V. UNE SECONDE NÉCESSITÉ : LA MISE EN OEUVRE D'UNE RÉELLE DÉCONCENTRATION

La responsabilisation des gestionnaires, qui est une des clés de réussite de la réforme budgétaire, suppose également que l'éducation nationale joue vraiment le jeu de la déconcentration et du partenariat avec les collectivités locales, et ce, d'autant plus que les budgets opérationnels de programme constituent le support d'une déconcentration accrue, non seulement des crédits, mais également des actes de gestion

Or on peut rappeler que la Cour des comptes observait dans son rapport public particulier d'avril 2003 sur la gestion du système éducatif 30 ( * ) que cela n'était jusqu'ici guère le cas : « les relations du ministère avec les services académiques demeurent ambiguës car elles marquent une hésitation entre les interventions directes de la centrale et la reconnaissance de la liberté d'action des échelons déconcentrés » ; « l'autonomie des établissements est limitée par les contraintes administratives que les services déconcentrés font peser sur eux », ce qui se traduit notamment par une globalisation budgétaire en trompe-l'oeil, la plupart des crédits délégués demeurant « fléchés ».

En outre, pour la définition des projets académiques, « une concertation étroite avec les partenaires de l'école paraissait indispensable. Or, dans les cinq académies contrôlées, cette concertation, pourtant prévue par les textes, n'a été que timidement mise en oeuvre. Les projets académiques ont été le plus souvent élaborés sans y associer les collectivités locales ».

De même, l'IGAENR concluait dans son rapport général pour 2002 31 ( * ) que « l'administration centrale demeure trop engluée dans des opérations de gestion, tandis que les rectorats se sont transformées en petites centrales ». Quant à la contractualisation, elle se traduit essentiellement par des « pseudo-contrats » et « les établissements du second degré auxquels la loi demande d'exercer leur autonomie sont dans une situation paradoxale, mise en évidence par le rapport Pair. Ils sont, en effet, constamment tiraillés entre l'injonction à prendre des responsabilités et le refus de leur accorder les moyens et l'autonomie de décision  nécessaires pour les assumer ». L'administration devra donc cesser de « croire à l'illusion d'un pilotage par les circulaires et les notes de service, face à la complexité des situations locales ».

La mise en oeuvre d'une réelle déconcentration suppose donc une « révolution culturelle » au sein du ministère.

Déconcentrer serait en fait un acte de confiance dans les acteurs du système éducatif .

Or l'expérience montre que cette confiance est justifiée. Selon l'IGAENR 32 ( * ) , « les membres de l'inspection peuvent tout spécialement attester... à quel point les initiatives locales sont nombreuses et à quel point elles permettent au système de tenir. En effet, dans une certaine mesure, il nous semble possible d'affirmer que l'organisation repose moins sur la qualité de son management général que sur les initiatives de ses acteurs de terrain » 33 ( * ) .

C'est pourquoi votre rapporteur spécial se félicite des objectifs affichés pour la réorganisation territoriale des services de l'éducation nationale engagée en 2003 dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme (cf. l'encadré ci-après).

Les projets de « mise en cohérence » des services déconcentrés

« L'objectif est qu'à chaque échelon, les acteurs - EPLE, inspections d'académie, rectorats - disposent de la marge d'initiative qui leur permette d'apporter localement les réponses les mieux adaptées aux attentes de leurs partenaires. Dans ce contexte, l'axe principal de la stratégie ministérielle de réforme pour les services déconcentrés est la mise en cohérence des échelons académique et départemental pour accroître la lisibilité et la performance des structures administratives et renforcer les fonctions de proximité.

Les démarches de rationalisation engagées dès la rentrée 2003 par les académies portent sur la définition de blocs de compétences entre rectorats et inspections académiques, notamment dans les domaines de la gestion des moyens, la gestion des établissements privés, la gestion des examens et concours et les fonctions logistiques. Ces démarches se sont concrétisées, au cours du premier semestre 2004, par les actions suivantes :

- l'optimisation de l'organisation des examens et concours par centralisation au rectorat ou mutualisations interdépartementales entre inspections académiques ;

- la centralisation au niveau académique de la gestion des établissements privés ;

- l'intégration au rectorat de certaines fonctions, notamment la fonction logistique, réparties auparavant entre le rectorat et l'inspection académique du département chef-lieu ;

- l'expérimentation de BOP académiques (Rennes et Bordeaux), dans le cadre de la LOLF ;

- la mise en chantier de projets de services académiques, documents stratégiques permettant de programmer les changements à mener.

L'administration centrale a mis en place un dispositif d'accompagnement des académies : développement d'un dialogue de gestion à l'occasion des réunions de rentrée bilatérales entre l'administration centrale et chaque académie, mise à disposition de la cellule de consultants internes du ministère, fortement mobilisée aux côtés des recteurs et des inspecteurs d'académie, assistance en crédits d'études pour intervention de consultants externes, organisation de groupes de travail et d'échanges inter-académiques, points d'avancement réguliers avec les académies ayant sollicité une aide.

Parallèlement aux efforts de rationalisation entrepris dans les services académiques, l'administration centrale a veillé à alléger certaines tâches pesant sur eux : allègement de l'organisation des examens et concours ; suppression de la campagne de notation des personnels ATOSS en 2004 ; accélération du déploiement des applications informatiques de gestion (paie du 1 er degré, gestion du privé).

Au total, les actions de modernisation qui ont été conduites ont permis en 2004 d'économiser 750 emplois administratifs dans les rectorats et les inspections académiques.

A partir de la rentrée scolaire 2004, la rationalisation des tâches s'appliquera aussi à l'informatique de gestion : le développement des réseaux permettra de regrouper progressivement les tâches d'exploitation au niveau interdépartemental ou académique, voire inter-académique.Cette évolution sera parallèle à la mise en oeuvre de la LOLF, qui conduira également les services académiques à se regrouper davantage autour du recteur ».

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

* 30 Cf. pages 183 et 213.

* 31 Pages 11 à 17.

* 32 Dans son rapport général pour 2002, page 11.

* 33 L'évaluation des « Charter schools » (c'est à dire des écoles « à charte », autonomes par rapport aux prescriptions étatiques) autorisées en 1992 en Californie suggère d'ailleurs que l'autonomie des établissements est source d'efficience, puisque ces écoles « à charte » ont des performances quasiment comparables à celles des autres écoles, tout en consommant moins de ressources (cf. « Charter School Operations and Performance », Rand Education, 2003).

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