N° 57

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Gérard DÉRIOT,

Sénateur.

Tome IV : Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Claude Bertaud, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Christiane Kammermann, M. André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 e législ . ) : 1830 , 1876, 1877 et T.A. 341

Sénat : 53 et 58 (2004-2005)

Sécurité sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale propose de fixer l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) à 10,5 milliards d'euros en 2005. Ce chiffre correspond, conformément au périmètre habituellement retenu, aux dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de 20.000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres. Il progresse de 8,2 % par rapport à l'objectif de dépenses de l'an dernier (9,4 milliards d'euros) et de 4 % par rapport au niveau de dépenses qui devrait effectivement être atteint en 2004 (10,1 milliards d'euros).

Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 1997

(en milliards d'euros)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004 (p)

2005 (p)

Objectif de dépenses

8,4

7,7

8,1

8,3

8,8

9

9,4

9,7

10,5

Dépenses réalisées

8,4

7,8

8

8,1

8,5

9,3

9,8

10,1

 

Écart

0,0

0,0

0,0

- 0,3

- 0,3

0,3

0,4

0,4

 

(p) : prévision Source : Direction de la sécurité sociale

Ces dépenses représentent 3,25 % de celles de l'ensemble des régimes de base en 2003, dernière année pour laquelle des chiffres définitifs sont connus. Elles relèvent à 92 % du régime général : en 2003, les dépenses de la branche AT-MP de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) se sont élevées à un peu plus de 9 milliards d'euros, contre 9,8 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes de base comptant plus de 20.000 cotisants.

L'augmentation des dépenses résulte principalement de la hausse des transferts consentis par la branche aux deux fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. La hausse des dépenses de prestations devrait être en ligne avec l'ONDAM et donc s'établir à 3,2 %.

Déficitaire depuis 2003, la branche devrait connaître une nouvelle dégradation de son résultat financier l'an prochain.

La situation financière de la branche AT-MP du seul régime général est particulièrement tendue, puisque le déficit devrait être de l'ordre de 705 millions d'euros en 2005, après 505 millions en 2004 et 475,6 millions en 2003.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 crée cependant les conditions d'un redressement futur de la situation financière de la branche : d'abord, par une progression mieux maîtrisée des dépenses de prestations, qui s'inscrit dans le contexte plus général de modération des dépenses de santé ; ensuite, par la création d'une contribution nouvelle à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante afin d'abonder le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA). Cette ressource nouvelle devrait limiter à l'avenir les transferts financiers de la branche accidents de travail et maladies professionnelles vers ce fonds.

De plus, le Gouvernement s'est engagé dans la mise en oeuvre d'un vaste plan « santé au travail » afin de renforcer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Comme votre commission le soulignait dans son rapport de l'an dernier, la prévention doit être un axe majeur de toute politique sérieuse en ce domaine. Les dépenses effectuées aujourd'hui à ce titre doivent être considérées comme autant de sources d'économies futures.

I. LES RISQUES PROFESSIONNELS : DES SITUATIONS CONTRASTÉES

L'analyse de la situation financière de la branche suppose, au préalable, de décrire l'évolution du risque professionnel, dans la mesure où celui-ci pèse directement sur les dépenses de la branche et donc sur les conditions générales de son équilibre financier.

Le nombre d'accidents du travail et le nombre de maladies professionnelles évoluent en sens contraire : le premier a diminué ces dernières années ; le second est, en revanche, en forte augmentation : + 45% entre 2000 et 2003.

L'interprétation de ces données demeure cependant délicate en raison des incertitudes qui affectent encore notre connaissance des risques professionnels.

A. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES : DES ÉVOLUTIONS DIVERGENTES

Les dernières données statistiques disponibles relatives aux accidents du travail confirment l'évolution à la baisse observée depuis une trentaine d'années. Entre 1970 et 2000, le nombre d'accidents du travail ayant occasionné un arrêt de travail a diminué d'environ un tiers. Ce bon résultat s'explique, pour partie, par les progrès réalisés par les entreprises dans le domaine de la sécurité au travail, mais aussi par la transformation structurelle de la composition de la population active française, moins présente dans les industries lourdes, qui sont aussi les plus dangereuses et plus présente dans les services. Il doit cependant être relativisé compte tenu de l'augmentation de l'indice de gravité des accidents du travail.

Les données relatives aux maladies professionnelles sont plus préoccupantes. Le nombre de maladies reconnues est en forte progression, notamment en raison du développement des pathologies liées à l'amiante.

1. Des accidents du travail moins nombreux, mais plus graves

a) Diminution du nombre global d'accidents du travail

Les données provisoires pour 2003 font ressortir une diminution de 3,74 % du nombre d'accidents du travail et de 5,87 % du nombre d'accidents de trajet.

