TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 31 mai 2005 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Marie Vanlerenberghe sur les propositions de résolution n° 255 (2004-2005), présentée par M. Bernard Frimat au nom de la délégation pour l'Union européenne, et n° 311 (2004-2005), présentée par M. Roland Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, modifiant la directive 2003/88/CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ( E. 2704).

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur , a tout d'abord rappelé que la Communauté européenne avait adopté, en 1993, une directive posant un certain nombre de règles minimales en matière de temps de travail, de repos, de congés et de travail de nuit et que cette directive avait fait l'objet d'une nouvelle publication, sous une forme consolidée, en 2003.

Telle est cette directive consolidée, dans sa version, que la Commission européenne propose aujourd'hui de réviser sur trois points essentiels. Elle souhaite, en premier lieu, revenir sur l'assimilation du temps de garde à du temps de travail, décidée par la Cour de Justice de Luxembourg, afin que, seules, les périodes actives du temps de garde soient désormais considérées comme un temps de travail. Elle envisage en deuxième lieu, pour donner plus de flexibilité aux entreprises, de porter de quatre à douze mois la période de référence retenue pour le calcul de la durée maximale hebdomadaire du travail. Elle entend, en dernier lieu, mieux encadrer les conditions de recours à la clause dite « d'opt-out », qui permet à un salarié, si la législation nationale le prévoit, de renoncer aux règles protectrices relatives à la durée maximale hebdomadaire du travail. Si l'opt-out est couramment utilisé en Grande-Bretagne, il n'est autorisé en France que pour les seuls praticiens hospitaliers.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur , a ensuite fait état des nombreuses critiques dont font l'objet les propositions de la Commission. Tandis que la confédération européenne des syndicats (CES) dénonce une régression de la protection des salariés en matière de durée du travail, l'Union des industries des pays de la Communauté européenne (UNICE) regrette que la Commission n'ait pas suffisamment tenu compte du besoin de flexibilité des entreprises.

Le Parlement européen s'oppose, sur plusieurs points, aux propositions de la Commission : il souhaite le maintien de la jurisprudence de la Cour relative au temps de garde, demande que l'annualisation de la période de référence soit entourée de garanties effectives pour les salariés, et préconise la suppression de l'opt-out dans un délai de trente-six mois.

Au sein du Conseil des ministres, le Gouvernement français est favorable à une révision des règles en vigueur relatives au temps de garde, car il craint qu'elles ne remettent en cause le régime des heures d'équivalences, qui permet d'instituer, dans certains secteurs, une durée équivalente à la durée légale du travail. Il est en revanche disposé à accepter la mesure d'annualisation, mais seulement dans le cadre d'un accord global qui prévoirait en contrepartie la suppression de l'opt-out. La question du maintien ou non de l'opt-out est celle qui divise le plus profondément le Conseil, la Grande-Bretagne défendant vigoureusement le maintien de cette clause dérogatoire.

Puis M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur , a présenté les deux propositions de résolution dont la commission des affaires sociales a été saisie.

La première émane de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, qui l'a adoptée à l'unanimité et reprend des positions assez proches de celles arrêtées par le Parlement européen. Elle demande que la totalité du temps de garde soit assimilée à du temps de travail, tout en admettant des adaptations nationales à ce principe, comme le système français des équivalences. Elle se dit prête à accepter l'annualisation de la période de référence, si les salariés bénéficient de garanties suffisantes et effectives, tant en matière de conditions de travail que de conciliation entre vie familiale et professionnelle. Elle se prononce enfin en faveur de la suppression programmée de l'opt-out, qui apparaît comme le préalable indispensable à une harmonisation sociale européenne.

La seconde proposition de résolution est présentée par le groupe communiste, républicain et citoyen, qui défend des positions plus radicales encore. Fermement opposés tant à la distinction entre périodes actives et inactives du temps de garde qu'à l'annualisation de la période de référence, les sénateurs communistes souhaitent le retrait pur et simple de la proposition de directive. Ils demandent l'abolition de l'opt-out et souhaitent, plus généralement, que l'Union européenne définisse un nouveau projet social, comportant des mesures destinées à combattre la flexibilité et la précarité dans le travail.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur , a ensuite présenté à la commission ses propres conclusions, qui résultent d'un dialogue approfondi avec les partenaires sociaux.

