EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Clarification du statut des maîtres contractuels
des établissements d'enseignement privés sous contrat

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article inscrit trois avancées dans le code de l'éducation, qui tendent à parachever la rédaction des lois Debré et Guermeur :

- la clarification du statut des maîtres liés à l'Etat par contrat exerçant au sein des établissements d'enseignement privés (1°) ;

- le maintien, en parallèle, des droits sociaux dont bénéficient ces personnels (1° bis , introduit par voie d'amendement parlementaire lors des débats en séance publique) ;

- la reconnaissance d'une priorité d'accès aux services vacants pour les titulaires d'un contrat ou les lauréats de concours (2°).

1. LA CLARIFICATION DU STATUT DES MAÎTRES CONTRACTUELS

a) La reconnaissance de leur « qualité d'agent public »

La rédaction du (1°) de l'article premier vient compléter celle issue de l'article 4 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959, dite « loi Debré ».

En effet, l'article L. 442-5 du code de l'éducation précise que, dans les classes faisant l'objet d'un contrat d'association avec l'État, l'enseignement est confié « soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'État par contrat », sans que le législateur ait jugé utile de préciser la nature de ce contrat. Celui-ci répond en effet aux critères d'un contrat administratif, tels que dégagés par la jurisprudence du Conseil d'État :

- le critère organique : le contrat est passé avec l'État, en l'occurrence l'autorité académique ; seul l'Etat, compétent en matière disciplinaire, peut prononcer la résiliation du contrat 7 ( * ) , le cas échéant sur demande du directeur d'établissement, après avis de la commission consultative mixte départementale siégeant en commission disciplinaire ;

- le critère matériel 8 ( * ) : l'objet du contrat est la participation directe à l'exécution du service public d'enseignement 9 ( * ) . En effet, la loi Debré précise que l'enseignement délivré dans les établissements privés sous contrat, soumis au contrôle de l'Etat, est dispensé « selon les règles et programmes de l'enseignement public » ; si cette loi reconnaît l'existence d'établissements privés d'enseignement, elle ne reconnaît pas d'enseignement privé mais un seul enseignement public.

Ainsi, le Conseil d'État, dans l'arrêt Tatareau du 13 novembre 1981, considère « qu'eu égard à la nature des liens existant entre l'État et les maîtres contractuels des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association » , ceux-ci « se trouvent dans une situation comparable à celle d'agents de l'enseignement public nommés à leur emploi par une décision unilatérale » .

En effet, l'Etat procède à leur recrutement et à leur nomination, les maîtres du privé étant soumis aux mêmes conditions de nationalité, de moralité et d'aptitude que les enseignants du public 10 ( * ) ; il les intègre dans une grille de classification, les rémunère directement selon les mêmes échelles indiciaires que les enseignants du public et supporte les charges sociales et fiscales afférentes ; il leur applique les mêmes règles de notation, de promotion et d'avancement, les soumet au contrôle de l'inspecteur d'académie, prononce les mesures individuelles et disciplinaires, fixe les obligations de service et accorde les congés.

Ainsi, dans l'arrêt Lelièvre du 26 juin 1987, le Conseil d'État a considéré qu'un maître contractuel d'un établissement d'enseignement privé sous contrat « n'exerce pas une activité privée, mais [est] un agent public ».

De fait, en explicitant, dans la loi, ce principe qui n'était qu'implicite dans la loi Debré, le présent article complète et parachève cet édifice législatif, sans introduire d'innovation ou de rupture juridique.

Il s'agit, dans l'esprit de la loi Debré, de réaffirmer la prééminence du lien qui rattache les maîtres contractuels à l'Etat.

b) La conséquence : l'absence de contrat de travail avec l'établissement

Il découle de la réaffirmation du caractère d'agent public des maîtres contractuels des établissements d'enseignement privés sous contrat que ceux-ci « ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'État, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié ».

Cette précision est devenue utile pour mettre un terme à la dérive jurisprudentielle qui a attiré les maîtres vers la sphère du droit privé. Elle sort les maîtres du cadre du contrat de travail pour les fonctions d'enseignement qui leur sont confiées par l'Etat, sans pour autant nier l'existence de toute autre forme de relation entre le maître et son établissement, en dehors du contrat passé avec l'Etat (par exemple pour assurer des heures de catéchèse).

Tout en reconnaissant que les maîtres contractuels sont des « agents publics mis à la disposition d'un établissement par l'autorité rectorale » 11 ( * ) , et liés par contrat à l'Etat qui les recrute et les rémunère, la Cour de cassation met en évidence, dans une jurisprudence constante, qu'il existe par ailleurs un contrat de travail entre le maître et l'établissement au sein duquel il enseigne :

- en raison de la nature juridique privée de l'établissement ;

- au motif que « le maître au service d'un établissement d'enseignement privé sous contrat d'association se trouve placé sous l'autorité et la subordination du chef d'établissement qui le dirige et le contrôle » 12 ( * ) .

En effet, le chef d'établissement, qui relève d'un statut de droit privé, a autorité pour organiser le service des personnels. En outre, en application de la loi Debré, l'enseignement est confié aux maîtres, dans les classes sous contrat d'association, « en accord avec la direction de l'établissement » .

Le texte proposé vise à apporter une plus grande sécurité juridique aux établissements, alors que la superposition, au contrat de droit public avec l'Etat, d'un contrat de travail entre les maîtres et l'établissement, a conduit à un contentieux croissant devant les juridictions prud'homales (concernant par exemple l'aménagement des horaires de travail, la réduction ou le non renouvellement de services, etc).

La Cour de cassation a validé, en effet, la compétence des conseils de prud'hommes pour statuer sur « les différends qui peuvent s'élever, à l'occasion de la relation de travail, entre un maître et l'établissement d'enseignement privé lié par contrat d'association où il exerce ses fonctions». De fait, les enseignants sont inscrits sur la liste électorale des conseillers prud'hommes (CCass., 5 novembre 1993, Libourel ).

