TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DE M. MICHEL MOÏSE-MIJON, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D'ÉTUDE DE LA LÉGISLATION, ET DE MME ANNIE ROSES, DIRECTEUR DE LA RETRAITE ET DU CONTENTIEUX, DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAV)

Réunie le mercredi 26 octobre 2005 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. Michel Moïse-Mijon, président de la commission d'étude de la législation, et de Mme Annie Roses, directeur de la retraite et du contentieux, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV).

Après avoir prié la commission de bien vouloir excuser l'absence de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la CNAV, M. Michel Moïse-Mijon, président de la commission d'étude et de la législation, a indiqué que le conseil d'administration de la Caisse a rendu, le 5 octobre dernier, un avis négatif sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 : seule l'Union professionnelle artisanale (UPA) et une personne qualifiée se sont prononcées en faveur de ce texte, une délégation syndicale s'abstenant et l'ensemble des autres membres votant contre. Cet avis consultatif défavorable se fonde sur plusieurs raisons majeures, et tout d'abord sur le fait que le Gouvernement n'avait pas transmis les documents annexés relatifs aux exonérations de cotisations décidées par l'Etat. Le conseil d'administration de la CNAV s'est également prononcé contre l'article de l'avant-projet de loi prévoyant que l'excédent enregistré en 2004 par la CNAV devrait être affecté non pas au fonds de réserve des retraites (FRR), comme le prévoit la loi mais, à titre dérogatoire, au fonds de solidarité vieillesse (FSV). De même, l'intention initiale du Gouvernement consistant à répartir la hausse de 0,2 % des cotisations vieillesse, qui doit intervenir le 1er janvier 2006, entre les salariés pour 0,15 %, et les employeurs à hauteur de 0,05 %, a suscité une vive opposition. Le conseil d'administration de la CNAV a notamment déploré le manque de concertation préalable dans cette affaire ; le dossier n'est d'ailleurs toujours pas réglé et doit prochainement faire l'objet d'un arbitrage du Premier ministre. En dernier lieu, la CNAV a regretté que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ne comporte pas de garanties financières solides de paiement de la soulte que devra acquitter la régie autonome des transports parisiens (RATP), en contrepartie de l'adossement de son régime de retraite sur le régime général. Le conseil d'administration de la CNAV tient particulièrement à ce qu'une disposition protectrice à cet égard figure dans ce texte.

Au nom de M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, M. Nicolas About, président , a souhaité connaître les précautions qui doivent être prises pour éviter que l'adossement des régimes spéciaux à la CNAV, comme d'ailleurs aux caisses de retraite complémentaire, ne mette à contribution les assurés sociaux du secteur privé. Il s'est demandé si les droits d'entrée que devront acquitter ces régimes seront suffisants, alors même que ces régimes spéciaux versent des prestations supérieures aux régimes de droit commun, avec des ratios démographiques moins favorables, le niveau des prestations servies demeurant par ailleurs inchangé, y compris pour les nouveaux entrants.

M. Michel Moïse-Mijon a considéré que le précédent des industries électriques et gazières souligne l'importance, pour les assurés sociaux du régime général, d'une stricte neutralité financière de ce type de montage. Il a rappelé que le conseil d'administration de la CNAV s'était alors vivement opposé aux pouvoirs publics sur la question du montant de la soulte et de son mode de calcul. Le règlement dans de bonnes conditions du dossier de la RATP suppose en particulier la réalisation de projections financières à horizon de vingt-cinq ans, dans la mesure où le régime adossé ne doit pas provoquer une dégradation du rapport entre les prestations versées et les cotisations encaissées par le régime général. Il convient aussi de mesurer l'impact financier de ces calculs, en utilisant différents scénarios.

Après avoir observé que le mécanisme d'adossement des industries électriques et gazières apparaît désormais en voie de généralisation à d'autres entreprises publiques comme la RATP, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) ou La Poste, M. Nicolas About, président , a demandé si une telle évolution ne fait pas courir inévitablement un risque aux grands équilibres financiers de la CNAV ; et ce, malgré toutes les précautions qui peuvent être prises, compte tenu de la grande complexité de ces opérations et de la marge d'incertitude des hypothèses de projection sur des durées aussi longues que vingt-cinq ans.

