C. UNE MODERNISATION DES OUTILS AU SERVICE DE L'EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES

1. Faire de l'emploi des personnes handicapées une préoccupation ordinaire des entreprises

Dans le domaine de l'emploi, le projet de loi pose le principe de non-discrimination envers les personnes handicapées, qui fait obligation aux employeurs, privés comme publics, de procéder aux aménagements nécessaires à leur insertion professionnelle, par l'adaptation des postes et des horaires ou des conditions de passation des concours de la fonction publique.

Le projet de loi impose également aux partenaires sociaux de négocier , au niveau de la branche et de l'entreprise, sur la question de l'emploi des personnes handicapées. Cette entorse à la règle de la liberté des partenaires sociaux, d'ailleurs acceptée par ces derniers, semble en effet nécessaire, tant la question du handicap semble encore étrangère aux préoccupations des organisations syndicales.

2. Améliorer le fonctionnement de l'obligation d'emploi

a) Une démarche à la fois pragmatique et respectueuse des personnes

Initialement prévue par la loi du 10 juillet 1987, l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, qui impose la présence au sein du personnel des entreprises de plus de vingt salariés d'au moins 6 % de travailleurs handicapés, est modernisée :

- le système des « unités bénéficiaires », qui pondérait le nombre de personnes handicapées employées en fonction de leur degré de handicap est légitimement abandonné ;

- une modulation de contribution à l'AGEFIPH est prévue pour tenir compte de l'effort d'emploi direct réalisé par l'employeur, notamment en faveur de personnes particulièrement éloignées de l'emploi ou issues du milieu protégé ;

- les entreprises auront désormais la possibilité de déduire directement de leur contribution à l'AGEFIPH les sommes qu'elles auront consacrées, au-delà de leur obligation légale, à l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

Il convient tout particulièrement de saluer la fin du système des unités bénéficiaires , depuis longtemps décrié par les personnes handicapées elles-mêmes. Comme le soulignait Mme Marie-Claude Lasnier 11 ( * ) , dans son rapport au Conseil économique et social du 28 mai 2003, « Cette mesure qui répond(ait) au souci du législateur de favoriser l'insertion professionnelle des personnes les plus lourdement handicapées et, par voie de conséquence, les plus éloignées de l'emploi, pos(ait) néanmoins question dans la mesure où elle stigmatis(ait) le handicap et sembl(ait) reléguer au second plan la personne. »

Mais il ne faudrait pas que cet abandon ait pour conséquence de pénaliser les entreprises qui se sont attachées, jusqu'à aujourd'hui, à embaucher des personnes lourdement handicapées, ni de freiner à l'avenir l'insertion professionnelle de ces dernières. C'est la raison pour laquelle votre commission vous proposera de prendre en compte le recrutement direct de personnes lourdement handicapées pour fixer le montant de la contribution des entreprises à l'AGEFIPH.

b) Un nouvel outil pour imposer son respect dans les trois fonctions publiques

En matière d'emploi, la grande nouveauté réside surtout dans la mise en oeuvre d'un mécanisme contraignant pour les employeurs des trois fonctions publiques, à travers la création d'un fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées commun aux trois fonctions publiques. Votre rapporteur s'en réjouit tout particulièrement car il avait proposé une solution similaire dans sa proposition de loi du 13 mai 2003.

Comme l'AGEFIPH, ce fonds sera alimenté par les contributions des employeurs publics qui ne respectent pas le taux d'emploi de 6 % fixé par la loi du 10 juillet 1987.

Votre commission s'est interrogée sur l'opportunité de conserver ainsi deux fonds séparés, l'un réservé aux employeurs privés et l'autre consacré aux employeurs publics, estimant qu'affirmer une certaine solidarité entre privé et public n'était pas illégitime.

Elle reste persuadée du bien-fondé de cet objectif à terme. Mais elle a souhaité laisser le temps aux partenaires des deux secteurs d'assimiler la réforme avant de tenter un tel rapprochement. Au demeurant, il est évident que le nouveau fonds devra tisser des liens avec l'AGEFIPH, afin de bénéficier de son expérience et parvenir ainsi plus rapidement à maturité.

