N° 424

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 juillet 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à l' assurance maladie ,

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur.

Tome II : Auditions et Tableau comparatif

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, François Autain, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Georges Ginoux, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 e législ.) : 1674 , 1715 et T.A. 315

Sénat : 420 et 425 (2003-2004).

Sécurité sociale.

AUDITIONS

I. AUDITION DE MM. PHILIPPE DOUSTE-BLAZY,
MINISTRE DE LA SANTÉ ET DE LA PROTECTION SOCIALE,
ET XAVIER BERTRAND,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT À L'ASSURANCE MALADIE

M. Nicolas ABOUT, président - Messieurs les ministres, mes chers collègues, je crois pouvoir dire que c'est avec une réelle impatience que notre commission des Affaires sociales attendait d'entendre MM. Philippe Douste-Blazy et Xavier Bertrand sur la présentation du projet de loi relatif à l'assurance maladie. Ce dossier constitue depuis maintenant quelques mois la grande question qui intéresse, agite - et inquiète même peut-être - un certain nombre de nos concitoyens.

Acquis social majeur de l'après-guerre, la sécurité sociale constitue une réussite dont notre pays peut légitimement s'enorgueillir et dont chacun d'entre nous se sent un peu propriétaire. Nous sommes donc très heureux de vous accueillir, messieurs les ministres, pour faire ensemble le point sur ce qu'il convient de prévoir et d'entreprendre pour préserver son avenir et conforter durablement un financement durement éprouvé aujourd'hui.

L'intérêt que nous portons tous à ce dossier m'a conduit à proposer à l'ensemble de nos collègues sénateurs de se joindre à cette rencontre, qui sera enregistrée pour une diffusion ultérieure sur la chaîne Public-Sénat.

Après votre intervention, si vous en êtes d'accord monsieur le ministre, je donnerai la parole à notre rapporteur général Alain Vasselle, puis à tous ceux qui souhaiteront vous interroger ou faire part de leurs observations.

Je tiens à vous dire qu'avant même votre arrivée, les sénateurs étaient nombreux à s'être inscrits. Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Philippe DOUSTE-BLAZY, ministre de la santé et de la protection sociale - Merci monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, nous sommes très heureux et très fiers, avec Xavier Bertrand, de venir ici, devant cette commission du Sénat, vous présenter le projet de loi relatif à l'assurance maladie.

Conformément au souhait du président de la République, le Gouvernement engage ainsi, un an après la réforme sur les retraites, la modernisation d'un des piliers majeurs de notre système de protection sociale que constitue l'assurance maladie. Cela montre, je pense, tout l'attachement que le Gouvernement accorde à ce système public et solidaire.

Cette réforme est attendue par les Français, vous l'avez dit. Je crois qu'elle peut les rassurer sur l'avenir de leur système d'assurance maladie, qui est, vous le verrez, non seulement préservé mais consolidé.

Nous entrons dans une nouvelle étape de cette grande réforme, celle du débat au Parlement. C'est une étape majeure qui nous permettra de faire évoluer le projet du Gouvernement. Les premiers amendements des députés ont été déposés hier soir. Tout montre que le débat sera riche, en particulier ici au Sénat.

Ce débat que nous aurons au Parlement fera suite à une phase de concertation très intense que Xavier Bertrand et moi avons menée avec l'ensemble des partenaires du monde de la santé et de l'assurance maladie. Nous n'avons pas, je crois, ménagé notre peine et j'ai le sentiment que cette concertation a permis d'aboutir à un projet qui va faire évoluer en profondeur notre système de santé et d'assurance maladie.

J'ai le sentiment que peu de réformes, monsieur le président, ont donné lieu à autant de rencontres, autant d'échanges, autant de débats. Depuis plus de deux mois, nous aurons été, avec Xavier Bertrand, en contact permanent avec les partenaires sociaux, les représentants des professionnels de santé et surtout des patients, les représentants des organismes d'assurance maladie et des régimes complémentaires. Nous avons mené plus d'une centaine d'entretiens avec l'ensemble des partenaires de cette réforme.

Cela venait, vous vous en souvenez, après le diagnostic partagé du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et après la première phase de concertation que Jean-François Mattei, mon prédécesseur, avait su organiser.

Tous les acteurs de l'assurance maladie se sont, eux aussi, investis « à fond » dans cette concertation. Ils nous ont fait remonter leur vision de la situation, leurs propositions, leurs inquiétudes. Ils nous ont permis d'améliorer le texte que nous allons vous présenter.

Après le temps du dialogue et de la concertation, est venu le temps de l'action.

D'abord, cette réforme est nécessaire. Face à l'accumulation des déficits, il était en effet indispensable de stopper la dérive des comptes et d'entamer le retour vers l'équilibre. 23.000 euros par minute de déficit : voilà aujourd'hui l'état de faillite du système de l'assurance maladie.

J'ai réuni la semaine dernière la Commission des comptes de la sécurité sociale de printemps. Celle-ci nous a rappelé l'ampleur des déséquilibres actuels.

Le déficit, mesdames et messieurs les sénateurs, devrait atteindre près de 12,9 milliards d'euros. Ce résultat s'explique d'abord par la faible croissance des recettes.

La croissance de 1,9 % de la masse salariale en 2003 demeure relativement faible. La croissance, certes, montre des signes de reprise mais qui demeurent trop modestes pour avoir un impact sur les recettes. Nous souhaitons tous voir cette tendance s'accélérer. Nous verrons à l'automne si c'est le cas, ce que, bien évidemment, nous souhaitons tous ici.

Cette atonie conjoncturelle des recettes se conjugue avec un dynamisme des dépenses de l'assurance maladie qui ne se dément pas encore.

J'y reviendrai tout à l'heure mais l'ensemble des travaux récents, qu'il s'agisse du rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ou du rapport de la Commission des comptes, montre bien la continuité des évolutions dans ce domaine depuis 1997. Depuis cette date, le déficit structurel de l'assurance maladie, c'est-à-dire corrigé des variations conjoncturelles, a crû continûment.

Nous sommes bien, ici, face à une tendance de fond relative aux dépenses de santé. Les dépenses d'assurance maladie, comme les dépenses de santé, augmentent rapidement. Il n'y a pas de décrochage.

Une croissance exceptionnelle des recettes en 2000 et 2001, liée à une conjoncture économique internationale très particulière, a masqué ce dynamisme des dépenses, dans notre pays comme ailleurs, mais une fois cette évolution favorable des recettes passée, le ralentissement de la croissance a brusquement fait ressortir le déficit cumulé. Une telle vivacité des dépenses fait peser une menace sur l'équilibre actuel des comptes de l'assurance maladie.

Les années 2002 et 2003 ont été elles aussi marquées par des mesures ponctuelles qui ont contribué à entretenir ce dynamisme des dépenses, en particulier la mise en place des 35 heures. Sans remettre en cause les 35 heures, je tiens quand même à le souligner : 3,4 milliards d'euros, c'est le coût des 35 heures à l'hôpital. C'est évidemment considérable et cela continue de peser en 2004 sur l'évolution des dépenses hospitalières.

Il y a néanmoins des signes positifs lorsque l'on regarde très attentivement l'évolution très récente de l'assurance maladie : l'année 2003 marque une première décélération de la croissance des dépenses de l'assurance maladie par rapport à 2002. Je rappelle que l'augmentation des dépenses de l'assurance maladie s'élevait à 7,2 % en 2002. Ensuite, le dépassement de l'ONDAM, même s'il reste important, se réduit substantiellement par rapport aux années antérieures : il ne sera « que » de 1,2 milliard d'euros en 2003, contre plus de 3 milliards d'euros en 2001 et presque 4 milliards en 2002.

Les premiers chiffres pour 2004 confirment cette nouvelle tendance même s'il convient bien sûr de rester très prudent. Bien évidemment, ces évolutions ne nous permettront pas de revenir à l'équilibre mais elles évitent une plus forte dégradation des comptes.

Face à l'ampleur de ces déséquilibres, il était donc nécessaire d'agir et d'entamer ce « redressement par la qualité » qu'appelait de ses voeux le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. C'est l'objet même du projet de loi que nous vous présentons aujourd'hui et dont nous souhaitons vous donner les principales lignes de force.

L'organisation de notre système de soins constitue la priorité du Gouvernement. Elle est au coeur du projet de loi.

Chaque Français doit pouvoir disposer, d'ici 2007, de son dossier médical personnel (le DMP), qu'il partagera avec son médecin traitant et, le cas échéant, avec les professionnels de santé avec qui il est en contact. Ce dossier répond à une demande d'information médicale de la part de nos concitoyens et à un droit que leur donne la loi du 4 mars 2002 sur l'accès aux données de santé.

Ce dossier sera obligatoire. Plusieurs fois par le passé - en 1993 et en 1995 en particulier - nous avions évoqué la possibilité de mettre en place un dossier médical. Nous n'avions jamais sauté le pas de le rendre obligatoire.

L'ensemble des partenaires gagnera à la mise en place de ce dossier médical personnel. Le premier bénéficiaire sera, bien sûr, le malade, à qui le dossier médical offrira une meilleure garantie de soins. Je vous rappelle que 128.000 hospitalisations par an sont dues à des effets secondaires liés à l'interaction entre des médicaments. Cela entraîne, chaque année, la mort de 11.000 personnes : autant que sur la route. Avec le dossier médical, en quelques minutes, il sera possible de connaître les traitements suivis par le patient depuis dix, quinze ou vingt ans, les interactions médicamenteuses néfastes, les allergies aux différents traitements, etc. Le patient sera gagnant parce qu'il aura un accès unifié à l'information le concernant, trop souvent éparse. L'hôpital, la clinique privée, le médecin auront tous le même dossier. Le médecin, lui aussi, sera gagnant. Le dossier médical personnel lui permettra un meilleur suivi de son patient, grâce à un accès à l'information en temps réel. Enfin, bien sûr, l'assurance maladie bénéficiera de la mise en place de ce dossier médical par la limitation des soins inutiles, redondants et dangereux.

L'organisation de l'offre de soins suppose aussi de construire de véritables parcours de soins au bénéfice du malade qui ne doit plus être laissé face à une organisation qu'il ne comprend pas toujours et dans laquelle, il faut bien le reconnaître, il se perd parfois. Nous avons par ailleurs tous en tête des exemples personnels ou parmi nos proches de cas d'examens ou de consultations répétés parce qu'on est mal renseigné ou parce que, tout simplement, on ne sait pas précisément à qui s'adresser.

Il nous faut remettre de la cohérence dans un système de soins qui est parmi les plus performants du monde dans ce que les experts appellent le « curatif individuel » mais qui s'épuise, simplement parce qu'il manque de repères et d'organisation.

C'est évidemment tout le sens de la mise en place du médecin traitant. Le médecin traitant, c'est la porte d'entrée pour le malade. Ce médecin, qu'il soit spécialiste ou généraliste, sera librement choisi par le malade car la liberté est au coeur de notre système. Aucun Français ne se verra imposer son médecin : cela ne correspond pas à notre modèle.

Le médecin traitant orientera le patient dans le système de santé afin de l'aider tout simplement à construire le parcours de soins que j'évoquais à l'instant. Un certain nombre de spécialistes resteront évidemment en accès direct, je pense par exemple aux pédiatres, aux ophtalmologistes et, bien sûr, aux gynécologues, qui nous ont rappelé récemment que c'était là leur souhait.

Nous ne souhaitons pas que la loi ou des décrets fixent un cadre rigide à ce médecin traitant car cela relève de la responsabilité des partenaires conventionnels, c'est-à-dire des caisses d'assurance maladie et des professionnels de santé.

Dernier point sur lequel je souhaitais insister dans cette nouvelle organisation de l'offre de soins, c'est la nécessité de renforcer les liens entre la médecine de ville et l'hôpital. Après tout, nous avons un malade unique, un financeur unique et deux secteurs qui souvent s'ignorent trop.

Il n'y a pas d'un côté la réforme de l'assurance maladie et de l'autre la réforme de l'hôpital. Il y a bien une réforme de l'organisation des soins qui vise au décloisonnement, au développement des réseaux, à l'élaboration d'une véritable stratégie de l'offre de soins sur un territoire donné. Il faut que nous soyons très clairs sur ce point.

C'est notamment pour mettre en oeuvre ces décloisonnements que le projet de loi prévoit un rapprochement entre les URCAM (les Unions régionales des caisses d'assurance maladie) et les ARH (les Agences régionales d'hospitalisation).

Ces deux institutions devront travailler ensemble sur toute une série de sujets comme, en particulier, la répartition de l'offre de soins - il y a de plus en plus de départements et de cantons sans médecins hospitaliers ou libéraux - mais aussi la permanence des soins et le développement des réseaux. Le rapprochement entre la ville et l'hôpital est une exigence.

Il passe aussi par un même respect par les professionnels de santé des référentiels de bonne pratique, la même adhésion aux démarches d'évaluation, le même engagement en faveur de la qualité des soins. Je ne vais pas demander aux médecins libéraux d'adopter de bonnes pratiques et accepter dans le même temps qu'elles ne soient pas respectées par les médecins hospitaliers. Il faut évidemment que l'ensemble joue le jeu. En tant qu'ancien médecin hospitalier, je suis certain de l'adhésion de mes confrères à une démarche qui met le patient au coeur de nos préoccupations.

