II. LE BUDGET POUR 2004 : LES EFFETS ENCORE TÉNUS D'UN CHANGEMENT D'ORIENTATION

A. LES EFFECTIFS DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L'ETAT DIMINUENT LÉGÈREMENT

En 2003 , rompant avec les créations massives d'emplois dans la fonction publique qui précédaient, le nouveau gouvernement avait décidé du statu quo . La baisse des effectifs engagée était en effet symbolique : elle ressortait, pour l'ensemble des ministères civils, à 1.089 emplois , soit 0,06 % des effectifs budgétaires de l'Etat , et moins de 2 % des départs en retraite prévus en 2003. Cette baisse recouvrait les principaux mouvements suivants :

• justice : + 1.924 emplois ;

• intérieur : + 1.864 emplois ;

• enseignement supérieur : + 836 emplois ;

• équipement : - 747 emplois ;

• économie, finances et industrie : - 1.361 emplois ;

• jeunesse et enseignement scolaire : - 3.412 emplois.

Pour 2004, la baisse annoncée, sans être substantielle, est plus significative : il est prévu une diminution de 4.561 emplois budgétaires , soit 0,2 % des effectifs budgétaires de l'Etat, et guère plus de 8 % des quelques 55.900 départs en retraite d'agents civils qui devraient avoir lieu en 2004. Cette baisse recouvrait les principaux mouvements suivants :

• justice : + 2.199 emplois ;

• intérieur : + 739 emplois ;

• agriculture: - 326 emplois ;

• équipement : - 1.021 emplois ;

• économie, finances et industrie : - 2.002 emplois ;

• jeunesse et enseignement scolaire : - 3.550 emplois.

Compte tenu des indications données par le gouvernement concernant les économies à attendre des différentes hypothèses de non remplacement ( infra ), cette baisse présenterait moins de 116 millions d'euros d'économies en année pleine, soit guère plus de 0,1 % des charges de fonction publique.

Il est à noter que le niveau de cette réduction d'effectifs se situe très en deçà de l'objectif général, évoqué dans un premier temps, du non remplacement d'un départ en retraite sur deux, même s'il a pu être atteint au sein de certains ministères : économie, finances et industrie, équipement et agriculture principalement.

Votre rapporteur spécial observe toutefois que la diminution de 4.561 emplois se double de l' inscription sur postes budgétaires de 48.796 emplois d'assistants d'éducation et d'enseignants non titulaires de l'enseignement scolaire , au titre de « mesures d'ordre ». Ainsi, des personnels sont habituellement recrutés sans figurer parmi les effectifs budgétaires, et il peut être décidé, à tout moment, de mettre fin à l'irrégularité de cette situation.

La portée d'une baisse des effectifs budgétaires est à relativiser si l'on peut s'autoriser, parallèlement, à des recrutements qui échappent à toute comptabilisation budgétaire , bien que susceptibles de donner lieu ultérieurement à des « mesures d'ordre », en général, favorablement accueillies, puisqu'elles signifient le retour à la transparence des effectifs.

Fort heureusement, la nouvelle « mesure d'ordre » vaut aussi pour l'avenir, car il a été décidé que désormais, les assistants d'éducation les enseignants non titulaires de l'enseignement scolaire, devront toujours figurer sur des postes budgétaires. Seuls les emplois jeunes, en extinction, et les assistants de langue des maternelles, qui occupent essentiellement des étudiants, pourront continuer à être payés « sur crédit ».

D'une façon générale, il est cependant constant que l'évolution du nombre des emplois budgétaires reflète imparfaitement celle des emplois réels.

L'observatoire de l'emploi public a dressé l'inventaire des causes expliquant les divergences entre emploi public et emploi budgétaire, auxquelles, en tout état de cause, la pleine application de la loi organique du 1 er août 2001 devra bien mettre un terme.

Les explications du décalage entre les effectifs réels et les emplois budgétaires

Les emplois budgétaires décrits en loi de finances initiale sont les emplois permanents à temps complet autorisés par celle-ci. Les facteurs expliquant le décalage entre cette autorisation budgétaire et les effectifs réels sont notamment les suivants :

• des éléments échappent en partie aux gestionnaires de personnel : le temps partiel (un emploi budgétaire peut être occupé par plusieurs personnes à temps partiel), et les vacances de postes (certains emplois budgétaires peuvent ne pas être pourvus, suite au départ de leur titulaire, jusqu'au recrutement d'un nouvel agent sur cet emploi) ;

