II. AUDITION DE M. FRANÇOIS FILLON, MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE

Réunie le jeudi 4 novembre 2004, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits de son département ministériel .

A titre liminaire, M. François Fillon , ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, procédant à l'aide d'une vidéo-projection, a rappelé que la France se singularisait par une dépense d'éducation dans l'enseignement secondaire supérieure à la moyenne de celle des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), tandis que la dépense d'éducation dans l'enseignement supérieur était inférieure à cette moyenne. Il a ajouté que cette situation s'expliquait par l'absence de prise en compte de l'évolution des effectifs pendant plusieurs années, le nombre d'élèves de l'enseignement scolaire ayant diminué de façon continue jusqu'en 2002, tandis que le nombre d'enseignants avait augmenté sensiblement.

M. François Fillon a souligné la volonté corollaire de tenir compte de la démographie dans le projet de budget pour 2005, 1.000 postes d'enseignants étant créés dans le premier degré, où la hausse prévisible du nombre d'élèves à la rentrée s'élèverait à 51.000, et 3.400 postes d'enseignants étant supprimés dans le second degré, où le nombre d'élèves devrait diminuer de 44.700. Il a précisé que la baisse du nombre d'enseignants dans le second degré, plus importante que la hausse du nombre d'enseignants dans le premier degré, s'expliquait, notamment, par des différences de taux d'encadrement. Il a, par ailleurs, indiqué que 2.100 postes de contractuels ne seraient pas renouvelés, ce qui représenterait un effort comparable à celui des années passées.

S'agissant des emplois administratifs, il a annoncé qu'un seul départ à la retraite sur deux serait remplacé, ce qui devrait conduire à une réduction de 600 emplois en sus des 200 suppressions d'emplois résultant du transfert aux caisses d'allocations familiales de la gestion de l'ensemble des prestations sociales.

M. François Fillon a souligné ensuite que le projet de budget de l'enseignement scolaire proposait un important effort en matière de mesures catégorielles, une provision de 34 millions d'euros en année pleine étant prévue pour renforcer l'attractivité des carrières des enseignants, et 32,1 millions d'euros étant prévus afin de rattraper progressivement le retard qui existerait en matière indemnitaire entre les personnels administratifs de l'éducation nationale et ceux des autres ministères.

Il a annoncé que, compte tenu des départs en retraite et de l'évolution des effectifs, le nombre de postes ouverts aux concours augmenterait toutefois de 1.000 postes pour s'établir à 26.500 en 2005 ; la diminution de 500 postes pour le premier degré étant compensée par une hausse de 1.500 pour le second degré. Il a insisté sur la novation consistant, cette année, à publier la liste des postes ouverts aux concours, concomitamment à l'annonce des chiffres du projet de budget, et ce, dans une double perspective d'amélioration de la gestion prévisionnelle des personnels comme d'amélioration de l'information des candidats aux concours.

S'agissant de l'enseignement supérieur, M. François Fillon a également souligné l'importance de l'effort budgétaire effectué cette année, avec la création de 1.500 emplois, dont 1.000 correspondaient à la consolidation des créations d'emplois annoncées en cours d'exécution 2004 en réponse aux demandes des chercheurs.

Il a évoqué ensuite l'augmentation sensible des crédits d'équipement de l'enseignement supérieur, dont les crédits de paiement connaîtraient une hausse de plus de 40 % dans le projet de budget pour 2005, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre des contrats de plan Etat-régions. Il a observé que les travaux sur le campus de Jussieu progressaient de manière satisfaisante, puisque 21 barres, sur un total de 38, seraient désamiantées d'ici mi-2005.

Par ailleurs, il a exposé que le projet de budget pour 2005 mobilisait un milliard d'euros supplémentaires pour la recherche se répartissant ainsi : 356 millions d'euros prévus sur le budget civil de la recherche et développement (BCRD) ; 350 millions d'euros, issus des recettes des privatisations, alloués à l'Agence nationale pour la recherche afin de financer des projets de recherche ; enfin, 300 millions d'euros correspondaient à des mesures fiscales, en particulier le renforcement du crédit d'impôt-recherche. Au total, il a estimé que cet effort était ainsi destiné à hauteur des deux tiers à la recherche publique et à hauteur d'un tiers à la recherche privée.