Évolution du nombre et de la fréquence des accidents du travail depuis 1999

 

1999

2000

2001

2002

2003*

Nombre d'accidents du travail

1.362.068

1.361.259

1.345.608

1.326.355

1.276.732

Nombre d'accidents de trajet

136.923

131.886

130.601

127.567

120.074

Indice de fréquence (1)

82,7

79,2

76,6

73,7

71,1

(1) L'indice de fréquence correspond au nombre d'accidents du travail reconnus par milliers de salariés.
* Données provisoires

Source : CNAMTS

Les mesures de prévention permettent d'éviter les accidents les plus bénins, mais il reste un « noyau dur » d'accidents graves difficiles à éradiquer.

b) Un indice de gravité en hausse

L'indice de gravité des accidents du travail se définit comme la somme des taux d'incapacité permanente rapporté au nombre d'heures travaillées (en millions).

Seuls les accidents les plus graves donnent lieu, en effet, à une incapacité permanente. Le taux d'incapacité permanente est évalué par la caisse primaire et détermine le montant de la rente perçue par la victime.

On n'observe pas de tendance franche à la baisse de cet indice de gravité depuis la fin des années 1990. Il progresse même nettement (+ 2,2 points) en 2003 par rapport à 2002.

Évolution de la gravité des accidents du travail depuis 1999

 

1999

2000

2001

2002

2003*

Nombre d'accidents du travail avec incapacité permanente

46.085

48.096

43.078

47.009

48.774

Indice de gravité

15,6

16,1

14,5

16,0

18,2

* données provisoires

Source : Direction de la sécurité sociale

c) Une forte hétérogénéité sectorielle

Ainsi qu'il a été suggéré précédemment, la fréquence des accidents du travail, et notamment des accidents graves, varie d'un secteur d'activité à l'autre.

Les données recueillies par la CNAM montrent que la fréquence moyenne des accidents du travail ayant entraîné une incapacité permanente ou un décès est de 2,7 o /oo équivalents temps plein pour l'ensemble des secteurs d'activité couverts par le régime général. Mais elle est de 7,9 o /oo pour le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) et de 9,9 o /oo pour l'agriculture.

Les accidents causés par un véhicule représentent une part importante des accidents de travail les plus graves. Ils représentent 3,2 % des accidents du travail avec arrêt en 2002 mais 6,3 % des accidents avec incapacité permanente et 37 % des décès. L'insécurité routière a donc partie liée avec l'insécurité au travail.

2. Une augmentation rapide du nombre de maladies professionnelles reconnues

La tendance la plus préoccupante est certainement la forte progression du nombre de victimes de maladies professionnelles.

a) Une progression de 45 % depuis l'an 2000...

Alors que le nombre de maladies professionnelles reconnues était seulement de 3.834 en 1980, il est estimé à 43.847 pour l'année 2003. Au cours des quatre dernières années, le nombre de maladies professionnelles reconnues a progressé de 45 %. Le nombre de cas mortels a plus que doublé entre 2000 et 2003.

Évolution du nombre de maladies professionnelles depuis 1999

 

1999

2000

2001

2002

2003*

Nombre de maladies professionnelles constatées et reconnues

24.208

30.224

35.715

39.919

43.847

Nombre de maladies professionnelles mortelles

161

239

365

426

485

* données provisoires

Source : Direction de la sécurité sociale

Cette tendance est inquiétante sur le plan sanitaire comme sur le plan économique. Elle n'est pas sans conséquences financières, en raison notamment de la fréquence des cas d'invalidité permanente occasionnés par des maladies professionnelles. Alors que les accidents du travail ne s'accompagnent d'une incapacité permanente que dans 4 % des cas environ, ce taux est de 27 % pour les maladies professionnelles. Comme on le verra, la dégradation de la situation financière de la branche s'explique, en grande partie, par le développement de nombreuses pathologies, souvent cancéreuses, liées à l'amiante.

b) ... liée au développement de quelques affections

Deux grands types d'affections sont en progrès rapide et expliquent l'essentiel de la hausse qui vient d'être décrite :

les affections périarticulaires (287 cas en 1980, 21.126 en 2002) : elles sont causées par certains gestes ou postures de travail ;

les affections dues aux poussières d'amiante (146 cas en 1980, 4.494 en 2002).

80 % des maladies professionnelles se rattachent aujourd'hui à l'un ou l'autre de ces types d'affections. Ils devraient naturellement constituer une priorité, en matière de prévention, pour l'État comme pour la CNAM.

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