B. VERSAILLES, SIÈGE DES CONGRÈS DU PARLEMENT

1. Une affectation perpétuée pour les grandes heures de la République

Après l'installation de la IIIème République par les lois constitutionnelles de 1875, se pose la question du retour des chambres à Paris, qui fait l'objet de plusieurs propositions de loi dès 1877.

En 1879, le député Laroche-Joubert dépose une nouvelle proposition consistant à abroger l'article 9 de la loi du 25 février 1875 fixant à Versailles le siège des pouvoirs publics 13 ( * ) . La proposition est adoptée par les deux chambres réunies en Assemblée nationale à Versailles le 19 juin 1879 14 ( * ) .

Le siège des pouvoirs publics n'étant plus déterminé par une loi constitutionnelle, il revient aux chambres de le fixer par une loi ordinaire.

Ainsi, l'article 2 de la loi du 22 juillet 1879 relative au siège du pouvoir exécutif et des chambres à Paris affecte le palais du Luxembourg au Sénat et le palais Bourbon à la Chambre des députés. Son article 3 prévoit en outre que « les divers locaux du palais de Versailles actuellement occupés par le Sénat et la Chambre des députés conservent leur affectation ».

La date du transfert à Paris est fixée au 3 novembre 1879 (article 4). Le Sénat de la IIIème République aura donc siégé à Versailles pendant trois ans et huit mois.

Le 27 novembre 1879, à l'ouverture de la session extraordinaire de la Chambre des députés, son président, Léon Gambetta, salue la décision de l'Assemblée nationale qui, « en ramenant à Paris les pouvoirs publics, a rendu à notre incomparable capitale le titre légal dont on l'avait trop longtemps dépouillée sans pouvoir l'amoindrir. L'assemblée souveraine, par ce vote réparateur, a resserré le lien de l'unité nationale, elle a placé le siège du Gouvernement et des Chambres au seul point du territoire d'où on gouverne avec autorité . Elle a voulu enfin attester aux yeux du monde la confiance de la nation dans la patriotique population de Paris.. . ».

Le président de la Chambre se félicite même des avantages pratiques de ce transfert : « désormais débarrassés de fatigants et quotidiens voyages, nous pourrons rendre en travail au pays les heures stérilement dépensées dans nos précédentes sessions ».

Dès lors, les deux chambres ne siègeront plus séparément à Versailles, mais se retrouveront en Assemblée nationale, dans la salle qu'occupait jusqu'en 1879 la Chambre des députés, pour élire le Président de la République 15 ( * ) et pour adopter les révisions constitutionnelles.

Dans ses mémoires, Pierre de Nolhac, qui fut conservateur du château de 1887 à 1920, décrit ces grands événements républicains : « On voit tous les sept ans des cordons militaires entourer le château, les grilles du parc se clore dès le matin, et les grands restaurants de la ville regorger d'élégante clientèle. C'est la journée du Congrès. Aux déjeuners politiques et mondains, autour des tables fleuries, s'échangent les pronostics ; puis tout le monde reflue vers la statue de Louis XIV et l'entrée sur la rue Gambetta, où les invités gagnent les tribunes. Tous les sept ans, et parfois plus tôt, c'est la même aventure. Le monde le plus varié envahi mon salon blanc, s'entasse sur le grand balcon de Gabriel. Ce sont des poètes et des ambassadeurs, l'Europe et l'Amérique, le Faubourg et la Comédie Française. Des toilettes élégantes envahissent mon escalier. [...] Ce sont pour un jour les couloirs du Parlement transportés ici dans le décor des fastes napoléoniens . » 16 ( * )

Sous la IVème République, René Coty est le dernier Président de la République élu par les deux assemblées réunies à Versailles, le 23 décembre 1953. Par ailleurs, entre 1946 et 1956, l'Assemblée de l'Union française, composée par moitié de membres représentant la France métropolitaine et, par moitié, de membres représentant les départements et territoires d'outre-mer et les États associés 17 ( * ) , siège dans l'aile du Midi.

* 13 Maurice Deslandres, Histoire constitutionnelle de la France. L'avènement de la IIIème République. La Constitution de 1875 , Librairie du recueil Sirey, 1937, p. 513-516.

* 14 Sous la IIIème République, l'Assemblée nationale désigne la réunion de la Chambre des députés et du Sénat pour l'élection du Président de la République et l'adoption des révisions constitutionnelles. L'article 8 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics disposait que « Les chambres auront le droit, par délibérations séparées prises dans chacune à la majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la République, de déclarer qu'il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles.

« Après que chacune des deux chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée nationale pour procéder à la révision.

« Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. »

* 15 Aux termes de l'article 2 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics, « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible . »

* 16 Pierre de Nolhac, La résurrection de Versailles, souvenirs d'un conservateur (1887-1920) , Perrin, La société des amis de Versailles, 1937, p.147-148.

* 17 Cette assemblée fut créée par l'article 66 de la Constitution du 27 octobre 1946.

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