Il en résulte, en outre, que les établissements et organismes gestionnaires, « employeurs de droit privé », sont tenus d'appliquer la législation du droit du travail, ce qui induit des charges lourdes, notamment le versement de l'indemnité de départ à la retraite, voire le paiement d'une indemnité de rupture de contrat pour des maîtres suppléants dont la délégation rectorale n'était pas renouvelée pour l'année suivante, le juge requalifiant celle-ci en contrat à durée déterminée 13 ( * ) .

Ces interprétations jurisprudentielles ont conduit, de plus, à affaiblir la portée du contrat d'enseignement passé avec l'État. Dans un arrêt du 20 décembre 1991 14 ( * ) , l'assemblée plénière de la Cour de cassation a considéré, à l'occasion d'un différend concernant la réduction du nombre hebdomadaire des heures de cours d'un enseignant, sur décision de la direction de son collège, que « l'acte dit « contrat de rémunération et de classement » pris par le recteur ne fait que tirer les conséquences de la décision du chef d'établissement ».

La proposition de loi vise à sortir les maîtres du cadre du droit du travail, et de mettre fin à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui tend à assimiler les établissements à l'employeur des maîtres, en lieu et place de l'Etat. Elle contribue ainsi à réaffirmer la responsabilité de l'Etat employeur.

c) Des dispositions qui ne remettent pas en cause le « caractère propre » des établissements privés

Le texte adopté par l'Assemblée nationale assortit la réaffirmation du caractère d'agents publics des maîtres contractuels et de la prééminence du lien qui les rattache à l'Etat de deux garanties majeures, destinées à prendre en compte les spécificités des établissements privés sous contrat , qui font la force et l'originalité de cette composante de notre système éducatif.

Ainsi, dans le droit fil de la loi Debré de 1959, il est clairement précisé que ce texte ne remet pas en cause :

- le respect du caractère propre de l'établissement et de la liberté de conscience des maîtres ; en effet, l'article 1 er de la loi Debré (article L. 442-1 du code de l'éducation) précise que « l'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience » ; sans en définir le contenu juridique, le Conseil constitutionnel a donné valeur constitutionnelle au « caractère propre », en indiquant que la reconnaissance et la sauvegarde de celui-ci n'était que la mise en oeuvre du principe de liberté d'enseignement, consacré comme principe fondamental reconnu par les lois de la République 15 ( * ) ;

- l'autorité du chef d'établissement , qui découle du caractère propre  et qui est le gage de sa mise en oeuvre ; ainsi, un amendement parlementaire adopté lors des débats en séance publique précise que les fonctions d'enseignement des maîtres s'exercent « dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement » ; cela concerne par exemple, via le contrat d'association passé avec l'Etat, les moyens matériels mis à disposition des classes, la fixation des emplois du temps, la désignation des responsables de classes, l'organisation de la vie scolaire et administrative, etc. ; en cas de litige à ce titre, le maître pourra saisir l'autorité académique.

2. DES DROITS SYNDICAUX ET SOCIAUX PRÉSERVÉS

Alors que l'absence de contrat de travail liant le maître contractuel à l'établissement privé au sein duquel il enseigne devrait remettre en cause les droits sociaux et syndicaux dont ces personnels bénéficient actuellement, en application du droit du travail, le deuxième alinéa (1° bis ) tend à sécuriser l'exercice de ces droits.

Introduites par voie d'amendement, présenté par le député M. Lionnel Luca (Alpes-Maritimes - UMP), ces garanties formelles répondent à une forte demande des organisations syndicales représentatives des maîtres du privé.

Il ne serait pas conforme à l'objet et à l'esprit du présent texte de loi, en effet, que d'aboutir à un recul social pour ces personnels. De fait, ces dispositions dérogatoires sont nécessaires en raison de la situation spécifique des enseignants des établissements privés :

- ces agents publics exercent leurs fonctions dans des établissements privés, qui emploient, par ailleurs, des personnels non enseignants (environ 60 000) relevant d'un statut de droit privé, rémunérés par les établissements ;

- ils participent aux instances de représentation du personnel prévues par le code du travail : comités d'entreprise, comités d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail (CHSCT), délégués syndicaux et délégués du personnel ; la Cour de cassation, indiquant que, bien que rémunérés par l'Etat, les maîtres « appartiennent à la collectivité de travail ayant pour employeur l'organisme gestionnaire de l'établissement » 16 ( * ) , reconnaît qu'ils sont électeurs et éligibles à ces instances  et bénéficient des avantages du comité d'entreprise : « il s'ensuit que la masse salariale servant de base au calcul de la contribution patronale au budget de fonctionnement du comité d'entreprise et, le cas échéant, au financement de ses activités sociales et culturelles doit inclure le montant de leur rémunération, fût-elle payée par l'Etat » ; en outre, ils bénéficient d'heures de délégation ; toutefois, sur la base d'un accord informel entre les établissements et trois organisations syndicales d'enseignants, leur versement n'est pas demandé, dans la mesure où l'Etat leur attribue, par ailleurs, des décharges syndicales.

