D. L'AGRÉGAT 11 « ENSEIGNEMENT PRIMAIRE PUBLIC »

1. La composition et les missions de l'agrégat

Cet agrégat regroupe l'ensemble des moyens que le ministère consacre, conformément au partage des compétences entre l'Etat et les communes, à l'enseignement primaire public (enseignements préélémentaire, élémentaire et spécialisé). Les crédits alloués à cet agrégat (pour 99,996 % des dépenses de fonctionnement) représentent 19,3 % de l'ensemble du budget de l'enseignement scolaire. Ils s'élèvent à 10,72 milliards d'euros en 2003, soit une progression de 2,8 % par rapport à 2003.

Il convient toutefois de rappeler que financement de l'enseignement primaire est assuré pour une large part par les communes , qui assurent les travaux de construction, la rénovation, le fonctionnement matériel et l'entretien des écoles, ainsi que la restauration scolaire, notamment en rémunérant les personnels techniques et de service, pour un coût total (y compris l'enseignement privé) de 8,84 milliards d'euros en l'an 2000.

Le tableau ci-après retrace l'évolution de la répartition du coût de l'enseignement primaire.

Evolution des coûts des différentes composantes de l'agrégat « enseignement primaire public » 122 ( * )

(en millions d'euros)

 

1999

2000 123 ( * )

2001

2002

(est.)

2003

Evolution des coûts 1999/2003 (en %)

Evolution du nombre des élèves 1999/2003 124 ( * ) (en %)

Enseignement préélémentaire

2.991

3.078

3.134

3.196

3287

+ 9,9

+4

Dont personnels

2.974

3.054

3.099

3.145

3.241

+9,0

 

Hors personnels

17

24

35

51

46

 
 

Enseignement élémentaire

6.473

6.637

6.816

7.011

7.149

+ 10,4

- 2,9

Source : PLF 2004

Ce tableau suggère que la répartition des moyens sur la période 1999-2003 aura été plus favorable à l'école primaire qu'à l'école maternelle. En les rentrées 1999 et 2003, les effectifs concernés (c'est à dire les élèves scolarisés dans l'enseignement public) devraient pourtant progresser de 4 % (de 2,20 millions à 2,30 millions) dans les écoles maternelles publiques, mais baisser de 3 % (de 3,48 millions à 3,38 millions) dans les écoles primaires publiques (enseignement spécialisé inclus).

Ce phénomène s'explique pour partie par les conséquences de la reprise démographique de la fin des années 1990, dont les effets différés ont d'abord touché l'école maternelle dès l'an 2000, avant d'atteindre l'école primaire à partir de 2003, mais il reflète aussi le défaut, jusqu'à une période récente, d'orientations claires pour l'enseignement préélémentaire, notamment pour la préscolarisation à deux ans hors ZEP, dont les moyens ont souvent constitué une variable d'ajustement, certaines académies démographiquement peu dynamiques conduisant des politiques volontaristes d'ouverture de classes afin de conserver des emplois, l'IGAENR observant d'ailleurs à cet égard dans son rapport général pour 2002 que « ces politiques volontaristes ne sont pas toujours suivies d'effets », faute notamment de toujours « rallier les familles » à leurs objectifs. La proportion d'élèves préscolarisés à deux ans variait ainsi à la rentrée 2002 de un à huit entre les académies (cf. le tableau ci-après), et de un à dix huit entre les départements d'une même académie (71 % en Ardèche, contre 4 % en Haute-Savoie dans l'académie de Grenoble), sans que ces écarts ne reflètent toujours des choix culturels différents de la part des parents, ni la proportion d'élèves en ZEP.

A titre d'illustration, on peut ainsi signaler qu'à sa question relative aux suites données à un rapport de l'IGEN de janvier 2000 portant état des lieux de l'école maternelle, la commission des finances du Sénat s'est vue répondre en 2001 que ce rapport n'était pas public, puis, en 2002 : « la réponse faite à la question en 2001 était sans doute insuffisamment précise ; non seulement le rapport ... n'a pas été rendu public, mais il n'a pas été transmis à l'administration, qui n'a donc pu envisager la mise en oeuvre des recommandations qu'il pouvait contenir », enfin, cette année « le ministère chargé de l'éducation nationale confirme la réponse apportée [l'an passé] : non seulement [ce rapport] n'a pas été rendu public, mais il n'a pas été transmis à l'administration, qui n'a donc pas pu envisager la mise en oeuvre des recommandations qu'il pouvait contenir ».