Sur la question du temps de garde, il a proposé de confirmer la position équilibrée retenue par la délégation, qui a notamment pour avantage de préserver le système des équivalences. Concernant l'annualisation de la période de référence, il a jugé cette mesure acceptable, à condition qu'elle soit subordonnée à un accord collectif apportant des garanties suffisantes aux salariés et à condition qu'elle s'accompagne de l'abandon, dans un délai raisonnable, de l'opt-out. Au total, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur , a proposé à la commission d'adopter une proposition de résolution dont la rédaction est proche de celle retenue par la délégation.

M. Roland Muzeau a indiqué que son groupe ne pourrait approuver la proposition de résolution présentée à la commission. Il a estimé que le vote des Français, lors du référendum du 29 mai, imposait d'affirmer de manière beaucoup plus nette des exigences fortes en matière de droit du travail, notamment pour obtenir la suppression de toutes les clauses dérogatoires. Il a considéré que les variantes proposées par le rapporteur par rapport au texte de la délégation étaient insuffisantes et qu'il convenait d'exiger le retrait de la proposition de directive élaborée par la Commission. Il a jugé inacceptable le marchandage envisagé au sein du Conseil, l'annualisation de la période de référence étant présentée comme une contrepartie à la fin de l'opt-out, et rappelé que les pressions auxquelles étaient soumis les salariés dans les entreprises les empêchaient souvent de résister aux demandes de leur employeur.

M. Dominique Leclerc a regretté l'emploi du terme anglais « opt-out », qu'il a jugé peu explicite.

Mme Marie-Thérèse Hermange s'est félicitée de la convergence de vues entre le rapporteur et la délégation pour l'Union européenne et a souhaité que les commissions permanentes et la délégation coopèrent toujours d'une manière si efficace.

En réponse à M. Roland Muzeau, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur , a fait valoir que le code du travail était bien plus protecteur que les prescriptions minimales contenues dans la directive et qu'il n'y avait donc pas lieu de craindre, dans notre pays, la remise en cause de droits acquis. Il a ensuite insisté sur l'indépendance d'esprit dont a su faire preuve le Parlement européen par rapport à la Commission et a estimé que les mesures qu'il préconise, proches de celles formulées par la délégation, allaient dans le sens d'une harmonisation sociale européenne, attendue notamment par les nouveaux Etats membres.

En réponse à Mme Isabelle Debré , qui s'interrogeait sur les critères de distinction entre périodes active et inactive du temps de garde, M. Nicolas About, président , a indiqué que les partenaires sociaux étaient les mieux placés pour procéder, par la négociation, à de telles distinctions.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur , a souligné que la proposition de résolution qu'il présente prévoit d'assimiler la totalité du temps de garde à du temps de travail, sous réserve d'adaptations à ce principe, telles que celles permises par le système français des équivalences.

M. Roland Muzeau a insisté sur le fait que la proposition de la Commission européenne ne prévoit pas l'abandon de l'opt-out et que l'annualisation de la période de référence, qui répond à une demande du patronat européen, pouvait difficilement donner lieu à des compensations satisfaisantes pour les salariés. De plus, la distinction entre périodes active et inactive du temps de garde, même si elle tend à passer au second plan dans la proposition du rapporteur, n'en restera pas moins présente dans les faits. Il a conclu en indiquant que le groupe communiste, républicain et citoyen demanderait, lors de la prochaine conférence des présidents, l'inscription à l'ordre du jour de la séance publique de l'examen de la proposition de résolution.

En réponse à une demande de précision de Mme Françoise Henneron , M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur , a indiqué que l'abandon de l'opt-out permettrait à l'ensemble des salariés de bénéficier des règles protectrices relatives à la durée maximale hebdomadaire du travail, fixée à 48 heures par semaine.

Après que M. Nicolas About, président , eut lu l'intégralité du texte de la proposition de résolution, la commission a approuvé le texte dans sa rédaction proposée par le rapporteur.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page