Ainsi, pour se prévenir contre toute interprétation ultérieure contraire par le juge, le présent alinéa assure que, « nonobstant l'absence de contrat de travail avec l'établissement » :

- les maîtres contractuels sont pris en compte dans le calcul des effectifs de l'établissement ; en effet, des seuils d'effectifs conditionnent la possibilité de mettre en place des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (article L. 236-1 du code du travail), des délégués syndicaux (article L. 412-5), des délégués du personnel (article L. 421-2) et des comités d'entreprise (article L. 431-2) ; en exclure les enseignants reviendrait à remettre en cause l'existence même de ces structures dans un grand nombre d'établissements (par exemple, le seuil pour la création d'un comité d'entreprise ou d'un CHSCT est fixé à 50 salariés, celui pour la mise en place de délégués du personnels est de 11 salariés) ;

- ils sont électeurs et éligibles à ces différentes instances, et en bénéficient au même titre que les autres personnels ;

- leur rémunération, bien que versée par l'État, est prise en compte dans le calcul de la masse salariale brute servant de base au calcul de la contribution versée par l'établissement au comité d'entreprise (en application des articles L. 434-8 et L. 432-9 du code du travail) ; cette disposition est nécessaire pour permettre le bon fonctionnement de cette institution et pérenniser l'existant, dès lors que les enseignants continueront d'en bénéficier. En effet, aux termes de l'article L. 432-9 du code du travail, le rapport de la contribution versée chaque année pour financer les institutions sociales du comité d'entreprise par rapport au montant global des salaires ne peut être inférieur au rapport constaté les trois années précédentes.

3. LA RECONNAISSANCE D'UNE « PRIORITÉ D'ACCÈS » POUR LES TITULAIRES DE CONTRAT

a) La situation actuelle

A la différence des fonctionnaires, dont le poste est garanti, le contrat passé par les maîtres avec l'Etat est lié aux classes où l'enseignement leur est confié, « en accord avec la direction de l'établissement » (article L. 442-5 du code de l'éducation).

Dans un arrêt du 14 mars 1997, Mme Ruiz c/ Institution Sainte-Geneviève de Meaux , le Conseil d'Etat a tiré comme conséquence des dispositions du décret du 22 avril 1960 17 ( * ) , « que l'autorité académique n'a pas le pouvoir d'imposer la candidature d'un maître à un chef d'établissement d'enseignement privé sous contrat » , en vue de pourvoir un service vacant.

En outre, les concours nationaux mis en place, à partir de 1994 et à la suite des accords dits « Lang-Cloupet » du 13 juin 1992, sont alignés, dans le second degré, sur les concours externes de l'enseignement public correspondant (CAPES, CAPET, CAPEPS et CAPLP 18 ( * ) ) : les épreuves et jurys sont analogues.

Toutefois, à la différence des concours de recrutement de l'enseignement public, qui ouvrent droit à un poste, la délivrance du certificat d'aptitude aux fonctions d'enseignement dans les établissements d'enseignement privés du second degré (CAFEP) , à l'issue de l'année de formation, donne lieu à inscription sur une liste d'aptitude 19 ( * ) .

b) Le texte proposé

La disposition introduite au troisième alinéa (2°) du présent article, à l'initiative de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, apporte une garantie importante pour les maîtres et documentalistes -assimilés aux enseignants depuis 1992- des classes sous contrat d'association.

Complétant l'article L. 914-1 du code de l'éducation, elle vise à instituer, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, une « priorité d'accès aux services vacants » au bénéfice :

- des maîtres titulaires d'un contrat définitif dont le service est supprimé ou réduit ;

- des maîtres titulaires d'un contrat provisoire préalable à l'obtention d'un contrat définitif, c'est à dire les stagiaires pendant leur année de formation ;

- des lauréats de concours.

L'objectif est de limiter le recours, par les établissements, aux « délégués rectoraux », équivalents des maîtres auxiliaires appelés pour assurer des suppléances ou remplir des services inférieurs à un mi-temps, alors que le temps de service des maîtres contractuels doit être au moins égale à un demi service. De plus, ces maîtres n'ont pas suivi de formation pédagogique préalable 20 ( * ) , répondant au même cahier des charges que dans l'enseignement public, et sanctionnée par des titres et diplômes alignés sur ceux requis pour les enseignants du public.

Il s'agit ainsi de limiter la précarité, la délégation accordée par l'autorité académique pouvant, ou non, être reconduite d'une année à l'autre. Par ailleurs, cela va dans le sens d'une plus grande homogénéité de la qualité de l'enseignement, lequel est dispensé, faut-il le rappeler, « selon les règles et programmes de l'enseignement public » .

Enfin, cette mesure permet d'assurer une meilleure fluidité dans la gestion des enseignants des établissements privés et de sécuriser, et non pas garantir, les conditions de nomination des maîtres contractuels, qui ne sont en rien « fonctionnarisés ». Elle confère une portée renforcée au contrat passé entre les maîtres et l'Etat pour l'accès aux services : le contrat dépasse l'établissement, l'Etat se montrant plus exigeant à l'égard des chefs d'établissement dans les choix qu'ils ont à faire, sans les lier pour autant.

II. La position de votre commission

Le présent article apporte une précision devenue nécessaire pour dissiper les ambiguïtés liées à la dualité juridique du statut des maîtres contractuels des établissements privés, telle qu'issue de la jurisprudence.

Elle rétablit des principes qui n'étaient qu'implicites dans la loi Debré, sans remettre en cause l'équilibre sur lequel repose la spécificité de l'enseignement au sein des établissements privés. Le principe de liberté d'enseignement s'en trouve pleinement réaffirmé.

En outre, cet article tend à sécuriser la situation des personnels et des établissements privés :

- pour les premiers, il s'agit de renforcer le poids du contrat et de préserver l'exercice des droits sociaux liés au fait qu'ils exercent dans une structure privée. Il ne serait pas satisfaisant de les exclure des institutions existantes, à défaut de structures équivalentes prévues pour ces enseignants au statut « sui generis » -ni fonctionnaires ni salariés du privé. La création d'instances parallèles qui leur seraient spécifiques serait inutilement complexe, et remettrait en cause l'unité de la « communauté éducative » de travail, comprenant les maîtres et les personnels non enseignants ;

- pour les seconds, il s'agit de mettre un terme à la multiplication des contentieux devant les juridictions prud'homales, en sortant les maîtres du cadre du contrat de travail, sans pour autant soustraire les établissements aux obligations sociales qui leur incombent, et qu'ils assument actuellement à l'égard de l'ensemble de la collectivité de travail.