Ce rapport soulevait pourtant des questions essentielles, comme celles de l'inadéquation de la formation des enseignants et des projets d'établissements (notamment pour les classes d'enfants de 2 et 3 ans), et de la fréquentation irrégulière de certaines classes , notamment pour les enfants issus de familles en grande difficulté sociale et le samedi matin, ce qui conduisait la mission à « s'interroger sur l'influence des équipes pédagogiques en ce domaine ».

Taux de scolarisation à deux ans et effectifs d'enfants de deux ans

( par académie aux rentrées 2000, 2001 et 2002)

 

Taux de scolarisation

Effectif estimé

Académie

2000

2001

2002

2000

2001

2002

AIX-MARSEILLE

28,9

26,8

22,9

8900

8500

7600

AMIENS

34,5

32,4

30,4

8500

8200

7800

BESANCON

34,9

32,5

30,8

4800

4600

4500

BORDEAUX

33,8

34,2

29,2

10700

11100

10000

CAEN

40,3

38,7

36,5

7100

6800

6700

CLERMONT-FERRAND

51,9

49,4

47,5

7000

6900

6800

CORSE

21,2

19,3

18,3

600

500

500

CRETEIL

22,5

22,0

16,1

12600

12500

9700

DIJON

33,8

32,0

29,3

6100

5800

5500

GRENOBLE

22,6

21,4

19,4

8200

7800

7600

LILLE

63,8

63,1

61,8

34700

34500

35300

LIMOGES

40,4

39,9

37,3

2600

2700

2700

LYON

49,8

48,7

44,3

18000

17800

17100

MONTPELLIER

38,6

40,0

36,1

9900

10500

9700

NANCY-METZ

35,9

35,5

33,7

9800

9600

9500

NANTES

50,5

49,6

46,3

20600

20800

21100

NICE

17,2

12,8

12,3

3600

2700

2700

ORLEANS-TOURS

26,1

26,6

24,4

7600

7800

7500

PARIS

11,2

10,3

8,2

2500

2400

2000

POITIERS

47,4

46,9

42,8

8500

8600

8100

REIMS

44,4

44,4

41,8

7200

7300

7200

RENNES

65,6

62,6

59,8

23200

22400

22600

ROUEN

24,0

22,6

21,3

5500

5200

5100

STRASBOURG

13,3

15,1

15,0

2900

3400

3400

TOULOUSE

45,9

46,6

43,6

13000

13300

13400

VERSAILLES

16,1

17,5

16,1

11600

12800

12400

FRANCE METROPOLITAINE

35,4

34,7

32,0

255 600

254 300

246 600

GUADELOUPE

20,3

19,0

18,8

1300

1400

1400

MARTINIQUE

40,2

35,7

34,0

2100

2000

1900

GUYANE

3,2

2,4

2,4

100

100

100

REUNION

16,8

14,3

15,2

2300

2000

2200

D.O.M.

19,7

17,4

17,3

5700

5500

5500

FRANCE METRO. + DOM

34,8

34,0

31,4

261 300

259 800

252 100

Estimations, source : ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche

De même, la commission des finances du Sénat n'a pas obtenu de réponse ni en 2002, ni en 2003, à la question, pourtant essentielle, des transferts de charges entre administrations publiques (Etat, collectivités locales, caisses d'allocations familiales) résultant d'un taux de préscolarisation plus ou moins élevé.

2. Les objectifs et les indicateurs assignés à l'agrégat

L'enseignement primaire public se voit assigner des objectifs d'efficacité socio-économique, de qualité du service et d'efficacité de la gestion.

a) Les objectifs et indicateurs d'efficacité socio-économique

Les objectifs d'efficacité socio-économique sont les suivants :

- « centrer les enseignements sur la maîtrise des acquis fondamentaux », les indicateurs associés étant les résultats des évaluations nationales en CE2 et en 6 ème , ainsi que la proportion d'élèves en retard.

Ce dernier indicateur soulève une difficulté, dans la mesure où il reflète davantage les pratiques des écoles que le niveau des élèves.

Cependant, l'introduction, au premier rang, de cet objectif, répond aux préconisations de la commission des finances du Sénat qui déplorait l'an passé « l'absence parmi les objectifs d'efficacité socio-économique de tout objectif ou tout indicateur ou relatif à l'évolution des performances des élèves , depuis la disparition de l'objectif, retenu jusqu'en 2001, consistant à améliorer l'acquisition des connaissances fondamentales (les indicateurs associés étant alors les performances en français et en mathématiques) » 125 ( * ) .

Les indicateurs de niveau scolaire en CM2 et en 6 ème sont en effet cruciaux, puisque les destins scolaires des élèves apparaissent statistiquement surdéterminés par leurs performances aux évaluations nationales à ce niveau : un retard scolaire ou un niveau faible à l'entrée en 6 ème « permettent rarement d'accéder au baccalauréat ou à l'enseignement supérieur » 126 ( * ) .

