II. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI : RÉDUIRE LA PARTICIPATION DES COMMUNES AU FINANCEMENT DES ÉQUIPEMENTS PUBLICS

La proposition de loi n° 311 qui vous est soumise, déposée par M. François Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée , relative aux modalités de calcul de la PVR, vise à exclure du calcul de l'assiette les terrains non constructibles du fait des documents d'urbanisme visés à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme (schémas de cohérence territoriale, plans locaux d'urbanisme et cartes communales) et pour lesquels « aucun projet de travaux n'est prévu ».

A l'appui de ce dispositif, l'exposé des motifs mentionne, d'une part, le problème du préfinancement des équipements , qui constituerait une lourde charge pour les communes. Il évoque, d'autre part, les terrains pour lesquels la commune « n'a aucune intention de réaliser des travaux à terme » (terrains de football ou cimetières) et plaide pour que ne soient pris en compte que les « terrains qui bénéficient véritablement du nouvel équipement ».

Les propriétaires de terrains inconstructibles ne sont pas assujettis au paiement de la PVR. Il ne s'agit donc pas ici, et l'exposé de la proposition ne le mentionne d'ailleurs pas, d'exonérer les propriétaires de terrains non constructibles au motif qu'ils ne profiteraient pas des équipements, puisque ils ne sont d'ores et déjà pas assujettis.

En revanche, la différence entre la surface prise en compte pour le calcul de la participation (l'ensemble des « terrains riverains » à l'exception de ceux mentionnés précédemment) et son recouvrement est mise à la charge de la commune : il s'agit donc d'alléger le coût afférent à la construction des équipements publics qui pèse sur le budget communal.

III. LES PRÉCONISATIONS DE VOTRE COMMISSION : APPLIQUER LE DROIT EN VIGUEUR AVANT DE LE MODIFIER

Les vicissitudes qu'a connues le régime de la PVNR doivent inciter à la plus grande prudence quant à une nouvelle modification de la loi. C'est pourquoi votre commission considère quelque peu prématurée et, par certains aspects, contestable, la démarche poursuivie par les auteurs de la proposition de loi, et estime nécessaire de prendre le temps d'évaluer réellement le nouveau régime issu de la loi de 2003 avant de le modifier.

A. UNE PROPOSITION DE LOI PRÉMATURÉE

Comme tel a été exposé précédemment, le régime de la PVR adopté en 2003 constitue l'aboutissement d'un long processus de tâtonnements, d'incertitudes et de blocages : en voulant mettre fin à une situation de grande incertitude juridique pour les communes, la loi SRU » a elle-même rencontré de nombreuses difficultés dans sa mise en oeuvre, relayées avec insistance par votre Assemblée.

Est-il vraiment opportun, dans ces conditions, de modifier, avant la présentation du rapport d'évaluation par le Gouvernement, ce régime ? Les communes en charge de l'application des règles d'urbanisme se trouvent en effet confrontées à un droit extrêmement complexe. Tout comme sa devancière, la PVR suscite auprès des maires -dont beaucoup se félicitent de sa création- des difficultés liées à la compréhension de son régime. Ils sont en effet confrontés à une législation nouvelle, dont les modalités d'application et la doctrine ne leur paraissent aujourd'hui pas toujours claires. Or, comme le soulignait le rapport du Conseil d'Etat en 1991, « le sentiment d'insécurité juridique que peut éprouver aujourd'hui le citoyen ne naît pas seulement de l'accumulation des textes, il naît aussi, à stock normatif constant, de la fréquence des changements 2 ( * ) » .

En outre, les fréquentes modifications du code de l'urbanisme nuisent non seulement à sa clarté mais aussi, in fine, à sa cohérence , lorsque les régimes transitoires se multiplient . Ainsi, le code de l'urbanisme prévoit déjà un régime transitoire pour la participation pour voies nouvelles et réseaux, afin de prendre en compte les délibérations issues de la rédaction de la loi SRU. Modifier ce régime une troisième fois conduirait donc à l'instauration d'un deuxième régime transitoire , et cette matière aurait ainsi donné non moins de quatre régimes en quatre ans.

Il faut enfin rappeler que l'article 58 de la loi « Urbanisme et Habitat » a prévu que le Gouvernement transmettrait au Parlement, un an après sa promulgation, un rapport sur la mise en oeuvre de la participation pour voirie et réseaux. Votre rapporteur souligne à cet égard la nécessité que ce rapport soit effectivement élaboré, et a obtenu des assurances du Gouvernement sur sa présentation d'ici la fin de l'année 2003. Le débat mené à l'occasion de ce rapport permettra alors de faire la lumière sur d'éventuelles difficultés d'application ou améliorations à apporter à la loi.

Votre commission relève enfin que la circulaire d'application, qui constitue un auxiliaire précieux pour les maires qui désirent instituer la PVR, ne date que de février 2004. Disposer de quelques mois pour pouvoir évaluer, concrètement, un dispositif entré en vigueur depuis moins d'un an ne paraît donc pas déraisonnable.

B. UNE PROPOSITION DE RÉFORME PRÉSENTANT DES RISQUES POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Tout en donnant acte aux auteurs de la proposition de loi du souci de favoriser une bonne gestion des finances locales, votre commission tend à considérer, sur le fond, que la proposition qui est formulée risquerait d'engendrer des difficultés plus grandes que celles auxquelles elle vise à remédier . Deux raisons à cette crainte : le problème de son éventuelle incompatibilité avec le principe d'égalité devant les charges publiques et les risques encourus par les communes en cas de modification des documents d'urbanisme.