A ce titre, il conviendra de s'assurer, néanmoins, que le présent texte ne conduise pas à alourdir ces charges par rapport aux besoins réels des comités d'entreprise qui fonctionnent dans les établissements. En effet, en dépit de la jurisprudence de la Cour de cassation, les obligations qui résultent de la législation du travail, concernant le financement de ces structures, sont appliquées de façon assez souple , dans la mesure où les charges de fonctionnement des comités d'entreprise sont faibles et que les oeuvres sociales et culturelles sont généralement peu développées. Dans un souci de juste équilibre et d'intérêt commun des personnels et des établissements, ce bon sens devra continuer de prévaloir.

Sous réserve de ces observations, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification .

Article 2

Extension et adaptation des dispositions aux maîtres contractuels
des établissements privés d'enseignement agricole

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

1. LA CLARIFICATION DU STATUT

a) Le droit existant

Les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement agricole privés sont régis par la loi n° 84-1285 du 31 décembre 1984, dite « loi Rocard ». Celle-ci transpose au secteur de l'enseignement agricole le système des contrats en vigueur dans l'enseignement relevant de l'éducation nationale.

Dans les établissements privés sous contrat qui assurent une formation à temps plein (par opposition aux établissements dits du « rythme approprié », tels que les Maisons Familiales Rurales), l'enseignement est confié, comme dans les établissements de l'enseignement général, à des personnels enseignants et de documentation liés à l'Etat par contrat, dans des conditions définies par le décret n° 89-406 du 20 juin 1989 21 ( * ) .

La loi Rocard est cependant moins elliptique que la loi Debré, en qualifiant explicitement la nature de ce contrat. Ainsi, aux termes de l'article L. 813-8 du code rural, ces personnels « sont liés par un contrat de droit public à l'État, qui les rémunère directement par référence aux échelles indiciaires des corps équivalents de la fonction publique exerçant des fonctions comparables et ayant les mêmes niveaux de formation » .

En outre, le législateur de 1984 a affirmé clairement que les établissements privés qui ont passé un contrat avec l'Etat « participent au service public d'éducation et de formation » (article L. 813-1).

Toutefois, en dépit de ces précisions, et au même motif de l'existence d'un lien de subordination à l'égard du chef d'établissement, la Cour de cassation a reconnu l'existence d'un contrat de travail entre le maître et l'établissement : dans l'arrêt Libourel c/ Institut agricole Saint-Joseph de Limoux du 5 novembre 1993, l'assemblée plénière de la Cour confirme que « les conflits individuels du travail » intéressant un enseignant d'un établissement privé d'enseignement agricole lié à l'Etat par contrat « relèvent pour partie de la compétence » des conseils de prud'hommes, cette restriction n'étant assortie, toutefois, d'aucune précision.

Une clarification est donc également nécessaire. La mise en évidence, par le juge, du lien de droit privé avec l'établissement est d'autant plus aisée, en effet, que l'article L. 813-8 du code rural indique clairement que « le chef d'établissement détient l'autorité au sein de l'établissement. Il attribue aux enseignants une note administrative et il est associé aux décisions concernant le déroulement de leur carrière ».

b) Le texte proposé

Le premier alinéa de cet article (1°) tend à inscrire dans le code rural une disposition identique à celle insérée dans le code de l'éducation, précisant, à l'article L. 813-8, « qu'en leur qualité d'agent public » , les personnels enseignants et de documentation des établissements privés sous contrat « ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etat, liés par un contrat de travail à l'établissement ».

La rédaction proposée pour modifier le code rural, qui est l'occasion, en outre, de supprimer une phrase devenue sans objet, ne reprend pas les références au caractère propre de l'établissement et à la liberté de conscience des maîtres, garanties que le législateur n'avait pas jugé utile de transposer à l'enseignement agricole privé en 1984.

En outre, dans la mesure où la loi Rocard reconnaît déjà explicitement l'autorité du chef d'établissement, il n'est pas nécessaire de faire référence à l'organisation des services que celui-ci arrête.

2. LES CONDITIONS DE RECRUTEMENT DES PERSONNELS

Les personnels enseignants et de documentation des établissements agricoles privés sous contrat « sont nommés par le ministre de l'agriculture, après vérification de leurs titres et de leurs qualifications, sur proposition du chef d'établissement » (article L. 813-8 du code rural).

En outre, le même article prévoit la disposition suivante : « Lorsqu'un emploi est à pourvoir, le chef d'établissement est tenu de donner priorité aux candidats qualifiés qui auraient perdu leur emploi par suite de la suppression totale ou partielle d'une filière dans l'établissement même ou dans un autre établissement d'enseignement agricole privé relevant du présent article. Une commission, dont la composition est fixée par décret, peut être saisie des différends concernant l'application du présent alinéa. »

Il n'est donc pas nécessaire de transposer dans le code rural, dans les mêmes termes, la disposition introduite dans le code de l'éducation par le 2° de l'article 1 er de la présente proposition de loi. En raison de l'évolution rapide de la demande de formation et de la grande diversité des spécialités dispensées dans l'enseignement agricole, le législateur avait d'ores et déjà jugé utile d'instituer une priorité d'emploi pour les maîtres dont le service est supprimé.

S'agissant, toutefois, des recrutements par concours, il n'existe pas de concours externes d'accès à l'enseignement agricole dans le secteur privé tels que le CAFEP, par exemple, pour l'éducation nationale.