Pour accompagner cette organisation de l'offre de soins, il nous est apparu indispensable de mieux définir les compétences de l'ensemble des acteurs qui participent à ce que les experts appellent la régulation du système, son pilotage.

C'est le sens de la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie. Sans doute avons-nous trop tendance, monsieur le président, à ne parler de cette gouvernance qu'en termes d'institutions et de pouvoirs. Ayons bien en tête, encore une fois, qu'il s'agit avant tout de mettre notre système d'assurance maladie au service du malade et d'une offre de soins plus efficace et mieux organisée.

La délégation de nouvelles compétences au bénéfice des caisses d'assurance maladie et le partenariat entre régimes de base et organismes complémentaires doivent permettre aux gestionnaires de l'assurance maladie de mener une politique globale du risque maladie, sur la base des objectifs de santé publique et des principes généraux dont l'État reste le garant. Dans ce projet, c'est l'État qui est le garant de la santé publique, c'est l'État qui définit les objectifs de santé publique. Sur le médicament et la gestion de l'hôpital, l'assurance maladie sera très étroitement associée aux décisions, au travers de sa participation au comité économique des produits de santé, dont les compétences sont élargies, et au comité de l'hospitalisation qui va se mettre en place.

De la même façon, le renforcement de la coopération entre les régimes d'assurance maladie via les URCAM et la réforme des instances dirigeantes des caisses nationales et locales doivent donner plus de lisibilité et d'efficacité à notre système.

Cela passe aussi par un dialogue conventionnel rénové et, je l'espère, pacifié entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé. Il nous faut retrouver confiance dans les relations conventionnelles. Là encore, la loi donne des outils, grâce à l'arbitrage, pour régler les éventuels différends et, vous le verrez, consolide les accords grâce au droit d'opposition donné aux syndicats majoritaires. C'est aux acteurs du système de santé, c'est aux acteurs du système d'assurance maladie qu'il revient de faire vivre cette négociation conventionnelle dans un esprit de dialogue et d'ouverture.

La promotion de la qualité des soins est une autre priorité.

La nécessité d'une évaluation de l'utilité médicale fondée sur des critères réellement scientifiques était un des messages forts du rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Notre système s'épuise aujourd'hui, d'une certaine façon, à vouloir tout financer, sans aucune hiérarchie ni visibilité. C'est la raison pour laquelle il faut redonner une cohérence aux choix que nous sommes amenés à faire et nous donner les moyens de rembourser les médicaments et les traitements innovants qui constituent la médecine de demain.

Nous ne disposons pas aujourd'hui des outils nous permettant d'évaluer l'utilité médicale d'un acte. Je pense par exemple à la dernière innovation en date : l'ostéodensitométrie. Faut-il ou non rembourser cet acte ? La moitié des médecins répondent que oui, en raison de l'ostéoporose des femmes ménopausées. L'autre moitié nous dit que cela ne sert strictement à rien et qu'il est possible de donner un traitement substitutif hormonal sans ostéodensitométrie. Une moitié est favorable au remboursement, une moitié s'y oppose. Je retrouve autour de cette table la même configuration. Je vois à vos réactions que l'opinion est divisée en deux. Ce n'est pas au ministre, même s'il est médecin, de décider, s'il doit ou non rembourser l'ostéodensitométrie, ni d'ailleurs à un parlementaire ou à un lobby quelconque. C'est à un Haut comité scientifique qu'il revient de le faire, un Haut comité scientifique dont les membres, chercheurs de l'INSERM et de différentes sociétés savantes, nous éclaireront sur le résultat des études épidémiologiques et nous indiqueront si le traitement représente ou non un intérêt. L'intervention de ce Haut comité scientifique représentera une amélioration formidable du système, pour nous tous, quelle que soit d'ailleurs notre appartenance à un groupe politique de cette assemblée ou d'une autre. Lorsqu'une demande d'admission au remboursement est faite pour un acte médical, nous ne disposons pas aujourd'hui de réponse alors que nous en avons une pour le médicament.

C'est évidemment une lacune très importante à laquelle il fallait remédier.

La Haute autorité de santé devra émettre un avis sur l'utilité médicale des produits et des actes avant l'admission au remboursement. Elle pourra également être sollicitée par différents acteurs. L'assurance maladie, l'État, des assemblées parlementaires, ou encore des représentants des usagers pourront saisir cette Haute autorité pour réévaluer l'efficacité de certains traitements si cela s'avère nécessaire.

La Haute autorité se verra confier une deuxième mission tout aussi centrale dans le nouveau dispositif : celle de veiller à l'élaboration et à la diffusion des référentiels de bonne pratique. Sur ce sujet, il nous faut passer à la vitesse supérieure et surtout diffuser des référentiels de bonne pratique qui soient effectivement applicables dans la vie quotidienne des professionnels de santé, en particulier les médecins.

La qualité des soins passe aussi par un engagement plus fort qu'aujourd'hui des professionnels de santé dans des démarches de formation continue et d'évaluation. J'ai confiance, je l'ai dit, dans la capacité des professionnels de santé à être les acteurs de la réforme, à relever avec nous le défi de la qualité.

Le projet de loi prévoit un certain nombre de dispositions qui vont dans ce sens. Cet engagement doit concerner les professionnels libéraux comme d'ailleurs ceux qui exercent à l'hôpital. C'est un point auquel nous sommes extrêmement attachés. Je souligne aussi que nous faisons rentrer cette logique de qualité des soins à l'hôpital au travers d'accords de bon usage des soins qui pourront être signés au niveau national entre l'État, les fédérations hospitalières et l'assurance maladie, puis déclinés au niveau local.

Voilà sur le troisième axe de ce projet. Je passe la parole à Xavier Bertrand, qui va aborder le redressement financier de l'assurance maladie plus à court terme.

M. Xavier BERTRAND, secrétaire d'État à l'assurance maladie - Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs,

Comme Philippe Douste-Blazy l'a rappelé au début de son intervention, la situation financière de l'assurance maladie est grave et il était urgent d'agir. En présentant un plan de redressement portant sur 15 milliards d'euros, le Gouvernement répond à ce défi.

15 milliards d'euros, c'est évidemment considérable. Il y a eu un temps où les plans de réforme de la sécurité sociale étaient sur ces ordres de grandeur, mais nous parlions à l'époque en francs et non en euros. C'est donc un plan ambitieux et structurant pour l'avenir.

Il repose tout d'abord sur 10 milliards d'euros de moindres dépenses et non d'économies comme, par un raccourci trompeur, on a trop souvent tendance à le dire. Nous dépenserons en 2007 beaucoup plus pour notre santé qu'en 2004. Il est important de le rappeler.

Les dépenses de santé continueront de croître car c'est tout à fait légitime. Il n'y a pas et il n'y aura pas de rationnement des soins, de quelque nature que ce soit. Cependant, nous mettons tout en oeuvre pour que chaque euro investi dans notre système de soins le soit à bon escient.

Cela passe tout d'abord, à hauteur de 3,5 milliards, par la mise en oeuvre des mesures de maîtrise médicalisée des dépenses, notamment le dossier médical personnel, le médecin traitant et la promotion du bon usage du médicament. La diffusion effective de référentiels de bonne pratique sous l'égide de la Haute autorité de santé constitue aussi un volet essentiel de cette maîtrise médicalisée des dépenses.

Nous entendons des interrogations sur les moyens d'atteindre ces objectifs. Je voudrais tout simplement rappeler que la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés vient de nous expliquer dans une étude qui date de quelques semaines qu'en réalité, les dépenses inutiles se montaient à près de 5 à 6 milliards d'euros, ce qui représente près de 15 % des prescriptions de biens et de soins médicaux. Vous voyez qu'il y a là des marges de manoeuvres considérables dans la promotion des bonnes pratiques médicales, avec notamment le renforcement de la coordination des soins autour du malade. Soigner mieux et dépenser mieux, ce n'est pas un slogan, cela peut devenir une réalité.

La politique du médicament, au travers notamment d'un développement rapide du médicament générique, constitue le deuxième volet de ce plan, à hauteur de 2,3 milliards d'euros. Nous construisons ce volet en lien avec l'industrie du médicament afin de concilier les exigences d'économies avec la nécessaire valorisation de la recherche et de l'innovation. Soigner mieux en dépensant mieux s'applique également à la filière des produits de santé.

C'est tout le sens de cette politique du médicament que nous souhaitons développer dans les années qui viennent. Je viens de parler à l'instant du développement du générique, il y a d'autres mesures dont je voudrais vous parler, mesdames et messieurs les sénateurs :

- une meilleure adaptation des conditionnements aux prescriptions, par exemple, en permettant la délivrance de boîtes de trois mois pour des maladies chroniques mais en développant également des boîtes de plus petites quantités pour des affections de très courte durée, notamment pour les enfants ;

- une plus grande maîtrise du processus de rétrocession des médicaments de l'hôpital vers la ville, qui est aujourd'hui à l'origine d'une forte progression des dépenses ;

- un relèvement mesuré des taxes applicables aux industries du médicament, au travers de la reconduction de la taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques instaurée par la loi de financement pour 2004 et l'augmentation de la taxe sur les dépenses de promotion.

Sur ce dernier point, je rappelle que nous consommons en moyenne une boîte de médicaments par personne et par semaine, soit 1,5 fois plus que les Allemands et les Espagnols. Je voudrais rappeler un autre chiffre qui permet de fixer quelle est aujourd'hui l'utilisation des médicaments dans ce pays : les trois quarts des boîtes de médicaments, qui sont entamées, ne sont jamais terminées.

La promotion pharmaceutique contribue indéniablement à la situation actuelle même si cela n'est pas la seule explication. Le projet de loi prévoit aussi la mise en place d'une charte de qualité de la visite médicale entre les industriels et le comité économique des produits de santé, ceci permettant de favoriser une diffusion de l'information d'une meilleure qualité.

Parce qu'il contribue à près de la moitié des dépenses d'assurance maladie, il était légitime que la modernisation de la gestion de l'hôpital participe à la réforme de l'assurance maladie. C'est principalement grâce à une rationalisation de la politique d'achat que l'hôpital y contribuera, à hauteur d'1,6 milliard d'euros en 2007. La mission d'étude et d'analyse hospitalière a souligné la très grande hétérogénéité des coûts d'achats à l'hôpital, qui vont pour certains produits de 1 à 5. Ce n'est évidemment pas satisfaisant et là encore, il y a ici des marges de progrès importantes.

Le renforcement du contrôle des arrêts de travail au travers de procédures plus simples et plus efficaces, dans le respect des droits des professionnels comme des patients, devrait nous permettre d'économiser 800 millions d'euros dans ce domaine d'ici à 2007. Nous l'avons dit à différentes reprises : il ne s'agit en rien de culpabiliser les uns ou les autres ; il s'agit simplement de s'assurer de la réalité de la justification médicale de l'arrêt de travail et de décourager les abus.

Nous savons qu'il y a des abus : dans certaines entreprises, de la part de certains médecins, de la part certains patients. Ces abus sont toujours minoritaires mais pour préserver ce système des arrêts de travail, qui est historiquement l'un des fondements de notre système d'assurance maladie, il faut veiller à ce que ce système ne soit pas détourné de ses objectifs. Encore une fois, rien ne peut raisonnablement justifier qu'on consomme en proportion trois fois plus d'arrêts de travail dans un département par rapport à un autre. Cela n'a, à l'évidence, rien à voir avec un quelconque besoin ou problème de santé de la population.

L'économie des frais financiers liés au transfert de la dette à la CADES et la modernisation de la gestion du réseau des caisses d'assurance maladie contribueront également à ce plan, respectivement à hauteur d'1,1 et 0,2 milliard d'euros.

Pour compléter ces 10 milliards d'euros de moindres dépenses, le plan du Gouvernement prévoit 5 milliards d'euros qui se déclinent de la façon suivante :

- 1 milliard d'euros au titre de la participation des usagers, au travers de la contribution de 1 euro et de l'augmentation du forfait journalier ;

- 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires au travers de certaines mesures dont je souhaiterais souligner deux éléments qui me semblent majeurs.

Il convient de noter en premier lieu la contribution d'un milliard d'euros de l'État au travers d'une fraction plus importante des droits tabacs donnée à l'assurance maladie. Votre commission a, à de nombreuses reprises, souligné la complexité des liens financiers entre l'État et la sécurité sociale et a surtout insisté sur la nécessité de clarifier la situation.

Nous avions déjà entamé cette clarification en supprimant le FOREC et en affectant une part croissante des droits tabacs à l'assurance maladie.

Avec la réforme de l'assurance maladie, nous faisons un pas de plus en opérant ce transfert d'un milliard d'euros des droits tabacs. Nous avons ainsi le sentiment que ce transfert de l'État est un geste très fort, dans un contexte financier difficile pour les finances de l'État, et une réponse très concrète au débat sur les charges indues. Nous croyons de surcroît qu'une telle affectation des droits tabac à l'assurance maladie repose sur une logique forte de santé publique.

Le texte prévoit également que tout transfert de charge entre l'État et l'assurance maladie devra être compensé. Sur ce point également, nous avons le sentiment que nous empruntons une voie qu'avait tracée à différentes reprises votre commission et plus particulièrement le rapporteur pour le PLFSS, Alain Vasselle.

Le deuxième point sur lequel je souhaiterais insister est le souci de justice et d'équité qui a animé le Gouvernement dans le choix de ces différentes mesures de recettes. C'est un effort partagé, des entreprises, des actifs, des retraités, à chaque fois dans des limites qui nous semblent acceptables.

