B. LES AMBIGUÏTÉS DU SYSTÈME ACTUEL DE FINANCEMENT

A l'origine fondé sur des ressources propres, le système de financement de l'Union européenne repose aujourd'hui essentiellement sur une ressource d'équilibre dont l'assiette est constituée du PNB communautaire, et qui en tant que variable d'ajustement représente près des trois quarts des recettes de l'Union. Ce système est sécurisant puisque les recettes s'ajustent aux dépenses en vertu de la règle de l'équilibre automatique du budget ; il est également « ambitieux dans son principe, commode dans ses modalités, et encourageant dans ses résultats 3 ( * ) ». Mais le mythe originel d'un budget européen autonome et indépendant des Etats membres a pris fin avec la renationalisation progressive des ressources , devenues de « vraies fausses » ressources propres, c'est-à-dire des contributions nationales « déguisées » en ressources propres (à l'exception des droits de douane 4 ( * ) et des droits agricoles).

Il en résulte une dichotomie originale dans le processus de décision budgétaire puisque les recettes sont votées par les Etats membres, et les dépenses par le Parlement européen, dont les pouvoirs en la matière se sont accrus et le placent en meilleure position pour négocier avec le Conseil. Le niveau des recettes est cependant garanti et n'offre guère de marge de manoeuvre aux Etats membres (même si l'hypothèse d'un blocage par un Etat membre demeure possible), contraignant à déplacer le débat parlementaire sur les grands enjeux communautaires, qu'ils soient ou non d'ordre budgétaire, et donnant le sentiment que les ressources communautaires s'apparentent à un « droit de tirage » sur la richesse nationale. En outre, la compétence institutionnelle varie en fonction de la nature des décisions, selon qu'il s'agit de déterminer les catégories de ressources, leurs modalités de calcul, le montant du plafond global (soumis à un triple verrou 5 ( * ) ) ou le montant de chaque type de ressource prélevée.

On constate alors que « les Parlements nationaux ont été dépossédés de leurs prérogatives sans que le Parlement européen ait été en mesure de prendre le relais » 6 ( * ) , et que ce fonctionnement budgétaire n'apparaît pas conforme aux principes d'une démocratie moderne . Le processus budgétaire européen est alors in fine le suivant : « les parlements nationaux votent des recettes qui financent des dépenses qu'ils ne maîtrisent pas, tandis que le Parlement européen vote des dépenses sans avoir à se soucier de leur financement 7 ( * ) ». On ne peut qu'y voir les ferments d'une déresponsabilisation globale, et à tout le moins d'une dilution des responsabilités, puisque ni la logique de l'autonomie du budget communautaire ni celle du contrôle national n'ont été poussées à leur terme.

En dépit des prélèvements parfois élevés qu'il suscite, ce système est également indolore pour le citoyen puisque les ressources sont majoritairement prélevées sur les recettes globales des Etats membres, ce qui présente l'avantage de la pérennité et prévient les ardeurs anti-fiscalistes, mais nuit à l'appropriation par les Européens des enjeux financiers de l'Union, composante essentielle de la construction et de la vision européennes. Le débat sur les perspectives financières apparaît aux yeux des citoyens d'autant plus aride et éloigné de leurs préoccupations.

* 3 Selon les termes de Nicolas-Jean Bréhon, dans sa contribution sur l'impôt européen à l'ouvrage collectif « Quel budget européen à l'horizon 2013 ? Moyens et politiques d'une Union élargie » - Centre des études européennes de Strasbourg (CEES) et Institut français des relations internationales (IFRI), septembre 1994.

* 4 Les droits de douane sont les seuls véritables impôts communautaires puisque l'assiette en est définie par la valeur des biens importés, le taux est décidé par la Commission (par délégation du Conseil), et les importateurs en constituent les redevables clairement identifiés.

* 5 Avec une décision du seul Conseil, prise à l'unanimité et suivie d'une ratification par les Parlements nationaux.

* 6 Jean-François Bernicot in Revue française de finances publiques, n° 80.

* 7 Nicolas-Jean Bréhon, op. cité.

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