3. Un budget qui soulève un problème de sincérité

Au-delà de ces aspects « techniques », ce budget soulève également un problème de sincérité budgétaire dans la mesure où les crédits inscrits au « bleu » ne rendent compte que très imparfaitement de la réalité budgétaire du ministère, en 2004 comme en 2005.

a) Un budget 2004 viable grâce au fonds de concours versé par les agences de l'eau

Le budget 2004 du ministère de l'écologie et du développement durable ne peut en effet être appréhendé sans le fonds de concours de 210 millions d'euros versé par quatre agences de l'eau 2 ( * ) . Sur ces 210 millions d'euros, 135 millions d'euros reviennent à l'ADEME, pour faire face ses dépenses ayant un lien avec les milieux aquatiques (déchets, récupération des huiles usagées, sites et sols pollués), 59 millions d'euros vont à la lutte contre les inondations, tandis que 16 millions d'euros servent à financer les zones naturelles humides.

Les versements des agences sont intervenus en trois fois au cours de l'année 2004 : 1 er février, 1 er juin et 1 er octobre. Alors qu'il avait été annoncé l'an passé que ce fonds de concours serait constitué uniquement de crédits de paiement, il apparaît que 20 millions d'euros sont inscrits en autorisations de programmes et crédits de paiement afin de contribuer au financement des travaux de lutte contre les inondations dans le Rhône.

Si ce prélèvement de 210 millions d'euros sur les agences de l'eau pouvait se justifier dans la mesure où certaines agences disposaient d'une abondante trésorerie - 871,7 millions d'euros cumulés 3 ( * ) à la fin août 2003 -, le mécanisme avait été critiqué par notre collègue Philippe Adnot. Celui-ci a, depuis lors, mené un contrôle budgétaire en application de l'article 57 de la LOLF, dont les résultats sont annexés au présent rapport spécial. A ce stade, on se contentera d'observer que l'agence de l'eau Loire-Bretagne continue de bénéficier d'une trésorerie très abondante (5,22 mois de dépenses de budget primitif, au 31 octobre 2004).

D'une part, il estimait qu'il était contestable dans la mesure où ce fonds de concours n'était pas utilisé uniquement pour couvrir des besoins de paiement de politiques liées à l'eau ou aux milieux aquatiques, le lien des politiques de l'ADEME avec la politique de l'eau apparaissant assez ténu.

D'autre part, ce mécanisme apparaissait comme une réponse conjoncturelle au problème de financement de l'ADEME et ne faisait à cet égard que reporter l'échéance d'un an. Or la question n'est pas non plus réglée de manière pérenne en 2005.

b) Un budget 2005 qui ne rend pas compte de la réalité budgétaire du ministère

Les propos qui précèdent amènent à s'interroger sur la manière de comparer les crédits du ministère de l'écologie et du développement durable.

En effet, si les crédits baissent de 3,6 % en apparence si l'on s'en tient au seul « bleu », les crédits baissent de 22,6 % par rapport aux moyens résultant en 2004 des ouvertures en loi de finances initiale et des moyens provenant du fonds de concours versé par les agences de l'eau (soit 1,066 milliard d'euros) .

Cette vision est toutefois faussée dans la mesure où le ministre de l'écologie et du développement durable, M. Serge Lepeltier, a annoncé que 141 millions d'euros seraient inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004, afin de compléter les moyens dont disposera son ministère en 2005 pour mener ses politiques : 130 millions d'euros devraient ainsi venir abonder les crédits de l'ADEME, 8 millions d'euros devraient être accordés au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres - conformément aux annonces effectuées lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 14 septembre 2004 - et 3 millions d'euros seraient versés au profit de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

D'après les précisions communiquées à votre rapporteur spécial, une partie importante de ces 141 millions d'euros attendus correspondraient à des crédits reportés de 2003 vers 2004, mais qui ont ensuite été gelés.

Si les annonces du ministre de l'écologie et du développement durable se concrétisent en projet de loi de finances rectificative, et sous réserve de l'approbation du Parlement, le budget 2005 du ministère pourrait alors être analysé de deux manières :

- d'une part, une augmentation significative des crédits par rapport au seul « bleu », puisque les crédits augmenteraient ainsi de 17 %, pour s'élever à environ 966 millions d'euros ;

- d'autre part, une diminution atténuée mais réelle des crédits, d'environ 9,4 %, par rapport aux moyens dont a bénéficié le ministère en 2004 grâce au concours exceptionnel des agences de l'eau. Le ministère précise toutefois qu'il ne pourra utiliser la totalité de ces crédits en 2004 compte tenu des dates de versement retenues et estime que 15 millions d'euros environ viendraient abonder la dotation 2005.

Il faut en outre préciser que les prévisions de consommation de crédits du ministère pour 2005 excèdent très largement les crédits inscrits dans ce projet de budget, puisqu'ils atteignent, selon le dossier de presse du ministère, 990 millions d'euros en 2005, après 986 millions d'euros en 2004.

En dépit de ces annonces, le Parlement se prononce sur les crédits présentés dans le projet de loi de finances pour l'année à venir et l'on ne peut que constater qu'ils ne reflètent pas la situation réelle du ministère de l'écologie et du développement durable en 2005. Votre rapporteur spécial ne peut que regretter cette absence de sincérité budgétaire du projet de budget du MEDD pour 2005, même s'il reconnaît que le ministre de l'écologie et du développement durable a clairement annoncé l'opération qui serait proposée.

En outre, il observe que la question d'un mode de financement pérenne de l'ADEME reste posée. Par deux fois, celle-ci aura été financée par des moyens de court terme. Il paraît essentiel que ses dotations soient désormais rebasées, pour que le Parlement ait enfin une vision complète de ce budget.

* 2 110 millions d'euros pour l'agence Seine-Normandie, 45 millions d'euros pour l'agence Rhin-Meuse, 38 millions d'euros pour l'agence Loire-Bretagne et 17 millions d'euros pour l'agence Rhône-Méditerranée et Corse.

* 3 24,77 millions d'euros pour l'agence de l'eau Adour-Garonne ; 20,931 millions d'euros pour l'agence Artois-Picardie ; 179,14 millions d'euros pour l'agence Loire-Bretagne ; 106,6 millions d'euros pour l'agence Rhin-Meuse ; 165,62 millions d'euros pour l'agence Rhône-Méditerranée et Corse et 374,64 millions d'euros pour l'agence Seine-Normandie.

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