M. François Fillon a ensuite abordé la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), en se félicitant de ce que le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conduisait l'expérimentation de la LOLF la plus importante du projet de loi de finances pour 2005, à savoir celle relative au programme « enseignement scolaire public du premier degré » qui concernait 332.000 emplois et 9,6 milliards d'euros de crédits.

En conclusion, il a souligné que les questions de l'amélioration du remplacement des enseignants, et de l'emploi de professeurs en surnombre, avaient fait l'objet d'une attention particulière, dans le cadre de la mise en oeuvre des stratégies ministérielles de réforme (SMR), en indiquant que les problématiques pédagogiques n'avaient pas été abordées dans l'attente de la discussion du projet de loi d'orientation sur l'école.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Philippe Marini , rapporteur général, a demandé les raisons qui avaient conduit le ministère à ne pas suivre les recommandations des commissions des finances des assemblées parlementaires relatives à la définition des programmes de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur », visant notamment à scinder dans deux programme distincts les activités de formation et de recherche.

En réponse, M. François Fillon a justifié la position du ministère en soulignant, tout d'abord, que l'enseignement supérieur et la recherche ne pouvaient pas être dissociés puisque la recherche se faisait, pour partie, dans les établissements d'enseignement supérieur et que les personnels étaient partagés entre l'enseignement et la recherche.

Puis il a souligné que la solution proposée par les commissions des finances des assemblées conduirait à limiter la fongibilité des crédits au détriment de l'autonomie des universités.

Il s'est ensuite interrogé, de manière plus générale, sur l'opportunité de constituer un « grand » ministère de la recherche, pour estimer difficile de « découper » le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Et il s'est, notamment, appuyé sur l'exemple des pays étrangers pour affirmer que la recherche devrait, dans les années à venir, se faire de plus en plus dans le cadre des universités.

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général , qui souhaitait connaître le devenir des projets relatifs à l'autonomie des universités, M. François Fillon a indiqué que l'idée d'évolution du statut des universités n'était pas abandonnée. Il a ajouté que cette réforme semblait cependant difficile à engager alors même que deux importants chantiers étaient déjà en cours, concernant l'école, d'une part, la recherche, d'autre part. Cela étant, il a souligné que la mise en place du système « licence-master-doctorat » (LMD) conduisait à une profonde réorganisation de l'offre d'enseignement des universités.

En outre, il a jugé que la question de l'autonomie de l'université n'était pas seulement une question technique, mais également une question éminemment politique, puisqu'elle impliquait de mener des réflexions sur la gouvernance des universités, ainsi que sur leur financement. Compte tenu du caractère sensible de ces sujets, il a ainsi confirmé que la réforme initialement envisagée était reportée, en réitérant son souhait de mener à bien, en priorité, les réformes concernant l'école et la recherche.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a demandé s'il était prévu d'engager, dans le cadre du projet de loi d'orientation sur l'école, des réflexions sur les missions et l'organisation des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

M. François Fillon a confirmé que le projet de loi d'orientation comporterait une réforme des IUFM, dont les structures étaient régulièrement critiquées. Il a toutefois relativisé ces critiques en rappelant que les anciennes écoles normales d'instituteurs étaient également empreintes de nombreux défauts et que la formation des professeurs du second degré ne comprenait auparavant aucune initiation à la pédagogie. Il a, ensuite, annoncé deux pistes de réflexion : le renforcement du caractère universitaire de la formation et le développement de la formation professionnelle, par exemple, en allongeant les périodes de stages, ce qui représenterait toutefois un coût budgétaire notable.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial du budget de l'enseignement scolaire , après s'être félicité de la qualité des informations apportées par le ministre, a demandé quelles étaient les modalités de transfert des personnels administratifs en charge de la gestion des personnels techniques, ouvriers et de service (TOS), dont le transfert aux collectivités territoriales avait été décidé dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales.

