ARTICLE 26

Transposition de mesures transitoires relatives à l'adhésion à l'Union européenne de dix nouveaux Etats membres en matière de lutte contre la fraude sur les tabacs manufacturés

Commentaire : le présent article vise à transposer des mesures transitoires relatives à l'adhésion à l'Union européenne de dix nouveaux Etats membres, en matière de lutte contre la fraude sur les tabacs manufacturés.

I. LA SITUATION ACTUELLE

A. LES RÈGLES COMMUNAUTAIRES RELATIVES AUX ACCISES SUR LES TABACS MANUFACTURÉS

Afin d'assurer la libre circulation des produits soumis à accises au sein de l'Union européenne, les accises ont fait l'objet d'une harmonisation en droit communautaire. Plusieurs directives ont ainsi encadré le régime des accises sur les tabacs manufacturés, notamment deux directives visées par le présent article :

- la directive 92/79/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 établit des taxes de consommation minimale sur les cigarettes, en prévoyant l'application d'une accise spécifique par unité de produit, d'une accise proportionnelle calculée sur le prix maximal de vente au détail et d'une TVA proportionnelle au prix de vente au détail. Chaque État membre applique une accise minimale globale correspondant à 57 % du prix de vente au détail pour les cigarettes appartenant à la classe de prix la plus demandée, sans être inférieure à 60 euros par 1.000 unités (64 euros à compter du 1 er juillet 2006) ;

- la directive 92/80/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concerne le rapprochement des taxes frappant les tabacs manufacturés autres que les cigarettes. L'accise minimale globale est ainsi fixée :

* pour les cigares et cigarillos, à 5 % du prix de vente au détail TTC ou 11 euros les 1.000 unités ou 11 euros par kilogramme ;

* pour les tabacs à fumer fine coupe destinés à rouler les cigarettes, à 36 % du prix de vente au détail TTC ou 32 euros par kilogramme ;

* pour les autres tabacs à fumer, à 20 % du prix de vente TTC ou 20 euros par kilogramme.

Ces deux directives ont été modifiées par la directive 2002/10/CE du Conseil du 12 février 2002, qui a pour but de réduire les écarts existant entre les Etats membres en matière de taxation des produits du tabac et de contribuer, par une plus grande harmonisation des taux appliqués par les Etats membres, à lutter contre la fraude et la contrebande au sein de la Communauté.

B. UNE DIFFÉRENCE DE PRIX DE VENTE ENTRE LES ETATS MEMBRES QUI REQUIERT DES MESURES ADAPTÉES

Si ces directives définissent le cadre général dans lequel s'inscrit la législation des différents Etats membres de l'Union, les actes d'adhésion de huit des dix nouveaux Etats membres (Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie) autorisent ces Etats à appliquer, à titre dérogatoire et provisoire, une imposition des tabacs manufacturés inférieure aux minima communautaires , conformément à la possibilité offerte par l'article 24 de l'Acte relatif aux conditions d'adhésion des dix nouveaux États membres, annexé au Traité d'adhésion du 23 avril 2003. Cet article autorise en effet certaines dérogations transitoires, énumérées dans des annexes par État (annexes V à XIV).

Dans chaque cas, il est prévu que, par dérogation à la directive 92/79/CEE précitée, les Etats concernés peuvent « reporter l'application de l'accise minimale globale perçue sur le prix de vente au détail (toutes taxes incluses) pour les cigarettes appartenant à la classe de prix la plus demandée » pendant une période s'achevant, selon le pays considéré, entre fin 2006 et la fin 2009. Cette dérogation est permise à la condition qu'au cours de cette période de transition, chaque Etat ajuste progressivement ses taux d'accise pour qu'ils se rapprochent de l'accise minimale globale prévue par la directive 92/79/CEE précitée.

Dans deux des nouveaux États membres est également prévu un dispositif identique s'agissant des tabacs autres que les cigarettes, par dérogation à la directive 92/80/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant le rapprochement des taxes frappant les tabacs manufacturés autres que les cigarettes. La République tchèque bénéficie ainsi d'une dérogation jusqu'au 31 décembre 2006 et l'Estonie jusqu'au 31 décembre 2009 (pour les autres tabacs à fumer, c'est-à-dire les tabacs à rouler et tabacs à pipe).

