur les prix : des incertitudes

S'agissant des travaux d'entretien et d'amélioration des logements , le calcul a été fait à l'aide de l'indice des prix de l'entretien-amélioration calculé par le ministère de l'équipement (IPEA). Le rapport conclut à une éventuelle répercussion dans les prix à la consommation la première année mais que cette répercussion aurait été ensuite captée par les producteurs par une augmentation de leurs marges.

Effet sur la croissance du secteur : 1,3 à 1,5 milliard d'euros pour le logement

Les autorités françaises ont utilisé deux approches pour le logement : une analyse des déclarations périodiques de TVA et un modèle économétrique. La première approche estime la demande supplémentaire adressée au secteur de la construction à 1,5 milliard d'euros en 2001. La deuxième méthode explique l'évolution de l'activité du secteur entretien et amélioration par l'évolution du PIB, des prix hors taxes du secteur et une composante saisonnière. Tout ce qui n'est pas expliqué par ces variables est considéré comme provenant de la mesure TVA. L'impact de la mesure est alors chiffré à 1,3 milliard d'euros.

Effets sur l'emploi : 40.000 à 46.000 pour le logement ; 3.000 pour les services à domicile

S'agissant du logement , une première évaluation de l'effet de la baisse de la TVA est effectuée à l'aide d'un modèle macro-économique (METRIC) qui estime à 40.000 le nombre d'emplois nouveaux générés à long terme Un autre évaluation utilise le ratio d'emplois par chiffre d'affaires. Il s'agit de lier le nombre d'emplois créés à l'augmentation du chiffre d'affaires. L'hypothèse émise est qu'il faut une augmentation du chiffre d'affaires de 45.735 euros pour une nouvelle embauche. Cette méthode amène donc à un nombre d'emplois créés plus élevé (46.000).

Lutte contre le travail au noir : un tiers du surcroît de chiffre d'affaires

S'agissant des travaux effectués dans les logements, un tiers du surcroît de chiffre d'affaires est, a priori, attribué à l'effet de la mesure sur la diminution de l'économie souterraine. Cette appréciation semble cependant purement empirique, ne pouvant être étayée par un modèle...

Source : rapport de la Commission européenne SEC 2003-622

La Commission européenne a publié son rapport 9 ( * ) , accompagné d'un document de travail 10 ( * ) , le 2 juin 2003.

Le rapport de la Commission européenne estime que, s'agissant des objectifs poursuivis par la réduction du taux de TVA, à savoir le fait d'augmenter l'emploi et de réduire l'économie souterraine, « l'examen attentif des résultats de l'expérience ne permet pas d'affirmer que ces deux objectifs ont été atteints ».

Dans l'ensemble, les conclusions du rapport sont peu favorables à la prolongation de l'expérience. La Commission européenne a toutefois adopté, le 23 juillet 2003, une proposition de modification de l'annexe H de la directive du 17 mai 1977.

La proposition de la Commission fait de l'annexe H la seule base juridique pour déroger au taux normal. Dès lors, tous les autres régimes seraient supprimés et les domaines correspondants bénéficiant d'un taux réduit qui le justifient intégrés dans une nouvelle annexe H modifiée.

Pour ce qui concerne les services ayant fait l'objet d'une expérimentation, et malgré un rapport peu concluant, les domaines dans lesquels la France a choisi d'appliquer le taux réduit de TVA seraient pérennisés.

Ainsi, l'annexe H regrouperait trois régimes applicables dans le domaine du logement en une seule catégorie , qui couvre la livraison, la construction, la transformation, la rénovation, la réparation, l'entretien et le nettoyage de logements, ainsi que la location de logement dans le cas où cette prestation n'est pas exonérée.

Cette proposition, si elle était adoptée, pérenniserait la faculté d'appliquer des taux réduits à la rénovation et la réparation de logements privés et, d'autre part, au lavage de vitres et au nettoyage de ces mêmes logements.

Ainsi, l'article 12 du présent projet de loi de finances pérennise la mesure de TVA à taux réduit en faveur de la rénovation du logement, sous condition de l'accord de l'Union européenne. Il sera en effet nécessaire qu'un accord intervienne avant la fin de l'année sur la modification de l'annexe H de la directive du 17 mai 1997.

2. La relance du dispositif en faveur du logement locatif neuf

L'article 91 de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat instaure un nouveau dispositif d'amortissement locatif. Les innovations majeures portent sur l'augmentation des plafonds de loyers et la suppression des plafonds de ressources des locataires pour les investissements neufs réalisés à compter du 3 avril 2003.

En outre, ce dispositif prévoit :

- l'extension du bénéfice de l'amortissement aux acquisitions de logements anciens qui ne satisfont pas aux caractéristiques des logements décents et qui font l'objet d'une réhabilitation permettant de rapprocher, après travaux, leurs caractéristiques de celles d'un logement neuf ;

- l'extension aux locations déléguées pour faciliter les investissements dans les résidences pour les étudiants et les personnes âgées ;

- et l'adaptation de la réglementation en faveur des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI).

Selon le ministère, ce nouveau dispositif permettra de créer une offre locative nouvelle importante d'au moins 50.000 logements locatifs par an , 40.000 en construction neuve et 10.000 en rénovation de logements anciens dégradés. Grâce à des loyers plafonds plus conformes au marché, ces logements seront construits ou rénovés dans les zones où les besoins sont les plus forts, là où les gens ont le plus de difficultés aujourd'hui pour trouver à se loger.