En réponse, M. François Fillon a répondu que les conditions de transfert de ces personnels administratifs étaient les mêmes que celles du transfert des personnels TOS, c'est-à-dire qu'ils seraient mis à disposition des collectivités territoriales en 2005. Il a reconnu qu'il persistait un problème de locaux pour accueillir ces nouveaux personnels. Il a ajouté que des contacts avaient été pris avec l'ensemble des collectivités territoriales afin de préparer ces transferts et qu'il avait pu constater, lors de ses déplacements, que cette question n'était plus un sujet de préoccupation majeur pour les personnels concernés.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement scolaire , a ensuite abordé la question des regroupements d'écoles primaires, en demandant si le ministère disposait d'un bilan pédagogique sur ces derniers. Il a, en particulier, fait état de l'inquiétude que pouvaient ressentir certains élus locaux quant à la pérennité de ces regroupements qui, lors de leur constitution, pouvaient demander des efforts financiers importants, en particulier pour la construction des bâtiments.

En réponse, M. François Fillon a indiqué que le bilan pédagogique était plutôt positif. S'agissant de l'inquiétude exprimée par d'aucuns sur ces regroupements, il a affirmé sa volonté de tout mettre en oeuvre pour maintenir le service public de l'éducation nationale sur l'ensemble du territoire, et il a indiqué qu'il était notamment favorable à ce que le maintien de ce service public en zone rurale fasse l'objet de la même priorité que les zones d'éducation prioritaire (ZEP). Concernant particulièrement la question des réseaux pédagogiques d'intégration, il a fait part de ses réserves, en considérant que ce dispositif était porteur d'un découplage commune-école qui impliquerait, à terme, le transfert des compétences actuelles en matière d'enseignement scolaire des communes vers les structures intercommunales. Et il a jugé qu'il n'appartenait pas à son ministère d'être à l'origine d'un tel transfert. Il a précisé qu'il ne voyait toutefois pas d'inconvénient à la constitution de ces réseaux s'ils étaient le fruit d'une réelle volonté locale.

M. Jean Arthuis, président , a fait part de son expérience en expliquant que les réseaux pédagogiques d'intégration pouvaient être utilisés par les services déconcentrés du ministère comme une variable d'ajustement afin d'éviter la fermeture de certaines écoles dans l'attente, souvent déçue, d'éventuelles inflexions démographiques.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement scolaire, a rappelé le niveau élevé du ratio enseignant/élèves dans l'enseignement secondaire français et a demandé les mesures prises pour remédier à ce que la Cour des comptes avait qualifié de « dérive de l'offre d'enseignement ».

En réponse, M. François Fillon a admis que l'offre d'enseignement pouvait être considérée comme excessive. Il a ainsi relevé que certains élèves de seconde pouvaient avoir jusqu'à 36 heures de cours par semaine, ce qui, ajouté au temps de travail personnel, constituait une importante charge de travail pour les élèves. Il a précisé que cette situation s'expliquait notamment par la multiplication des missions confiées à l'école, en citant notamment l'éducation à la sécurité routière ou à l'environnement, ainsi que par la multiplication des options. A ce titre, il s'est félicité de ce que le rapport « Thélot » ait mis la priorité sur la définition, par le Parlement, d'un socle de connaissances fondamentales, après l'avis d'une commission de sages.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement scolaire , s'est alors demandé si, dans le cadre de la promotion d'une réelle « communauté éducative », qui supposait des règles communes, connues, respectées et éventuellement sanctionnées, le chef d'établissement pourrait bénéficier d'une autorité accrue.

En réponse , M. François Fillon a observé que le rapport dit « Thélot » avait traité de la question des obligations de service des enseignants et avait opté pour une normalisation du temps de présence de ces derniers dans les établissements scolaires, ainsi que pour un renforcement du rôle du chef d'établissement. Il a exposé qu'il préférerait cependant envisager une autre piste de réflexion tendant à mettre en place un système d'incitations financières pour les enseignants qui prendraient des responsabilités supplémentaires, en trouvant anormal, par exemple, qu'un professeur des écoles, acceptant de suivre une formation pour enseigner une langue étrangère, ne soit pas davantage rémunéré.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement scolaire , a enfin souhaité savoir si le ministère avait toujours l'intention de racheter l'ancien siège de France Télécom, situé 103 rue de Grenelle, et si cette opération était opportune dans la mesure où ce bâtiment se trouvait dans un des arrondissements les plus chers de Paris.

