TITRE IV BIS
DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AUX NOTAIRES

Article 38 quater (nouveau)
(art. 6 de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945
relative au statut du notariat)
Garanties de la responsabilité civile professionnelle des notaires

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du gouvernement, cet article a pour objet de modifier les règles de garantie de la responsabilité civile des notaires, en vue d'inscrire dans la loi le principe de la souscription par le Conseil supérieur du notariat d'un contrat d'assurance national.

Actuellement, l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat ne prévoit aucune règle en matière d'assurance.

Le décret n° 55-604 du 20 mai 1955 relatif aux officiers publics ou ministériels et à certains auxiliaires de justice définit les dispositions applicables en la matière. Il instaure un système mixte alliant les techniques :

- de l'assurance individuelle obligatoire destinée à couvrir la réparation des fautes professionnelles (article 13 du décret de 1955) ; son coût est supporté par le notaire qui doit souscrire un contrat auprès d'une société d'assurance. Selon le Conseil supérieur du notariat, cette couverture représente environ 1,5 % du chiffre d'affaires des notaires ;

- de la solidarité professionnelle financée par le biais d'une garantie collective obligatoire couvrant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les notaires dans l'exercice normal de leur profession 31 ( * ) (troisième alinéa de l'article 12 et article 13 du décret de 1955). Réformé en 1971 à la suite d'affaires importantes liées à des faillites d'opérations immobilières, ce dispositif a été simplifié. Depuis, il n'a pas été modifié. La garantie collective est alimentée par les cotisations des notaires versées annuellement. L'organisation de la garantie s'appuie sur deux structures, les caisses régionales instituées dans le ressort de chaque cour d'appel 32 ( * ) chargées du recouvrement des cotisations et des relations avec les clients victimes et la caisse centrale (créée en 1971) investie d'une mission de coordination et de contrôle du fonctionnement des caisses régionales.

Ces deux mécanismes se complètent utilement. En effet, un contrat individuel d'assurance comporte souvent des exclusions de garantie (opérations interdites aux notaires telles la spéculation relative à l'acquisition et à la revente d'immeubles, une opération de commerce ou faute intentionnelle ou dolosive) ainsi qu'une limitation des sommes couvertes. Il revient à la garantie collective de couvrir les dommages causés aux clients qui ne seraient pas pris en charge par l'assureur ou d'intervenir lorsque la garantie du contrat d'assurance n'est pas acquise.

Les notaires ont souhaité engager une réflexion pour moderniser le système d'assurance de la responsabilité civile professionnelle.

Cette démarche ne s'explique pas par le nombre de sinistres enregistrés ces dernières années. On observe plutôt une tendance à la stagnation . De même, le nombre d'assignations en justice, environ 4.000 par an pour 4,5 millions d'actes reçus par les notaires, a également peu varié en dix ans.

Cette initiative se justifie par le souci de prendre en compte les attentes de plus en plus fortes des particuliers en matière de conseil juridique. Le recours au notaire s'explique par un besoin croissant de sécurité juridique. Il paraît donc important que leurs défaillances donnent lieu à réparation. En outre, le rôle de plus en plus important qui leur a été dévolu par le législateur (en matière de mariage, en matière immobilière) les expose à des mises en cause plus fréquentes au titre de la responsabilité civile professionnelle.

Sensibles à ces préoccupations, les députés ont proposé  de remplacer l'obligation d'assurance individuelle imposée aux notaires par une obligation pour l'ensemble des membres de la profession d'adhérer à un contrat national souscrit par le Conseil supérieur du notariat ( premier alinéa ). L'application de ces dispositions nécessitera une actualisation du décret de 1955 (notamment son article 13). Toutefois, elle ne modifiera pas la nature « mixte » du système de couverture, les caisses régionales ayant toujours vocation à intervenir en complément du contrat national d'assurance.

Comme l'a souligné Mme Brigitte Barèges, rapporteur au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, tel est déjà le cas dans la pratique.

Elle a toutefois fait valoir la nécessité de transformer une simple faculté en obligation générale, considérant que la possibilité pour les conseils régionaux de notaires ou les notaires à titre individuel de conclure des contrats particuliers peut-être moins avantageux ne protégeait pas « de manière optimale tous les clients des notaires contre des sinistres » éventuels. « Ainsi, les clauses du contrat (national) et les conditions de mise en oeuvre de la garantie seraient harmonisées et la mutualisation du risque par la création d'un système de prime unique assurée » 33 ( * ) .

Votre rapporteur observe en outre que la souscription d'un contrat d'assurance au niveau national présente de nombreux avantages tels que la possibilité de négocier des conditions d'assurance plus intéressantes ou encore la rationalisation des procédures d'adhésion et de recouvrement des cotisations.