- « favoriser l'apprentissage d'une langue étrangère à l'école primaire » 127 ( * ) , les indicateurs associés étant, comme l'an passé, le nombre d'élèves suivant un enseignement de langue vivante étrangère par niveau d'enseignement ;

- « diversifier les pratiques pédagogiques », les indicateurs associés à cet objectif étant le nombre d'élèves par micro-ordinateur et le taux d'écoles ayant accès à internet , ainsi que le nombre de classes à projet artistique et culturel.

Cet objectif résulte en fait de la fusion de deux objectifs retenus l'an passé consistant respectivement à « développer les bases d'une culture scientifique par une rénovation de l'enseignement des sciences et de la technologie » et à « diversifier la formation artistique et culturelle ».

Quoique l'on puisse de féliciter de cette concaténation, qui hiérarchise davantage les priorités, cet objectif et les indicateurs associés appellent ainsi des remarques similaires à celles de l'an passé.

En premier lieu on peut s'étonner de l'affichage d'un objectif relatif à l'équipement des écoles en matière de nouvelles technologies de l'information appliquées à l'enseignement, alors qu'il s'agit là d'un domaine de compétence partagé , il est de vrai de manière un peu floue, entre l'Etat et les collectivités locales. En effet, la réalisation de l'objectif fixé par le gouvernement le 14 mai 2003 (un ordinateur pour trois élèves en 2007, contre un pour quinze élèves en 2004) reposera largement sur les collectivités locales.

Inversement, on peut s'étonner qu'aucun objectif semblable ne soit assigné à l'enseignement secondaire.

Enfin, les indicateurs proposés ne donnent qu'un reflet flou des équipements effectivement à la disposition des élèves, puisque peuvent par exemple être comptés pêle-mêle les ordinateurs en état de marche dans les classes pour des usages purement pédagogiques, les ordinateurs à la disposition exclusive des directeurs d'école pour la gestion administrative, ainsi que des équipements obsolètes.

En matière d'informatique dans l'enseignement scolaire, les problèmes les plus aigus semblent d'ailleurs concerner davantage la maintenance et les usages pédagogiques que l'équipement 128 ( * ) , sauf pour les lycées professionnels , relativement sous dotés selon le rapport de l'IGEN pour 2002 qui concluait à cet égard 129 ( * ) que « ce déficit d'équipement est d'autant plus choquant qu'il prive les enfants concernés de l'accès aux médias de la cyberculture, eux qui précisément ont rarement le privilège d'en disposer en famille ».

Dans son rapport public particulier d'avril 2003 sur la gestion du système éducatif, la Cour des Comptes observait ainsi :

« Le développement de l'informatique, dans le domaine de la gestion comme dans celui de la pédagogie, illustre les difficultés administratives auxquelles sont confrontés les EPLE. Ce développement repose en effet sur des financements multiples et rarement coordonnés et aucune règle ne fixe précisément les compétences des services académiques, des collectivités et des établissements eux-mêmes en matière de maintenance et surtout de renouvellement des équipements. Dans ce domaine, les établissements apparaissent souvent démunis, d'autant que, mis à part les grands lycées dotés de sections technologiques, ils disposent rarement des personnels spécialisés nécessaires au suivi d'un parc informatique qui peut être considérable. Cette confusion n'incite guère à la rigueur comptable et administrative, comme en témoigne l'exemple d'un lycée où figuraient à l'inventaire 375 ordinateurs, alors qu'il en existait 404, dont 263 destinés au rebut ».

De même, l'IGAENR concluait dans son rapport général pour 2002 130 ( * ) que « l'accent mis, presque exclusivement pour le moment, sur la question des équipements masque l'absence de réflexion pédagogique sur l'usage qui pourrait en être fait » 131 ( * ) .

b) Les objectifs et indicateurs de qualité du service

Les objectifs relatifs à la qualité du service sont désormais les suivants :

- « développer l'accueil des très jeunes enfants vivant dans un environnement social défavorisé », conformément à l'article 2 de la loi d'orientation sur l'éducation de 1989, l'indicateur associé étant le taux de scolarisation des enfants de 2 ans dans les ZEP-REP.

Il convient de souligner que la pertinence de la scolarisation à deux ans, qui constitue une particularité française, ne fait pas l'unanimité des psychologues, et que les liens entre scolarisation précoce et performances scolaires sont complexes (cf. encadré).

