II. LA CONVENTION PÉNALE

La Convention pénale est, quant à elle, particulièrement ambitieuse : elle vise à incriminer de façon coordonnée un large éventail de conduites de corruption et à améliorer la coopération internationale.

Elle privilégie une approche globale du phénomène, à la différence des instruments précédents, adoptés sous l'égide de l'OCDE et des Nations unies, qui portaient sur la corruption impliquant des fonctionnaires nationaux ou européens ou sur la corruption active d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.

Sa mise en oeuvre est suivie par le groupe d'états contre la corruption ou GRECO, opérationnel depuis le 1er mai 1999.

Entrée en vigueur le 1er juillet 2002, date à la quelle la condition de 14 ratification a été remplie, elle a été à ce jour ratifiée par 30 pays sur les 46 signataires.

A. LE CHAMP D'APPLICATION

La convention couvre les cas de corruption passive et active :

- d'agents publics nationaux et d'agents publics étrangers ;

- de parlementaires nationaux, étrangers et de membres d'assemblées parlementaires internationales ;

- de membres du secteur privé ;

- de fonctionnaires internationaux ;

- de juges nationaux, étrangers et internationaux et d'agents de cours internationales.

Elle couvre aussi le trafic d'influence, le blanchiment du produit des délits de corruption et les infractions comptables liées à la commission des infractions de corruption.

Elle étend ainsi l'incrimination de la corruption au secteur privé tout en la limitant à la sphère des activités marchandes.

Elle exclut ainsi de son champ d'application les activités à but non lucratif.

B. LES OBLIGATIONS POSÉES PAR LA CONVENTION

Les Etats sont tenus de prévoir des sanctions et des mesures efficaces et dissuasives incluant des sanctions privatives de liberté pouvant donner lieu à extradition. Les personnes morales devront être, elles aussi, tenues pour responsables des infractions pénales commises à leur profit.

La Convention prévoit également des dispositions concernant les actes de complicité, l'immunité, les critères pour établir la compétence des Etats, la mise en place d'unités spécialisées dans la lutte contre la corruption, la protection des collaborateurs de justice ainsi que la collecte de preuves et la confiscation des produits de la corruption.

C. LES RÉSERVES FORMULÉES PAR LA FRANCE

Trois réserves ont été faites par notre pays à la convention pénale :

- l'incrimination de la corruption passive d'agents publics étrangers et de membres d'assemblées publiques étrangères : notre droit interne ne prévoit que l'incrimination de la corruption active ou passive de fonctionnaires nationaux d'un autre état membre de l'Union européenne et l'incrimination des faits de corruption active de toute personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, d'un mandat électif public, dans un Etat étranger, commis dans le commerce international , l'incrimination de la corruption passive de membres d'assemblées publiques étrangères n'existe pas ; la France a donc indiqué qu'elle n'érigera pas en infraction pénale, les faits de corruption passive d'agents publics étrangers et de membres d'assemblées publiques étrangères, infraction particulièrement difficile à réprimer dans les faits ;

- l'incrimination du trafic d'influence en direction d'un agent public étranger ou d'un membre d'une assemblée publique étrangère : notre droit interne prévoit seulement l'incrimination du trafic d'influence actif et passif en direction d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public en France , la France a donc indiqué que les actes de trafic d'influence, en vue d'exercer une influence sur la prise de décision d'agents publics étrangers et les membres d'assemblées publiques étrangères ne seront pas érigés en infraction pénale ;

- les critères de compétence territoriale : la France a indiqué qu'elle entendait limiter la compétence personnelle de ses juridictions pénales aux seuls cas où l'auteur de l'infraction est l'un de ses ressortissants et que les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis. Elle se réserve le droit de ne pas établir sa compétence dans les cas de corruption passive d'un français exerçant une fonction publique à l'étranger et dans les cas de corruption active par un français à l'égard d'une personne exerçant une fonction publique à l'étranger.

Ces deux dernières réserves visent à prévenir nos entreprises de traitements discriminatoires fondées sur la disparité des législations entre Etats. L'application directe de la convention aurait conduit au déclenchement de l'action publique pour des faits commis à l'étranger dans les conditions de droit commun, notamment sur plainte avec constitution de partie civile.

Compte tenu de ces réserves, notre pays devra cependant modifier sa législation sur les points suivants :

- l'incrimination de la corruption active d'agents publics étrangers ;

- l'incrimination de la corruption active et passive de fonctionnaires internationaux ;

- l'incrimination de la corruption active et passive de juges et d'agents de cours internationales ;

- l'incrimination de la corruption active de membres d'assemblées publiques étrangères ;

- l'incrimination de la corruption active et passive dans le secteur privé ;

- l'incrimination de la corruption active et passive de membres d'assemblées parlementaires internationales ;

- l'incrimination du trafic d'influence sur la prise de décision de fonctionnaires internationaux, de membres d'assemblées parlementaires internationales, de juges et agents de cours internationales.

Le projet de loi qui mettra notre législation en conformité avec la convention est en cours d'élaboration.

Le nombre des réserves peut paraître important mais notre pays s'est opposé lors des négociations à ce que leur nombre soit excessif et risque de vider la Convention de sa substance. Le nombre des réserves par Etat a été limité à cinq pour éviter que des incriminations spécifiques, comme le trafic d'influence, inconnues du droit pénal de législations soient totalement exclues des obligations des Parties. Dans le même esprit, notre pays a souhaité connaître la nature des réserves formulées par les signataires, avant de soumettre le texte à la ratification parlementaire.

Notre pays a par ailleurs signé le 15 mai 2003 un protocole additionnel à la convention pénale, qui étend le champ d'application de la Convention aux arbitres en matière commerciale, civile et autres, ainsi qu'aux jurés, complétant ainsi les dispositions de la Convention visant à protéger les juridictions contre la corruption. Ce protocole, ratifié par sept pays, entrera en vigueur le 1er février 2005.

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