Comme il est précisé dans le décret du 20 juin 1989 précité, les enseignants contractuels sont classés en quatre catégories, selon leur mode de recrutement :

- un mode d'avancement, ouvert aux agrégés et titulaires d'un diplôme d'ingénieur et d'un doctorat (agents classés en 1 re catégorie) ;

- deux modes de recrutement par concours 22 ( * ) , de 2 e ou 4 e classe, ouverts aux enseignants déjà en fonction (agents classés en 2 e ou 4 e catégorie, équivalant respectivement aux professeurs certifiés et aux professeurs de lycée professionnel) ;

- un mode de recrutement direct par le chef d'établissement (agents de 3 e catégorie, rémunérés sur la grille indiciaire des adjoints d'enseignement).

En raison de modalités de recrutement par concours peu adaptées aux besoins réels des établissements agricoles privés, les enseignants de 3 e catégorie représentent une part importante de ces personnels.

Des groupes de travail ont été mis en place en 2001, qui ont conduit, notamment, à l'ouverture aux concours de sections axées sur la production, correspondant mieux aux formations dispensées dans les établissements privés sous contrat.

Dans le cadre de cette réflexion, la disposition introduite dans la proposition de loi au 2° du présent article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat précise « les conditions de recrutement par concours et les garanties d'emploi dont les lauréats bénéficient ». Ce décret précisera notamment le volume des postes ouverts par spécialité et la nature des épreuves.

II. La position de votre commission

S'il est important d'adapter le recrutement par concours aux spécificités et aux besoins des établissements privés d'enseignement agricole, il ne faudrait pas, toutefois, priver les chefs d'établissement de toute marge de souplesse dans la constitution de leur équipe éducative.

Aussi, le terme de « garanties d'emploi », peut apparaître, a priori, peu approprié pour des personnels qui n'ont pas le statut de fonctionnaires. La définition de ces conditions, dans le cadre du décret en Conseil d'Etat, devra préciser cette formulation vague et ambiguë dans un sens qui ne soit pas trop rigide et restrictif, afin de prendre en compte l'intérêt des candidats mais également celui des établissements.

En effet, ces derniers doivent pouvoir répondre à l'évolution rapide des demandes de formation dans les filières dispensées, qui sont très fortement ancrées dans le tissu économique et agricole local.

Sous réserve de ces remarques, votre commission vous demandera d'adopter cet article sans modification.

Article 2 bis (nouveau)

Création d'un régime public de retraite additionnel

Introduit par voie d'amendement du Gouvernement, pour des raisons de recevabilité financière de la proposition de loi au regard de l'article 40 de la Constitution, cet article reprend la volonté des auteurs du texte initial de parvenir à un rapprochement du niveau des pensions de retraite entre les maîtres des établissements privés et leurs homologues du public, pour des carrières équivalentes.

I. La situation actuelle

A la différence des enseignants du public, qui relèvent du régime spécial de retraite des fonctionnaires, les maîtres agréés et contractuels -ainsi que les documentalistes- des établissements privés sous contrat relèvent du régime général géré par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) et de régimes complémentaires de retraite : l'ARRCO (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) et l'AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres).

Il en résulte des variations sensibles entre les niveaux de prestations de retraite effectivement perçues, pour des carrières comparables.

Ce différentiel tient notamment à des modalités différentes de calcul des pensions, sur la référence des 6 derniers mois pour les fonctionnaires, alors que ce sont les 25 meilleures années qui sont prises en compte dans le régime général.

Il serait ainsi de l'ordre de 15 à 30 % selon les informations transmises à votre rapporteur par les représentants des personnels (19 % en moyenne d'après une estimation du ministère de l'éducation nationale), alors même que les cotisations versées sont de près de 4 points plus élevées.

Toutefois, cet écart devrait, à terme, se réduire à 10 % (dû principalement au plafond de la sécurité sociale) du fait de l'harmonisation progressive des déroulements de carrière pour les maîtres recrutés à partir des années 1990 (avec le développement des contrats, la généralisation à partir de 1994 des concours externes de recrutement, et la création de l'échelle de rémunération de professeur des écoles qui permet aux enseignants du 1 er degré d'avoir la qualité de cadre).

En matière de conditions de cessation d'activité liées à l'âge, l'adoption de la loi Guermeur du 27 novembre 1977, modifiant l'article 15 de la loi Debré, a conduit à un alignement des situations, avec la mise en place, par le décret n° 80-7 du 2 janvier 1980, du régime temporaire de retraite des enseignants privés (RETREP).

Ce régime permet aux maîtres contractuels ou agréés des établissements privés sous contrat qui ne remplissent pas les conditions requises par le régime général de la sécurité sociale pour prétendre à la liquidation d'une pension à taux plein 23 ( * ) , de percevoir, de façon temporaire, une allocation de remplacement prise en charge par l'État. Ainsi, ils peuvent bénéficier, sans pénalité financière, des mêmes avantages de cessation anticipée d'activité que les enseignants du public, à savoir un départ à 60 ans (ou à 55 ans pour les instituteurs) pour ceux justifiant de 15 années de service, ou sans condition d'âge pour les femmes mères de trois enfants (ou d'un enfant handicapé) ainsi qu'en cas d'incapacité permanente d'exercice des fonctions.

L'équivalent pour les maîtres des établissements agricoles privés, l'allocation temporaire de cessation anticipée d'activité (ATCAA), a été mis en place en 2003 24 ( * ) .

Toutefois, l'égalisation des conditions de cessation d'activité inscrite dans la loi Guermeur n'a pas été interprétée, jusqu'à présent, comme devant faire prévaloir une convergence complète en matière de prestations de retraite. C'est ce à quoi répond la création du régime additionnel.

II. Le dispositif proposé

Le présent article vise à instituer un régime additionnel de retraite des maîtres du privé, par répartition provisionnée, destiné à compenser, à terme, le différentiel constaté du niveau des pensions de retraites de ces agents par rapport aux enseignants du public ayant eu une carrière comparable.