II. LE DROIT PROPOSÉ

A. L'OBJECTIF : LUTTER CONTRE LA FRAUDE RÉSULTANT DES DIFFÉRENCES DE PRIX DE VENTE DU TABAC

Si la période transitoire permettra aux nouveaux Etats membres de l'Union européenne de rattraper le niveau de fiscalité des autres Etats membres, il reste que les différences de prix de vente sont actuellement importantes , ce qui peut générer un risque de fraude.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, le prix du paquet de cigarettes blondes le plus vendu en France (Marlboro) s'établissait ainsi, au 1 er janvier 2004, à 1,25 euro en Lituanie, 1,18 euro en Lettonie, 1,28 euro en Estonie et 1,46 euro en Pologne, alors qu'il atteint 5 euros en France.

Le prix du paquet de 20 cigarettes de la classe de cigarette la plus vendue (la marque varie selon les pays) est souvent très faible dans les nouveaux Etats membres : 1,25 euro en République tchèque, 1,05 euro en Estonie, 0,55 euro en Lettonie, 0,89 euro en Lituanie, 1,43 euro en Hongrie, 1,06 euro en Pologne, 1,65 euro en Slovénie, 1,69 euro en Slovaquie. Rappelons qu'il s'établit à 5 euros en France, à 2,48 euros au Luxembourg, à 3,97 euros au Danemark, à 3,56 euros en Belgique ou encore à 6,59 euros au Royaume-Uni.

C'est la raison pour laquelle, en contrepartie des possibilités offertes aux nouveaux Etats membres de retarder l'application des minima communautaires, les quinze anciens Etats membres ont la faculté de maintenir les mêmes limites quantitatives pour les tabacs provenant des nouveaux États que celles appliquées aux importations en provenance de pays tiers, et de taxer, au-delà de cette limite, les produits selon leur législation nationale.

Dans chaque annexe par Etat concerné par cette dérogation figure en effet un alinéa rédigé selon le modèle suivant : « sans préjudice de l'article 8 de la directive 92/12/CEE du Conseil relatif au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, et après en avoir informé la Commission, les États membres peuvent maintenir, tant que la dérogation susvisée est applicable, les mêmes limites quantitatives pour les cigarettes qui peuvent être introduites sur leur territoire en provenance de [l'un des Etats concernés] sans paiement de droits d'accise supplémentaires que celles appliquées aux importations en provenance de pays tiers. Les États membres qui recourent à cette possibilité peuvent effectuer les contrôles nécessaires, à condition que ces contrôles n'entravent pas le bon fonctionnement du marché intérieur ».

Cette faculté doit donc respecter trois conditions :

- ne pas entraver le bon fonctionnement du marché intérieur ;

- ne pas porter atteinte à l'article 8 de la directive 92/12/CEE, qui dispose que « pour les produits acquis par les particuliers, pour leurs besoins propres et transportés par eux-mêmes, le principe régissant le marché intérieur dispose que les droits d'accises sont perçus dans l'État membre où les produits sont acquis » ;

- avoir préalablement informé la Commission européenne, ce qui a été fait, d'après les informations communiquées à votre rapporteur général, le 8 septembre 2004 ;

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE POSSIBILITÉ TRANSITOIRE DE TAXATION

Le présent article vise à mettre en oeuvre cette faculté, en respectant les conditions posées par le droit communautaire.

Il complète ainsi le 4° du 1 du I de l'article 302 D du code général des impôts, qui dispose actuellement que l'impôt est exigible lors de la constatation de la détention, en France, de tabacs manufacturés à des fins commerciales pour lesquels le détenteur ne peut prouver qu'ils circulent en régime suspensif de l'impôt ou que l'impôt a été acquitté en France ou y a été garanti.

Le premier alinéa du 1° du présent article prévoit une dérogation à ces dispositions, en disposant que les cigarettes en provenance de l'Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne, de la Slovaquie, de la Slovénie et de la République tchèque, ainsi que les autres produits du tabac en provenance de la République tchèque, les tabacs destinés à rouler les cigarettes et les autres tabacs à fumer en provenance d'Estonie, acquis aux conditions du marché intérieur de ces Etats membres et introduits en France, sont soumis au droit de consommation sur les tabacs prévu à l'article 575 du code général des impôts, pour toutes les quantités excédant celles qui seraient admises en franchise si les produits provenaient de pays tiers à la Communauté européenne .

