CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA JURIDICTION DE PROXIMITÉ

Article 3
(art. L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire)
Compétence générale de la juridiction de proximité
en matière d'action personnelle ou mobilière

Le présent article a pour objet de modifier l'article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire afin d'étendre le champ de compétence de la juridiction de proximité en matière civile.

? La compétence actuelle des juridictions de proximité en matière personnelle mobilière

De création récente, l'article L. 331-2 a été inséré dans le code de l'organisation judiciaire par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice .

Actuellement , la juridiction de proximité a vocation à traiter les affaires personnelles mobilières qui recouvrent les affaires portant uniquement sur un droit de créance . Cette attribution s'entend dans les limites d'un taux de compétence général fixé à 1.500 euros . L'affaire dont la valeur est indéterminée est portée à la connaissance de la juridiction de proximité, sous réserve que l'action ait pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 1.500 euros.

Sont principalement visés par ces dispositions les litiges de la vie quotidienne .

Deux restrictions au champ d'intervention de cette juridiction ont été prévues par le législateur.

D'une part, l'accès aux juridictions de proximité ne concerne qu'une seule catégorie de justiciables : les particuliers . D'autre part, les litiges liés aux besoins de la vie professionnelle sont exclus du champ de compétence de ces tribunaux. Ainsi, les personnes morales tels les plaideurs institutionnels (banques, opérateurs téléphoniques...), les commerçants ainsi que les entrepreneurs individuels continuent de porter leur litige devant les tribunaux d'instance.

Compte tenu de la modicité des sommes en jeu, la juridiction de proximité statue en dernier ressort . Toute possibilité d'appel est exclue.

Ce principe n'a pas semblé choquant au législateur, ce seuil étant inférieur au taux de dernier ressort, fixé à 3.800 euros par le code de l'organisation judiciaire, en deçà duquel le tribunal d'instance comme le tribunal de grande instance jugent les litiges sans appel possible. En outre, le législateur a prévu un dispositif original validé par le Conseil constitutionnel 30 ( * ) permettant aux juges de proximité confrontés à une difficulté juridique sérieuse de renvoyer l'affaire devant le tribunal d'instance auquel il revient alors de statuer en qualité de juge de proximité (article L. 331-4 du code de l'organisation judiciaire).

La juridiction de proximité est également chargée de statuer sur les injonctions de faire et les injonctions de payer dans les mêmes conditions qu'en matière d'action civile. Seules les demandes d'un montant inférieur à 1.500 euros émanant de particuliers lui sont soumises.

Une mission relative à la conciliation a été assignée au juge de proximité par la loi du 9 septembre 2002. Celui-ci, à l'instar du juge d'instance, a en effet compétence pour homologuer un accord entre des parties obtenu dans le cadre d'une tentative préalable de conciliation dans la limite de son périmètre d'intervention .

Les missions confiées aux juges de proximité se sont révélées trop étroites.

Libre propos d'un magistrat

Le tribunal d'instance de Toulouse est composé de 9 magistrats et d'une cinquantaine de fonctionnaires pour traiter de l'ensemble de ses compétences dans le périmètre civil, pénal, tutelle, surendettement, saisies-arrêts, nationalité, pour ne citer que les principales. Actuellement un poste et demi de magistrat n'est pas pourvu et seuls interviennent 7,4 magistrats, en raison des temps partiels non compensés et d'une vacance de poste. Il se tient, en ce qui concerne le contentieux civil proprement dit, 16 audiences civiles de fond et 5 audiences de référé par mois, soit 21 audiences sur un mois théorique de 4 semaines.

Pour l'année 2002, le tribunal a rendu environ 2.200 référés et 4.600 jugements de fond, soit un total global de 6.800 décisions et une moyenne mensuelle (lissée sur 12 mois) de 567 dossiers [...]. La Chancellerie a prévu de nommer au tribunal d'instance de Toulouse 37 juges de proximité qui interviendront à la cadence de 4 audiences par mois à en croire les travaux parlementaires. Ce qui revient à créer [...] 148 audiences par mois au tribunal pour traiter moins de 10 % de son contentieux, c'est-à-dire 57 dossiers, ce qu'un juge civil évacue en moins de deux audiences par mois.