Cependant, la scolarisation précoce des enfants représente quoi qu'il advienne une aide appréciable pour les familles puisqu'elle est, de loin, le mode de garde le moins onéreux, aussi bien pour les familles que pour la collectivité. A l'instar de la Cour des Comptes dans son rapport particulier d'avril 2003 sur la gestion du  système éducatif, on peut donc déplorer que l'écart entre le taux de préscolarisation en ZEP-REP (40 %) et la moyenne nationale (35 %) soit faible et stable ;

Le lien entre l'âge d'entrée à l'école maternelle et les performances scolaires

La direction de la programmation et du développement (DPD) du ministère de l'Education nationale conduit depuis 1997 des travaux sur un panel de 8.661 écoliers nés en 1991.

En 1998, la DPD avait ainsi publié une étude sur les compétences de ces élèves au moment de l'entrée en classe préparatoire, selon laquelle :

- l'entrée précoce en école maternelle débouchait sur des compétences significativement plus élevées, notamment dans le domaine de la familiarité avec l'écrit ;

- cet effet était plus prononcé aux deux extrémités de l'échelle sociale, c'est à dire pour les enfants de cadres d'un côté, pour les enfants d'ouvriers, de l'autre ;

- l'influence positive de la scolarisation à deux ans était plus prégnante pour les écoles élémentaires classées en ZEP .

La DPD a cependant rendu public dans le n°60 de sa revue Education & formations daté de juillet-septembre 2001 de nouveaux résultats issus du même panel. Les principales conclusions de cette nouvelle étude, qui bénéfice d'un recul supplémentaire, puisque les enfants concernés ont désormais dix ans, sont les suivantes :

- les chances d'accéder au CE2 sans redoubler sont d'autant plus grandes que l'élève est entré précocement à la maternelle ;

- cependant, la différence entre les enfants scolarisés à deux ans et leurs camarades entrés à l'école maternelle à trois ans est faible ;

- en revanche, le petit nombre d'écoliers entrés à l'école maternelle après trois ans rencontre des difficultés relativement marquées ;

- la scolarisation à deux ans a peu d'effet sur les inégalités sociales de réussite et ce sont les enfants de cadres et les élèves étrangers ou issus de l'immigration qui semblent en tirer le plus grand bénéfice ;

- en termes de déroulement de carrière scolaire, la scolarisation à deux ans ne semble pas avoir d'effet sur les écoliers de ZEP.

- « assurer un appui pédagogique renforcé ou un soutien aux élèves de classes préparatoires » , l'indicateur associé étant le nombre d'élèves bénéficiant d'un appui pédagogique lourd ou d'un soutien (notamment dans le cadre des classes de CP « dédoublées »).

Cet objectif, qui s'inscrit dans le cadre de la lutte contre l'illettrisme et qui vise les mêmes publics, s'est substitué à celui plus général retenu en 2003 consistant à « améliorer la prise en charge des élèves les plus jeunes en zones d'éducation prioritaire (ZEP) », les indicateurs associés à cet objectif étant le nombre d'élèves par classe dans les écoles en ZEP et hors ZEP. Ce ciblage s'inscrit dans le droit fil des préconisations de l'avis du Haut Conseil de l'évaluation de l'école (Hcéé) de mars 2001 (cf. l'encadré ci-après).

L'effet de la réduction de la taille des classes selon le Hcéé

(extraits)

« La question de l'influence de la taille des classes sur l'efficacité de l'enseignement et les progrès des élèves est largement débattue dans notre système éducatif. Il est assez couramment admis qu'une réduction de la taille des classes doit entraîner des effets positifs, et sa revendication fait souvent partie des mesures que les enseignants et les parents d'élèves appellent de leurs voeux.

La France a consacré, de fait, des moyens importants à une réduction sensible de la taille des classes : de 1966 à 1999, cette taille a diminué en moyenne de 43,7 élèves à 25,5 en maternelle, de 28 à 22,3 élèves en élémentaire, de 27,5 à 24,2 élèves dans le premier cycle du second degré et de 30,8 à 28,8 élèves dans le second cycle général et technologique. Encore cette dernière réduction sous-estime-t-elle l'effort réel, puisque, dans ces lycées, le nombre d'élèves par enseignant a diminué plus nettement, notamment parce que, au sein de classes aussi grandes qu'auparavant, les élèves se voient proposer plus souvent des enseignements en petits groupes ou optionnels (de 1990 à 1995, ce taux est passé de 13,8 élèves pour un enseignant à 11,8. Le même type d'évolution peut être constaté dans la plupart des pays développés. Par ailleurs, des politiques volontaristes de réduction de la taille des classes sont conduites dans certains de ces pays, en particulier aux Etats-Unis.