Dans cette attente, la démarche de votre commission a donc consisté à harmoniser au maximum les règles de fonctionnement des deux fonds, afin de lever tout obstacle - tout au moins juridique - à une future fusion .

3. Un impératif : mieux articuler politique de l'emploi et mesures spécifiques en faveur des personnes handicapées

Afin d'améliorer l'articulation entre la politique générale de l'emploi conduite par l'État et les actions spécifiques en faveur des personnes handicapées menées par l'AGEFIPH, le projet de loi donne une base légale à la convention d'objectifs, conclue depuis 2000, entre cette dernière et l'État . Il reconnaît, en outre, le réseau Cap Emploi comme un partenaire de la politique de l'insertion professionnelle des personnes handicapées et pose le principe de son financement par l'AGEFIPH.

Votre commission reste sceptique quant à l'efficacité de la convention d'objectifs pour orienter réellement les actions de l'AGEFIPH. Les observations très critiques de la Cour des comptes sur la gestion de cette association en 2002 ne contribuent d'ailleurs pas à la rassurer : contrôle médiocre de l'efficacité des interventions financées, dépenses de fonctionnement excessives, réserves de trésorerie non utilisées...

Ces dysfonctionnements tendent à prouver que le mode actuel d'organisation des relations entre l'État et l'AGEFIPH ne permet pas d'assurer, dans des conditions satisfaisantes, la cohérence et l'efficacité des actions, de droit commun et spécifiques, en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

C'est la raison pour laquelle votre commission vous proposera de transformer l'AGEFIPH en un établissement public , avec un double objectif : renforcer la présence de l'État et sa capacité d'orientation au sein des instances de décision de l'AGEFIPH et améliorer le contrôle de l'utilisation des fonds collectés par les entreprises assujetties à l'obligation d'emploi.

Il lui paraît par ailleurs important d'insister sur une dimension essentielle de la politique en faveur de l'emploi des personnes handicapées : celle de l'accompagnement et du suivi dans l'emploi . C'est la raison pour laquelle elle vous propose de reconnaître explicitement cette mission aux Cap Emploi et de leur ouvrir un droit aux financements de l'AGEFIPH en la matière.

4. Le travail protégé : favoriser les sorties « vers le haut »

Concernant enfin ce qu'il convenait d'appeler jusqu'ici le travail protégé, le projet de loi procède à une clarification importante : les ateliers protégés, devenus « entreprises adaptées », sont assimilés au milieu ordinaire de travail , leur agrément est transformé en une convention triennale d'objectifs, associée à un contingent annuel d'aide au poste.

Le statut des personnes handicapées en CAT est également clarifié. Tout en confirmant la vocation médico-sociale de ces établissements , le projet de loi ouvre de nouveaux droits aux personnes accueillies : droit à une formation professionnelle - que votre commission vous proposera de compléter par des actions de maintien des acquis scolaires -, droits aux congés, droits aux prestations familiales normalement liées à une activité salariée, notamment la nouvelle PAJE.

Le projet de loi prévoit enfin des dispositifs de « passerelle » afin de faciliter l'évolution des personnes handicapées vers le milieu ordinaire de travail : ainsi les personnes accueillies en CAT pourront bénéficier, dans le cadre d'un contrat d'appui, de la possibilité de conclure un véritable contrat de travail.

Des dispositifs similaires doivent, selon votre commission, exister entre l'entreprise adaptée et l'entreprise ordinaire. Elle vous proposera donc de mettre en place un mécanisme permettant à un travailleur handicapé en entreprise adaptée de tenter une insertion dans l'emploi ordinaire, tout en ayant la possibilité de retrouver plus facilement, en cas d'échec, un emploi adapté.

* 11 « L'insertion professionnelle en milieu ordinaire des personnes en situation de handicap » Rapport de Mme Marie-Claude Lasnier, au nom du Conseil économique et social, le 28 mai 2003.

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