II. UN CADRE CONSTITUTIONNEL PROFONDÉMENT MODIFIÉ

A. UNE OCCASION MANQUÉE : LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1999

La censure du Conseil constitutionnel 3 ( * ) sur plusieurs des dispositions du projet de statut de 1996 (notamment la faculté donnée au territoire de déterminer un régime d'autorisation préalable à la réalisation d'opérations de transfert de propriété, ou encore la possibilité de définir les règles afférentes à la recherche des preuves des infractions aux réglementations gouvernementales...) avait mis en évidence les limites du cadre constitutionnel au regard des aspirations des responsables polynésiens. Par ailleurs, l'institution dans la Constitution d'un nouveau titre XIII dévolu uniquement à la Nouvelle-Calédonie agissait comme un indéniable aiguillon.

Soucieux de répondre à ces attentes, le Gouvernement prépara en 1999 un projet de réforme constitutionnelle comportant, d'une part, une disposition relative à la définition du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de Nouvelle-Calédonie et, d'autre part, l'insertion d'un nouveau titre XIV dans la Constitution portant « Dispositions relatives à la Polynésie française. ».

Ce titre comprenait un article unique ainsi rédigé :

« Art. 78. - La Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement au sein de la République. Son autonomie et ses intérêts propres de pays d'outre-mer sont garantis par un statut que définit la loi organique après avis de l'assemblée de la Polynésie française ; ce statut détermine les compétences de l'Etat qui sont transférées aux institutions de la Polynésie française, l'échelonnement et les modalités de ces transferts ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci.

« Ces transferts ne peuvent porter, sous réserve des compétences déjà exercées en ces matières par la Polynésie française, sur la nationalité, les garanties des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les changes.

« La loi organique définit également :

«  - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Polynésie française et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante, ayant le caractère de lois du pays, pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ;

«  - les conditions dans lesquelles le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois ;

«  - les règles relatives à la citoyenneté polynésienne et aux effets de celle-ci en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité économique et d'accession à la propriété foncière ;

«  - les conditions dans lesquelles la Polynésie française peut, par dérogation au deuxième alinéa, être membre d'une organisation internationale, disposer d'une représentation auprès des Etats du Pacifique et négocier avec ceux-ci, dans son domaine de compétence, des accords dont la signature et l'approbation ou la ratification sont soumises aux dispositions des articles 52 et 53.

Cette réforme innovait à quatre titres :

- elle reconnaissait la Polynésie française comme un « pays d'outre-mer » ;

- elle permettait à l'assemblée de la Polynésie française d'adopter des « lois du pays » soumises avant leur entrée en vigueur au contrôle du Conseil constitutionnel. Cette disposition s'inspirait directement d'une faculté analogue reconnue à la Nouvelle-Calédonie sans toutefois que le titre XIII de la Constitution mentionne la notion de « lois du pays » contenue dans l'accord de Nouméa auquel ce titre renvoie ;

- elle attribuait, en conséquence de la reconnaissance d'une « citoyenneté polynésienne », la possibilité pour la Polynésie française de déterminer des règles propres -et éventuellement dérogatoires au droit commun de la République- dans le domaine de l' accès à l'emploi , du droit d'établissement , de l' accession à la propriété foncière ;

- enfin elle ouvrait à la Polynésie française la faculté d' intégrer une organisation internationale et de disposer d'une représentation auprès des Etats du Pacifique. Ces dispositions allaient plus loin dans cette matière que celles définies par la Constitution pour la Nouvelle-Calédonie.

Voté dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée nationale, le projet de révision constitutionnelle devait être soumis au vote du Congrès avec le projet de loi relatif à la composition et aux attributions du Conseil supérieur de la magistrature.

Les difficultés soulevées par ce second texte ont conduit au report sine die de la réunion du Congrès et de l'adoption définitive du projet de révision constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie.

* 3 Conseil constitutionnel, décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996.

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