EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi du mercredi 16 juin 2004 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M.  Roland du Luart sur le projet de loi n° 335 (2003-2004), relatif à l'octroi de mer, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et sur lequel l'urgence avait été déclarée.

M. Roland du Luart, rapporteur , a rappelé que ce projet de loi était particulièrement attendu depuis deux ans et que l'octroi de mer était l'une des plus anciennes taxes du système fiscal français, puisque son origine remontait à Colbert. Il a montré que la reconduction du régime nécessitait un accord des autorités communautaires, qui étaient particulièrement attentives à tout ce qui pouvait affecter le bon fonctionnement du marché intérieur. Il a précisé que la loi qui servait de base légale au système actuellement en vigueur était prévue, à l'origine, pour s'appliquer jusqu'en 2002, en application d'une décision du Conseil de 1989. Il a indiqué que le Conseil avait rendu une nouvelle décision le 10 février 2004, approuvée par la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, qui instaurait un nouveau système d'écart de taxation entre les productions locales et les importations, relevant à ce propos que deux années de discussion avec les autorités européennes avaient été nécessaires afin de parvenir à un accord satisfaisant. Il a rappelé que la commission avait entendu la semaine précédente Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, qui avait exposé les principales difficultés de la négociation. Il a noté que, lors de son déplacement à Bruxelles le 19 mai 2004, il avait eu l'occasion de rencontrer des interlocuteurs de la Commission européenne qui lui avaient paru particulièrement sensibilisés au traitement spécifique que nécessitaient les régions d'outre-mer.

Puis M. Roland du Luart, rapporteur , est revenu sur l'importance toute particulière de l'octroi de mer pour les collectivités d'outre-mer, relevant que cette importance était double :

- d'une part, il a indiqué que l'octroi de mer constituait la principale ressource des communes et des régions d'outre-mer, observant qu'il représentait entre 43 % et 47 % des ressources fiscales des communes, et que son produit total s'établissait à plus de 700 millions d'euros, qui étaient directement réinvestis dans les économies locales ;

- d'autre part, il a abordé la question de la protection des entreprises d'outre-mer, rappelant que, jusqu'en 1992, l'octroi de mer ne frappait que les importations, mais que ce système, qui s'apparentait à une protection tarifaire, était contraire aux traités européens, ce qui expliquait que la première décision du Conseil relative à cette taxe et prise en 1989 ait posé le principe que tous les produits étaient taxés, quelle que soit leur origine, mais que les exonérations pour les productions locales étaient possibles. Il a remarqué qu'il s'agissait, en conséquence, de parvenir à un un équilibre entre deux articles du Traité, à savoir l'article 90 sur la liberté de circulation des marchandises et l'article 299-2, qui autorisaient des traitements dérogatoires pour les régions ultra-périphériques. Il a jugé que cette protection était toujours indispensable au vu de la fragilité des économies d'outre-mer, liées à leurs handicaps structurels.

M. Roland du Luart, rapporteur , a alors exposé les deux principales innovations apportées par le projet de loi et qui portaient sur la partie « communautaire » et sur la partie « nationale », compte tenu des amendements adoptés, dans un climat relativement consensuel, lors des débats à l'Assemblée nationale, qui avait adopté le texte en première lecture le 4 juin 2004.

Dans un premier temps et en ce qui concernait la partie « communautaire », il a montré que le « coeur » du projet de loi était, en fait, la transposition en droit national de la décision du Conseil du 10 février 2004 qui, par rapport au système actuellement en vigueur, apportait deux modifications substantielles :

- d'une part, il a indiqué qu'il n'existait plus de limite supérieure au niveau de la taxe, contrairement au système actuel, où elle était plafonnée à 30 % ;

- d'autre part, il a exposé que le nouveau système reposait sur des écarts de taux maximum autorisés entre les productions locales et les importations de produits similaires. Il a rappelé qu'à l'heure actuelle, les conseils régionaux qui désiraient protéger une production locale et, en conséquence, l'exonérer totalement ou partiellement, devaient transmettre la délibération à la Commission européenne, ce qui s'était révélé, à l'usage, relativement peu satisfaisant. Il a présenté le nouveau dispositif, basé sur des listes annexées à la décision du Conseil, fixant, pour chaque produit et pour chaque région, des écarts de taux maximum autorisés, entre 10 et 30 points, notant que ce nouveau système permettait d'assurer un écart « juste et proportionné », pour reprendre les termes employés par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), entre la production locale et l'importation. Par ailleurs, il a observé qu'une procédure d'actualisation des listes était prévue dans la décision du Conseil et par un amendement introduit par le gouvernement à l'Assemblée nationale.