Une question qui appelle des recherches et des études dans notre pays

... L'essentiel des travaux scientifiques de qualité sur lesquels il est aujourd'hui possible d'asseoir des réflexions et des décisions sur ce sujet est réalisé dans d'autres pays - notamment aux Etats-Unis- et porte donc sur d'autres systèmes éducatifs que le nôtre. Une question aussi débattue et dont les enjeux éducatifs et financiers sont particulièrement élevés devrait faire l'objet de davantage de recherches et d'études dans le contexte spécifique du système éducatif français...

Une forte réduction de la taille des certaines classes peut avoir des effets positifs

... Bien que souvent conduites dans d'autres contextes que le nôtre, les recherches actuellement disponibles - recherches qui portent surtout sur l'enseignement primaire et secondairement sur le collège - convergent vers quelques conclusions importantes. Ainsi il semble exister un effet positif - mais faible - sur les progrès des élèves, effet observé presque uniquement dans les petites classes de l'enseignement primaire, qui semble ne se produire que si l'on procède à une forte réduction de la taille des classes, et qui n'est vraiment visible que pour les enfants de familles défavorisées. Cet effet semble durable, même après que les élèves ont rejoint de grandes classes.

Pour être efficace, une politique de réduction de la taille des classes doit donc être très sélective...

Ainsi, si l'on décide de conduire une politique de réduction de la taille des classes, il faut, pour qu'elle ait une chance d'être efficace, qu'elle soit très « ciblée » en direction des seules petites classes du primaire (pour nous le Cours préparatoire) des écoles où est concentrée la population la plus défavorisée. Encore faut-il, si l'on veut bénéficier des effets positifs d'une telle politique, consentir un effort important - donc coûteux - de réduction de la taille de ces classes, en envisageant d'aller vers des classes ayant nettement moins de 20 élèves.

Il serait donc concevable d'expérimenter une disposition respectant ces trois critères, de l'évaluer au bout de deux ans, puis de l'étendre si elle est aussi efficace que ce que laissent attendre les études.

En tout cas, une politique touchant d'autres niveaux de scolarité ou une politique à visée plus générale n'ont pas, d'après les recherches disponibles, d'effets positifs, ce qui invalide la pratique de réduction de la taille des classes « au fil de l'eau » ou délibérée, telle qu'elle a été réalisée ces dernières années en mettant à profit la baisse démographique.

... d'autant plus que d'autres politiques peuvent être plus efficientes

Il faut, de plus, se poser la question de savoir si une politique de réduction de la taille des classes - même très sélective - est plus intéressante, par rapport à son coût, c'est-à-dire est plus « efficiente », que d'autres mesures de politique éducative, comme par exemple, l'aide individualisée aux élèves ou des mesures en direction des enseignants (formation, animation, évaluation, etc.).

On dispose de peu de travaux permettant des comparaisons fondées en la matière. Tout au plus peut-on tirer des impressions de recherches conduites - une fois encore - aux Etats-Unis et qui laissent penser que certaines politiques s'avèrent plutôt plus efficientes, voire efficaces ou équitables, que la réduction de la taille des classes.

Cela incite, en tout cas, à n'envisager cette politique de réduction de la taille des classes que de la façon très sélective - et dans un premier temps, expérimentale - qui a été évoquée plus haut, et après s'être posé la question de savoir si les sommes qui y seraient consacrées ne peuvent pas être mieux utilisées autrement ».

Il en est d'ailleurs de même des modalités de mise en oeuvre de cette mesure, puisque celle-ci, conformément aux préconisations du Hcéé, est prévue sur une période de trois ans et fait l'objet d'une évaluation spécifique (qui a porté en 2002-2003 sur la moitié des écoles concernées), dont les résultats sont d'ailleurs globalement relativement décevants, mais aussi extrêmement contrastés, de sorte que le ministère espère en tout état de cause en identifier, puis en diffuser, les facteurs de réussite ;

- comme l'an passé, « favoriser l'accueil des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire », l'indicateur associé étant le taux de scolarisation en milieu ordinaire des enfants handicapés scolarisés (50 % prévus en 2004, contre 33 % en l'an 2000) ;

- enfin, « accompagner les évolutions pédagogiques par des dispositifs adaptés de formation continue des personnels », « l'indicateur » associé étant le la répartition par type des formations suivies. Ce nouvel objectif, auquel n'est associé aucune cible, est hélas l'archétype de l'objectif flou .

c) Les objectifs et indicateurs d'efficacité de la gestion

L'enseignement primaire public se voit assigner trois objectifs d'efficacité de la gestion 132 ( * ) :

- « assurer le remplacement des maîtres absents », l'indicateur associé étant le taux de remplacement des maîtres absents pour cause de maladie ou de maternité. Comme l'an passé, votre rapporteur spécial observe toutefois que le taux de remplacement des enseignants du premier degré absents n'est pas à proprement parler un indicateur d'efficacité de la gestion, mais un indicateur de qualité du service.