L'augmentation de la CSG sur les retraités ne s'applique qu'aux seuls retraités imposables.

Cette augmentation est limitée puisqu'elle s'élève à 0,4 point, ce qui laisse un écart important, 0,9 point, avec la CSG payée par les actifs. Alors qu'une politique très ambitieuse de prise en charge de la dépendance se met en place, il nous a semblé possible que les retraités contribuent à l'effort de redressement de l'assurance maladie. L'augmentation de l'assiette de la CSG sur les revenus d'activités nous a également semblé justifiée après la réforme des frais professionnels intervenue fin 2002.

Le taux de CSG sur les revenus du patrimoine et de placement sera par ailleurs relevé de 0,7 point. Compte tenu du prélèvement déjà prévu au profit de la CNSA (0,3 point au 1 er juillet 2004), le taux de CSG sur les revenus financiers et du patrimoine sera ainsi porté à 8,5 %. Enfin, la CSG sur le produit des jeux sera, quant à elle, relevée de 2 points pour passer à 9,5 %.

S'agissant des entreprises, le projet de loi prévoit une augmentation de 0,03 point de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la fameuse C3S. Il était, je crois, logique que les entreprises participent à l'effort de redressement des comptes de l'assurance maladie. Elles le font dans des proportions qui, là encore, nous semblent raisonnables.

M. Philippe DOUSTE-BLAZY, ministre de la santé et de la protection sociale - Merci. Nous voulions vous présenter dans le détail, mais de façon succincte, cette réforme. Nous sommes à votre disposition pour les questions. C'est une réforme nécessaire. C'est également une réforme structurelle, et non un énième plan, parce qu'il n'y a que deux logiques pour réformer l'assurance maladie : ou une logique comptable ou la régulation médicalisée. Nous sommes allés au bout de cette logique de régulation médicalisée, y compris avec le parcours médicalisé de soins, le dossier médical obligatoire, les bonnes pratiques, les référentiels. C'est, enfin, une réforme juste. Nous avons souhaité avoir une sorte de formule : « C'est en changeant tous un peu qu'on peut tout changer ». Le projet qui vient de vous être présenté par Xavier Bertrand sous-entend que tous les Français, quels qu'ils soient, auront en effet un effort à faire. Nous n'avons pas voulu taper exclusivement sur les uns ou les autres et nous n'avons pas oublié non plus de protéger les plus modestes, en particulier dans des réflexions que nous aurons à mener ensemble au Parlement sur les complémentaires.

M. Nicolas ABOUT, président - Merci, messieurs les ministres. Je cède maintenant la parole à notre rapporteur général.

M. Alain VASSELLE, rapporteur - Monsieur le président, merci. A ce stade, il ne m'appartient pas évidemment de faire des commentaires sur l'exposé liminaire fait par Philippe Douste-Blazy et Xavier Bertrand. Je suis là pour poser un certain nombre de questions afin de compléter l'éclairage souhaitable des commissaires sur le projet de réforme de l'assurance maladie.

J'ai listé un certain nombre de points que vous avez traités dans vos propos. Je me permets de les reprendre un par un, il y en a sept, et de les exposer de manière très sommaire puisque, messieurs les ministres, vous avez eu connaissance du questionnaire que nous avions préparé à votre attention. Il s'agit d'entrer un peu plus dans le détail de votre exposé de la réforme pour être un peu mieux éclairés sur certains de ses aspects.

Le dossier médical partagé

Tous les spécialistes, les experts et les professionnels qui ont été entendus lors des consultations auxquelles j'ai pu procéder en ma qualité de rapporteur et des auditions auxquelles les commissaires et moi-même avons participé, prétendent que cette réforme ne pourra pas se faire du jour au lendemain et qu'elle doit être progressive pour réussir. Cette nécessaire progressivité est-elle compatible avec le calendrier que vous avez prévu dans le projet de réforme ? Telle est ma première question.

L'hôpital

Nous constatons à travers le projet de loi, et votre exposé le confirme, que la réforme concerne pour l'essentiel la médecine de ville. Et ce, monsieur le ministre, même si vous avez pris la précaution de préciser que l'objectif du Gouvernement était de veiller à ce qu'il y ait un rapprochement entre la médecine de ville et l'hôpital, qu'il y ait une véritable osmose, une communication, entre les deux, afin que le patient soit parfaitement bien traité et bénéficie de la qualité des soins. Devons-nous en conclure que ce qui a été initié dans le cadre du PLFSS 2004 concernant l'hôpital représente l'essentiel du plan de réforme de l'hôpital, et équivaut finalement au plan hôpital 2007 ? Dans cette hypothèse, le Gouvernement maintient-il les objectifs de ce plan ainsi que le calendrier de la mise en oeuvre ou bien d'autres aspects complémentaires à la réforme interviendront-ils dans un second temps ?

La répartition des rôles entre l'État et les partenaires sociaux

Nous avons vu, à la lecture du texte, que les pouvoirs du directeur de la CNAM bénéficiaient d'un renforcement très net. Quels pouvoirs permettront de renforcer les responsabilités des partenaires sociaux et ces derniers vous semblent-ils prêts à exercer le pouvoir que vous envisagez de leur confier ?

Il est prévu d'accorder un pouvoir d'opposition aux professionnels de santé à travers leur organisation syndicale. Ce pouvoir n'est-il pas de nature à déséquilibrer la vie conventionnelle en bloquant l'adoption de dispositifs qui figuraient dans un accord national mais reposaient sur une adhésion individuelle des professionnels ? Il s'agit d'un domaine assez complexe, je me permets de le souligner.

Quel est l'équilibre économique de cet aspect de la réforme ? Ne s'agit-il pas en réalité avant tout d'un investissement pour parvenir à un meilleur usage des soins ? J'y ajoute une réflexion que je me suis faite et sur laquelle j'ai interpellé des représentants de l'ordre des médecins, que j'ai auditionnés la semaine dernière. Ils n'ont pas su répondre à ma question. Je vous la pose. Lorsqu'un patient fera le choix d'un spécialiste, au lieu d'un médecin généraliste, comme médecin traitant, qu'en sera-t-il de la rémunération de l'acte du médecin ? Sera-t-elle la même pour le généraliste et le spécialiste lorsqu'il s'agira de la première consultation ou bien le spécialiste demandera-t-il une rémunération qui correspondra à ses honoraires habituels et sera donc supérieure à celle du généraliste ? J'aimerais que vous puissiez me répondre sur ce point, car si tel est le cas on risque d'aboutir à une inflation des dépenses chaque fois que le patient aura choisi un spécialiste comme médecin traitant.

La clarification des comptes de l'État et de la sécurité sociale

S'agissant de la clarification des comptes de l'État et de la sécurité sociale, point qui a été exposé par Xavier Bertrand, le projet de loi prévoit l'octroi à la sécurité sociale par le budget de l'État d'un milliard d'euros. C'est un pas dans la bonne direction. Je reste, en ce qui me concerne, un peu sur ma faim. Je comprends bien, comme l'a précisé M. le ministre, que nous sommes dans une conjoncture particulièrement délicate et difficile et qu'il n'est pas envisageable, dans le moment présent, de faire davantage. Ne peut-on pas imaginer, néanmoins, dans un délai un peu plus lointain, lorsque la croissance sera au rendez-vous, que nous puissions faire un effort supplémentaire ? Je me réserve la possibilité, si vous y êtes prêts messieurs les ministres, d'échanger sur ce point avec vous. Devons-nous considérer que ce milliard d'euros, dans votre esprit et celui du Gouvernement, est un solde pour tout compte ? Auquel cas, évidemment, il peut y avoir quelques discussions ensemble sur le sujet et j'aimerais bien que nous ayons l'occasion d'en reparler. A moins qu'il s'agisse d'une première étape d'un processus destiné, au fur et à mesure des marges de manoeuvre disponibles, à restituer à la sécurité sociale l'ensemble des recettes qui lui ont été soustraites ...

Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé à déposer un projet de loi organique concernant le PLFSS. Vous n'y avez pas fait référence. J'aimerais savoir quand ce projet sera déposé et discuté. En outre, seriez-vous en mesure de nous donner les grandes lignes de cette loi organique ?

Le financement de la dette

Vous prévoyez dans le texte de loi de transférer les 35 milliards d'euros de déficit constaté à la date d'aujourd'hui et d'y ajouter les déficits prévisionnels des exercices 2006 et 2007, dans la limite de 15 milliards d'euros. Au total, cela équivaudra donc à une cinquantaine de milliards d'euros, à condition que les déficits à venir ne dépassent pas le plafond que vous avez fixé. Il faut espérer que non, mais sait-on jamais ! Tout ceci va avoir pour conséquence de reporter sur les générations futures le poids de la dette jusqu'en 2014, voire 2024 et peut-être même au delà, si on prend en compte bien entendu les 15 milliards d'euros.

Est-ce la seule solution ? Une solution mixte ne pourrait-elle pas être envisagée ? L'alternative consisterait, à la fois, à prolonger la durée de vie de la CADES et à prévoir une augmentation de la CRDS.

En outre, vous avez évoqué, monsieur le ministre, les conséquences pour l'hôpital des 35 heures, dont vous n'avez pas la responsabilité. Vous avez chiffré le préjudice à 3,5 milliards d'euros. Il faut y ajouter toutes les recettes qui ont été captées aux dépens de la sécurité sociale et au profit du financement des 35 heures. Vous apportez une compensation à hauteur d'un milliard d'euros. Toutefois, si nous faisions le compte aujourd'hui de tout ce qui a été détourné au profit des 35 heures, la somme totale avoisinerait 10 milliards d'euros. Ne pourrait-on pas imaginer, compte tenu de ces effets des 35 heures et de cette dette de 10 milliards d'euros, de pouvoir mener une discussion entre la CADES et le Gouvernement afin que la CADES, non pas immédiatement mais peut-être à terme lorsque les conditions plus favorables de la croissance seraient réunies, n'ait pas à rembourser autant que ce qui était initialement prévu ?

M. Nicolas ABOUT, président - Merci, monsieur le rapporteur. Comme convenu avec vous, monsieur le ministre, nous allons donc écouter les autres questions, ce qui vous permettra de répondre au rapporteur général et aux autres intervenants en même temps. Je donne la parole, d'abord, au président Fischer, puis à nos collègues Chabroux, Leclerc, Chérioux, Gouteyron et Fortassin.

M. Guy FISCHER - Monsieur le président, ce que j'ai à exprimer ici est peut-être davantage un point de vue qu'une série de questions.

Pour la première fois depuis dix ans, les quatre branches du régime général devraient être déficitaires puisque même la branche ATMP le serait cette année. Nous risquons donc d'aborder la fin de l'année avec un déficit de 14 milliards d'euros en 2004. Nous pensons que la grande réforme annoncée de l'assurance maladie n'est absolument pas à la hauteur des enjeux, ni à la hauteur des besoins de financement. Nous la percevons davantage, mais nous aurons le temps d'en débattre tout au long du mois de juillet, comme un énième plan d'économie frappant surtout les assurés et non comme une étape supplémentaire structurante pour l'avenir du système. Cette réforme consiste en fait en une étatisation du pilotage du système et un affaiblissement de l'assurance maladie obligatoire pour laisser grandes ouvertes les portes à la privatisation et au développement d'une médecine à deux vitesses.

Nous trouvons vraiment dommageable que votre texte ne contienne rien concernant l'hôpital public. Si j'avais eu le temps de développer mon propos, j'aurais pu faire la démonstration qu'en fait, cette réforme s'appuie sur des textes déjà existants - quatre ou cinq, sinon six - et ayant fait l'objet depuis 2002 d'une série d'examens. Le problème est posé pour l'hôpital public. Il touche à la démocratisation de sa gestion. Nous assistons ici à une crise morale des acteurs. Tout le débat sur la T2A, la formation des personnels, le financement des structures et les investissements privés nécessiterait à notre sens d'être public. Pourtant, lorsque le Gouvernement cherche à faire évoluer le financement pour trouver d'autres crédits concernant toutes les grandes infrastructures - que ce soit pour les prisons, les hôpitaux ou les autoroutes - il se contente d'annoncer la solution pour laquelle il a optée (et qui, certainement, à la sortie coûtera plus cher) et préfère agir une nouvelle fois par ordonnance. Ainsi, récemment, un texte sur l'hôpital a été adopté à l'Assemblée nationale.

La réforme que vous proposez manque également, à notre sens, de cohérence dans la mesure où elle est muette concernant les lois de financement de la sécurité sociale. Le rapporteur général vient d'y faire allusion. A priori , dès la rentrée parlementaire, nous aurons à nous ressaisir de ces questions, puisque vous avez annoncé une loi organique à l'automne.

Enfin, contrairement aux déclarations faites par le Premier ministre, cette réforme n'est pas juste. Elle ne repose pas sur des efforts répartis équitablement. Nous sommes dans la même situation qu'au moment de la réforme des retraites. Ce seront les patients, les assurés, les salariés en général, qui subiront tout le poids des financements. La plupart des mesures contenues dans le titre I relatif à l'organisation du système de soins stigmatisent à notre sens les patients, en visant soi-disant les fraudeurs, et sanctionnent les personnes en ALD, jugées trop nombreuses et accusées de ne pas accepter les contraintes imposées pour accéder aux soins. Nous pensons qu'il est dangereux de commencer à pratiquer des discriminations quant au remboursement et d'ouvrir les possibilités de dépassement d'honoraires. Nous sommes d'avis que ce texte va permettre la généralisation du secteur II et peut-être la mort des généralistes. Nous dénonçons donc le danger d'une médecine à deux vitesses et d'un rationnement des soins.