3. Des mesures fiscales qui doivent être complétées

Notre collègue Marcel-Pierre Cléach 11 ( * ) est l'auteur d'un récent rapport d'information sur le logement locatif, dont un chapitre est consacré à la fiscalité.

Ses préconisations rejoignent parfaitement les propositions faites les années précédentes par la commission des finances :

- suppression de la contribution sur les revenus locatifs (ex-taxe additionnelle au droit de bail) 12 ( * ) ;

- maintien du logement dans le parc locatif en cas de succession 13 ( * ) (droits de succession réduits de moitié à la condition que l'héritier s'engage à maintenir le logement dans le parc locatif pendant une période de neuf ans avec un loyer maîtrisé) ;

- augmentation du taux de la déduction forfaitaire , fixé à 14 % depuis 1997 14 ( * ) .

Il faut rappeler, au-delà de ces propositions, que le Sénat a voté l'an dernier une hausse ciblée mais significative de la déduction forfaitaire (de 25 à 40 %) pour le régime locatif en faveur de l'investissement intermédiaire dans l'ancien .

- réforme du régime des plus-values immobilières . Cette réforme figure à l'article 5 du présent projet de loi de finances 15 ( * ) . Il s'agit d'une réforme qui vise à aligner le régime des plus-values immobilières sur celui des plus-values mobilières, en fixant un taux d'imposition proportionnel de 16 %. La durée pour exonérer le bien immobilier est réduite de 22 ans à 15 ans grâce à un abattement de 10 % à compter de la cinquième année.

En conclusion, votre rapporteur spécial estime que la mise en place du nouveau régime fiscal en faveur du logement locatif neuf et du logement ancien réhabilité constitue une mesure bienvenue pour desserrer les contraintes actuelles du marché locatif et relancer la construction. Comme l'a très bien souligné notre collègue Marcel-Pierre Cléach, cette disposition devrait cependant être complétée par des mesures pour le segment « intermédiaire » du marché , qui connaît des tensions incontestables en termes d'offre et de prix. Le Sénat a adopté l'an passé un relèvement de 25 % à 40 % de la déduction forfaitaire pour le régime en faveur du logement locatif intermédiaire dans l'ancien, mais le zonage et les plafonds de loyers sont encore dissuasifs pour les investisseurs. Un nouvel équilibre devrait être trouvé, de même que pour les prêts locatifs intermédiaires (PLI) sur lesquels le gouvernement travaille.

Il faut espérer que le prochain projet de loi relatif au logement permettra d'approfondir la question du logement locatif intermédiaire.

4. Des mesures spécifiques sont d'autant plus importantes que le logement est un bien non délocalisable et fortement taxé

Selon les comptes du logement (édition 2003), la totalité des prélèvements fiscaux relatifs au logement en 2001 s'élève à 38 milliards d'euros.

Les impôts portant en tout ou partie sur le logement sont essentiellement les suivants (cette liste n'est pas exhaustive) :

- taxe d'habitation : 11,3 milliards d'euros ;

- taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB): 18,6 milliards d'euros ; la part relative des bases de TFPB se rapportant au logement est de 68 % ;

- taxe sur les logements vacants (TLV) : 44,6 millions d'euros ;

- contribution sur les revenus locatifs : 576 millions d'euros ;

- impôt sur le revenu (IR) et impôt de solidarité sur la fortune (ISF): la base imposable précise qui se rapporte au logement ne peut être exactement cernée du fait de l'agrégation des montants dans les cases des déclarations.

- droits de mutation à titre gratuit et à titre onéreux : il n'est pas possible de distinguer au sein des droits communs à 3,6 % ceux qui relèvent du logement stricto sensu .

* 9 Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Expérience de l'application d'un taux de TVA réduit sur certains services à forte intensité de main-d'oeuvre, 2 juin 2003 (SEC (2003) 622).

* 10 Document de travail des services de la Commission, Rapport d'évaluation sur l'expérience de l'application d'un taux de TVA réduit sur certains services à forte intensité de main-d'oeuvre, 2 juin 2003 (COM (2003) 309 final.

* 11 Rapport d'information n° 22 (2003-2004) « Logement, pour un retour à l'équilibre ». Commission des affaires économiques du Sénat.

* 12 Votre commission des finances avait proposé et le Sénat avait adopté cette suppression, de manière progressive, dans le projet de loi de finances rectificative pour 1998. La CRL a apporté 576 millions d'euros au budget de l'Etat en 2002, ce qui en fait une ressource importante pour le budget de l'Etat.

* 13 Il s'agit ici de reprendre une mesure adoptée à l'initiative de votre commission des finances appliquée temporairement en vertu de l'article 23 de la loi de finances rectificative pour 1995.

* 14 La dernière augmentation du taux de déduction forfaitaire avait été obtenue sur l'initiative de votre commission des finances. Depuis, aucune nouvelle augmentation générale n'a eu lieu en raison de son coût élevé (un point de déduction forfaitaire = 45 millions d'euros).

* 15 Le commentaire détaillé de cet article figure dans le rapport général de notre collègue Philippe Marini.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page