Même si on pondère ces chiffres en considérant que certaines audiences seront consacrées au pénal (s'il s'en tient deux par mois en petite police), on voit bien que les audiences des juges de proximité qui auront vocation à se partager en 148 audiences une soixantaine de dossiers seront loin d'être surchargées et qu'ils auront tout le temps voulu à consacrer à chaque affaire. Pourquoi ne pas leur confier d'autres attributions ?

Extrait d'un article de Mme Catherine Coleno, juge au tribunal d'instance de Toulouse et M. Jean-Jacques Barbiéri, professeur à l'Université de Toulouse I, publié dans les Petites Affiches - 23 juillet 2003 - n° 146 - p. 12.

? L'extension des compétences de la juridiction de proximité prévue par la proposition de loi

Afin d'enrichir les tâches confiées au juge de proximité, il est proposé :

- d'élever de 1.500 à 4.000 euros le montant des affaires susceptibles d'être portées à sa connaissance, étant précisé que les jugements sont rendus en dernier ressort.

Le transfert des compétences du tribunal d'instance vers la juridiction de proximité réalisé par la loi du 9 septembre 2002 d'orientation de programmation pour la justice serait complété. Certaines organisations représentatives des magistrats professionnels ainsi que les représentants de la profession d'avocat entendus par votre commission ont critiqué le seuil de compétence retenu, l'estimant trop élevé. S'il est vrai que la somme de 4.000 euros peut représenter un enjeu financier important pour certains justiciables, l'évolution proposée s'inscrit dans la logique initiale du législateur de confier au juge de proximité le traitement des litiges les plus courants de la vie quotidienne et les plus proches des préoccupations des citoyens.

Les auteurs de la proposition de loi n'ont pas souhaité remettre en cause l'existence d'un taux de dernier ressort . En effet, compte tenu de la procédure de renvoi en cas de difficulté juridique sérieuse et de la sélection rigoureuse des juges de proximité, il a semblé opportun de ne pas créer une règle différente des autres juridictions de première instance. Le choix inverse aurait pu fragiliser la crédibilité de cet ordre de juridiction apparu récemment dans le paysage judiciaire. En outre, dans un souci de bonne administration de la justice, il convient de ne pas aggraver l'encombrement dont souffrent chroniquement les juridictions d'appel. Au surplus, les frais d'appel engagés pourraient être largement supérieurs au montant du litige. Votre rapporteur approuve cette orientation.

La réévaluation de 3.800 à 4.000 euros du taux de dernier ressort paraît opportune, ce taux faisant régulièrement l'objet d'une actualisation destinée à prendre en compte l'inflation. La plus récente résulte du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998 qui a porté ce taux de 13.000 à 25.000 francs 31 ( * ) , lequel n'avait pas été revalorisé depuis 1985 ;

- d'étendre son périmètre d'intervention aux actions mobilières ou personnelles et non plus aux seules actions de nature personnelle et mobilière. Cette modification n'aurait pas pour effet de bouleverser fondamentalement le périmètre d'intervention du juge de proximité, les actions personnelles immobilières et les actions réelles mobilières étant assez rares 32 ( * ) . Comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de loi, « cette nouvelle rédaction fait disparaître, en outre, les difficultés nées des incertitudes de la classification des actions personnelles mobilières » ;

- d'élargir aux personnes morales et aux personnes physiques pour les besoins de la vie professionnelle la liste des justiciables ayant accès à la juridiction de proximité. La spécialisation de la juridiction de proximité, juge naturel de tous litiges de la vie quotidienne quelle que soit l'origine du demandeur est donc consacrée. Ainsi, disparaît la dichotomie artificielle et difficilement compréhensible pour le justiciable selon laquelle une affaire de même nature pouvait, en fonction de l'origine du demandeur, relever soit du tribunal d'instance, soit de la juridiction de proximité. Les litiges intentés par les créanciers institutionnels qui s'apparentent souvent à un contentieux de masse viendront donc s'ajouter aux actuelles affaires soumises aux juridictions de proximité. La proposition de loi opérerait donc un transfert de compétence de nature à décharger les tribunaux d'instance.

En outre, la compétence du juge de proximité pour homologuer un constat d'accord entre les parties obtenu dans le cadre de la conciliation judiciaire ou de la médiation en vue de leur donner force exécutoire serait maintenue.