Les mesures contenues dans le titre III, concernant le financement, pèsent, elles aussi, sur les salariés. Elles pénaliseront les générations futures puisqu'elles sont prévues pour durer jusqu'en 2024. Nous pensons véritablement que les entreprises comme l'industrie pharmaceutique mais aussi l'État sont tenus en dehors de la mise à contribution. En outre, nous estimons que la réforme ne garantit absolument pas l'égalité des Français devant les soins, comme le souhaite pourtant le Président de la République. L'euro par consultation est particulièrement injuste et contraire aux fondamentaux de l'assurance maladie, tout comme les dépassements d'honoraires. Quant au médecin référent, là encore, nous nous inquiétons de l'atteinte au libre accès aux spécialistes. Nous ne voyons pas comment vous allez, dans ces conditions, tenir votre engagement, monsieur le ministre, de garantir l'accès direct, par exemple, des femmes à leur gynécologue.

Au nom des améliorations du texte que vous envisagez, nous souhaiterions savoir comment vous prévoyez de procéder, en ce qui concerne l'aide à la complémentaire. Amenderez-vous cette question ou sera-t-elle renvoyée à la loi de finances pour 2005 ? De même, s'agissant du plan de financement, comment allez-vous clarifier les choses ? Cela passera-t-il par la loi de financement de la sécurité sociale, les lois de finances, etc. ?

M. Nicolas ABOUT, président - M. Chabroux a la parole.

M. Gilbert CHABROUX - Merci, monsieur le président. Messieurs les ministres, j'ai été très attentif mais j'ai quand même un certain nombre de questions à vous poser. J'ai découvert, comme mes collègues, hier et aujourd'hui dans la presse, les pages de publicité que vous avez fait publier pour votre réforme de l'assurance maladie. Vous dites : « Pour qu'il n'existe jamais une médecine à deux vitesses. Pour que nous puissions tous être soignés de la même façon. Pour préserver l'égalité des soins dans notre pays ». Je m'interroge. Je sais que le Gouvernement compte beaucoup de grands communicants, vous en faites sans aucun doute partie, mais là n'est pas le problème essentiel. Je m'interroge sur le contenu de ce message, et non sur les moyens mis en oeuvre pour essayer de faire passer un tel message. Je voudrais que vous puissiez nous éclairer sur votre conception de l'égalité. Il semble que votre plan est très déséquilibré - je le dis, comme l'a fait avant moi Guy Fischer - et qu'il conduit justement à une médecine à deux vitesses.

Certes, il faut une réforme. Cette nécessité existe. Vous l'avez souligné, vous avez insisté sur ce point. Toutefois, j'aimerais revenir un peu sur les chiffres que vous avez indiqués. Vous dressez un tableau très sombre. « 23.000 euros par minute » : vous répétez cela sans cesse. Quelqu'un vous a dit que le chiffre était parlant mais on paie aussi 36.000 euros par minute pour les exonérations patronales que le contribuable prend à sa charge. On pourrait faire toutes sortes de comparaisons. Et vous ne compensez pas tout sur ces exonérations de cotisations sociales. On pourrait comparer avec le déficit de l'État. Ce déficit a atteint un niveau record ! Etes-vous aussi sombre par rapport aux comptes de l'État ? Je crois que, fin 2003, la dette de l'État atteignait 63,7 % du PIB, soit 992 milliards d'euros. Je souhaiterais donc que l'on relativise la situation.

Vous avez fait allusion au gouvernement précédent. Vous avez indiqué que les dépenses de santé avaient fortement progressé. On connaît l'argument. Toutefois, les recettes, elles aussi, ont beaucoup progressé et le régime général était à l'équilibre en 1999, 2000 et 2001. Il y a eu, je vous le concède, un léger déficit de l'assurance maladie, qui tournait autour de 1 à 2 milliards. Telle était la situation qui vous a été laissée : une situation de quasi-équilibre.

Vous avez fait allusion aux 35 heures. Vous avez mentionné ce que cela coûtait en application. Je voudrais simplement, pour ma part, vous dire que, lorsqu'on crée des emplois, on fait aussi rentrer des cotisations dans les caisses. C'est pourtant une réalité ! Et les 350.000 emplois créés par les 35 heures y ont contribué. 100.000 emplois, cela représente tout de même un milliard d'euros supplémentaires dans les caisses. Si on augmentait d'un point la masse salariale, cela ferait 1,5 milliard d'euros. Monsieur le ministre, je vous demande de faire la part des choses et de faire les bonnes comparaisons.

La réforme est nécessaire, je le reconnais, mais les efforts que vous demandez ne sont pas répartis de manière équitable. Ils demandent trop aux patients et aux assurés par rapport aux entreprises et aux professions de santé, qui sont singulièrement épargnées. On ne demande quasiment rien aux entreprises. On ne demande presque rien à l'industrie pharmaceutique.

Les dépenses de médicaments représentent 20 % des dépenses de santé, mais vous n'agissez pratiquement pas sur cette masse financière. Sachant qu'il y a une surconsommation médicamenteuse, sachant qu'il existe des problèmes de toutes sortes, des fausses innovations, que faites-vous ? La règle, pour vous, est celle du laissez faire quand il s'agit de l'industrie pharmaceutique.

Je voudrais, par rapport à cette médecine à deux vitesses que vous prétendez vouloir écarter, vous demander ce que vous pensez de l'euro forfaitaire par consultation. Est-ce vraiment l'égalité ? Les petits revenus ne seront-ils pas pénalisés ? N'existe-t-il pas un risque que certaines personnes n'aillent plus se faire soigner et soient victimes de pathologies plus lourdes ? La prise en charge coûtera alors plus cher à la collectivité. Et que dire de l'égalité dont vous vous réclamez de l'article 5, qui autorise les dépassements d'honoraires pour les spécialistes lorsque les patients ne seront pas passés par leur médecin traitant ? Je me demande s'il est moral de mieux rémunérer un acte quand il est effectué dans de mauvaises conditions !

Je voudrais aussi vous poser des questions par rapport à la lutte contre les inégalités géographiques et sociales, par rapport à la démographie médicale. Il n'y a rien sur ce point dans votre réforme, ou pas grand-chose. Ce sont des petites mesures, des « mesurettes ». Ce n'est pas moi qui ai employé ce terme. C'est, je crois, François Bayrou, qui a parlé de « mesurette », de « réformette ». Pour ma part, je n'emploierai pas ce vocabulaire, mais d'autres l'ont fait et, après tout, on peut s'en servir !

M. Nicolas ABOUT, président - Vous maniez souvent la prosopopée. Citez-vous, cela suffira.

M. Gilbert CHABROUX - Tous les syndicats et mutuelles ont, eux aussi, dénoncé votre plan. Que faites-vous dans le domaine de la santé publique, de la prévention ? Rien. Comment ce texte va-t-il s'articuler avec celui sur la santé publique qui devrait être présenté, paraît-il, dans quelques jours devant notre Assemblée ? Allez-vous parler un jour de médecine du travail, de santé au travail, de santé environnementale ? Je crois qu'il existe bien un plan mais que le sujet ne peut pas y trouver sa place. Allez-vous parler d'éducation à la santé ? N'allez-vous pas rééquilibrer - ne le faudrait-il pas au bout du compte - les soins et la prévention, pour une santé de qualité et centrer le système de soins sur la santé publique et la prévention ? Je vous pose donc un certain nombre de questions en même temps que je vous donne mon point de vue.

M. Dominique LECLERC - Messieurs les ministres, tel est le débat démocratique mais vous me permettrez de ne pas poursuivre dans ces propos un peu politiciens. N'étant pas tenu à la réserve du rapporteur, je vais me permettre de vous poser quelques questions dans la continuité des propos que vous avez tenus, et qui ont été très bien compris par nos concitoyens, lors de l'émission « Cent minutes pour convaincre ». Je crois que les Français ont compris qu'il ne s'agissait pas d'une énième réforme, mais qu'il existait au contraire une véritable volonté gouvernementale de revoir autrement le problème de l'assurance maladie dans notre pays.

Ma première question est relative aux propos de Xavier Bertrand. Il est indispensable, nous le savons tous, de combattre tous les abus. Il ne faut pas les traiter à la légère car, tous additionnés, ils représentent une facture impressionnante. Si nous réussissions à y mettre fin, cela permettrait de juguler les dépenses, comme vous l'avez dit. Un équilibre parfait est une vue utopique. Il faudrait faire fi du vieillissement de la population, des nouvelles technologies, etc. Votre projet, bien structurant, ambitieux et séduisant, laisse la porte ouverte à un certain nombre de responsabilités, notamment au paritarisme. Tous les abus sont connus, grâce à l'informatique, qui donne le suivi de ce nomadisme médical et souligne toutes les aberrations, surfacturations, etc. On peut toutes les décliner. Jusqu'à maintenant, les uns et les autres, alors qu'ils en avaient, je pense, l'autorité et les moyens législatifs, n'ont pas agi. Qu'en sera-t-il demain ?

Je fais référence, messieurs les ministres, au dernier rapport de la Cour des comptes, qui a été sévère envers l'AFSSAPS, une instance qui nous est chère car sa naissance est partie du Sénat. Près de mille collaborateurs en dix ans ! Le résultat n'est pas à la hauteur de l'ambition qui a porté l'AFSSAPS sur les fonts baptismaux de sa création. Demain, quelle sera la composition de la Haute autorité médicale, sur laquelle repose beaucoup votre projet de réforme ? Quelles seront ses missions dans cette médicalisation de la dépense de santé ? Ce point me semble essentiel et je ne voudrais pas avoir des doutes. Je compte sur le Gouvernement pour l'amener à répondre à votre ambition.

Il existe aujourd'hui un Comité de transparence qui délivre des AMM concernant les médicaments. Vous évoquez par ailleurs un Comité économique. J'ai beaucoup entendu, l'autre jour, Xavier Bertrand faire allusion à votre souhait d'améliorer le conditionnement par rapport au traitement. La politique du générique a été lancée avec le succès que l'on connaît. Néanmoins, ce Comité de transparence continue, mois après mois, à délivrer des AMM pour des boîtes de 28 ou de 14 comprimés. Comment le patient, à qui il arrive souvent de perdre un comprimé, comprend-il qu'il ne doit prendre son médicament que 28 jours alors qu'un mois en compte 30 ? Des aberrations de la sorte, il en existe beaucoup. Comment, alors que le Gouvernement a lancé une politique de génériques, certains médicaments contraires à cette politique peuvent-ils se voir accorder une AMM ? Je ne prendrais qu'un exemple, le Glucophage à 850. Il a son générique. Pourtant, le laboratoire s'est vu accorder une AMM pour un dosage à 1.000. Messieurs les ministres, quelle sera votre possibilité d'agir vis-à-vis de toutes ces agences, de tous ces comités, afin d'apporter l'efficacité que votre projet demande ?

Ma deuxième question porte sur la médicalisation telle que nous l'avions évoquée lors du vote de l'ONDAM au Parlement à la fin de l'année. Dès l'instant où l'on parle de maîtrise, il en découle obligatoirement une maîtrise financière et une volonté pour nous de la médicaliser. J'étais pour ma part intervenu dans ce sens. Vous êtes allé à Sartrouville rencontrer les médecins conseils. Selon moi, dans le cadre de votre projet, de notre projet, la place du contrôle médical est essentielle. J'ai appris certaines aberrations du paritarisme à l'égard, on va le dire, de la transmission de votre intervention à Sartrouville, qui me font peur quant à l'efficacité de la réforme envisagée. Quelle place entendez-vous donner au contrôle médical, non seulement dans votre projet, mais également par rapport aux caisses ? C'est, je crois, essentiel.

Depuis l'an 2000, je vois des circulaires dans lesquelles des responsables du contrôle médical demandent à leurs médecins de cantonner à 20 % de leur temps les contrôles individuels. Naturellement, la réplique des professionnels a été très claire. Nous assisterons dans quelque temps à une dérive des indemnités journalières. C'est un des éléments qui est à l'origine de la flambée actuelle des indemnités. Quelle est la place, quel est le statut, du contrôle médical ? Il s'agit, selon moi, d'une question essentielle. Au travers des auditions que nous faisons sur les régimes spéciaux, mes chers collègues, les règles de cotisations et de remboursements sont là encore différentes. Ce sont des inégalités entre les uns et les autres qui apparaissent.

Je voudrais également évoquer les mises en invalidité. Tous les maires ici présents le savent. Elles sont évaluées à des milliers, pour ne pas dire beaucoup plus. Il existe des pratiques qui se font, si l'on peut dire, « dans la maison ». Là encore, le contrôle médical des caisses est déterminant pour donner un avis indépendant par rapport à la filière des collectivités locales ou de certaines entreprises que nous auditionnons actuellement.