Dans un second temps et en ce qui concernait la partie « nationale » du projet de loi, il a rappelé qu'une fraction des sommes recueillies au titre de l'octroi de mer était versée, depuis 1992, à un « fonds régional pour le développement et l'emploi » (FRDE) qui, dans chaque région, était destiné à financer des projets en vue de favoriser le développement économique et l'emploi. Il a cependant noté un relatif manque de transparence dans leur gestion et une sous-utilisation des fonds, qui se traduisait par des stocks accumulés considérables, de plus de 100 millions d'euros à la Réunion, et ce, malgré les modifications apportées à leur fonctionnement par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 et par la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003.

Il a mis en évidence qu'aucun consensus n'avait été possible, jusqu'à présent, sur ce débat, et que le système en vigueur suscitait de nombreuses plaintes, notamment de la part des communes. En conséquence, il s'est félicité de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement qui avait été cosigné par de nombreux députés, et qui prévoyait que les fonds des FRDE seraient dorénavant versés directement et à hauteur de 80 % au profit de la section d'investissement des communes, afin de les aider à développer l'emploi et à promouvoir le développement économique, les 20 % restants demeurant gérés par la région. Il a remarqué que l'Assemblée nationale avait adopté un autre amendement permettant de redistribuer, en trois ans, et au bénéfice des communes, les crédits non engagés du FRDE, exprimant son soutien à cette démarche.

M. Roland du Luart, rapporteur , a jugé nécessaire d'exposer les raisons pour lesquelles il ne proposerait, pour sa part, aucun amendement sur ce texte, précisant que trois éléments avaient présidé à son choix qui étaient :

- le caractère communautaire, et donc difficile à modifier, des dispositions les plus importantes du texte ;

- l'urgence qu'il y avait pour le Parlement à l'adopter, compte tenu du fait que le nouveau système devait s'appliquer à compter du 1 er août 2004, soit un laps de temps très court entre la promulgation de la loi après le vote du Parlement et sa mise en application, laps de temps qui devrait être mis à profit par les conseils régionaux pour prendre de nombreuses délibérations. Il a relevé, à ce propos, qu'afin de ne pas mettre dans l'embarras les conseils régionaux, et sachant que l'examen du projet de loi avait été retardé en raison des contraintes du calendrier parlementaire, il lui avait semblé préférable de travailler en étroite concertation avec le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Didier Quentin, afin de parvenir le plus rapidement possible à un accord ;

- le large consensus qui était apparu à l'Assemblée nationale autour de questions importantes comme le FRDE, et dont il ne pouvait que se féliciter.

M. Jean Arthuis, président, a félicité le rapporteur pour la qualité de son expertise, et notamment son souci de travailler en étroite concertation, tant avec les services de la Commission européenne qu'avec la commission des lois de l'Assemblée nationale.

M. Michel Sergent , après avoir précisé qu'il se faisait l'écho des préoccupations exprimées par son collègue Claude Lise, qui n'avait pas pu assister à la réunion de la commission, a relevé que, si un large consensus avait effectivement été observé à l'Assemblée nationale, l'article 48 bis relatif à la redistribution des stocks du FRDE posait un problème, notamment au niveau de la connaissance de données chiffrées. Il s'est également interrogé sur le caractère transitoire, et non pas définitif, du système proposé, avant de s'inquiéter de la relative lourdeur de certaines procédures, comme le rapport que devrait remettre les régions chaque année.

M. Jacques Oudin a salué la qualité du texte et a noté qu'il clarifiait une situation juridique complexe.

En réponse à M. Michel Sergent, M. Roland du Luart, rapporteur , a indiqué que les données relatives au FRDE, dont il avait pu avoir connaissance, et qui figuraient dans son rapport, montraient que les stocks étaient d'une ampleur considérable. Il a indiqué que la Commission européenne n'était pas favorable à un système définitif, mais privilégiait des systèmes transitoires, qui permettaient de réévaluer périodiquement l'efficacité des mécanismes mis en place. En ce qui concernait la remise du rapport par les conseils régionaux, il a souligné que la Commission européenne était particulièrement sensible à la transparence dans la gestion et à la qualité des évaluations fournies, ce qui justifiait, de la part des régions, un travail de réflexion.

M. Paul Loridant s'est également étonné de l'introduction à l'Assemblée nationale d'un article 48 bis, qui prévoyait la redistribution des stocks, s'interrogeant sur les motivations de son adoption.

M. Roland du Luart, rapporteur , a indiqué que la redistribution des stocks devrait permettre aux communes et aux EPCI de réaliser, à brève échéance, les investissements structurants nécessaires afin d'améliorer l'attractivité de l'outre-mer.

La commission a alors adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

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