En réponse, M. François Fillon a précisé que cette opération serait susceptible de permettre le regroupement sur un même site de directions aujourd'hui très éclatées, d'une part, qu'elle serait financièrement neutre, d'autre part.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur , a rappelé que M. Luc Ferry, alors ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, avait reconnu, l'an passé, devant la commission des finances du Sénat, que l'information dont disposait le ministère de l'éducation nationale sur la situation financière des universités n'était pas tout à fait exacte, et il a demandé si des progrès avaient été observés et si des mesures avaient été prises.

M. Jean Arthuis, président , a précisé que le ministère ne connaissait notamment pas le niveau des réserves financières mobilisables des universités.

En réponse, M. François Fillon a estimé que les informations dont disposait son ministère sur les comptes financiers des établissements d'enseignement supérieur étaient exactes, même si elles n'étaient pas complètes. Il a ajouté que la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) serait, en tout état de cause, un facteur de clarification, et qu'il avait engagé une refonte des outils de suivi des comptes financiers des établissements, consistant notamment à définir des indicateurs financiers et comptables pertinents. Il a indiqué que l'on pourrait ainsi y voir plus clair d'ici la fin de l'année 2005.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur , s'est inquiété de l'effort financier restant à consentir pour l'exécution des contrats de plan Etat-régions 2000-2006, en précisant que les crédits de paiement prévus sur la période 2000-2005, en matière d'enseignement supérieur, correspondaient à 30 % de ses engagements financiers sur la période 2000-2006.

En réponse, M. François Fillon a souligné que son ministère aurait délégué, d'ici la fin 2005, près de 82 % des autorisations de programme correspondant aux engagements de l'Etat au titre des contrats de plan Etat-régions 2000-2006, et il a estimé que ceux-ci auraient ainsi un peu moins d'une année de retard. En outre, il a souligné l'accélération des crédits de paiement destinés aux investissements universitaires dans le projet de loi de finances pour 2005 et il a estimé que le ministère de l'enseignement supérieur se comparait tout à fait favorablement par rapport aux autres ministères en matière d'exécution des contrats de plan Etat-régions.

En réponse à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur , qui soulignait les besoins de rénovation des logements d'étudiants, et qui s'interrogeait sur l'opportunité de confier ces opérations, par exemple au travers de contrats de « lease-back », à des opérateurs plus qualifiés que les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) pour la conduite de projets immobiliers, comme des offices HLM, M. François Fillon s'est déclaré tout à fait favorable à la mise à l'étude de cette idée, tout en rappelant l'effort déjà consenti par l'Etat pour le logement étudiant.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial des crédits de la recherche, a souhaité connaître les fondements, l'inspiration et les modalités de la création de l'agence nationale pour la recherche. Il a également demandé quelles seraient les prérogatives de cette agence, en particulier si celle-ci conduirait à une certaine forme de reconcentration de la politique de recherche, et, si celle-ci avait vocation à déterminer les priorités stratégiques de la recherche française, en observant, à cet égard, que la recherche était tirée aux Etats-Unis par les forces du marché et par les perspectives de profit, comme l'illustrait l'exemple des biotechnologies.

En réponse, M. François Fillon a précisé que la création de cette agence nationale pour la recherche reposait sur la conviction selon laquelle il était souhaitable qu'une partie du financement public de la recherche prenne la forme de financements destinés à des projets de durée limitée, comme c'était déjà le cas dans tous les autres grands pays industrialisés. Il a ajouté que 350 millions d'euros étaient prévus à cet effet en 2005 en provenance des recettes de privatisation, et que leur répartition supposait, en tout état de cause, la création d'une structure ad hoc qui aurait au départ le statut de groupement d'intérêt public (GIP), mais qui devrait prendre ensuite la forme d'une agence.

Il a annoncé que cette agence aurait effectivement pour vocation d'orienter la recherche française et qu'il envisageait, pour ce faire, la constitution d'un conseil d'orientation de la recherche placé, comme dans les autres grands pays industrialisés, auprès du Président de la République, avec un double rôle d'analyse stratégique et d'expertise en matière de grands projets.