Ma dernière question concerne le financement. Vous avez essayé, à mon avis, de le répartir judicieusement sur les uns et les autres, avec la responsabilisation des patients. Entre nous, vous le savez très bien, les ALD concernent peut-être une minorité de patients mais représentent une grosse dépense. Pourquoi ne pas instaurer un protocole qui engage les uns et les autres ? Le patient, dès lors qu'il bénéficie de la gratuité, devrait pouvoir s'engager sur un suivi thérapeutique avec son médecin traitant et subir l'incontournable contrôle médical. Ayant lu l'audition du président de la CNAM concernant ces examens demandés en matière de cholestérol, je prendrais l'exemple d'un diabétique. Le protocole se doit d'être individuel, car le suivi n'est pas le même pour tous les diabétiques ou tous les hypercholestérolémiants.

Il est donc indispensable que cette médicalisation se fasse et, là encore, je ne suivrai pas mon collègue Chabroux. Cette médicalisation est très fine et nécessite qu'une importante communication soit mise en place. Les propositions que vous nous faites auront besoin de temps pour avoir des effets significatifs. Ce n'est pas du jour au lendemain que vous gommerez ces abus, ce n'est pas du jour au lendemain qu'on mettra ce protocole en place. Il est donc indispensable que le Gouvernement communique.

M. Jean CHERIOUX - La question que je souhaite poser est tout à fait courte et très modeste d'ailleurs. Je n'ai pas très bien compris, sur le plan structurel, quel était l'avenir du paritarisme. J'avais cru comprendre qu'au sein de la Caisse d'assurance maladie, pour le moment il n'y avait plus de paritarisme. Alors, va-t-il être rétabli ou pas ? Cette question n'a peut-être pas une importance fondamentale mais me semble cependant intéressante.

Mon deuxième point est plutôt une suggestion. Nous voulons, à juste titre, responsabiliser les malades. Ne serait-il pas judicieux d'envoyer, chaque année, au malade, une note lui indiquant le montant total de ce qu'il a coûté à la sécurité sociale ? Bien souvent, les personnes ne s'en rendent pas compte et cela les responsabiliserait beaucoup.

Je voulais m'arrêter là, mais j'ai finalement une troisième question puisque Gilbert Chabroux a abordé le problème des 35 heures et de leur impact sur les recettes. Personnellement, je crois me souvenir que lorsqu'on a mis en place les 35 heures, on a demandé un gros sacrifice aux salariés sur le plan de l'évolution de leur salaire en contrepartie des RTT. Les 35 heures se sont donc traduites par une moindre hausse des salaires et, par conséquent, une perte de recettes pour la sécurité sociale. Etes-vous capable d'évaluer cette perte de recettes due aux conditions dans lesquelles ont été conçues les 35 heures ?

M. Adrien GOUTEYRON - Je vais être aussi, je l'espère, extrêmement bref. En revanche, je vous demande, monsieur le président, d'excuser mon départ. Je serai sans doute obligé de partir avant que le ministre ne réponde mais je lirai attentivement le compte-rendu de la commission.

Je veux limiter mon propos à une question. Elle rejoint celle qu'a posée tout à l'heure Alain Vasselle sur la CADES mais la mienne sera peut-être plus technique. Vous prévoyez de transférer à la CADES 10 milliards d'euros de dettes en septembre 2004, 25 milliards au plus tard le 31 décembre 2004. A ces 35 milliards, s'ajouteront les milliards prévisionnels pour les années suivantes, 2005 et 2006. Vous les estimez à 15 milliards maximum.

Messieurs les ministres, ces 15 milliards représentent une somme considérable ; ce n'est pas la peine d'insister sur ce point. Toutefois, vous permettrez au président du Comité de surveillance de la CADES de vous poser une question. Vous prévoyez que les montants des transferts et les dates de versements correspondants pour le remboursement de ces quinze derniers milliards soient fixés par décret. Ne serait-il pas souhaitable, messieurs les ministres, pour des raisons de clarté, et peut-être aussi d'efficacité pour le travail de la CADES, que tout cela soit prévu dans les lois de financement de la sécurité sociale plutôt que par décret ? Lorsqu'il s'agit de sommes comme celles-ci, il est important de garantir une certaine visibilité vis-à-vis des prêteurs.

M. François FORTASSIN - Monsieur le président, messieurs les ministres, j'ai quelques interrogations et j'aimerais avoir des éclaircissements. D'abord, sur le thème du dossier médical personnel. Il est clair que l'on peut être tout à fait d'accord sur ce principe. Cependant, ne craignez-vous pas qu'il y ait quelques problèmes de confidentialité ? Ne peut-on pas considérer qu'un certain nombre d'informations pourraient tomber, si elles ne sont pas totalement sécurisées, entre les mains d'assureurs, de banquiers, autrement dit autant de personnes qui ont à connaître la santé des patients pour des raisons qui n'ont rien de médical. Il y a là un vrai problème. En outre, face à cela, un certain nombre de médecins, voulant défendre très légitimement leurs patients, risquent de fournir un dossier médical personnel a minima en ne faisant pas figurer un certain nombre d'indications importantes. C'est un élément qui, je crois, doit être pris en compte.

Ma deuxième interrogation porte sur le devenir de ce que j'appellerais la carte vitale de deuxième génération, qui devait théoriquement sortir le 1 er juin. Ne serait-il pas possible d'y faire figurer un certain nombre d'informations extrêmement utiles ? Peut-être pas les informations confidentielles, pour les raisons que je viens d'évoquer, mais en particulier le groupe sanguin, les dons d'organes, les allergies... et éventuellement les empreintes digitales.

Enfin, le troisième point concerne le problème de l'industrie pharmaceutique. Aujourd'hui, on sait qu'il s'agit d'un domaine où les abus sont nombreux. Est-il logique que la force de vente représente près de 50 % du prix du médicament alors que la recherche n'est concernée que pour 10 % ? Quand on sait d'autre part que beaucoup d'experts en la matière sont payés par les laboratoires pharmaceutiques, sont-ils véritablement les mieux placés ? On sait aussi que lorsqu'un médicament est sur le point de tomber dans le domaine public, tel laboratoire modifie quelque peu les molécules et relance un nouveau médicament, pratiquement identique au précédent, échappant ainsi au domaine public. Est-il normal, enfin, d'accepter qu'aujourd'hui certains visiteurs médicaux se voient interdire de contacter certains médecins, jugés « insuffisamment prescripteurs » ? C'est une réalité.

M. Nicolas ABOUT, président - Qui le leur interdit ?

M. François FORTASSIN - Ces mêmes laboratoires pharmaceutiques. On peut considérer que la médecine et l'industrie pharmaceutique sont libérales au niveau de l'exercice mais dès l'instant où elles sont payées par des deniers publics, on peut aussi considérer que dans l'organisation, elles ne doivent pas forcément être exclusivement libérales.

M. Nicolas ABOUT, président - Je peux dire qu'effectivement il me paraît contraire à leurs intérêts d'interdire à leurs visiteurs de consulter les médecins qui ne prescrivent pas leurs médicaments. Par contre, il est vrai qu'il peut y avoir une sélection des médecins les plus prescripteurs de médicaments en général, et non pas de leurs médicaments en particulier. L'objectif est ici pour les laboratoires de ne pas perdre trop leur temps avec des médecins qui prescrivent très peu, parce qu'ils ont éventuellement une faible clientèle.

M. François FORTASSIN - On les rationne !

M. Nicolas ABOUT, président - Je ne sais pas si on reconnaît aux visiteurs médicaux un rôle d'information des médecins mais pour l'instant, ils sont effectivement les seuls à l'assurer.

M. Bernard CAZEAU - Messieurs les ministres, entre la maîtrise comptable et la maîtrise médicalisée, vous avez fait le choix de ressortir ce vieux serpent de mer de la maîtrise médicalisée, qui a montré depuis des années ses limites. Dieu sait si les différentes mesures ont été appliquées depuis près de vingt ans dans ce domaine ! Sans doute était-il difficile dans votre esprit - et je crois qu'en l'occurrence vous avez eu raison - de faire une réforme sans le concours des professionnels de santé, qui sont absolument opposés à la maîtrise comptable. Vous êtes en train d'essayer de démontrer, une ultime fois certainement, qu'il est impossible de régler ce problème à l'amiable et vous reportez sur vos successeurs une véritable réforme. Il ne s'agit pas ici d'une question. C'est ce que je pense.

Toutefois, voulant jouer le jeu du projet de loi, je vais quand même vous poser une question. Xavier Bertrand a indiqué tout à l'heure que vous mettiez en place toute une série de mesures visant à lutter contre les dépenses inutiles. Vous avez précisé, monsieur le ministre, qu'il existe 5 à 6 milliards d'euros de dépenses inutiles. C'est vrai. La CNAM l'a encore démontré récemment. Toutefois, vous avez omis de mentionner la suite de ses propos. Certes, la CNAM indique qu'il y a 5 à 6 milliards d'euros de dépenses inutiles mais elle ajoute que nous n'avons pas les moyens, y compris juridiques, d'y remédier. Quels sont les moyens nouveaux, sachant qu'il y a 2.000 médecins conseils dont véritablement 800 sont sur le terrain en France, qui seront affectés à la sécurité sociale, qui va maintenant être chargée de cette gestion, pour lui permettre notamment de solutionner le problème des arrêts de travail et de lutter contre les abus que vous mettez en exergue de la part des professionnels de santé ?

M. Nicolas ABOUT, président - La courtoisie m'interdit de ne pas offrir la parole à Mme Luc pour terminer. Elle sera donc la dernière à intervenir.

Mme Hélène LUC - J'apprécie la question qui a été posée par Alain Vasselle sur le fait de savoir si la réforme 2007 correspond à la réforme de l'assurance maladie pour l'hôpital. Je crois que c'est une question importante.

Je m'interroge par ailleurs sur un point. Lorsque, au lieu d'aller voir un généraliste, les personnes iront voir directement un spécialiste, pensez-vous réellement que cela permettra de faire des économies ? Je n'en suis pas sûre du tout.

Par ailleurs, il devient très difficile aujourd'hui de consulter un généraliste. Le temps d'attente est considérable. Certains médecins généralistes ne reçoivent des patients que s'ils sont recommandés par une relation. Je vous parle en connaissance de cause. A quelle situation va-t-on aboutir pour les généralistes ?

Je m'interroge aussi sur le droit d'aller voir plusieurs médecins, non pour les mettre en concurrence, mais pour trouver une autre solution médicale. Je peux vous citer plusieurs cas. Priver les patients de cette possibilité revient à leur ôter un droit.

S'agissant de la formation des médecins, avez-vous fait un bilan ou allez-vous le faire ? Je pense qu'il faudrait apporter des améliorations à la formation de médecins, notamment du point de vue psychologique. La psychologie joue, selon moi, un très grand rôle dans la médecine ; les étudiants ne sont pas assez formés dans ce domaine.

Mon dernier point concerne le service de garde des médecins. J'avais émis le souhait, auprès de votre prédécesseur, qu'il y ait un contrat entre la CNAM et l'ordre des médecins. J'aimerais savoir où l'on en est.

Enfin, dans le domaine de la prévention, de la médecine scolaire, nous sommes toujours aussi pauvres, et de plus en plus, en médecins scolaires. Je considère que si l'on faisait davantage à l'école, on dépenserait sans doute moins d'argent ensuite car les enfants seraient en meilleure santé.

Je souhaiterais conclure en évoquant les arrêts de maladie. Faites-vous entrer le problème social en ligne de compte ? Monsieur le ministre médecin, ou le médecin ministre, vous avez eu devant vous des femmes qui avaient des enfants. Quand une femme a un ou deux enfants malades, quand il y a des épidémies, que peut faire un médecin sinon lui donner un arrêt maladie ? Personnellement, je ne vois pas comment il peut faire autrement. Est-ce que vous définissez cela comme un abus ? Selon moi, ce n'en est pas un. C'est s'occuper du problème de la santé des enfants.

M. Nicolas ABOUT, président - Docteur, quel est votre diagnostic ?  Monsieur le ministre...

M. Philippe DOUSTE-BLAZY, ministre de la santé et de la protection sociale - D'abord, je vous remercie pour les questions importantes que les uns et les autres avez posées, ainsi que pour l'ambiance générale.

Le rapporteur général a posé une question très précise sur le dossier médical partagé. François Fortassin ainsi qu'Hélène Luc l'ont rejoint dans cette démarche. Il est vrai que la mise en place d'un dossier médical personnel est incontestablement en retard en France par rapport à d'autres pays. Toutefois, ce retard est, paradoxalement, pour moi, une chance. En effet, pour développer le dossier médical personnel, il faut qu'il soit informatisé. Or les méthodes d'informatisation, les technologies électroniques et l'informatique ont considérablement évolué au cours des dix dernières années. Elles permettent désormais de sécuriser les transferts d'information à distance et autorisent des accès sur des bases de données très importantes.

Vous avez posé plusieurs questions. Vous avez évoqué, d'abord, le problème du calendrier. Le Gouvernement a prévu de procéder à une généralisation progressive, appuyée sur des expérimentations permettant ensuite un déploiement généralisé fin 2006, début 2007. Ce calendrier est compatible avec la montée en charge de la réforme et permettra dans le même temps d'achever l'informatisation des cabinets médicaux et des établissements hospitaliers. C'est un chantier majeur, techniquement complexe, sur lequel nous allons nous concentrer dans les mois à venir. Les professionnels sont partants. Les assurés sont dans l'attente de ce dossier. C'est une chance historique de pouvoir avancer de façon décisive.

