II. UNE TRANSFORMATION ACCÉLÉRÉE DES ACTEURS ET DE L'ENCADREMENT DU TRANSPORT AÉRIEN

A. LE DÉVELOPPEMENT DES COMPAGNIES « LOW COST »

Dans le contexte de crise du transport aérien consécutif aux attentats du 11 septembre 2001, le paysage du transport aérien se trouve profondément bouleversé. Les compagnies « low-cost » se développent de manière importante sur l'ensemble du territoire européen, grâce à des prix très inférieurs à ceux pratiqués par des grandes compagnies nationales.

Ainsi, le nombre de passagers transportés par des compagnies aériennes « low cost » en Europe est passé de 10 millions en 1998 à environ 22 millions en 2001, les prévisions pour l'année 2002 faisant état de plus de 28 millions de passagers.

Le patron de Ryanair, la plus importante compagnie « low cost » en Europe, estime que sa compagnie deviendra la cinquième en Europe (derrière British Airways, Lufthansa, Air France et KLM) dès l'année 2004, avec environ 14 millions de passagers transportés.

Une étude portant sur « l'impact des compagnies aériennes low-cost à l'horizon 2010 », réalisée par le cabinet de consultants « Mercer Management Consulting », considère que l'expansion des compagnies aériennes low cost sur le marché européen pourrait se révéler couronnée de succès, et que ces compagnies pourraient quintupler leur part de marché d'ici à 2010.

Le modèle des compagnies « low cost » repose sur trois principes :

- un produit simple : pas de nourriture servie gratuitement à bord, espace limité entre les sièges, libre choix des places, absence de programme de fidélité, classe unique à bord des appareils ;

- des liaisons point-à-point : concurrence directe avec les autres modes de transport (voiture, train, avion), utilisation des aéroports régionaux, absence de correspondances ;

- de faibles charges d'exploitation : salaires et charges aéroportuaires moins élevés, flottes homogènes effectuant des rotations plus fréquentes, forte productivité, flexibilité du personnel, frais généraux peu élevés, structures commerciales limitées grâce au développement de la vente directe ou en ligne.

On notera que le succès des compagnies « low cost » favorise le développement des aéroports régionaux : le faible niveau des redevances attire les compagnies aériennes, qui espèrent par ailleurs bénéficier de facilités particulières, prétextant l'impact touristique et commercial de l'ouverture de lignes nouvelles pour la région d'implantation de l'aéroport.

Votre rapporteur spécial considère qu'en tout état de cause, l'émergence des compagnies low cost contribuera à accélérer la restructuration du marché du transport aérien actuellement en cours en Europe.

B. UNE HARMONISATION CROISSANTE DU TRANSPORT AÉRIEN DANS LE CADRE DE L'UNION EUROPÉENNE

Le transport aérien fait l'objet d'une harmonisation croissante au niveau de l'Union européenne.

1. Le « ciel unique européen »

En 1998, les ministres des transports des quinze pays européens avaient donné mandat à la Commission européenne pour adhérer à Eurocontrol, dont 31 pays sont adhérents. Cette adhésion a été ratifiée le 8 octobre 2002.

En 2003, tous les États membres de l'Union européenne, ainsi que 21 des 25 États de la future Union élargie sont membres de Eurocontrol.

L'adhésion de l'Union européenne à Eurocontrol constitue un changement important, puisque les standards de matériels et de prestations adoptés par cet organisme ont désormais force de loi pour les membres de l'Union. Par ailleurs, lorsque la Commission européenne sera mandatée par les Etats membres pour les représenter, son poids sera tel qu'elle bénéficiera de facto de la majorité qualifiée au conseil d'Eurocontrol. La commission européenne pourra donc aisément faire adopter une politique en matière de contrôle aérien et la faire traduire en réglementation technique dans le cadre d'Eurocontrol. La seule limite concerne les vols militaires, que cette institution n'a pas vocation à réglementer.

2. Les arrêts de la CJCE du 5 novembre 2002

Le Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a rendu, le 5 novembre 2002, une série d'arrêts qui laissent augurer de profonds changements dans le secteur aérien.

La CJCE a jugé que les accords de « ciel ouvert » conclue entre 8 pays de l'Union (Pays-Bas, Allemagne, Autriche, Luxembourg, Belgique, Danemark, Suède, Finlande). Si la France ne fait pas parti des états condamnés, elle s'est trouvée engagée peu après dans une procédure identique suite à l'accord aérien passé avec les Etats-Unis le 18 juin 1998.

Dans ces affaires, la Commission soutenait que les États membres n'étaient pas fondés à négocier des accords aériens bilatéraux et que, de surcroît, ces accords contenaient des clauses contraires aux normes communautaires. Les services de la DGAC évoquent à ce sujet « la clause de propriété et de contrôle, qui réserve les droits de trafic aux compagnies aériennes majoritairement détenues et effectivement contrôlées par les Parties ou leurs ressortissants ».

Si la CJCE n'a pas remis en question la compétence des Etats pour négocier et conclure des accords bilatéraux, elle a estimé que les clauses de propriété et de contrôle figurant dans ces accords étaient contraires à la liberté d'établissement. Or, comme il apparaît que ces clauses figurent dans tous les accords bilatéraux, ces arrêts ont une portée qui dépasse le cadre des relations avec les Etats-Unis.

Suite à ces arrêts, la Commission européenne a agi en deux temps. Elle a tout d'abord estimé que les États membres devaient lui confier un mandat d'ensemble permettant de négocier les droits de trafic avec les Etats-Unis. Cette demande a été accueillie avec circonspection par les différents pays, tant que les conditions de mise en sécurité juridique des accords bilatéraux existants ainsi que le contenu des nouvelles clauses de propriété et de contrôle conformes au droit communautaire n'étaient pas définies, ce qui a été finalement le cas lors du Conseil des ministres du 5 juin 2003.

A cette occasion, il a été décidé :

- d'accorder à la Commission un mandat de négociation avec les Etats-Unis pour la création d'un « espace ouvert de l'aviation » entre l'Europe et les Etats-Unis ;

- de créer de nouvelles clauses de propriété et de contrôle conformes au droit communautaire.

Par ailleurs, une déclaration commune définissant le « droit d'établissement » en matière aérienne, ainsi qu'un accord politique sur un projet de règlement visant à instituer un droit de regard de la Commission sur les négociations bilatérales menées par les Etats membres ont été votés.

Les négociations entre la Commission européenne et les Etats-Unis commenceront à l'automne 2003. La France souhaite que ces négociations soient l'occasion pour les deux parties de s'entendre sur une harmonisation des conditions de concurrence. La Commission a pour sa part exprimé le souhait d'étendre son mandat aux négociations avec d'autres pays, comme l'Australie ou le Japon. En ce qui concerne les accords bilatéraux en cours, et qui seraient contraires au droit communautaire, les Etats doivent s'efforcer de les modifier dans les plus brefs délais. Concrètement, ces modifications auraient pour effet de permettre, sans conditions de nationalité, à toute compagnie communautaire établie dans un Etat membre d'être désignée pour des services aériens entre cet Etat et les pays tiers.

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