M. Eric Doligé a estimé que le transfert aux départements des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) constituerait un choc culturel, et il s'est inquiété du niveau de formation et de la mauvaise organisation du remplacement de ces personnels TOS, en regrettant qu'il soit difficile d'obtenir des informations de la part de l'éducation nationale. Il s'est également inquiété des personnels TOS qui seraient nécessaires au fonctionnement des internats dont la création était envisagée. En outre, il a relevé que la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales confiait aux collectivités territoriales les missions d'accueil des établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), mais que ces missions étaient aujourd'hui assurées, pour une large part, par des personnels administratifs dont le transfert n'était pas prévu. En conséquence, il s'est demandé ce que recouvrait cette notion d'accueil et si les collectivités territoriales n'allaient pas se voir réclamer le recrutement de personnels chargés spécifiquement de l'accueil.

A cet égard, M. Roger Karoutchi a souligné que la décentralisation des personnels TOS conduirait à multiplier par sept les effectifs gérés par le conseil régional d'Ile-de-France, ce qui pouvait expliquer des réticences initiales, mais que, compte tenu des difficultés croissantes de mise en oeuvre par les collectivités territoriales de petits projets de rénovation dans les EPLE, la globalisation pour la gestion immobilière ne semblait pas être une mauvaise solution.

Par ailleurs, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur , a exprimé le souhait que les nouveaux statuts des TOS en cours de rédaction n'empêchent pas les collectivités territoriales de redéployer les personnels en fonction de l'évolution des besoins.

En réponse, M. François Fillon a rappelé que la loi relative aux responsabilités locales avait fait le choix de transférer 100 % des moyens réellement mis en oeuvre par l'Etat à la date du transfert. Il a précisé que l'Etat ne transférerait donc pas de crédits supplémentaires pour des besoins qui pourraient apparaître ultérieurement, comme cela avait d'ailleurs été le cas dans le cadre des lois de décentralisation de 1982. Il a rappelé que le choix consistant à mettre temporairement les TOS à disposition des collectivités territoriales donnerait à tous les acteurs une année pour négocier les détails de l'opération. Enfin, il s'est engagé à faire préciser la notion d'accueil.

En réponse à M. Eric Doligé , qui observait que la décentralisation se traduisait par des opportunités d'échanges de locaux entre les collectivités territoriales et les services déconcentrés du ministère, M. François Fillon s'est déclaré ouvert à toute discussion à ce sujet.

En réponse à M. Serge Dassault , qui estimait que l'obligation scolaire jusqu'à 16 ans n'était pas satisfaisante, car elle contraignait des élèves à demeurer en situation d'échec dans les établissements scolaires, et qui préconisait en conséquence le développement de l'apprentissage à partir de 14 ans, M. François Fillon a estimé que le débat relatif au collège unique n'avait, selon lui, pas beaucoup de sens, car le collège n'avait d'unique que le nom, compte tenu du développement plus ou moins officiel de filières diversifiées de formation, pour lesquelles il s'efforcerait d'ailleurs de définir un cadre légal dans le cadre du projet de loi d'orientation sur l'école dont la discussion était prévue pour 2005. Par ailleurs, il a rappelé le développement des formations en alternance à partir de la classe de 4 ème et la mise en oeuvre, à compter de cette année, de périodes de découverte professionnelle en classe de 3e. Enfin, il s'est déclaré opposé à l'abaissement de l'âge légal de la scolarité obligatoire, en jugeant que cela constituerait un très mauvais signal, car la France avait besoin d'élever le niveau de formation générale, même s'il était également souhaitable de répondre aux besoins des élèves en difficulté.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné, à cet égard, la nécessité de promouvoir l'enseignement professionnel afin que celui-ci ne soit pas une filière accueillant principalement des élèves en situation d'échec.

M. Jean Arthuis, président , a estimé, pour sa part, indispensable de mieux coordonner les efforts des lycées professionnels et des centres de formation des apprentis (CFA).

