II. LA VOLONTÉ D'UNE DÉMARCHE EXEMPLAIRE

A. DES OBJECTIFS AMBITIEUX

Le souhait de conférer une valeur constitutionnelle au droit de l'environnement a de nombreux précédents à l'étranger. En France même, il a inspiré, depuis les années 70, plusieurs initiatives qui n'ont pas abouti.

1. Une réponse à des attentes anciennes

Les différents projets de constitutionnalisation d'un droit à l'environnement envisagés jusqu'à présent en France soulignent par contraste la portée et l'ambition du présent projet de révision constitutionnelle :

- une modification du préambule de la Constitution -par exemple par l'adjonction d'un nouveau titre à la Déclaration de 1789 comme le suggéraient les trois propositions de loi constitutionnelle concordantes présentées par le groupe socialiste, des membres du groupe Républicain et Indépendant et des membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen 13 ( * ) dont l'un des articles disposait : « Vivre dans un environnement sain conditionne la mise en oeuvre de tous les autres droits de la personne. La protection de la diversité biologique et de l'écosystème en est la garantie » ;

- une extension du domaine de la loi - le droit de l'environnement figurant alors parmi les matières « dont la loi fixe les règles », comme le proposait un rapport d'information de l'Assemblée nationale présenté par M. Michel Barnier, le 11 avril 1990, sur la politique de l'environnement 14 ( * ) ;

- l'inscription du droit de l'environnement dans le cadre d'une nouvelle déclaration de droits nouveaux -ainsi au Sénat la proposition de loi constitutionnelle n° 200, 1975-1976, du groupe communiste (article 56 : « la République assure la protection de la nature et sa mise en valeur rationnelle en vue de satisfaire les besoins de la population sans discrimination ») et à l'Assemblée nationale, la proposition de loi constitutionnelle du 15 septembre 1977, fruit des travaux d'une commission spéciale présidée par M. Edgar Faure (article 10 : « Tout homme a droit à un environnement équilibré et sain et a le devoir de le défendre. Afin d'assurer la qualité de la vie des générations présentes et futures, l'Etat protège la nature et les équilibres écologiques. Il veille à l'exploitation rationnelle des ressources naturelles »).

Ainsi, aucune initiative n'avait jusqu'à présent envisagé l'élaboration d'une déclaration exclusivement consacrée à l'environnement et dont le préambule de la Constitution ferait mention après la Déclaration de 1789 et le préambule de 1946.

2. La singularité française au regard des précédents étrangers

De nombreuses constitutions étrangères 15 ( * ) reconnaissent un droit à l'environnement en particulier quand elles ont été élaborées au cours des années 70 ou 80 comme ce fut le cas pour les pays s'étant affranchis de régimes autoritaires (Espagne, Grèce, Portugal et hors de l'Europe : Brésil, Argentine...). En effet, elles ont tenu compte alors des attentes d'une opinion publique plus sensibilisée aux questions environnementales ainsi que de la reconnaissance internationale des grands principes liés à la protection de l'environnement 16 ( * ) .

Ces textes révèlent deux types d'approche : plusieurs pays reconnaissent un droit à l'environnement assorti du devoir de le préserver . Il en est ainsi en Espagne (art. 45) : « Chacun a le droit de jouir d'un environnement approprié pour le développement de la personne et le devoir de le préserver ». D'autres complètent ce principe général par des dispositions beaucoup plus précises souvent inspirées de considérations liées aux particularités de leur territoire national. A titre d'exemple, la Constitution brésilienne (art. 225) prévoit l'obligation de prévenir le risque environnemental, de réparer les dommages à l'environnement, de préserver la diversité et l'intégrité du patrimoine génétique. Le respect de ce dispositif est garanti notamment, à l'article 5 par l'action publique environnementale faisant obligation aux associations et au ministère public de déclencher l'action en justice pour la défense d'intérêt collectifs et diffus.

Cependant, au-delà de leur diversité, les exemples étrangers présentent généralement trois traits commun s qui singularisent l'approche française :

- le droit à l'environnement est inscrit dans le texte même de la Constitution (il est vrai que contrairement à la tradition constitutionnelle française, beaucoup de constitutions étrangères font directement référence dans leur dispositif aux droits et libertés fondamentales) ;

- les droits et devoirs couvrent souvent un champ étendu à la santé (art. 32 de la Constitution italienne, art. 64 de la Constitution portugaise...) ou à la protection du patrimoine culturel (art. 72 de la Constitution suisse, art. 24 de la Constitution grecque...) ;

- enfin, au-delà de l'énoncé des droits et devoirs, rares sont les constitutions à affirmer des principes généraux d'action tels que les principes de prévention, de précaution ou de participation.

* 13 Respectivement, propositions de loi constitutionnelle n° 166, n° 172 et n° 173, 1997-1998.

* 14 Document Assemblée nationale n° 1227, 11 avril 1990.

* 15 Voir annexe 2 du rapport.

* 16 Yves Jegouzo, Quelques réflexions sur le projet de Charte de l'environnement, in Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 15/2003.

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