En application de l'article 34 de la Constitution, il revient au législateur de fixer les principes fondamentaux de la sécurité sociale. De fait, l'institution d'un nouveau régime public obligatoire nécessite une disposition législative, comme cela a été le cas pour la création du régime additionnel de retraite de la fonction publique, mis en place par l'article 76 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites 25 ( * ) .

Sur ce modèle, et afin de répondre aux critères requis par le Conseil constitutionnel dans une jurisprudence constante 26 ( * ) , le présent article encadre et définit un certain nombre de modalités et conditions d'accès concernant ce régime public obligatoire :

? Le paragraphe I précise que les bénéficiaires de ce régime sont les maîtres agréés et contractuels ainsi que les documentalistes des établissements d'enseignement privés sous contrat relevant des ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture, leurs conjoints survivants et leurs orphelins.

En effet, les documentalistes des classes sous contrat sont assimilés aux enseignants, depuis les accords « Lang-Cloupet » du 13 juin 1992, repris et confirmés par la loi n° 92-678 du 20 juillet 1992 et le décret n° 92-1473 du 31 décembre 1992.

? Le paragraphe II fixe la répartition des cotisations, leur assiette et les conditions d'ouverture des droits.

On rappellera que, selon le relevé de conclusions signé le 21 octobre 2004, « la montée en charge du régime commencera à 5 % pour s'achever à 10 % à raison d'une progression de un point par palier de cinq ans » .

- Peuvent bénéficier de ce régime les maîtres ou documentalistes justifiant de 15 années de services dans un établissement d'enseignement privé sous contrat, admis à la retraite ou au bénéfice de la retraite temporaire, à savoir le RETREP ou l'ATCAA pour l'enseignement agricole. Néanmoins, ceux qui n'auraient pas accompli 15 ans de service en qualité de maître ou de documentaliste dans un établissement d'enseignement privé récupéreront la somme correspondant aux cotisations acquittées.

- La cotisation à la charge de l'Etat est « au moins égale » à celle à la charge des bénéficiaires.

Toutefois, l'effet est neutre sur la rémunération nette des enseignants. En effet, l'article 12 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 a prévu l'affiliation des maîtres agréés, contractuels et des documentalistes des établissements privés relevant de l'éducation nationale et de l'enseignement agricole au régime spécial d'assurance maladie des fonctionnaires (pour les prestations en cas de maladie, maternité, invalidité ou décès). Ils relevaient jusqu'alors du régime général de la sécurité sociale. Ce transfert, au 1 er septembre 2005, a pour conséquence de supprimer la cotisation de 0,75 % qui était à la charge des personnels, pour la couverture de ces risques. Celle-ci sera réaffectée vers le régime additionnel.

Par ailleurs, tout en garantissant aux personnels une protection sociale analogue, voire meilleure, leur affiliation au régime des fonctionnaires conduit à une simplification notable. Elle permet de supprimer le mécanisme complexe de remboursement des indemnités journalières que les enseignants percevaient de la sécurité sociale en cas d'arrêt de travail, alors que leur rémunération, assurée par l'Etat, était maintenue. Ces tâches administratives sont particulièrement lourdes : elles occupent près de 60 agents des services académiques, qui pourront être réaffectés vers d'autres fonctions.

? Le paragraphe III apporte la garantie que les représentants des bénéficiaires seront associés à la gestion de ce régime. Comme cela est énoncé dans le relevé de conclusions du 21 octobre 2004, les modalités de leur participation seront déterminées à l'issue des réflexions du groupe de travail constitué pour la mise en oeuvre de la réforme, associant l'administration et les organisations représentatives des personnels.

? Le paragraphe IV fixe la date d'entrée en application de ces dispositions, qui bénéficieront aux personnels partant à la retraite à partir du 1 er septembre 2005. Enfin le paragraphe V renvoie la définition des modalités d'application de cet article à un décret en Conseil d'État.

III. La position de votre commission

Les dispositions du présent article fixent un cadre général conforme aux engagements actés au relevé de conclusions mentionné plus haut, qui a reçu l'agrément formel de l'ensemble des quatre organisations syndicales représentatives des enseignants du privé.

Il faut se féliciter de l'engagement ainsi tenu par le Gouvernement, par la création de ce régime public additionnel, financé, à parité, par l'Etat. Cela permet d'apporter une réponse, trop longtemps attendue, à une injustice sociale patente et injustifiée, près de 30 ans après l'inscription dans la loi du principe de parité entre les maîtres du public et du privé.

Il s'agit d'une avancée importante dans le sens du principe « à carrière et services égaux, retraites égales ». La responsabilité de l'Etat à l'égard de ces maîtres qui participent au service public d'éducation s'en trouve ainsi réaffirmée.

Votre commission sera attentive aux négociations qui s'ouvriront, dans les semaines à venir, pour définir les modalités de gestion de ce régime ou fixer, à partir des conclusions signées en octobre dernier, le rythme de sa montée en charge. Il est important de donner aux personnels, sur ce point, une visibilité suffisante, en ne ciblant pas sur un horizon trop lointain.

Votre commission vous demandera d'adopter cet article sans modification.

Article 2 ter (nouveau)

Maintien transitoire du versement de l'indemnité de départ en retraite

Introduit par voie d'amendement du rapporteur, cosigné par deux autres députés, M. Dominique Paillé (Deux-Sèvres - UMP) et M. Christian Estrosi (Alpes-Maritimes - UMP), cet article prévoit le maintien transitoire du versement de l'indemnité de départ à la retraite (IDR), à titre dérogatoire par rapport à la clarification statutaire apportée par l'article 1 er .

I. La situation actuelle

Considérés, par la Cour de cassation, comme des employeurs privés, les établissements sont tenus de verser aux maîtres partant à la retraite une indemnité de départ en retraite, prévue à l'article L. 122-14-13 du code du travail.