François Fortassin pose la question de la confidentialité. Il a raison. Vous aussi, monsieur le rapporteur général, avez posé la question. Il faut quand même savoir que les choses évoluent vite. Aujourd'hui, deux millions de nos concitoyens font leur déclaration d'impôt sur le revenu via Internet, et un million et demi de personnes consultent l'état de leur compte en banque personnel via Internet, parce que tout cela est confidentiel. On procèdera de deux manières pour accéder aux informations contenues dans le dossier médical. D'abord, chacun de nous pourra accéder à son propre dossier grâce à une fiche électronique avec un numéro INSEE ou autre. Nous aurons une carte qui nous reconnaîtra. Ensuite le médecin, mais pas n'importe quel médecin, uniquement celui qui détiendra une carte professionnelle santé (une CPS), pourra avoir accès au dossier médical. Toutefois, cela ne lui sera possible que s'il possède également l'autre carte, celle du malade. Un médecin seul ne pourra pas accéder au dossier. Reste une inconnue : la personne que l'on trouve dans le coma dans la rue. Je n'ai pas encore trouvé de solution technique. Si vous avez une idée, je suis preneur.

Enfin, Hélène Luc pose le problème de savoir si demain on pourra toujours aller voir plusieurs médecins. La réponse est oui. Il n'y a absolument aucune atteinte à la liberté de choix du malade. Prenons l'exemple, justement, du dossier médical. Une personne qui a une douleur à la poitrine consulte un premier médecin le matin à 10 heures. Celui-ci lui réalise un électrocardiogramme de repos puis un électrocardiogramme d'effort : ces deux examens s'avèrent normaux. L'après-midi, vers 16 heures, la patiente va voir un second médecin qui va procéder aux mêmes examens, qui donnent les mêmes résultats. Lorsque le soir à 21 heures, elle ira consulter un troisième médecin, je pense que celui-ci, voyant dans le dossier médical que les deux ou trois premiers électrocardiogrammes sont normaux, ne renouvellera pas cet examen et passera plutôt à l'échographie ou à autre chose. Je veux dire par là que, non seulement ce n'est pas une atteinte à la liberté, mais que cela permet surtout une meilleure qualité du traitement et une meilleure exhaustivité. Je crois que tout le monde est d'accord là-dessus.

Mme Hélène LUC - Oui, mais ce n'est pas si simple. Je ne parle pas de cela.

M. Philippe DOUSTE-BLAZY, ministre de la santé et de l'assurance maladie - Je l'avais bien compris, mais en général, il s'agit bien de cela. En tout cas, sachez que nous ne restreindrons jamais l'accès aux médecins. Je reviendrai sur le sujet du médecin spécialiste dont vous avez parlé tout à l'heure.

Le rapporteur général a abordé le problème de l'hôpital. D'autres aussi ont soulevé cette question. L'hôpital, comme la médecine de ville, est au coeur de la réforme de l'assurance maladie. Sur le plan régional tout d'abord, dans l'amélioration de la coordination entre la ville et l'hôpital. Je l'ai dit : le malade est unique, le financeur est unique. Pour améliorer l'efficacité de la prise en charge des patients, notamment au niveau des réseaux de santé, le rapprochement des agences régionales d'hospitalisation d'un côté et des unions régionales de caisse d'assurance maladie de l'autre, et le dossier médical personnel demanderont autant d'efforts à l'hôpital qu'en ville. Sur le plan national ensuite, avec le rapprochement de l'assurance maladie et de l'État au sein du Comité de l'hospitalisation qui doit donner des avis sur tous les éléments de financement des hôpitaux et des cliniques. Enfin, l'hôpital, Xavier Bertrand l'a évoqué, participera à hauteur de 1,6 milliard d'euros d'économies, notamment par la rationalisation de la politique d'achat. Sachez que les hôpitaux, en général, n'ont pas de politique d'achat. Que ce soit une centrale d'achat sur les médicaments, une centrale d'achat sur les produits courants, en particulier les cuisines centrales, il n'y a pas de politique d'achat dans les hôpitaux aujourd'hui. Ce n'est pas normal.

Vous m'avez posé une question, monsieur le rapporteur général, sur la T2A et la gouvernance. Nous sommes favorables au fait de ne pas rester dans le budget global hospitalier. C'est totalement déresponsabilisant. Qu'un service soit plein ou vide, il reçoit la même somme à la fin de l'année. Je n'ai pas trouvé une personne, de n'importe quelle tendance politique que ce soit, qui veuille garder le budget global. Que faut-il faire ? Depuis 1994, nous essayons, tous les gouvernements compris, de voir ce que peut être la tarification à la pathologie, puis la tarification à l'activité. Nous sommes favorables à une tarification à l'activité mais également, comme les Allemands, au principe de garder dans chaque enveloppe budgétaire une partie pour ce qu'on appelle le service public hospitalier, les missions d'intérêt général. A titre d'exemple, une chirurgie cardiaque, très technique, a tout intérêt à une tarification à l'activité. A l'inverse, un urgentiste qui ne voit arriver dans son service que des plaies à l'arme blanche ou des douleurs fonctionnelles un peu psychologiques, ou tout simplement des overdoses de méthadone, n'a pas à faire face à des problèmes très techniques. Il ne faut pas pour autant pénaliser ce genre de service. C'est la raison pour laquelle nous allons progressivement opter pour la T2A, la tarification à l'activité, mais en gardant ces fameux MIGAC, ces missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation.

Concernant, monsieur le rapporteur général, la gouvernance de l'hôpital, dans la mesure où le malade est au coeur du pôle, j'y suis favorable, à condition qu'il s'agisse de pôles médicaux. Quand un centre hospitalier accueille au premier étage la cardiologie, au deuxième la chirurgie cardiovasculaire, au troisième la pneumologie et au quatrième la chirurgie thoracique, avec en bas le cholestérol et l'hypertension, il est normal que l'ensemble soit regroupé en pôle, le pôle thorax / coeur / poumon. C'est normal et après tout, il est plutôt positif que les services ne se battent pas tous pour avoir le même scanner ou le même IRM. C'est ce qu'on appelle une économie d'échelle et c'est ce qui permet à tous d'être les meilleurs. A l'inverse, je peux comprendre que l'on soit défavorable à l'idée d'un pôle qui serait imposé uniquement pour faire des économies. Je trouve que mon prédécesseur a très bien travaillé dans ce sens. Il reste néanmoins cet aspect médical, qu'il faut mettre au coeur de notre réflexion.

S'agissant de la répartition des rôles entre l'État et les partenaires sociaux, la nouvelle gouvernance implique une nouvelle répartition des compétences entre le directeur et le conseil. Nous avons beaucoup parlé des partenaires sociaux. Certains voulaient mettre le curseur plutôt vers le conseil, d'autres - le MEDEF en particulier - plutôt vers le directeur. Le rôle joué par le conseil demeure très important puisqu'il lui appartient de définir les principales orientations de la politique de la caisse. Il peut d'ailleurs s'opposer au choix du directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie, qui est nommé en conseil des ministres, s'il désapprouve cette nomination. Il existait un large consensus pour faire évoluer le rôle respectif des différents acteurs. J'ai le sentiment qu'en effet, les partenaires sociaux sont prêts à participer à cette nouvelle gouvernance. Il est sain que les partenaires sociaux dans leur ensemble, c'est-à-dire avec les représentants des employeurs, puissent figurer au sein des nouveaux conseils qui succèderont au conseil d'administration. C'est une garantie d'équilibre et de cohérence dans l'action des caisses. La gouvernance que nous présentons permet de concilier des positions parfois divergentes entre les différentes parties concernées.

Jean Chérioux a posé la question du paritarisme. Depuis 1945, le paritarisme prévaut mais l'assurance maladie a beaucoup évolué. En 1945, il fallait faire en sorte qu'à l'injustice d'être malade, ne s'ajoute pas celle de ne pas pouvoir faire manger sa famille. L'essentiel, en 1945, était l'arrêt maladie. Les seuls salariés payaient un système qui leur était directement destiné. Voilà tout. Aujourd'hui, certes les arrêts maladie restent essentiels, j'y reviendrai tout à l'heure, mais ce sont surtout les soins qui sont importants. Les dépenses de soins de 2004 ne peuvent être comparées à celles de 1945. Aujourd'hui, le système est financé par les salariés, bien sûr, mais aussi par l'impôt. Il bénéficie non seulement aux salariés, mais plus largement à tous les résidents qui se trouvent en France, ce qui change tout. Le système est devenu universel. Partant de là, le paritarisme ne peut être qu'un paritarisme rénové, avec la présence du patronat. Nous avons par ailleurs fait le choix, après une importante discussion avec les partenaires sociaux, d'associer la mutualité à la caisse et aux conseils.

Vous avez posé la question, monsieur le rapporteur général, de la reconnaissance d'un pouvoir d'opposition accordé aux organisations syndicales. Personnellement, je pense que l'instauration d'un pouvoir majoritaire d'opposition permet de légitimer les conventions signées et d'éviter l'existence de conventions dont les syndicats ne reconnaissent pas toujours la solidité. Ce pouvoir n'empêche nullement la vie conventionnelle car, en l'absence d'accord, il reviendra à un arbitre désigné par les parties, au président de la Cour des comptes, ou au président du Haut conseil à l'assurance maladie comme l'Assemblée nationale pourrait le proposer, d'établir un règlement applicable après l'arrêté du ministre. Il en résulte une vie conventionnelle où les accords sont légitimes et où les intérêts de chacune des parties pour aboutir à un accord sont plus forts que lorsqu'il s'agit de s'en remettre à un tiers, comme c'était le cas, jusqu'à présent, avec l'État.

Vous avez été nombreux, aux côtés du rapporteur général, à poser la question du médecin traitant. Gilbert Chabroux a même parlé de morale. Guy Fischer, pour sa part, a souligné le problème du secteur II et a évoqué le risque d'une médecine à deux vitesses. Aujourd'hui, après tous les gouvernements successifs, qu'en est-il ? Prenons le cas d'une femme de 25 ans qui a besoin d'un gynécologue dans la région parisienne. Qui va-t-elle consulter ? Elle n'a pas le choix. Elle ne peut qu'aller voir un médecin de secteur II, parce qu'il n'existe pas de gynécologue de secteur I dans la région parisienne. Tel est le système actuel que vous avez accepté, que nous avons accepté. Dans ce système, si elle ne peut payer 50 ou 70 euros, elle ne peut pas consulter de médecin. C'est cela une médecine à deux vitesses. Je suis désolé de le dire mais telle est aujourd'hui la réalité de la médecine de la région parisienne. Certes, la situation est différente en province parce que le secteur II n'y est pas développé de la même façon. Néanmoins, on s'aperçoit aujourd'hui que tous les médecins qui sont en secteur I demandent à passer en secteur II. Certains vont même parfois jusqu'à augmenter leurs honoraires de manière unilatérale. Les caisses primaires d'assurance maladie les déconventionnent. Nous nous trouvons dans un schéma presque insurrectionnel face à certaines caisses primaires d'assurance maladie. Que faut-il faire ? Faut-il accorder le secteur II à tout le monde ? Personnellement, je ne le souhaite pas. Cela généraliserait une médecine à deux vitesses. Nous nous sommes demandés comment diminuer cet état de fait tout en instaurant un parcours personnalisé.

Je rappelle d'abord que la notion de médecin référent, dont quelqu'un a parlé tout à l'heure, n'apparaît pas dans notre projet. Un médecin traitant sera chargé de coordonner le dossier médical. Imaginons que j'ai mal au thorax et que je craigne à tort un problème cardiologique. Si je consulte un cardiologue, ce dernier pratiquera tous les examens possibles pour identifier la cause du problème : un électrocardiogramme de repos, un électrocardiogramme d'effort, une échocardiographie bidimensionnelle, une échocardiographie couleur, un scanner, puis un IRM. Voilà ce que fera un de mes collègues cardiologue. En revanche, si je consulte un bon médecin traitant, qui a l'habitude depuis quinze ou vingt ans de voir de nombreux patients souffrant de douleurs thoraciques et qui me connaît depuis longtemps, il verra que cela ne ressemble pas à une douleur coronarienne. Si l'électrocardiogramme est normal, il me demandera seulement de revenir le voir le soir si les douleurs persistent. Nous en revenons encore à la notion de bon sens. Si mon médecin traitant me confirme que je dois voir un cardiologue, j'irai consulter ce spécialiste et serai remboursé 23 ou 25 euros.

Voilà ce qu'est une bonne médecine aujourd'hui. Cette réforme ne présente pas seulement un aspect de gestion économique. Elle répond aussi au bon sens médical. La patiente que j'évoquais tout à l'heure, qui n'a pas les moyens de payer un médecin du secteur II, pourra consulter n'importe quel spécialiste avec un tel système. C'est à mon avis le contraire d'une médecine à deux vitesses.

Une personne pourra toujours aller voir directement un cardiologue. Dans ce cas, je permets au cardiologue d'augmenter ses honoraires conformément aux termes de la convention. Le risque est cependant que le médecin spécialiste, dont la salle d'attente serait bondée, fasse attendre les patients se présentant par l'intermédiaire de leur médecin traitant pour soigner en priorité les plus fortunés, qui seraient venus directement chez lui. C'est le seul défaut de mon texte. Nous devons trouver ensemble un moyen de mentionner dans la loi l'obligation d'un égal traitement pour tous les malades, et de prévoir des contrôles, etc. J'ouvre moi-même ce sujet à la discussion.

