C. LE STATUT DE 1996 : UNE AUTONOMIE RENFORCÉE

Le statut en vigueur, adopté par la voie de la loi organique (loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996), désormais nécessaire depuis la révision de l'article 74 par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 pour toute modification relative au statut d'un territoire d'outre-mer, a ainsi accru l'autonomie de la Polynésie française. Il a été complété par la loi ordinaire n° 96-313 du 12 avril 1996.

Au-delà des modifications de terminologie (substitution de la Polynésie française au territoire de la Polynésie française), la loi organique procède à de nouveaux transferts de compétences au bénéfice du territoire.

La collectivité se voit d'abord attribuer la plus grande partie du domaine public maritime du territoire avec le droit d'exploration et d'exploitation des ressources maritimes. De nouvelles matières lui sont également confiées : les communications, à l'exception des liaisons gouvernementales et de défense ; l'approbation des programmes d'exploitation des vols internationaux ayant pour seule escale en France le territoire de la Polynésie française ; la délivrance des autorisations correspondantes et l'agrément des tarifs aériens internationaux ; le placement des fonds libres de la collectivité en valeurs d'Etat ou garanties par l'Etat.

En outre, dans plusieurs des domaines réservés à l'Etat, la Polynésie française peut exercer certaines compétences : organisation de filières de formation et des services de recherche ; création d'une société de production et de diffusion d'émissions ; réglementation relative à la sécurité civile ; détermination des conditions dans lesquelles les loteries ou autres jeux de hasard peuvent être offerts au public.

Par ailleurs, les compétences consultatives du territoire sont renforcées. Le conseil des ministres doit être saisi des projets de décrets touchant à l'organisation particulière du territoire. L'assemblée de la Polynésie française peut quant à elle adopter des voeux tendant soit à étendre les lois et règlements métropolitains, soit à abroger ou modifier les dispositions législatives ou réglementaires applicables au territoire ; elle est consultée sur les projets de loi portant autorisation de ratification des traités concernant le territoire ainsi que sur les propositions d'acte communautaire comportant des dispositions de nature législative relevant du champ d'application de la décision d'association des pays et territoires d'outre-mer PTOM) à l'Union européenne et ressortissant à des matières de la compétence de la Polynésie française.

En matière institutionnelle, le rôle du gouvernement est conforté et les prérogatives de son président sont renforcées. Ainsi, le nombre des ministres n'est plus limité (12 aux termes de la loi du 12 juillet 1990) ; la nomination du vice-président et des autres ministres prend effet dès notification de l'arrêté du président du gouvernement et non comme auparavant, au terme d'un délai de 48 heures éventuellement prolongé dans l'hypothèse du dépôt d'une motion de censure.

Les responsabilités internationales du président sont affirmées : l'Etat peut ainsi conférer pouvoir au président de négocier et signer des accords dans le domaine de compétence de l'Etat ou du territoire avec des Etats, territoires ou organismes régionaux du Pacifique. Le président peut également signer des arrangements administratifs et des accords de coopération décentralisée.

Les responsabilités du conseil des ministres sont accrues : autorisation des investissements étrangers, délivrance des permis de travail et des cartes professionnelles, réglementation de la sécurité et de la navigation dans les eaux intérieures, concession des droits d'exploration et d'exploitation des ressources maritimes naturelles...

Par ailleurs, le statut a également innové en renforçant les conditions de contrôle de la répartition des compétences entre l'Etat et le territoire grâce à la faculté de solliciter l'avis du Conseil d'Etat , tant à l'occasion d'un recours contentieux que dans le cadre d'une procédure purement administrative. En vertu de l'article 113 de la loi statutaire, le tribunal administratif de Papeete, saisi d'un recours pour excès de pouvoir à l'encontre des délibérations de la Polynésie française ou d'actes pris sur leur fondement, motivé par une inexacte application de la répartition des compétences entre l'Etat, le territoire et les communes, est tenu de saisir pour avis le Conseil d'Etat. L'article 114 du statut prévoit une procédure comparable de saisine du Conseil d'Etat pour avis à l'initiative du président du gouvernement de la Polynésie française ou du président de l'assemblée de Polynésie française en cas d'incertitude sur une question de répartition des compétences.

Dans le cadre de la procédure contentieuse de l'article 113, le Conseil d'Etat a tranché douze dossiers, se prononçant pour la compétence exclusive de l'Etat dans cinq cas. Sur la base de la procédure consultative de l'article 114, le Conseil d'Etat a été saisi de vingt-cinq dossiers et a tranché pour la compétence exclusive de l'Etat dans quinze cas. Le bilan de cette double procédure qui fait du Conseil d'Etat le régulateur des compétences entre l'Etat et la collectivité territoriale semble positif et équilibré. Comme l'ont noté certains auteurs, il n'est pas possible de conclure à un « jacobinisme juridictionnel » même si « le contrôle de la répartition des compétences s'opère à sens unique dans la mesure où seul est sanctionné l'empiètement de la collectivité territoriale sur la compétence de l'Etat et non l'inverse. Les collectivités territoriales d'outre-mer ne bénéficient en effet d'aucune procédure leur permettant de protéger leurs compétences déléguées » 2 ( * ) .

Malgré d'indéniables avancées, il semble néanmoins que le statut de 1996 soit resté en deçà des attentes des autorités de la Polynésie française. Il est vrai que, dans le même temps, dans le prolongement des accords de Matignon (26 juin 1988) et à la suite de l'accord de Nouméa (5 mai 1998), la Nouvelle-Calédonie accédait par la voie de la réforme constitutionnelle du 20 juillet 1998 à un degré d'autonomie inégalé au sein de la République en devenant une collectivité sui generis .

* 2 Hélène Manciaux, Contrôle par le juge administratif de la répartition des compétences entre l'Etat et la collectivité territoriale de la Polynésie française, Collectivités territoriales - intercommunalité, Editions du Juris-Classeur, avril 2003, p. 10.

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