Ce système n'est pas inédit, l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice prévoyant un dispositif analogue 34 ( * ) .

En vue de prendre en compte les spécificités locales, les députés ont en outre prévu un assouplissement à ce principe pour autoriser les conseils régionaux de notaires à souscrire des garanties supplémentaires ( second alinéa ).

Inspirée de propositions émanant de la profession, cette réforme mérite d'être approuvée.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 38 quater sans modification .

Article 38 quinquies (nouveau)
(art. 8 de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945
relative au statut du notariat)
Compétence disciplinaire de la chambre interdépartementale
des notaires de Paris

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du gouvernement, cet article a pour objet de compléter la réforme du régime disciplinaire prévue par le présent projet de loi, afin de prendre en compte les spécificités de l'organisation de la chambre interdépartementale des notaires de Paris .

En effet, la nouvelle architecture disciplinaire prévoit le transfert des compétences en matière de jugement des affaires disciplinaires des chambres des notaires (instituées dans le ressort du département) au conseil régional des notaires . Les chambres des notaires conserveraient néanmoins la possibilité de dénoncer les infractions disciplinaires à la chambre de discipline régionale (article 38 bis du projet de loi) 35 ( * ) . Les formations disciplinaires seraient composées d'au moins cinq membres, les présidents du conseil régional et de la chambre départementale et les vice-présidents de la chambre interdépartementale étant membres de droit, les autres étant désignés parmi les délégués du conseil régional (article 38 ter du projet de loi) 36 ( * ) .

Toutefois, ce dispositif comportait une lacune en ne prenant pas en compte le régime particulier dont relève la chambre interdépartementale des notaires de Paris .

En effet, par dérogation à l'organisation de la profession en chambres départementales et en conseils régionaux chargés de missions distinctes, l'article 8 de l'ordonnance de 1945 donne à cette chambre interdépartementale compétence pour exercer, dans les trois départements qu'elle couvre, les attributions dévolues au conseil régional , indépendamment du conseil régional constitué pour le reste du ressort 37 ( * ) .

En vertu d'un décret n° 78-19 du 4 janvier 1978 relatif à l'organisation professionnelle et à la compétence d'instrumentation des notaires dans les ressorts des cours d'appel de Paris et de Versailles, la chambre interdépartementale des notaires de Paris regroupe trois départements -Paris, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne- 38 ( * ) .

L'Assemblée nationale a donc, à juste titre, complété les nouvelles règles en matière disciplinaire, en ajoutant deux alinéas à l'article 8 de l'ordonnance de 1945 pour :

- transférer à la chambre interdépartementale des notaires de Paris la compétence en matière disciplinaire, tout en renvoyant pour la composition des formations de jugement aux modalités de droit commun définies à l'article 5-1 de l'ordonnance de 1945 -inséré par l'article 38 ter du projet de loi ( premier alinéa ) ;

- renvoyer à un décret en Conseil d'Etat les conditions d'application de ces dispositions ( second alinéa ).

Cet ajout parachève utilement la réforme de la procédure disciplinaire vivement souhaitée par les principaux représentants de la profession. Il mérite donc d'être approuvé.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 38 quinquies sans modification .

* 31 La garantie collective mise en place en 1934 avait initialement pour seule vocation de garantir le remboursement des fonds et valeurs confiés aux notaires par leurs clients lorsque ces professionnels étaient incapables de restituer les sommes reçues. Le décret de 1955 a profondément modifié ce dispositif en l'étendant aux conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle.

* 32 A l'exception des cours d'appel de Metz et Paris.

* 33 Rapport n° 1250 (A.N) précité - p. 85.

* 34 La Chambre nationale des huissiers de justice garantit leur responsabilité professionnelle, y compris celle encourue en raison de leurs activités accessoires.

* 35 Adopté conforme.

* 36 Adopté conforme.

* 37 Qui regroupe donc les départements de la Seine et Marne, de l'Essonne et de l'Yonne.

* 38 La chambre interdépartementale des notaires de Paris regroupe près de 500 notaires (qui exercent dans quelques 220 études). Composée de 27 membres, élus pour 3 ans et renouvelables par tiers chaque année, elle est dirigée par un président élu pour un an. Pour mémoire, la Chambre des notaires des Hauts de Seine dépend du conseil régional de Versailles, qui regroupe les départements d'Eure-et-Loire, des Hauts-de-Seine, du Val-d'Oise et des Yvelines regroupés au sein de la chambre interdépartementale de Versailles.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page