L'assurance maladie a chiffré les économies qui résultent d'une maîtrise généralisée à 5 ou 6 milliards d'euros. Nous sommes plus prudents : nous l'évaluons à 3,5 milliards d'euros. Je vous assure qu'avec des comportements nouveaux, nous pouvons arriver à économiser 3,5 milliards d'euros. Je laisserai la parole tout à l'heure à Xavier Bertrand sur la clarification des comptes de l'État et de la sécurité sociale ainsi que sur le financement de la dette passée pour répondre à la question du rapporteur général.

L'étatisation, dont Guy Fischer a parlé, n'existe absolument pas puisque nous avons voulu avec les partenaires sociaux, rester dans le paritarisme, même s'il s'agit d'un paritarisme rénové. La médecine à deux vitesses, évoquée par Gilbert Chabroux, apparaîtra justement si nous ne faisons rien. Beaucoup nous attendent au tournant. Nos concitoyens l'ont compris : si nous ne faisons pas cette réforme, les plus modestes d'entre nous ne pourront pas payer leurs frais médicaux, parce qu'on est vite modeste quand il s'agit d'examens aussi onéreux que l'IRM, le scanner ou le dosage oestrogène.

Nous n'avons jamais dit qu'il y avait trop d'ALD, monsieur Fischer. Les malades sont bien sûr, par définition, trop nombreux. Nous avons seulement insisté sur le fait que, lorsqu'on est en ALD, si l'on est à 100 % pour une maladie précise, on ne doit pas l'être forcément pour tout le reste. Il est de mon devoir de le souligner et je pense que vous feriez de même si vous étiez à ma place. MM. Chabroux et Fischer ont évoqué l'euro par consultation comme un procédé inégal. Je me permets simplement de rappeler que les personnes relevant de la CMU et du tiers payant ainsi que les femmes enceintes ou les enfants de moins de seize ans ne sont pas concernés. Quant à vous et moi, avec notre salaire, nous pouvons donner un euro par consultation, je vous le dis très franchement. Cela ne va pas poser de problème.

Le président de la République s'était engagé à apporter une aide à la complémentaire pendant l'élection présidentielle. Il a confirmé cet engagement devant la Mutualité française à Toulouse en juin 2003. Nous avons décidé qu'il y aurait des amendements parlementaires, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, sur cette aide. La CMU telle qu'elle avait été mise en place par Martine Aubry, avec un effet seuil, ne pouvait pas fonctionner. La Mutualité, la CFDT et certains partenaires sociaux l'avaient prévenue. Aujourd'hui, si vous vivez seul et percevez 566,50 euros par mois, vous avez droit à tout. Mais si vous percevez 567 euros, vous n'avez droit à rien. Cette solution n'est pas juste. C'est cela, un système à deux vitesses. Nous souhaitons pour notre part redonner un peu de justice sociale.

Monsieur Chabroux, tout à fait entre nous, il est vrai que les comptes de la sécurité sociale se sont rééquilibrés entre 1999 et 2001, grâce à une augmentation des recettes liée à la baisse du chômage. Néanmoins, je me permets de dire, sans qu'il s'agisse ici de chercher à diminuer les mérites de qui que ce soit, que la situation était la même en Italie, en Angleterre et en Allemagne. C'est la croissance internationale qui a permis ce rééquilibre. En revanche, les dépenses de l'assurance maladie n'ont cessé d'augmenter depuis 1997, y compris sous le gouvernement de Lionel Jospin. Nous devons donc essayer de trouver les moyens structurels de diminuer ces dépenses d'assurance maladie.

Vous dites que nous n'avons rien fait concernant l'industrie pharmaceutique. Nous allons signer dans quelques jours - mais après tout, il est vrai que cela n'a pas été dit officiellement ni médiatiquement - une convention avec l'industrie pharmaceutique de 2,3 milliards d'euros d'ici 2007, basée essentiellement sur la politique de génériques. Nous sommes très en retard en France sur ce point. Cette politique a commencé en 1996. Nous avons donné des intérêts aux pharmaciens pour qu'ils vendent des génériques et cela a bien fonctionné. Nous pensons qu'un milliard d'euros par an peut être gagné en poursuivant sur cette voie.

Concernant la démographie médicale, vous avez raison, je pense que ce texte est peut-être encore un peu timide. Je n'ai pas trouvé la solution. Aujourd'hui, beaucoup de conseillers généraux, beaucoup de maires de petites communes - les sénateurs connaissent cela mieux que moi - ont des difficultés pour amener des médecins, qu'ils soient hospitaliers ou libéraux, dans leurs cantons ruraux. Je crois personnellement que les incitations prévues tant par Bernard Kouchner que par Jean-François Mattei sur les praticiens hospitaliers et les médecins libéraux suffisent. On me dit que non mais en réalité, c'est le décret qui est en cause. Il limite tellement le nombre de zones éligibles que personne ne peut bénéficier de ces incitations. Nous devons donc étudier ensemble ce décret. Je suis prêt pour ma part à le revoir. Dans l'hypothèse où les incitations ne suffiraient pas, la question se poserait alors de remettre en cause la sacro-sainte liberté d'installation du médecin. Toutefois, le jour où vous reviendrez, mesdames et messieurs les sénateurs, sur cette liberté, alors vous multiplierez par cinq ou dix le prix du cabinet médical à Menton, Cannes, Nice ou Bordeaux. Je n'ai, personnellement, pas fait ce choix, mais je suis prêt à avoir une discussion très ouverte avec vous sur le sujet.

S'agissant de la médecine du travail, sachez qu'avant la fin décembre, nous présenterons, Jean-Louis Borloo, Xavier Bertrand et moi, un projet en accord avec les partenaires sociaux. Quant à la santé environnementale, monsieur Chabroux, nous sommes à quelques heures d'une présentation sur l'eau potable, les voitures, les 4x4, les pesticides, qui fait un grand bruit, y compris dans la majorité. On ne peut pas nous accuser de n'avoir rien fait. Il est vrai que nous n'avons pas abordé la question dans la loi mais la thématique est un peu éloignée de l'assurance maladie.

Concernant la prévention, sujet sur lequel a insisté Hélène Luc, nous avons décidé que le dossier médical personnel comprendrait une partie touchant aux pratiques de prévention, aux pratiques vaccinales. Nous envisageons par ailleurs de plus en plus d'évoquer la consultation obligatoire ophtalmologique à l'âge de six ans (parce qu'un enfant sur cinq serait myope, en particulier dans les familles modestes, sans qu'on le sache) et de onze ans, ainsi que l'examen buccodentaire obligatoire.

Dominique. Leclerc a parlé d'abus. Le dossier médical personnel permettra de rendre visibles les examens redondants. Il apparaîtra, par exemple, qu'un médecin a effectué trois fois le même examen en une semaine. Nous allons donner les outils juridiques pour pouvoir lutter contre ces abus. On me dit parfois, et vous avez cité des sources qui ont toutes leur valeur, que ce n'est pas une réforme. Pour la première fois, les syndicats médicaux acceptent cependant l'idée des sanctions individuelles sur la pratique. Avec eux, nous allons jusqu'à prévoir des sanctions graduées : premièrement un avertissement, deuxièmement une amende financière, troisièmement un déconventionnement.

Personne ne se permettrait de revenir sur les arrêts maladie, y compris d'ailleurs pour une maman qui aurait des enfants malades. Personne ne le veut, ni dans la majorité, ni dans le Gouvernement. Néanmoins, on compte aujourd'hui 212 millions d'arrêts de travail et seulement 0,5 % de contrôle à court terme. Quel que soit notre groupe politique, nous avons intérêt à mettre fin aux abus si nous voulons sauver les arrêts maladie. Selon Jean-Marie Spaeth, le président de la Caisse nationale d'assurance maladie, il n'existe pas plus de trois ou quatre médecins par département qui se spécialisent dans les arrêts maladie. Il ne serait pas anormal de disposer des outils juridiques pour ôter à ces personnes la possibilité de prescrire des arrêts maladie sauf si le médecin conseil est à leurs côtés. Le problème sera très vite réglé dans beaucoup de départements. A l'inverse, il est quand même normal d'interroger en commission de contrôle les salariés qui, dans le dossier médical personnel, n'auraient jamais de pathologie, mais seraient sans cesse en arrêt maladie. Par contre, il serait anormal de sanctionner un salarié qui se serait mis en arrêt maladie à la demande de son patron. Nous avons également prévu ce cas dans nos propositions.

S'agissant du conditionnement des médicaments, Jean Chérioux a suggéré d'envoyer à chaque assuré un document lui indiquant combien il a coûté. Je crois que c'est un peu compliqué à faire mais pourquoi pas ? Cela aurait une valeur pédagogique. On le fait en hospitalisation, en effet. Je suis très ouvert à cela.

Je reviens sur ce que disait Dominique Leclerc sur la place du contrôle médical. Nous avons assisté ces dernières années à un retrait du contrôle médical de son champ premier d'intervention. Sur le terrain, les médecins conseils nous disent être prêts à réinvestir ce champ mais nous indiquent qu'ils manquent d'outils pour mettre en oeuvre des contrôles efficaces. Nous répondons donc à travers ce projet de loi à cette double demande en remettant le service du contrôle médical dans une logique de contrôle et en prévoyant des dispositifs de sanction qui seront gradués mais devront être utilisés en cas d'abus. Le service médical au niveau local sera de plus mobilisé par les unions régionales des caisses d'assurance maladie pour mettre en oeuvre une politique globale de gestion du risque maladie en liaison avec les professionnels médicaux.

Concernant les 35 heures, monsieur Chérioux, je n'aurai pas la cruauté de rappeler les conditions dans lesquelles la compensation des exonérations a été mise en place. Le FOREC, que nous avons heureusement supprimé, a largement puisé dans les recettes affectées à la sécurité sociale. Je ne remets pas en cause les 35 heures. Je dis simplement que pour tous ceux qui connaissent l'hôpital public, elles ont été mises en place en dépit du bon sens. Il fallait embaucher 45.000 personnes, on le sait. Comment embaucher des infirmières quand il n'en sort pas suffisamment des écoles d'infirmières ? Je ne rappellerai pas le nombre d'infirmières qui sortaient des écoles en 1998 et 1999. Il est vrai que Bernard Kouchner a augmenté ensuite ce nombre, et nous continuons à le faire. Aujourd'hui, il en sort 30.000 par an.

Monsieur Gouteyron, c'est Xavier Bertrand qui vous répondra.

Monsieur Fortassin, je vous ai déjà répondu sur la confidentialité du dossier médical. Concernant les experts, je crois quand même que vous y allez un peu fort. Dans tous les pays du monde, l'industrie pharmaceutique, la recherche privée, fait ce qu'on appelle la phase 1 sur des volontaires sains. Ensuite, à partir de la phase 2 et surtout de la phase 3, pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché, il faut bien commencer à voir si le médicament marche sur un malade. On demande donc à son médecin s'il l'autorise à prendre ce médicament. Les choses seront ainsi tant que le monde sera monde, à moins de tout nationaliser, et je ne pense pas que ce soit ce que vous vouliez, tel que je vous connais.

Vous posez néanmoins une question de fond, qui touche à la véracité et à l'honnêteté scientifique des experts médicaux. Très franchement, en mon âme et conscience, dans les très grandes équipes mondiales, c'est fait de telle manière qu'on peut avoir confiance. En plus, il y a une trace de tous les examens biologiques. Il est impossible de faire entrer des biais « achetés » par l'industrie pharmaceutique. Toutes les grandes études épidémiologiques sont faites sur des milliers de cas et en double aveugle. J'ai pour ma part participé à l'expérimentation sur le Zocor. Je n'ai jamais su pendant quatre ans si les patients étaient sous Zocor ou pas puisque je ne pouvais même pas voir leurs résultats biologiques, et ce en accord avec eux, les patients étant payés et le sachant. Je crois en mon âme et conscience que tout est plutôt sécurisé. En revanche, il convient de beaucoup mieux préciser le rapport entre les visiteurs médicaux et le corps médical. Une loi y a contribué en 1992 mais il n'en reste pas moins vrai que certaines pratiques doivent certainement être sanctionnées davantage qu'elles ne le sont aujourd'hui.

Monsieur Cazeau, vous croyez à la régulation comptable. Cela vous honore parce que c'est courageux. Beaucoup de gens pensent comme vous. Simplement, vous l'avez dit, on ne peut pas faire une régulation avec le système à la française, avec des médecins libéraux, Alain Juppé s'en souvient. Si vous faites une régulation comptable, avec une enveloppe fermée, et si les médecins expriment leur refus, comment procédez-vous ? Vous ne pouvez pas la faire. Pour une meilleure rapidité des résultats, vous avez raison, mais cela sous-entendrait que l'on change le système de médecine à la française. Ce ne serait plus une médecine libérale mais une médecine salariée. Personnellement, je n'ai pas fait ce choix. Je reconnais que c'est la dernière chance mais je suis persuadé que cela fonctionnera. Tout le monde ne pense pas comme moi. Certains, y compris de la majorité, se posent la question. Je crois pour ma part que c'est possible. En tout cas, si nous nous trompons, cela voudra dire qu'une régulation comptable est devenue nécessaire. Pour certains, cela signifie une franchise à 50, 100, 200 ou 300 euros, avant que l'assurance maladie ne commence à payer. Je me suis beaucoup opposé à cela à titre personnel et c'est le pendant inévitable de la régulation comptable. Je ne dis pas que vous y êtes favorable. Je dis seulement que ce problème existe.

