D. UNE RÉFLEXION À POURSUIVRE SUR LA RÉPARATION DU RISQUE PROFESSIONNEL

A la suite du rapport de Michel Yahiel, inspecteur général des affaires sociales, un comité de pilotage associant la direction de la sécurité sociale, la direction des relations du travail et la CNAMTS a été mis en place, afin d'étudier de manière approfondie l'hypothèse du passage d'une réparation forfaitaire à une réparation intégrale des risques professionnels.

Ses travaux ont débouché sur la publication d'une note d'étape en juillet 2003, puis d'un rapport remis au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, en mars 2004.

Ces études mettent en évidence le coût élevé du passage à un système de réparation intégrale, qui occasionnerait un surcoût de près de trois milliards d'euros au régime général.

Comparaison de la réparation actuelle
et de la réparation intégrale de tous les AT/MP
1

Types de préjudices

Réparation AT-MP
Nombre de victimes 2

Réparation AT-MP
Coût global (hors PN, IJ et ayants droit) 2

Réparation intégrale
Nombre de victimes
(hors PN, IJ et ayants droit)

Réparation intégrale
% victimes
(hors PN, IJ et ayants droit)

Réparation intégrale
Coût global
(hors PN, IJ et ayants droit)

Préjudice physiologique

ACCIDENTS ET
MALADIES AVEC INCAPACITÉ PERMANENTE

 

62.000

4 %

659 M€

Préjudice professionnel

8.000

< 0,5 %

1.418 M€

Pretium doloris

1.400.000

89 %

1.326 M€

Préjudice esthétique

199.400

13 %

194 M€

Préjudice d'agrément

85.000

5 %

144 M€

Total

63.000 (4 %)

813 M€

1.400.000

89 %

3.741 M€

NB : chaque victime peut avoir subi plusieurs préjudices.

1 Le tableau représente la comparaison de deux types d'indemnisation, hors prestations en nature, indemnités journalières et indemnisation des ayants droit, étant entendu que l'indemnisation de l'incapacité permanente en AT/MP ne distingue pas les chefs de préjudice, contrairement au droit commun.

2 Données 2002.

Source :Rapport sur la rénovation de la réparation des accidents du travail
et des maladies professionnelles.

On observe que le nombre de salariés susceptibles d'être indemnisés au titre du préjudice professionnel serait modeste (8.000), mais que le montant élevé des indemnisations en ferait le principal poste de dépenses.

Le passage à une réparation intégrale conduirait à indemniser la quasi-totalité des victimes au titre du pretium doloris (prix de la douleur endurée jusqu'à la date de guérison ou de consolidation). Le montant de chaque indemnité serait modeste, mais aboutirait, compte tenu du très grand nombre de bénéficiaires, à des dépenses considérables.

Le rapport propose trois autres simulations correspondant à différentes hypothèses d'application de la réforme :

- aux seuls accidents du travail et maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente : le surcoût par rapport au système actuel serait limité à 1,6 milliard d'euros ;

- aux seuls accidents du travail et maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % : le surcoût s'élèverait à 1,2 milliard d'euros ;

- aux seuls accidents du travail ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 20 % : le surcoût serait alors de 0,7 milliard d'euros.

Une analyse fine montre par ailleurs que le passage à la réparation intégrale serait désavantageux pour certaines victimes. Les personnes plutôt âgées, à salaire relativement élevé, avec des taux d'incapacité moyen, les retraités et, dans de nombreux cas, les ayants droit, seraient pénalisés. Au contraire, les personnes jeunes présentant des taux d'incapacité élevés, entraînant un fort préjudice professionnel, et les personnes ayant subi des préjudices entraînant une incapacité faible ou nulle gagneraient à la réforme.

L'ampleur des montants financiers en jeu conduit à s'interroger sur la faisabilité, à brève échéance, d'une telle réforme. Est-il envisageable d'accroître considérablement les dépenses d'indemnisation, alors que la branche AT-MP s'éloigne depuis plusieurs années de l'équilibre et que l'on peut anticiper une poursuite de la montée en charge des dépenses liées à l'indemnisation des victimes de l'amiante ? Le financement d'une telle réforme supposerait une augmentation sensible des cotisations, qui serait en contradiction avec l'orientation générale de la politique gouvernementale, axée sur la baisse des prélèvements obligatoires, et risquerait de pénaliser l'emploi en renchérissant le coût du travail.

De plus, le passage à une réparation intégrale remettrait en cause le compromis passé entre employeurs et salariés au moment de la création du régime d'indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles, en 1898, qui associe réparation forfaitaire, présomption d'imputabilité et immunité civile de l'employeur, sauf faute inexcusable. Il requiert donc l'approbation des partenaires sociaux.

Votre commission juge donc nécessaire d'attendre les conclusions de la concertation que doivent engager les partenaires sociaux avant de statuer sur cette question.

Il faut rappeler, en effet, que l'article 54 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie invite les partenaires sociaux à engager des discussions et à faire des propositions au Gouvernement et au Parlement d'ici le mois de juillet 2005, sur la réforme de la gouvernance de la branche, ainsi que, le cas échéant, sur l'évolution des conditions de prévention, de tarification et de réparation des accidents du travail et maladies professionnelles.

*

* *

Sous réserve des observations et des amendements qu'elle vous présente, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour ses dispositions relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.

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