Cela permet de compenser, en outre, l'écart de retraite constaté par rapport aux enseignants du public, en apportant un supplément de revenu au moment du départ. Toutefois, le montant de cette indemnité est calculé en fonction de l'ancienneté ininterrompue auprès du dernier employeur. Pour une carrière de 30 ans dans un même établissement, le montant de l'IDR équivaut à deux mois de salaires. Le taux appliqué est ensuite dégressif.

Les établissements privés se sont mutualisés et cotisent auprès de compagnies d'assurance pour faire face à cette charge conséquente, qui était appelée à s'alourdir dans les années à venir, compte tenu des prévisions de départ en retraite. Pour les établissements catholiques de la région Bretagne, par exemple, ce coût représente environ l'équivalent de 1,30 % des rémunérations des enseignants, selon les informations transmises à votre rapporteur.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Alors que la réaffirmation de la qualité d'agent public des maîtres du privé et de l'absence de contrat de travail avec l'établissement devrait entraîner l'arrêt, dès l'entrée en vigueur de la loi, du versement de l'indemnité de départ en retraite, cet article prévoit une sortie en sifflet de ce dispositif.

Continueront d'en bénéficier, à titre transitoire, et de façon dégressive, les maîtres et documentalistes admis à la retraite ou au bénéfice d'un avantage de retraite temporaire servi par l'Etat, dans le cadre du RETREP ou de l'ACTAA pour ceux relevant de l'enseignement agricole.

La définition des modalités d'application de cette mesure est laissée à la négociation entre les partenaires sociaux, par voie de conventions.

Dans un souci d'application uniforme et donc équitable sur l'ensemble du territoire, dans chacun des domaines relevant de l'éducation nationale et de l'enseignement agricole, ces conventions seront étendues par arrêté ministériel.

III. La position de votre commission

Cet article contribue, dans un sens satisfaisant, à introduire une plus grande équité à l'égard des maîtres qui partiront à la retraite dans les prochaines années, et notamment dans les cinq années à venir, dans la mesure où la prise en charge de l'écart de retraite par le régime additionnel ne sera que progressive.

En outre, la latitude laissée aux partenaires sociaux -à savoir les représentants des établissements (notamment des organismes de gestion des établissements d'enseignement catholiques - OGEC) et des personnels enseignants-, permettra, dans une logique positive de dialogue social, de responsabiliser les acteurs et de parvenir à une situation équilibrée, partagée par chacune des parties engagées.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 2 quater (nouveau)

Rapport d'évaluation

Cet article, introduit par voie d'amendement présenté par M. Yvan Lachaud (Gard - UDF), lors des débats en séance publique à l'Assemblée nationale, avec un avis de sagesse du Gouvernement, répond au souci de parvenir à un plus grand rapprochement des situations entre les maîtres du privé et ceux du public, ce qui anime, par ailleurs, l'esprit de l'ensemble de la proposition de loi.

A cet effet, le Gouvernement devra déposer devant le Parlement un « rapport évaluant les mesures qui restent à prendre » pour parvenir, de façon effective, à l'application du principe de parité issu de la loi Guermeur de 1977.

On rappellera les termes du premier alinéa de l'article L. 914-1 du code de l'éducation, visé par la présente disposition : «  Les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'État par contrat. Ces maîtres bénéficient également des mesures de promotion et d'avancement prises en faveur des maîtres de l'enseignement public ».

Toutefois, le champ du rapport se veut plus large, puisqu'il doit concerner notamment, outre les conditions de rémunération, de promotion et d'avancement, les mesures à prendre au regard de la retraite et de la protection sociale.

Cela renvoie aux thèmes donnant lieu à la mise en place de groupes de travail (sur les modalités d'application relatives au régime additionnel de retraite, les conséquences du transfert au régime spécial des fonctionnaires pour l'assurance maladie, ou encore l'avenir du régime de prévoyance). L'ensemble des partenaires sociaux concernés y seront associés, pour envisager, justement, les mesures à prendre pour parvenir à un traitement social équitable.

Si l'utilité d'un énième rapport demandé au Gouvernement prête à discussion, une telle disposition peut néanmoins contribuer à l'information du Parlement sur la conduite, et les conclusions, de ces négociations. Ce rapport devra en effet être déposé à brève échéance, avant le 1 er janvier 2006, c'est-à-dire après l'entrée en vigueur de la loi et de ses décrets d'application, le 1 er septembre 2005.

Votre commission vous proposera d'adopter cet article sans modification.

Article 3

Extension des dispositions aux collectivités
d'outre-mer à statut particulier

Cet article définit les modalités d'application des dispositions du présent texte de loi aux collectivités d'outre-mer à statut particulier pour lesquelles des dispositions législatives d'extension et d'adaptation sont nécessaires.

En effet, la loi s'appliquera de plein droit dans les départements d'outre-mer. Cependant, tel n'est pas le cas pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, les îles Wallis-et-Futuna, Mayotte et les Terres australes et antarctiques françaises.

Par cet article, et selon la procédure usuelle, le Parlement autorise le Gouvernement à prendre ces mesures par voie d'ordonnances, dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi. Les projets de loi de ratification devront être déposés devant le Parlement au plus tard six mois après la publication de ces ordonnances.

Votre commission insiste sur l'importance du respect des délais fixés. En effet, le dispositif du RETREP, créé par décret en 1980, n'a été étendu au territoire de Polynésie française que 22 ans plus tard (par le décret n° 2002-1333 du 7 novembre 2002 de l'assemblée territoriale).

Sous réserve de cette remarque, elle vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 3 bis (nouveau)

Extension aux maîtres contractuels de l'enseignement agricole
du maintien des droits syndicaux et sociaux

De façon tout à fait homothétique par rapport à l'alinéa 1° bis introduit à l'article 1 er de la proposition de loi, pour compléter le code de l'éducation, le présent article étend ces dispositions au code rural (article L. 813-8).