Xavier Bertrand va répondre à toutes les autres questions.

M. Nicolas ABOUT, président - Merci, monsieur le ministre.

M. Xavier BERTRAND - Monsieur le président, vous avez invoqué tout à l'heure la courtoisie. Je voudrais à mon tour l'invoquer pour inverser l'ordre des questions et m'adresser d'abord à Mme Luc pour évoquer les SAMI. J'ai eu l'occasion d'effectuer mon premier déplacement ministériel dans le département du Val-de-Marne. Nous avons deux enjeux sur la question des SAMI et des permanences de soins. Là où la permanence de soins n'est pas assurée, il s'agit de savoir la mettre en place ; là où elle est assurée, comme c'est le cas aujourd'hui dans le Val-de-Marne, il convient de la pérenniser. La semaine dernière encore, des négociations ont eu lieu entre l'assurance maladie et les professionnels de santé sur la question. Nous sommes optimistes, même si nous n'avons pas à nous immiscer dans le champ conventionnel entre l'assurance maladie et les professionnels de santé. Nous savons que l'ensemble des acteurs doivent prendre leurs responsabilités : l'hôpital bien évidemment, la médecine libérale, les élus locaux, comme c'est le cas notamment avec les SAMI, mais également l'assurance maladie sont aussi dans cette voie et dans cette logique. Nous avons déjà eu des échanges avec la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne. Là encore, les réponses seront dans la convention. Nous avons toutes les raisons d'être optimistes quand nous savons ce que cela apporte en qualité supplémentaire de soins, non seulement en permanences de soins mais aussi en termes de complémentarité entre les urgences et la médecine libérale. Cela permet de répondre à la question de la saturation des urgences à la fois en amont mais aussi en aval ; ce qui se passe dans le Val-de-Marne peut être considéré comme un exemple.

Je voudrais, si vous me le permettez monsieur le président, répondre tout d'abord au rapporteur Alain Vasselle sur la question de la loi organique. Le Gouvernement souhaiterait pouvoir déposer à l'automne, en tout état de cause après le vote du prochain PLFSS, un projet de loi organique afin que cette nouvelle procédure puisse être mise en oeuvre pour le projet de loi de financement pour 2006. L'objectif de cette réforme serait double. Tout d'abord, il s'agirait de mettre les lois de financement dans une perspective pluriannuelle afin de dégager une vraie visibilité au-delà du seul exercice en cours et de pouvoir, au nom de cette visibilité, donner dans ce cadre privilégié qu'est le Parlement, davantage d'indications sur les conditions de l'équilibre des différentes branches. En la matière, nous avons le sentiment que nous pouvons progresser afin d'avoir un ONDAM plus crédible et plus réaliste et des acteurs davantage responsabilisés, cette clarté, comme l'a dit à l'instant M. le ministre, se situant bien dans le cadre d'une maîtrise médicalisée.

Je voudrais aussi intervenir un court instant sur cette question. La maîtrise médicalisée est la seule réponse pérenne aux questions qui sont posées aujourd'hui au titre de l'assurance maladie. La maîtrise comptable n'est absolument pas dans notre logique. Nous pensons qu'on peut se sentir responsable des dépenses sans pour autant être prisonnier d'une enveloppe. Nous ne souhaitons pas être prisonniers d'une enveloppe parce que ce serait nier également les impératifs de santé publique qui peuvent se poser à nous en cours d'exercice.

Concernant la clarification, il est toujours difficile dans le cadre actuel d'avoir une logique pluriannuelle. Je voudrais rappeler que le transfert d'un milliard d'euros des droits tabac poursuit un mouvement qui a déjà été entamé dans les lois de financement pour 2003 et 2004, qui ont fait passer notamment la part des droits tabac de 8 % à plus de 22 %. Il n'est pas possible aujourd'hui, compte tenu de l'état de nos finances publiques, de faire davantage. Nous avons insisté pour qu'il existe une protection, une sanctuarisation, des recettes affectées aujourd'hui à l'assurance maladie afin de ne pas retomber dans ce qu'on pourrait appeler les erreurs ou les errements du passé en la matière. Je sais que c'est un sujet qui vous tient particulièrement à coeur monsieur le rapporteur. Compte tenu de nos possibilités actuelles, il s'agit d'un effort important, qui avait été souhaité par un certain nombre de nos partenaires sociaux. Nous avons aussi entendu le message qui nous était adressé.

S'agissant du financement de la dette, je voudrais à la fois vous répondre et répondre au président Gouteyron. Il existait effectivement d'autres perspectives. Vous savez qu'en ce qui concerne le traitement de la dette liée aux déficits qui se sont accumulés et atteindront 35 milliards d'euros à la fin de l'année 2004, trois possibilités étaient envisageables. Nous pouvions allonger la durée de la CRDS à hauteur de 0,5 % comme aujourd'hui en contrepartie du transfert de la dette à la CADES, c'est la voie que nous avons choisie. Un autre scénario permettait de maintenir le remboursement de la dette à 2014 mais il aurait fallu alors doubler le prélèvement actuel de la CRDS, c'est-à-dire passer de 0,5 % à 1 %. Compte tenu des perspectives de croissance qui sont devant nous, il nous a semblé particulièrement dangereux, et même contre-productif, d'augmenter les prélèvements sur les ménages. Il y avait enfin une troisième solution, un scénario mixte ou panaché, avec un allongement de cinq à six ans de la durée de perception de la CRDS et, en contrepartie, une augmentation de 0,2 ou 0,3 % de la CRDS. Je ne suis pas certain qu'au titre de la visibilité, les Français aient pu véritablement comprendre la logique d'un tel scénario. Je voudrais dire quand même, concernant le fait de repousser cette dette sur les générations futures, que nous parlons d'un simple transfert de 2014 à 2024. C'est un choix qui a déjà été fait, notamment par le gouvernement de Lionel Jospin qui avait reporté de 2008 à 2014 l'échéance concernant la CADES.

Nous souhaitons effectivement donner plus de visibilité à la CADES pour pouvoir élaborer son plan de financement dans les prochaines années. Nous avons donc prévu des plafonds à la prise en charge de la CADES à la fois pour 2004, 2005 et 2006. Nous serons amenés à fixer plus précisément les montants et les délais de ces transferts dès qu'ils seront contenus mais pour l'instant il n'est pas possible de donner des éléments objectifs, chiffrés, pour aller au-delà de ce que nous pouvons faire. En revanche, nous souhaiterions avoir une discussion au Parlement et donc au Sénat pour décider si nous optons pour un décret ou un PLFSS sur cette question. Rappelons néanmoins que la notion de décret n'enlève pas la concertation avec les différents acteurs. Elle permet peut-être de nous adapter plus facilement mais il est tout à fait possible de réfléchir à l'hypothèse du PLFSS, les choses étant effectivement très ouvertes sur cette question.

Le président Chabroux a posé un certain nombre de questions concernant les hypothèses catastrophes qui auraient été émises par le Gouvernement. Je voudrais simplement vous dire, président, qu'en la matière, le Gouvernement n'a rien inventé. Nous avons repris exactement comme base de travail le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Ce Haut conseil, qui regroupe l'ensemble des acteurs du système de santé, toutes origines confondues et toutes sensibilités politiques confondues, a fait en quelques mois un travail remarquable à la fois de diagnostic mais aussi pour élaborer un certain nombre de pistes. Je souhaiterais rappeler que, concernant ce diagnostic, les hypothèses dont nous parlons aujourd'hui sont même en deçà des estimations du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Le Haut conseil a indiqué qu'en 2020, en l'absence de réforme structurelle ambitieuse, nous n'aurions que deux choix clairs : soit accepter que les dépenses de santé ne soient plus remboursées à 76 % par l'assurance maladie comme c'est le cas aujourd'hui, mais seulement à 51 % (ce serait une forme de privatisation rampante dont nous ne voulons pas et c'est pour cela que nous prenons nos responsabilités) ; soit maintenir le niveau de prise en charge par l'assurance maladie mais dans ces conditions, nous serions amenés à doubler la CSG d'ici à 2020. Doubler la CSG maladie, cela revient à amputer d'autant le pouvoir d'achat des Français. Nous avons également, comme le Haut conseil le préconisait, refusé cette deuxième voie. Il existait également une troisième solution, inscrite en filigrane, qui consistait à essayer de ne prendre aucune décision mais cela revenait à se résoudre à laisser dériver le système pour arriver à une médecine à deux vitesses, dont nous ne voulons pas non plus.

Vous accusiez ce plan d'être déséquilibré. Là encore, relisons ensemble le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Le Haut conseil explique que dans un déficit, il y a une partie structurelle et une partie conjoncturelle, cette dernière répondant aux deux tiers aux questions posées. Que faisons-nous ? Nous avons un plan de modernisation de l'assurance maladie qui repose pour les deux tiers sur l'organisation du système de soins et pour un tiers seulement sur une approche conjoncturelle liée aux dépenses. Nous sommes exactement dans la droite ligne des recommandations ou des préconisations du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, dont je ne rappellerai pas la composition.

La remarque formulée par Dominique Leclerc sur le conditionnement des médicaments, qui a été faite également par nombre de nos concitoyens, est une remarque de bon sens. Tous ont le sentiment que le conditionnement des médicaments n'est pas adapté aux besoins en matière de pathologie. Nous avons pris en compte cette remarque de bon sens. Il est possible de faire des économies importantes dans ce domaine. Dans le plan qui a été réfléchi et pensé avec les industriels pharmaceutiques, nous comptons d'ores et déjà réaliser 180 millions d'euros d'économies avec des prescriptions plus adaptées, de plus gros conditionnements pour certaines affections, de plus petits pour d'autres, afin d'aller vers une logique de sur mesure. Il est vrai que les boîtes de 28 jours sont liées à la question de la prescription par semaine. C'est très courant dans les pays anglo-saxons, mais nous avons le sentiment que, sans aller vers une démarche à l'unité comme cela se pratique aux Etats-Unis ou en Angleterre, ce qui n'est pas dans les moeurs françaises, ces meilleurs conditionnements sont une première voie. Ils nous permettent également de nous garder des excès de l'automédication. Je le disais tout à l'heure, trois quarts des boîtes entamées ne sont pas terminés. Cela peut poser un certain nombre de problèmes lorsqu'on pense avoir la même pathologie que lors de la prescription de médicaments et qu'on se soigne soi-même. Philippe Douste-Blazy parlait tout à l'heure des hospitalisations dues aux médicaments. Avec des conditionnements plus adaptés, nous sommes là encore dans une logique de meilleure prévention.

Je voudrais dire au président Fischer que nous aurons à coeur, peut-être cet après-midi mais aussi dans le débat parlementaire, d'apaiser un certain nombre de ses craintes. Je voudrais également le remercier de nous permettre de remettre les pendules à l'heure. Vous avez parlé de privatisation. Merci de nous permettre de préciser qu'en aucune façon, il ne s'agit des prémisses de la moindre privatisation. C'est la première fois qu'un plan de la sécurité sociale ne prévoit aucun transfert entre le régime obligatoire et les régimes complémentaires. A chaque fois, les plans prévoient soit des déremboursements soit des prélèvements massifs. Nous avons refusé ces deux voies de la facilité. En aucune façon, nous n'avons modifié la frontière entre le régime obligatoire et le régime complémentaire. C'est une constante et j'aurai à coeur de vous le démontrer.

De la même façon, nous n'avons abordé à aucun moment la question des recettes avec un quelconque tabou, une quelconque idéologie. Nous avons considéré que les efforts devaient concerner tout le monde ou personne. Ils concerneront donc tout le monde, de façon équitable et mesurée. Le sénateur Fortassin a parlé tout à l'heure de l'industrie pharmaceutique. J'ai moi-même abordé le sujet d'une charte qualité qui serait mise en place avec les industriels pharmaceutiques ainsi qu'avec les professionnels de santé, avec le Comité économique des produits de santé. Nous avons effectivement le sentiment que nous pouvons faire mieux encore, notamment pour améliorer la qualité de l'information sur les médicaments. C'est un point qui nous semble important.

Le sénateur Cazeau parlait tout à l'heure des dépenses inutiles. Je voudrais juste citer un autre chiffre : 15 % aujourd'hui des examens pratiqués dans ce pays sont réalisés en double. Est-on mieux soigné pour autant ? Non. Pourrait-on réaliser moins d'examens en double ? Bien évidemment ! Ce chiffre nous permet également d'illustrer que la maîtrise médicalisée est pour nous non seulement un objectif mais aussi la meilleure voie. Nous pensons que, si nous le voulons les uns et les autres, nous pouvons dépenser mieux pour soigner mieux. C'est bel et bien cela l'enjeu de cette réforme de modernisation de l'assurance maladie. Je vous remercie monsieur le président.

M. Nicolas ABOUT, président - Merci, messieurs les ministres. Vous avez consacré plus de deux heures, deux heures et quart exactement, à notre commission. Certains diront que c'est convenable, d'autres diront qu'ils se sentent un peu frustrés. Je crois qu'au nom de tous, il m'appartient de vous remercier et de vous dire que la commission a apprécié votre prestation. Merci à tous.

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