N° 350

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de loi de M. François MARC et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, relative aux modalités de calcul de la participation pour voirie et réseaux (PVR) ,

Par M. Philippe ARNAUD

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, M. Francis Grignon, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Gérard Cornu, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard Claudel, Marcel-Pierre Cléach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Détraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Jacques Moulinier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 311 (2003-2004)

Urbanisme.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le droit de l'urbanisme a conçu trois instruments pour financer les réseaux d'eau, d'électricité, de téléphone et d'assainissement qui alimentent les constructions, et les voiries qui les desservent. Le régime des participations négociées dans les zones d'aménagement concerté (ZAC), est le plus ancien, et permet aux collectivités publiques d'intervenir à l'intérieur d'une zone pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains. La participation au financement des programmes d'aménagement d'ensemble (PAE) permet quant à elle aux communes de délimiter, sur leur territoire, des secteurs à aménager dans lesquels elles peuvent imposer aux constructeurs une participation destinée à couvrir les dépenses d'équipement. Alors que ces deux participations sont destinées aux plus grandes opérations , la participation pour voirie et réseaux s'adresse aux petites communes ou aux opérations isolées . Son régime a été longtemps imprécis, de sorte que les communes pouvaient, de bonne foi, mais en toute illégalité, requérir le versement de participations qu'elles n'avaient, en droit, pas compétence pour établir.

C'est pour mettre un terme à cette situation que le législateur a conçu, en 2000, la participation pour voies nouvelles et réseaux (PNVR), modifiée en 2003 pour devenir participation pour voirie et réseaux (PVR). Cette participation constitue un enjeu majeur pour les communes, notamment les communes rurales, puisqu'il s'agit de déterminer les modalités et la répartition du financement des équipements publics indispensables au développement de ces collectivités. Après des années de péripéties juridiques, prenant en compte les difficultés nées de la précédente législation, la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 dite « Urbanisme et Habitat » a instauré un régime destiné à permettre aux petites communes rurales -pour lesquelles la procédure de zone d'aménagement concertée ou de programme d'aménagement d'ensemble n'est pas adaptée-, de faire participer les propriétaires qui construisent au financement des équipements qui desservent leurs bâtiments.

Moins d'un an après la promulgation de cette loi, la proposition de loi n° 311 qui vous est soumise, déposée par M. François Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée , vise à modifier le régime de la PVR , en excluant de son calcul les terrains déclarés inconstructibles par les documents locaux d'urbanisme . On rappellera que les propriétaires de ces espaces inconstructibles ne sont pas redevables du paiement de la PVR , mais que leurs terrains sont inclus dans le calcul de la participation. C'est cette dernière inclusion, et seulement elle, que le texte examiné propose de supprimer, ce qui n'irait pas sans inconvénients pour les collectivités territoriales. Votre commission aborde ce texte sans a priori, mais ne peut taire ses réserves, suscitées tant par le fond du dispositif que par la démarche adoptée.

Le présent rapport exposera tout d'abord l'histoire, mouvementée, de la PVNR, avant de vous présenter le régime de la PVR tel qu'issu de la loi « Urbanisme et Habitat ». Après avoir décrit le dispositif de la proposition de loi, il indiquera les principales observations que semble appeler ce texte, qui apparaît à tout le moins prématuré, et non exempt de risques pour les collectivités territoriales.

Votre commission vous propose, en conséquence, de ne pas adopter la proposition de loi n° 311.

I. MÉSAVENTURES ET PÉRIPÉTIES D'UN DISPOSITIF NON ENCORE ÉVALUÉ

Les communes ont besoin de financer les investissements en voirie et réseaux des constructions dont elles autorisent la réalisation. Elle se heurtent, dans cet exercice, aux difficultés qui s'attachent, d'une part, à définir le montant à recouvrer en fonction de l'étendue des travaux et des constructions desservies, ainsi que, d'autre part, à répartir ce montant entre les différents propriétaires au fur et à mesure de la construction des maisons, lorsque celle-ci n'est pas simultanée.

A. UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE

En voulant mettre fin à des années de pratiques dont la légalité était parfois sujette à caution, la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain dite « loi SRU » a, à son tour, ouvert une grande période d'incertitude juridique, préjudiciable pour le développement et l'équipement des communes rurales.

1. Avant la loi SRU : une pratique sans texte

Le problème du financement des équipement publics a été pendant longtemps réglé par la participation pour le financement des équipements des services publics industriels et commerciaux (SPIC) , instaurée en 1971, qui permettait aux communes d'obtenir une participation pour le financement des extensions des réseaux d'électricité, d'eau potable, d'assainissement et de distribution publique du gaz rendues nécessaires pour l'implantation de nouvelles constructions.

Ce dispositif, abrogé par la loi SRU, soulevait de sérieux problèmes. En effet, la répartition du coût entre les constructeurs était relativement inéquitable, puisque ce système permettait d'exiger une contribution uniquement au titre de la première opération rendant nécessaire soit la création soit l'extension d'un réseau. Le montant de la participation était limité à la fraction du coût de l'équipement qui profitait à l'opération. Le coût des « surdimensionnements » restait à la charge des communes qui ne pouvaient pas, en droit, exiger de contribution des constructions raccordées ultérieurement.

Or les communes ou leurs maîtres d'ouvrages délégués ont bien souvent mis en oeuvre des dispositifs qui élargissaient les obligations de paiement à toutes les opérations de constructions. Ces pratiques, illégales, pouvaient conduire les communes à devoir rembourser des sommes très importantes en cas de saisine du juge administratif. L'accroissement du contentieux relatif à cette procédure et les risques financiers encourus pas les communes ont donc conduit à l'abrogation de la participation pour le financement des équipements des SPIC par la loi SRU.

2. La loi SRU : un texte impraticable

Afin de remédier aux difficultés évoquées ci-dessus, la loi SRU précitée a donc instauré un nouveau régime, la participation pour voies nouvelles et réseaux (PNVR) . Inspirée de la participation des riverains en Alsace-Lorraine, elle visait à permettre au conseil municipal d'instaurer une contribution au financement de la réalisation de voies et réseaux pesant sur les propriétaires souhaitant construire.

L'application de ce dispositif s'est révélée source de difficultés importantes et a abouti à un blocage significatif de l'urbanisation dans certaine communes.

Les dispositions de la loi ont en effet donné lieu à d'importantes divergences d'interprétation. Ainsi, par le jeu des « et » et des « ou » dans l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme, qui disposait que « le conseil municipal peut instituer une participation pour le financement de tout ou partie des voies nouvelles et des réseaux réalisés pour permettre l'implantation de nouvelles constructions » , certaines communes se sont vues interdire cette participation pour la seule création de réseaux nouveaux, lorsque aucune voirie nouvelle n'était créée . La circulaire n° 2001-56 UHC/DU/16 du 27 juillet 2001 relative à la réforme des contributions d'urbanisme issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 a ainsi prévu que « des travaux limités au financement d'extension ou de renforcement des seuls réseaux d'infrastructure n'entrent pas dans le champ de l'application de la participation » . Cette disposition a pénalisé les petites communes en raison des critères cumulatifs de création de la participation : ces communes étaient dans l'impossibilité de solliciter une extension de réseaux si elle n'était pas accompagnée de travaux de création ou d'extension d'une voie nouvelle.

Au surplus, les interprétations divergeaient sur la question de savoir si le terme de « voiries nouvelles et de réseaux » supposait que l'on crée de toute pièce une voie ou des réseaux jusqu'alors inexistants, ou si la participation pouvait être perçue à l'occasion d'une rénovation ou d'une extension seulement. Là encore, des interprétations restrictives ont prévalu. La PNVR est ainsi devenue, contre l'intention du législateur, un instrument de limitation de l'urbanisation dans l'espace rural et de lutte contre le mitage, du fait d'une interprétation restrictive effectuée par les services de l'équipement.