Tout en montrant que les taux d'absence variaient presque du simple au double d'un département à l'autre, le rapport de l'IGEN de novembre 2001 relatif à l'utilisation des postes hors classe à l'école primaire concluait : « ... il est par ailleurs difficile de trouver un rapport logique direct entre la capacité de replacement [les postes de remplacement] et l'efficience du dispositif mis en place ». En d'autres termes, des taux de remplacement élevés peuvent tout aussi bien refléter le surcalibrage des postes de remplacement, c'est à dire une mauvaise gestion ;

- « améliorer la prévention et le traitement de la difficulté scolaire des élèves ayant des difficultés spécifiques » , les indicateurs associés étant notamment le taux de réalisation du bilan de santé au cours de la 6ème année de l'enfant. Au fond, on ne peut que se féliciter de l'accent porté sur cet objectif, qui répond d'ailleurs à des observations formulées depuis plusieurs années par la commission des finances du Sénat (cf. l'encadré ci-après). En revanche, on peut se demander s'il s'agit bien là d'un objectif d'efficacité de la gestion ;

La mauvaise organisation du dispositif médico-social en faveur des élèves

L'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale (IGAEN) ont rendu en février 1999 un rapport conjoint particulièrement alarmant relatif à l'organisation et au pilotage du dispositif médico-social en faveur des élèves.

Ce rapport soulignait notamment le « flou » des orientations ministérielles et « l'absence de vision d'ensemble de l'action médico-sociale » : le ministère « répond à l'urgence en traitant chaque problème au coup par coup », et en publiant « une profusion de textes » formant un ensemble « peu lisible », si bien que nombre de chefs d'établissement « confient qu'ils ont à peine le temps de lire ces textes jusqu'au bout, et rarement celui de s'interroger sur la suite qu'il convient de donner ». De même, le système produit une profusion de statistiques, mais « faute d'être exploitables, elles ne sont pas exploitées ».

Ce défaut de pilotage n'empêchait par les personnels médico-sociaux (médecins, infirmiers, assistantes sociales, secrétaires médico-sociales) de se dévouer à leur tâche et de faire preuve « d'initiatives foisonnantes », mais, du coup, ces initiatives étaient « fugaces », peu évaluées, et les meilleures pratiques n'étaient pas diffusées.

La mal-administration du dispositif conduisait également à une « parcellisation des responsabilités » et à un défaut de coordination entre la sphère scolaire et le monde extra-scolaire, évidemment préjudiciable au suivi médico-social des élèves les plus en difficulté, ce phénomène étant d'ailleurs aggravé par la « désorganisation » des fonds sociaux. Cette mal-administration se caractérisait aussi par une gestion des ressources humaines chaotique - le rapport relevait ainsi le cas de la nomination d'un infirmier dans un internat de jeunes filles, alors même que les hommes sont extrêmement minoritaires dans ce corps -, et par de fortes inégalités - le nombre d'élèves par infirmier pouvant varier de 1 à 15 -.

Enfin, le rapport concluait : « la répartition des moyens n'est pas toujours conforme à la réalité des besoins ». En particulier, « l'affectation centralisée de moyens aux sites du plan contre la violence, qui bénéficiaient déjà d'effectifs renforcés, aboutit à priver les responsables locaux de la possibilité de rechercher une véritable adéquation des moyens aux besoins, et plus généralement, de leurs responsabilités. Certains établissements bénéficient ainsi de personnels dont la présence n'est pas indispensable alors que des zones sont entièrement dégarnies, ce qui confirme le caractère aléatoire de la couverture du territoire ».

Plus généralement, le système se caractérisait par des chevauchements : « l'intervention croisée auprès des jeunes enfants scolarisés en maternelle de deux services de prévention (la Protection maternelle et infantile - PMI - et le Service de promotion de la santé en faveur des élèves) pose des problèmes de continuité et de collaboration » ; de même, « au collège et au lycée, les interventions des professionnels du service de promotion de la santé ne sont pas suffisamment coordonnées et peuvent se chevaucher ».

Inversement, le suivi des enfants était insuffisant à l'école primaire.

Cela provenait d'une sous-allocation des moyens vers les écoles primaires, pour partie imputable à la réticence des personnels titulaires de se partager entre plusieurs établissements, notamment parce que l'administration rembourse médiocrement les frais de déplacement. Il en résultait que les enfants étaient médicalement peu pris en charge à l'école primaire, ou étaient pris en charge par des personnels vacataires à temps partiel, dont le turn over est relativement élevé, ce qui ne facilitait aucunement un suivi continu.