1. Un risque d'inégalité devant les charges publiques

Le calcul du montant de la participation par mètre carré de terrain dépend de la superficie des terrains concernés : l'exclusion des terrains non constructibles permettrait à la commune, lorsqu'elle arrête la part du coût mise à la charge des propriétaires riverains , de répartir le coût des équipements sur un nombre plus réduit de terrains , ce qui entraînerait une majoration du montant de PVR sur les terrains non exclus . Le montant de la participation augmenterait proportionnellement à la réduction de la superficie des terrains.

Autrement dit, le texte proposé reviendrait à alourdir la charge pesant sur les propriétaires qui construisent aujourd'hui, alors même que les terrains actuellement inconstructibles pourraient devenir constructibles en cas de modification du document d'urbanisme. Si tel était le cas, une commune pourrait ainsi se faire financer par des tiers sa propre desserte de réseaux. Il apparaît qu'une telle disposition serait incompatible avec le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques.

2. La modification des documents locaux d'urbanisme : un destin « naturel »

Si le dispositif issu de la loi SRU retranche déjà de l'assiette les terrains inconstructibles pour des raisons physiques ou en raison de servitudes édictées par d'autres autorités, il se fonde sur des critères objectifs, qui ne sont pas susceptibles d'être modifiés. Ce dispositif évite ainsi à la commune de supporter, sur son budget, le coût correspondant à une « desserte fictive » de terrains réellement et définitivement inconstructibles .

Il en va bien autrement des terrains classés inconstructibles par la commune qui peuvent toujours, à l'occasion d'une révision, être déclarés constructibles. C'est même là le destin « naturel » des documents d'urbanisme, qui s'adaptent à l'évolution du développement de la commune, et renvoient à des orientations de fond pouvant varier à l'occasion d'un renouvellement politique. Le Conseil d'Etat soulignait ainsi dans son rapport de 1992 : « La planification urbaine est un élément important des enjeux politiques à l'échelon communal. (...) La réorientation de la politique de l'aménagement de l'espace à l'occasion de changements de majorité est donc tout à fait admissible si ce n'est souhaitable. Il est en effet irréaliste d'exiger pour la règle locale une permanence qui n'est pas vérifiée à l'échelon national » (p. 85).

Or la notion de « terrains déclarés inconstructibles sur lesquels aucun projet de travaux n'est prévu » de la proposition de loi ne laisse aucune souplesse sur ce plan aux communes, qui se lieraient elles-mêmes les mains : en ne fixant aucun délai, et en ne précisant pas qui constaterait l'absence de travaux, cette disposition aurait pour conséquence une inconstructibilité définitive et absolue des terrains concernés, incompatible avec l'évolution de l'aménagement urbain, dont la nécessité vient d'être rappelée.

A contrario, si la commune rendait constructible, des années après, un terrain exclu du calcul de la PVR, la clé de répartition initiale serait remise en cause, et les premiers constructeurs pourraient engager des actions contre la commune en répétition d'indu. Les taxes et contribution exigées illégalement des constructeurs sont en effet réputées sans cause et sujettes à répétition, le délai de l'action en répétition étant de cinq ans à compter du dernier versement et les sommes à rembourser portant intérêt au taux légal. Les communes seraient donc exposées dans ce cas à un risque juridique et financier majeur.

Dès lors, la notion de « terrains déclarés inconstructibles » de la proposition de loi apparaît à la fois trop large et imprécise, éminemment aléatoire, et vouée à s'appliquer à une réalité mouvante, voire de nature à favoriser des détournements de procédures et des contentieux.

Reste le cas des terrains voués à rester définitivement inconstructibles , évoqués dans l'exposé des motifs de la proposition de loi. Ils posent certes des problèmes particuliers, mais force est de constater qu'il n'apparaissent pas très nombreux. Même le cas d'un terrain de football, cité par les auteurs de la proposition de loi, pourrait, le cas échéant, prêter à discussion, une commune pouvant très bien décider de déplacer son stade.

L'exemple d'un cimetière apparaît plus probant, puisqu'il s'agit effectivement d'un terrain voué à demeurer inconstructible. Cette particularité, liée au caractère irréversible de l'inconstructibilité, appelle sans doute une attention particulière, et pourra utilement être soulevée à l'occasion du rapport d'évaluation afin, le cas échéant, de modifier la loi sur ce point précis.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission, tout en estimant éminemment louables les intentions exprimées par les auteurs de cette proposition, craint que le remède proposé par ce texte ne soit, en quelque sorte, pire que le mal.

Sur le fond, la mesure préconisée ferait en effet courir des risques très sérieux aux petites communes, alors même que celles-ci sortent à peine d'une période caractérisée par une incertitude et une instabilité juridique très grande.

S'agissant de la démarche, il paraît nécessaire d'évaluer les effets de la loi votée en 2003 avant de la modifier à nouveau. Votre rapporteur appelle de ses voeux, à l'occasion de la présentation du rapport d'évaluation par le Gouvernement, d'ici la fin de l'année 2003, un débat constructif sur l'application de la PVR, au cours duquel la question de la situation particulière des cimetières pourra opportunément être évoquée.

Dans l'attente de ce rapport, votre commission vous propose de ne pas adopter la proposition de loi n° 311.

* 2 Rapport public du Conseil d'Etat, 1991, n° 43, p. 23.

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