Ces différents écueils ont constitué autant de facteurs de blocage des projets, et ont placé les élus locaux dans une situation d'interrogation et d'incertitude particulièrement sensible dans les petites communes rurales, ainsi qu'en atteste le volume de questions écrites et orales, mais aussi de propositions de loi déposées sur ce sujet. Ces questions mettaient notamment en exergue le blocage des certificats d'urbanisme, et la paralysie de l'urbanisation dans les petites communes rurales. Un sénateur déclarait ainsi, à juste titre, à l'occasion d'une question orale le 15 novembre 2001 : « l'instauration éventuelle par le conseil municipal de la participation pour le financement des voies nouvelles et de leurs réseaux, qui remplace l'ancien système de participation au financement de services publics industriels et commerciaux, n'est pas sans induire des difficultés qui n'ont pas été identifiées au moment de l'élaboration du texte 1 ( * ) »

3. En 2003 : une réinterprétation de la loi SRU par une nouvelle circulaire

Devant l'ampleur de ces difficultés, avant même l'adoption de nouvelles dispositions législatives, une circulaire ministérielle a été publiée en 2003, afin de donner une interprétation de la loi plus conforme aux vraies intentions du législateur. Datée du 21 janvier 2003, elle a ainsi précisé :

- que la participation pouvait être utilisée en vue de l'aménagement de voies existantes et des réseaux associés ;

- que la commune n'était pas tenue d'assurer un préfinancement des travaux programmés, mais pouvait obtenir, avec leur accord, un préfinancement de tout ou partie des propriétaires riverains ;

- que la commune n'était pas tenue d'avoir réalisé l'ensemble des travaux avant la délivrance du premier permis de construire, un échelonnement étant possible suivant le rythme des constructions.

Toutefois, il a fallu une nouvelle loi pour clarifier les termes d'un débat byzantin aux conséquences pratiques importantes.

B. LA PVR : FINANCER LES RÉSEAUX ET GÉRER L'EXPANSION DE L'URBANISME RURAL

La loi « Urbanisme et Habitat » a transformé la « participation pour voies nouvelles et réseaux » (PVNR) issue de la loi SRU en « participation pour voirie et réseaux » (PVR) et en a modifié le régime afin de remédier aux difficultés engendrées par sa mise en oeuvre. Votre rapporteur se félicite que le ministère de l'Equipement ait contribué à une mise en oeuvre rapide de cette loi, notamment grâce à la diffusion du fascicule intitulé « Service après vote », et à la publication d'une nouvelle circulaire d'application le 5 février 2004.

1. Le champ d'application de la PVR : les communes rurales

L'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme modifié par l'article 49 de la loi « Urbanisme et Habitat » prévoit désormais que la participation peut être instituée « pour financer en tout ou partie la construction des voies nouvelles ou l'aménagement des voies existantes ainsi que l'établissement ou l'adaptation des réseaux qui leur sont associés » . Les équipements publics concernés sont uniquement les équipements d'infrastructure rendus nécessaires pour permettre l'implantation de nouvelles constructions. Il est désormais précisé explicitement que la PVR finance des réseaux indépendamment de travaux relatifs à la voirie. Dans ce cas, le montant de la PVR peut être versé directement, avec leur accord, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou syndicats mixtes compétents pour ces réseaux.

La PVR est instaurée en deux phases. Une première délibération du conseil municipal la rend applicable sur le territoire communal. Une délibération spécifique est ensuite prise pour chaque opération. Le conseil municipal doit préciser pour chaque voie les études, les acquisitions foncières et les travaux à prendre en compte pour le calcul de la participation, compte tenu de l'équipement de la voie prévu à terme. La loi énumère les catégories de dépenses pouvant être imputées : études, acquisitions foncières, travaux à réaliser relatifs à la voirie (éclairage public, dispositif d'écoulement des eaux pluviales, éléments nécessaires au passage des réseaux souterrains de communication), réseaux d'eau potable, d'électricité et d'assainissement.

Comme auparavant, la participation n'est pas due pour les voies et réseaux compris dans le programme des équipements publics d'une zone d'aménagement concertée, ou dans un programme d'aménagement d'ensemble.