Il s'agit de préserver, de même, pour les maîtres contractuels des établissements privés d'enseignement agricole, le maintien des droits syndicaux et sociaux dont ils bénéficient actuellement en raison du caractère privé de l'établissement au sein duquel ils exercent leur mission.

Votre commission vous demandera d'adopter cet article sans modification.

Article 4

Date d'entrée en vigueur

Cet article prévoit que les dispositions du présent texte de loi, relatives tant au statut des maîtres qu'au régime de retraite additionnel, entreront au vigueur le 1 er septembre 2005.

D'ici cette date, le Gouvernement devra donc prendre l'ensemble des décrets ou arrêtés prévus pour l'application de ces mesures. A cet effet, conformément au relevé de conclusions du 21 octobre 2004, des groupes de travail sont dès à présent mis en place au ministère de l'éducation nationale, réunissant l'ensemble des partenaires concernés.

Souhaitant que le dialogue et les négociations ainsi engagés aboutissent, dans un délai bref, à un équilibre satisfaisant pour les personnels, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

* 7 Article 1-1 du décret n° 64-217 du 10 mars 1964 relatif aux maîtres contractuels et agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat, créé par décret n° 2000-806 du 24 août 2000.

* 8 Dans l'arrêt Vingtain et Affortit (CE, 4 juin 1954), le commissaire du Gouvernement Chardeau précise que « relèvent du droit public tous les agents - quelles que soient les clauses de leur contrat - qui ont pour mission d'assurer le fonctionnement du service public administratif dont ils font partie, qui collaborent au but poursuivi par ce service ».

* 9 Dans un avis du 13 novembre 1969, le Conseil d'Etat considère que le contrat passé entre le maître et l'Etat concerne « l'exercice d'un enseignement constituant une activité de service public ».

* 10 Article 1 er du décret du 10 mars 1964 relatif aux maîtres contractuels et agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat.

* 11 Cour de cassation, Chambre sociale, 7 mars 2001.

* 12 Cour de Cassation, Assemblée plénière, 20 décembre 1991, Mme Bailly c/ Association Union des familles de l'Avalonnais.

* 13 Cour de Cassation, Chambre sociale, 25 mars 1998, M. Crouan c/ collège épiscopal de Saint-Etienne.

* 14 Voir note n° 2 page précédente.

* 15 Décisions n°77-87 DC du 23 novembre 1977 et n°94-414 DC du 8 juillet 1994.

* 16 Cour de cassation, Chambre sociale, 2 mars 1999, Ecole nationale des professions du commerce et de la maintenance de l'automobile et du motocycle (GARAC).

* 17 Décret n° 60-389 du 22 avril 1960 relatif au contrat d'association à l'enseignement public passé par les établissements d'enseignement privés (articles 8 à 8-4) : le chef d'établissement transmet, chaque année, la liste des services vacants à pourvoir à l'autorité académique, qui lui soumet, pour accord, les candidatures retenues, après avis d'une commission paritaire mixte.

* 18 CAPES : Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré

CAPET : Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique

CAPEPS : Certificat d'aptitude au professorat de l'éducation physique et sportive

CAPLP : Concours d'accès au professorat de lycée professionnel.

* 19 Cela a conduit les établissements catholiques notamment à organiser une sorte de « pré-accord collégial », qui garantit à l'avance aux candidats, après passage devant une commission, qu'ils obtiendront une nomination en cas de réussite au concours.

* 20 Or, les accords Lang-Cloupet ont conduit à un alignement de la formation des maîtres, à la charge de l'Etat, assurée dans des centres de formation calqués sur ceux de l'enseignement public  : pour la formation initiale, les centres de formation pédagogique du privé (CFPP) sont l'équivalent des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ; la formation continue des maîtres du privé est assurée par les établissements privés eux-mêmes, via des organismes gérés de façon paritaire avec les syndicats d'enseignants  ; dans l'enseignement catholique, il s'agit de l'ARPEC (Associations régionales pour la promotion de l'enseignement catholique) et l'UNAPEC (Union nationale des associations de promotion de l'enseignement catholique).

* 21 En outre, les établissements peuvent se réserver une marge de souplesse, dans la limite de 15 % de la dotation allouée par l'État pour la rémunération de ces postes, pour recruter directement des contractuels de droit privé, afin d'assurer des remplacements ou répondre à des besoins ponctuels. Cela concerne environ 600 postes, qui font l'objet d'une compensation financière par l'État, dite subvention « article 44 » (en référence à l'article 44 du décret précité).

* 22 Les candidats admis aux épreuves des concours sont classés par ordre alphabétique sur des listes d'aptitude, valables jusqu'à l'ouverture du concours suivant, et au maximum 2 ans. L'inscription sur une liste ne vaut pas recrutement.

* 23 Pour pouvoir jouir d'une pension de retraite à taux plein, sans application d'un coefficient de décote, les assurés sociaux doivent être âgés de 60 ans et justifier de 160 trimestres de cotisations (en 2008) ou être âgés de 65 ans, quel que soit le nombre de trimestres cotisés.

* 24 Décret n° 2003-243 du 17 mars 2003, pris en application de l'article 100 de la loi de finances pour 2001.

* 25 Décret n° 2004-569 du 18 juin 2004 relatif à la retraite additionnelle de la fonction publique.

* 26 Voir par exemple la décision n° 84-136 DC du 28 février 1984, sur le régime complémentaire de retraite du personnel navigant de l'aéronautique civile ; relèvent, notamment, du domaine de la loi :

- la définition de la nature des conditions exigées pour l'attribution de la retraite (mais pas la précision d'éléments tels que l'âge)

- la détermination des personnes assujetties à l'obligation de cotiser ainsi que le partage de cette obligation entre employeur et salarié (mais le soin d'en fixer le taux appartient au pouvoir réglementaire).

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