En outre, l'absence d'assistantes sociales constituait une entrave à une prise en charge globale. Enfin, le suivi des dépistages effectués à l'école maternelle était « entravé par la faiblesse du dispositif de retour sur information ».

Selon l'IGAS et l'IGAEN, ce suivi médical et social défaillant des enfants en difficulté nourrissait les risques d'exclusion ultérieure du système scolaire et il était notamment regrettable que nombre de troubles ne puissent être dépistés et traités au moment où les enfants sont en pleine phase d'acquisition de la lecture et de l'écriture au cours préparatoire.

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2001, notre collègue M. Jean-Philippe Lachenaud, alors rapporteur spécial des crédits de l'enseignement scolaire, déplorait ainsi que le ministère de l'Education nationale n'ait tiré aucune conséquence de ce diagnostic.

- « compenser les inégalités territoriales par une discrimination positive dans la répartition des moyens », les indicateurs associés étant les écarts de dotation entre l'académie la moins dotée en postes d'enseignants pour cent élèves (P/E) et le nombre de regroupements intercommunaux.

On peut se féliciter de l'introduction de cet objectif, comme d'un indicateur d'écart de dotations entre académies, même si un indicateur plus significatif que l'écart entre la moins dotée et la mieux dotée eût pu être retenu.

On peut toutefois s'interroger sur la réintroduction, comme indicateur, de l'objectif retenu en 2003 consistant à « favoriser la constitution de groupements intercommunaux ».

Les orientations du gouvernement vis-à-vis des écoles rurales

« Le nombre de classes «moratoire» était de 346 à la rentrée 1998, dernière année où le moratoire sur la fermeture de classes dans les zones rurales était en vigueur.

A cette date , les taux d'encadrement dans les écoles rurales ont été maintenus tels qu'ils étaient dans le cadre du moratoire : le « surcoût » des écoles rurales, si on avait simplement aligné leurs taux d'encadrement sur ceux des écoles urbaines, a été estimé à 6.000 postes et, pour les seules zones rurales profondes -qui regroupent un peu plus de 2 % des élèves du primaire- le surcoût constaté est de plus de 1.400 postes .

Dans les départements les plus ruraux, il y a en moyenne, pour 100 élèves, près d'un instituteur ou professeur des écoles de plus que dans les départements les plus urbanisés. Dans le domaine de la scolarisation précoce, le taux de scolarisation des enfants de deux ans est de 56 % dans les départements les plus ruraux, soit plus du double de ce qu'il est dans les départements les plus urbains.

Quant aux collèges, le constat est le même : un collège sur six est implanté dans une commune rurale et accueille seulement un élève sur dix. Les collèges ruraux ont en moyenne 280 élèves, alors que l'effectif moyen des collèges urbains est de plus du double (570 élèves).

Tous les indicateurs d'âge -par exemple, l'âge d'entrée en sixième- montrent que les parcours scolaires des élèves des zones rurales sont comparables à ceux des zones urbaines. Ils sont même meilleurs en classe à cours multiples. Les taux d'accès en classes de seconde des élèves des collèges ruraux sont maintenant très proches de ceux des élèves des collèges urbains, ce qui était loin d'être le cas, il y a encore une dizaine d'années. Il reste cependant une différence, les élèves des zones rurales s'orientant plus fréquemment que ceux des zones urbaines vers les filières technologiques et professionnelles.

Pour atteindre et maintenir, partout et en toute équité, les objectifs du service public national d'éducation, la mise en réseau d'écoles, sur tous les territoires comprenant des zones rurales fragiles, a été encouragée, notamment par la circulaire du 17 décembre 1998 relative à l'avenir du service éducatif en milieu rural, sur la base d'un projet éducatif tenant compte des évolutions démographiques, économiques et sociales.

Une enquête rapide comptabilisait en 2001, dans une trentaine de départements, 279 réseaux effectifs d'écoles rurales, 19 réseaux étant alors en projet. Une enquête plus approfondie, portant sur le recensement de tous les regroupements d'écoles publiques innovants, distincts des simples regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), a été menée au début de 2003, dans le cadre de la réflexion engagée sur l'évolution du statut de l'école. 271 réseaux, dans 43 départements, ont été dénombrés, dont 246 ont été décrits, regroupant surtout des écoles rurales, mais comptant également un certain nombre de réseaux urbains, et totalisant 3.678 classes, 1.386 écoles, 76.685 élèves. Ces réseaux se caractérisent généralement par la fédération d'écoles de plusieurs communes ou établissements publics de coopération intercommunale autour d'une projet de réseau, bénéficiant souvent de moyens en personnels spécifiques fournis par l'Etat (enseignant coordonnateur déchargé pour tout ou partie de son service), d'aides financières (éducation nationale, collectivités locales...), de moyens logistiques importants (transports, locaux, matériel informatique...) mis à disposition par les collectivités locales, le fonctionnement des réseaux impliquant une importante mutualisation des ressources.