M. Roger Karoutchi a rappelé que le rapport de la « commission Thélot » formulait des propositions de réforme des obligations de service des enseignants conduisant d'ailleurs leurs organisations représentatives à s'alarmer de ce que l'on demandait aux enseignants de travailler davantage après que la plupart des Français eurent bénéficié d'une réduction de leur temps de travail, et a interrogé le ministre sur ses intentions à cet égard. M. François Fillon a fait part de son faible enthousiasme pour la proposition consistant à accroître de quatre heures les obligations de service des nouveaux enseignants, en contrepartie de rémunérations accrues, en jugeant que cette mesure serait désincitative pour les personnels qui s'investissaient aujourd'hui davantage dans la vie de leurs établissements. Par ailleurs, il a estimé prioritaire de différencier les obligations de service en fonction des établissements, en relevant que les conditions de travail n'étaient pas les mêmes à Henri IV et en zone d'éducation prioritaire.

En réponse à M. Jean-Jacques Jégou , qui exprimait le souhait que la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) permette de clarifier la part des dépenses des centres hospitaliers universitaires (CHU) relevant de leurs activités de recherche et de formation, M. François Fillon a confirmé qu'il existait des zones d'ombre et de recouvrement en la matière et que la LOLF pourrait d'ailleurs faire apparaître des besoins de réorganisation en profondeur des formations médicales, voire de réduction du nombre des CHU.

En réponse à M. Roger Karoutchi et à M. Jean Arthuis, président , qui l'interrogeaient sur la mise en oeuvre des engagements de son prédécesseur consistant à clarifier les conditions d'utilisation des emplois du ministère, d'une part, à réduire de 2.437 en 2002-2003 à 2.000 en 2003-2004, puis à 1.500 en 2004-2005, les enseignants du second degré en surnombre disciplinaire, du fait des rigidités résultant des cloisonnements entre disciplines et entre académies, M. François Fillon a précisé que le ministère avait d'ores et déjà accompli de gros efforts consistant, notamment, à réduire drastiquement le nombre de mises à disposition, d'une part, à mobiliser sur les activités de remplacement ou d'enseignement de matières connexes 50 % des surnombres disciplinaires dès cette année et 100 % à la rentrée 2005, d'autre part.

En réponse à M. Jean Arthuis, président , qui relevait que le système éducatif était géré à tous les niveaux de responsabilité par des enseignants pouvant relativement peu s'appuyer sur des gestionnaires, M. François Fillon a confirmé la nécessité que les services déconcentrés du ministère disposent de plus de gestionnaires qualifiés, tout en soulignant que d'autres ministères étaient également confrontés à une telle situation. Il a observé que l'éducation nationale avait récemment ouvert ses emplois de direction à des personnels administratifs en détachement, d'une part, que les conditions d'accès aux fonctions d'inspecteur d'académie avaient été assouplies, d'autre part. Il a estimé que les fonctions de recteur et de président d'université avaient vocation à être occupés par des universitaires.

En réponse à M. Jean Arthuis, président , qui se demandait si le ministère disposait d'une image fidèle du nombre d'enfants scolarisés, M. François Fillon a précisé que les dysfonctionnements et les incitations à « tricher » sur les effectifs portaient surtout sur les prévisions et il a indiqué que l'éducation nationale allait expérimenter, cette année, dans vingt départements, une nouvelle « base-élève » susceptible d'améliorer la fiabilité des prévisions d'effectifs de l'enseignement primaire, comme de soulager les directeurs d'école.

Enfin, M. Jean Arthuis, président , a relevé que le ministère de l'éducation nationale prévoyait de confier la responsabilité de quatre de ses cinq programmes en matière d'enseignement scolaire à une seule et même personne, ce que le comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) avait qualifié de « situation singulière », car elle ne correspondait pas à l'esprit de la LOLF.

En réponse, M. François Fillon a estimé qu'il s'agissait là d'une vraie difficulté. Il a, en effet, rappelé que le ministère avait connu des directions d'administrations centrales spécifiques au premier et au second degrés, mais que cette organisation n'était pas efficace, et que la « commission Thélot » préconisait d'ailleurs de mieux articuler le primaire et le secondaire. Cela étant, il a indiqué réfléchir à la création d'un secrétariat général.

________

A l'issue de l'audition du ministre, la commission a décidé, à l'unanimité, de proposer au Sénat l'adoption des crédits de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche : I. Enseignement scolaire, qui avaient été précédemment réservés.

Elle a confirmé cette position lors de sa réunion du jeudi 25 novembre 2004, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.

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