Les quantités en franchise sont fixées par le règlement 918/83/CEE du Conseil du 28 mars 1983 relatif à l'établissement du régime communautaire des franchises douanières, modifié par le règlement 1315/88/CEE 205 ( * ) . Pour les pays tiers hors Andorre, ces franchises s'établissent à 200 cigarettes, 100 cigarillos, 50 cigares, 250 grammes de tabac à fumer ou un assortiment proportionnel de ces différents produits. Au-delà, le droit de consommation prévu à l'article 575 du code général des impôts s'appliquera donc à ces produits.

Les caractéristiques du droit de consommation sur les tabacs

Le droit de consommation est une accise frappant les tabacs manufacturés.

Le taux du droit de consommation sur les cigarettes comporte une part spécifique par unité de produit et une part proportionnelle au prix de vente au détail. Il ne peut être inférieur à un minimum de perception fixé pour 1000 unités (60 euros, 64 euros à compter du 1 er juillet 2006).

Afin de déterminer le montant de la part spécifique et le taux de la part proportionnelle, on prend comme référence les cigarettes de la classe de prix la plus demandée, soit à l'heure actuelle la Marlboro, vendue à 5 euros.

Le montant du droit de consommation qui est applicable aux cigarettes vendues à 5 euros est déterminé globalement en appliquant le seul taux normal du droit, actuellement de 64 %, à leur prix de vente au détail .

Pour les cigarettes dont le prix de vente par paquet de 20 cigarettes n'est pas égal à 5 euros, le droit de consommation se compose d'une part spécifique égale à 7,5 % de la charge fiscale totale afférente aux cigarettes de la classe de prix la plus demandée, et d'une part proportionnelle.

Le montant total du droit de consommation (part proportionnelle + part spécifique) ne peut être inférieur à un minimum de perception, actuellement fixé à 128 euros pour 1.000 unités.

Le droit de consommation applicable aux autres produits (cigares, tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes, autres tabacs à fumer, tabacs à priser, tabacs à mâcher) est uniquement proportionnel au prix de vente au détail. Des minima de perception fixés par 1.000 unités ou 1.000 grammes sont également applicables aux cigares (89 euros), aux tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes (75 euros) et aux autres tabacs à fumer (60 euros).

Les taux normaux actuellement fixés par l'article 575 A du code général des impôts sont les suivants :

Groupes de produits

Taux normal actuel en %

Cigarettes

64

Cigares

27,57

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

58,57

Autres tabacs à fumer

52,42

Tabacs à priser

45,57

Tabacs à mâcher

32,17

La référence à la notion de « détention à des fins commerciales » disparaît dans le cas visé par le présent article , ce que confirme le 2° du présent article, qui réécrit le 4° du 2 du I de l'article 302 D du code général des impôts afin de prévoir que l'impôt est dû, dans les cas mentionnés au 4° du 1 du I du même article, par « la personne qui détient ces produits », en supprimant l'expression « à des fins commerciales en France ». Le seul élément restant à prouver sera donc que les tabacs introduits en France en provenance de l'un des huit États concernés ont été « acquis aux conditions du marché intérieur de ces États membres ».

Le deuxième alinéa du 1° de cet article prévoit toutefois que ces dispositions s'appliquent uniquement à titre transitoire, jusqu'à la fin de la période dérogatoire accordée aux nouveaux Etats membres, selon les modalités fixées par le tableau suivant :

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a modifié, sur proposition de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, la date de fin de la période dérogatoire obtenue par la Lituanie, en la ramenant du 31 décembre 2009 au 31 décembre 2008, conformément aux dispositions prévues par le 2 du 8 de l'annexe IX au traité d'adhésion, et a apporté une modification rédactionnelle.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Compte tenu de la différence de prix de vente au détail des tabacs, la modification autorisée par le présent article, autorisée par le droit communautaire, paraît opportune.

Dès lors que le présent article ne crée aucune contrainte supplémentaire pour les personnes en provenance des nouveaux États membres concernés par ce dispositif, il ne présente pas de risque d'entraver le bon fonctionnement du marché intérieur, et répond donc aux exigences communautaires.

La portée réelle de cette mesure, en dehors de son effet psychologique, dépendra toutefois des contrôles qui seront menés par les services des douanes.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 205 Règlement (CEE) n° 1315/88 du Conseil du 3 mai 1988 modifiant le règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun et le règlement (CEE) n° 918/83 relatif à l'établissement du régime communautaire des franchises douanières.

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