• des éléments visent à introduire une certaine souplesse dans l'exécution budgétaire : des surnombres peuvent ainsi être accordés en cours d'année par les contrôleurs financiers (on autorise ainsi un dépassement temporaire de l'effectif budgétaire), ainsi que des gages (utilisation d'un emploi à la place d'un autre). De même, les transferts d'emplois entre ministères en cours d'année contribuent à alimenter le décalage pour un ministère entre l'effectif budgétaire en début d'année et l'effectif réellement payé en cours d'année ;

• enfin, les limites de l'autorisation budgétaire elle-même expliquent le décalage entre effectif budgétaire et réel : les crédits permettant de rémunérer des personnels temporaires ne sont pas présentés sous forme d'emplois budgétaires. Or les personnels correspondants doivent naturellement être compris dans l'effectif réel payé.

Source : ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Ainsi, il peut être avancé, par ailleurs, que les nombreux départs à la retraite à venir sont susceptibles de favoriser une augmentation du nombre des vacances de postes, ce qui entraînerait une baisse des effectifs réels plus importante que celle découlant des suppressions d'emploi annoncées.

B. EN MATIÈRE DE PENSIONS, LE BUDGET NE PEUT ENCORE ENREGISTRER LES EFFETS DE LA RÉFORME DES RETRAITES

La progressivité avec laquelle entreront en vigueur les différentes mesures de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites visant à contenir l'augmentation du besoin de financement des régimes de la fonction publique a pour effet de rendre, pour 2004 , quasiment insensibles les gains qui en résulteront.

Il convient en revanche de mentionner deux mesures prises dans le cadre de la compensation vieillesse 14 ( * ) , effectives à compter de 2003, dont les incidences financières méritent d'être précisée.

D'une part , pour le calcul des compensations, il est désormais tenu compte des cotisations d'assurance vieillesse versées au nom des chômeurs par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) à la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), dont les effectifs seront ainsi majorés du nombre des chômeurs, ce qui paraît d'ailleurs logique. Dès lors, la CNAV améliore sensiblement son rapport démographique 15 ( * ) , ce qui a pour effet de détériorer la situation démographique du régime de l'Etat par rapport aux autres régimes. En conséquence, en 2003, la compensation annuelle versée par l'Etat-employeur a baissé de 270 millions d'euros.

D'autre part , un plan triennal vise à faire passer le « taux de surcompensation » de 30 % en 2002 à 21 % en 2005. Ce taux se trouve ainsi ramené de 27 % pour 2003 à 24 % en 2004, ce qui entraîne deux effets. Premièrement, une nouvelle baisse en 2004 des transferts de la CNRACL 16 ( * ) (qui connaît de graves difficultés) vers certains régimes spéciaux, nécessitant à due concurrence une augmentation des subventions de l'Etat vers ces régimes. Deuxièmement, une diminution des transferts de surcompensation de l'Etat-employeur aux régimes spéciaux subventionnés. Au total, il en ressort un surcoût net pour l'Etat de 140 millions d'euros en 2004 (qui succède à un surcoût de 130 millions d'euros en 2003) , compte tenu de l'augmentation des dotations aux régimes spéciaux subventionnés (mines, SNCF, et marins pour l'essentiel).

Or, en 2005, au terme du plan triennal, ce sont environ 400 millions d'euros de charges nouvelles pour le budget de l'Etat qui sont attendus de cette deuxième mesure .

Ainsi, si ces deux mesures ont engendré, pour 2003, une baisse de 15,9 % des transferts du régime de l'Etat vers les autres régimes, qui étaient budgétisés à hauteur de 2,29 milliards d'euros en 2003, ces transferts se trouvent déjà en hausse de 1,5 % pour 2004, s'établissant à 2,32 milliards d'euros.

Il est probable que dès 2005, la baisse de 2003 sera ainsi plus que gagée par l'augmentation des subventions de l'Etat à destination de certains régimes spéciaux du fait de la baisse programmée de 2003 à 2005 du taux de surcompensation, destinée à un redressement de la situation financière de la CNRACL dans le cadre d'un effort partagé.

* 14 Ce mécanisme de solidarité vise en particulier à compenser les différences de situation démographique existant entre les régimes ; le régime de l'Etat bénéficiant d'un rapport démographique (égal au nombre de cotisants sur le nombre de retraités) comparativement plus favorable que les autres régimes, il est contributeur net dans le cadre de ces transferts.

* 15 Le rapport démographique est égal au nombre de cotisants sur le nombre de retraités.

* 16 Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

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