2. Les modalités de calcul de la PVR

La question de la répartition des charges d'équipement entre propriétaires a donné lieu à une discussion parlementaire approfondie lors de l'examen du projet de loi. La loi prévoit désormais que le conseil municipal répartit la charge entre les propriétaires riverains au prorata de la superficie des terrains bénéficiant de la desserte.

La circulaire n° 2004-5 du 5 février 2004 relative à la mise en oeuvre de la participation pour voirie et réseaux précise la formule de calcul de la PVR : la participation exigible par mètre carré de terrain ne peut excéder le coût des équipements publics à réaliser divisé par la surface totale des terrains « bénéficiant de la desserte ».

Les terrains bénéficiant de la desserte

L'article L. 332-11-1-2° définit les terrains riverains comme ceux qui sont situés à moins de 80 mètres de la voie, tout donnant au conseil municipal la possibilité de modifier cette distance « en fonction des circonstances locales », dans une fourchette de 60 à 100 mètres.

L'article prévoit en outre que peuvent être exonérés de l'assiette de la PVR par le conseil municipal les terrains non constructibles soit pour des raisons physiques (étroitesse dénivellation importante ...), soit du fait de prescriptions ou de servitudes administratives dont l'édiction ne relève pas de la compétence de la commune ou de l'EPCI . A contrario, l'exclusion n'est pas possible lorsque l'inconstructibilité est liée à une servitude fixée par le document local de planification. Peuvent être également exonérés les terrains déjà desservis par les réseaux d'eau et d'électricité lorsque les travaux concernés sont seulement des travaux d'extension ou de création de ces réseaux.

Le recouvrement de la PVR

La participation que paie chaque propriétaire est calculée au prorata de la surface de son terrain. Ce n'est toutefois pas la propriété du sol qui rend exigible la participation, mais la construction d'un bâtiment sur le terrain. Aux termes de la circulaire précitée, la participation est due par les propriétaires lorsqu'ils demandent ou autorisent un tiers à demander une autorisation de construire ou d'aménager ou lorsqu'ils réalisent un remembrement urbain dans le cadre d'une association foncière urbaine autorisée ou constituée d'office.

En revanche, la commune ne peut pas percevoir la PVR des propriétaires des terrains déjà construits ou des propriétaires des terrains qui choisissent de ne pas construire : a fortiori, les propriétaires de terrains classés inconstructibles ne sont pas non plus assujettis au paiement de la PVR . Dans le cas de terrains déjà construits, le droit acquis est limité au terrain correspondant à la construction. En cas de nouvelle autorisation d'urbanisme, la participation sera due. Le conseil municipal peut en outre décider d'exonérer les opérations de construction de logements sociaux.

En conséquence, les sommes correspondantes aux terrains déjà construits ou non constructibles demeurent, à l'exception des cas particuliers mentionnés ci-dessus, à la charge du budget communal.

Enfin, le régime de la PVR permet d'associer les propriétaires riverains à l'urbanisation du quartier, puisqu'ils peuvent, aux termes de l'article L. 332-11-2, conclure avec la commune, avant la délivrance d'un permis de construire, une convention par laquelle ils acceptent de verser la participation. Cette convention fixe le délai de réalisation des équipements et les modalités de règlement de la participation. Si le cocontractant de la commune dépose une demande de permis de construire dans les cinq ans à compter de la signature, les dispositions d'urbanisme qui y sont mentionnées sont intangibles. Des garanties sont apportées au propriétaire : en cas de non réalisation de la voie ou des réseaux dans le délai fixé par la convention, le propriétaire dispose d'un droit à restitution des sommes représentatives du coût des travaux non réalisés. Par ailleurs, la convention est considérée comme créatrice de droits au sens de l'article L. 160-5, 2°, ce qui permettra d'indemniser le propriétaire en cas de non-respect de la convention par la commune.

* 1 Question orale sans débat n° 1201S du 15 novembre 2001 posée par M. Jean-Pierre Demerliat.

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