Malgré un certain nombre de difficultés rencontrées, dues notamment à la lourdeur des déplacements, au manque de temps pour les coordonnateurs et les animateurs, à l'instabilité de certaines équipes, au manque d'implication d'autres et à la nécessité pour les collectivités concernées d'élaborer une politique commune, le bilan global est positif.

Ainsi, au moins 25 réseaux d'écoles viennent de se constituer et, dans la grande majorité des cas (hormis une douzaine de réseaux suspendus ou en cours d'abandon), il est envisagé de poursuivre les réseaux existants, en améliorant la concertation, les projets, les actions de mutualisation et les partenariats.

Malgré l'absence de recul pour des réseaux récemment constitués, les avantages pour l'école, essentiellement en milieu rural, se traduisent d'abord par une rupture de l'isolement , et également par des progrès de la qualité de l'enseignement et des résultats des élèves et, dans un certain nombre de réseaux, par une meilleure stabilité des enseignants. Les avantages pour les territoires et les partenaires sont également sensibles, en termes de stabilisation ou de remontée des effectifs d'élèves, d'amélioration des relations entre les partenaires et de dynamisation de la vie locale

La réflexion se poursuit actuellement sur la question des groupements d'écoles ».

Source : ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

* 122 Compte tenu de la refonte de la nomenclature budgétaire, les données relatives à 2004 ne sont pas disponibles de manière homogène.

* 123 En application de la loi organique du 19 mars 1999, 39 millions d'euros de crédits destinés à la constitution de la DGF des provinces de la Nouvelle-Calédonie ont toutefois été transférés au secrétariat d'Etat à l'Outre-mer en 1999.

* 124 De rentrée à rentrée.

* 125 Le PLF pour 2003 présentait certes un objectif de qualité consistant à « améliorer la connaissance individuelle des élèves et établir des références nationales », qui traduisait les recommandations formulées par le Haut conseil de l'évaluation de l'école dans le cadre de son avis rendu en octobre 2001. mais cette traduction était toutefois très partielle. En outre, la formulation de cet objectif était source de confusion. Il semblait en effet que l'objectif retenu soit non pas d'améliorer les performances des élèves, mais bien d'améliorer l'évaluation de ces performances. Cependant, l'indicateur proposé était le résultat des évaluations de CE2 en septembre 2001, le ministère précisant à cet égard, en réponse au questionnaire de votre commission des finances, que la « comparaison dans le temps des données n'est pas pertinente car elle ne s'applique pas aux mêmes populations », ce qui laissait interrogatif.

* 126 Cf. Jean-Paul Caille et Sylvie Lemaire, « Que sont devenus les élèves entrés en 6 ème en 1989 ? », in Données sociales 2001, page 81.

* 127 Et non plus, comme l'an passé, « permettre une meilleure intégration des élèves dans l'Europe du plurilinguisme », ce qui répond à l'observation de la commission des finances du Sénat selon laquelle l'enseignement d'une langue vivante étrangère ne suffit pas pour favoriser l'intégration européenne : l'inspection générale de l'éducation nationale (IGEN) soulignait ainsi dans un rapport rendu en septembre 2000 que les programmes d'enseignement se caractérisaient par « l'atonie relative des contenus » en matière de construction européenne, et relevait notamment : « on cherche en vain le mot Europe dans les récents programmes pour l'école élémentaire,  hormis une définition géographique avec l'Oural pour frontière qui fait aujourd'hui sourire ».

* 128 Les comparaisons internationales établies par l'OCDE suggèrent d'ailleurs que la France se situe dans la moyenne en matière de ratio ordinateurs/élèves, même si elle est en retard en matière de taux d'accès de ces ordinateurs au réseau Internet.

* 129 Page 113.

* 130 Page 23.

* 131 L'échec du projet « e-mail pour tous » annoncé par le précédent gouvernement comme « un joli cadeau de Noêl » ou « une seconde vie pour les échanges épistolaires » (cf. les communiqués de l'AFP en date des 28 novembre 2000 et 8 janvier 2001 et les observations formulées l'an passé par votre rapporteur spécial), en fournit une bonne illustration.

* 132 Tirant les leçons de l'avis du Hcéé précité sur les effets de la réduction de la taille des classes, le PLF pour 2004 ne retient plus le choix de l'objectif d'amélioration du taux d'encadrement pédagogique des élèves.

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