Bien qu'elles ne figurent plus expressément dans la partie législative du code de l'organisation judiciaire, ses attributions en matière d'injonction de faire et d'injonction de payer jusqu'à la valeur de 4.000 euros seraient conservées. Dans un souci de rigueur juridique, les auteurs de la proposition de loi ont sans doute, à juste titre, souhaité expurger la loi de dispositions relevant par nature du code de procédure civile (articles 1406 et 1425-2).

Le nouveau périmètre d'intervention ainsi défini permettra de simplifier et d'unifier la répartition des compétences entre le tribunal d'instance et la juridiction de proximité . Serait consacré, à quelques exceptions près, le monopole du juge de proximité pour le traitement des affaires les plus modestes touchant au plus près les justiciables. Le mouvement de spécialisation initié par la réforme de 2002 serait amplifié .

En outre, s'il semble difficile de mesurer a priori le nombre d'affaires susceptibles d'être transférées aux juges de proximité, l'extension proposée enrichira leurs missions et leur permettra de s'affirmer comme des acteurs à part entière de l'institution judiciaire.

Dans ses conclusions, votre commission vous propose de reprendre la rédaction de l'article 3 de la proposition de loi sans modification .

Article 4
(art. L. 331-2-1 et L.  331-2-2 nouveaux du code de l'organisation judiciaire)
Compétences spéciales de la juridiction de proximité

Le présent article prévoit d'insérer dans le code de l'organisation judiciaire deux articles L. 331-2-1 et L. 331-2-2 afin de mentionner les compétences spéciales de la juridiction de proximité.

? Le texte proposé pour l'article L. 331-2-1 détermine la compétence de la juridiction de proximité en matière de louage d'immeuble .

Actuellement, la juridiction de proximité est chargée de traiter en dernier ressort des demandes chiffrées d'une valeur n'excédant pas 1.500 euros dont le contrat de louage est la cause, l'objet ou l'occasion (article R. 331-2).

Le présent article propose de porter à 4.000 euros ce taux de compétence. Ainsi, les contentieux dont la valeur est comprise entre 1.500 et 3.800 euros seraient transférés des tribunaux d'instance vers les juridictions de proximité. En revanche, les litiges liés à l'application de la loi du 1 er septembre 1948, y compris ceux d'une valeur inférieure à 4.000 euros, seraient réservés au tribunal d'instance. Cette exclusion se justifie par la complexité de ce contentieux.

A l'instar du tribunal d'instance, il est prévu d'exclure de la compétence de la juridiction de proximité les contestations relatives aux baux commerciaux.

Pour les raisons indiquées précédemment dans le commentaire de l'article 2, votre commission juge souhaitable de supprimer la compétence résiduelle de la juridiction de proximité à l'égard des demandes chiffrées portant sur un contrat de louage.

En conséquence, elle vous propose dans ses conclusions de supprimer le texte proposé pour l'article L.  331-2-1.

? Le texte proposé pour l'article L. 331-2-2 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir les compétences particulières de la juridiction de proximité en matière civile .

Les matières réservées à cette juridiction devraient être largement calquées sur celles prévues pour les tribunaux d'instance compte tenu de la complémentarité entre ces deux ordres de juridiction. Les exceptions en vigueur devraient être reprises dans leurs grandes lignes.

En conséquence de la suppression du texte proposé pour l'article L. 331-2-1, l'article L. 331-2-2 devient l'article L. 331-2-1 dans les conclusions de votre commission.

Sous réserve des modifications précédemment présentées, votre commission vous propose de reprendre l'article 4 de la proposition de loi.

* 30 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, notamment son considérant 24 : « Considérant que le législateur a instauré cette faculté de renvoi au tribunal d'instance, eu égard à la nature particulière de la juridiction de proximité et dans un souci de bonne administration de la justice ; que cette procédure, qui constitue une garantie supplémentaire pour le justiciable ne porte pas atteinte, en l'espèce, à l'égalité devant la justice. »

* 31 Dont la valeur a été convertie en euros par le décret n°  2001-373 du 27 avril 2001.

* 32 Il existe des actions immobilières qui peuvent être personnelles par lesquelles on demande la reconnaissance ou la protection d'une créance immobilière, comme par exemple l'action en délivrance de tant d'hectares de terre dans un terrain de lotissement. Il existe également des actions mobilières réelles si le droit réel exercé porte sur un meuble telle l'action en revendication des meubles perdus ou volés.

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