M. Michel Moïse-Mijon a réaffirmé l'attachement de la CNAV à ce que des garanties solides lui soient apportées par l'Etat dans le cadre de l'opération de la RATP. Ce dossier diffère sur plusieurs points de celui des industries électriques et gazières : contrairement à EDF et GDF qui disposent, malgré un endettement élevé, de fonds propres importants et d'une position majeure dans leur secteur industriel, la RATP dépend totalement des fonds publics et l'Etat assure plus de la moitié du service des prestations versées au titre des retraites. En outre, le calcul de la soulte RATP pourrait être effectué sur des bases techniques sensiblement différentes de celles retenues pour les industries électriques et gazières : la discussion porte sur le seuil à retenir pour le niveau de la rente garantie, la RATP souhaitant obtenir 95,61 % du plafond de la sécurité sociale, la CNAV souhaitant pour sa part le limiter à 90 %. Il convient aussi de remarquer que l'Etat prendra à sa charge la totalité du paiement de ladite soulte. Une autre différence majeure réside dans le fait que, cette fois, les majorations de bonification pour enfant ne seront pas mises à la charge du FSV, comme cela a été le cas avec les industries électriques et gazières. A ce titre, il a souligné la situation financière délicate de ce fonds, qui devrait enregistrer un déficit de 2 milliards d'euros en 2005 et ne semble pas susceptible de revenir à l'équilibre avant l'horizon 2010, voire 2015. Evoquant les contraintes pesant sur les finances publiques, il a indiqué que le montant de la soulte que devra acquitter la RATP, et donc in fine l'Etat, varie actuellement suivant les hypothèses retenues, entre 507 et 870 millions d'euros.

M. Nicolas About, président , a souhaité savoir si la CNAV a été saisie des autres dossiers similaires qui sont régulièrement cités dans la presse : La Poste, la SNCF, voire la Banque de France. Il s'est demandé si la CNAV pourrait se trouver placée devant le fait accompli et se voir imposer, par voie réglementaire, et sans débat parlementaire, une opération d'adossement dans des conditions lui semblant défavorables.

M. Michel Moïse-Mijon a répondu que le conseil d'administration de la CNAV réclame avec insistance que l'adossement de la RATP fasse l'objet d'un amendement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, car il ne s'estime pas à l'abri d'une telle perspective. La CNAV n'est pas officiellement saisie à ce jour de demandes émanant de La Poste ou de la SNCF, mais la situation avait été longtemps celle-ci pour la RATP : alors même que la presse faisait état de rumeurs insistantes, les services du régime général n'ont été approchés que tardivement sur les termes d'un dossier technique très complexe qui nécessite un long délai de concertation et d'élaboration. Il a pris acte de l'inquiétude exprimée par certains intervenants dans le débat public sur le mode de calcul de la soulte RATP, et plus particulièrement sur les hypothèses retenues quant à l'évolution future du nombre des retraités. Il est vrai qu'une baisse des effectifs de l'entreprise entraînerait nécessairement une diminution des cotisations à l'horizon des vingt-cinq ans, mais il n'appartient pas à la CNAV, en tant qu'établissement public de l'Etat, de remettre en cause les données qui lui ont été fournies à ce sujet. Il a réaffirmé l'attachement du conseil d'administration de la CNAV au principe de stricte neutralité des adossements qui seront réalisés à l'avenir et a fait valoir la nécessité pour la représentation nationale de se prononcer sur chacun d'entre eux. A contrario, une telle opération, si elle devait être réalisée uniquement par voie réglementaire, ne serait pas de nature à offrir spontanément à la CNAV toutes les garanties qu'elle demande.

M. Nicolas About, président, a souhaité connaître la réaction des instances de la CNAV à la demande formulée en juin 2005 par le conseil de surveillance du fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles (Ffipsa) tendant à modifier les règles de compensation démographique. Il a par ailleurs demandé si l'impact financier potentiel de cette mesure pour la CNAV avait été évalué.

M. Michel Moïse-Mijon a indiqué que la demande du Ffipsa est intervenue alors que se poursuivent toujours les travaux de la commission de compensation et un an après la publication du rapport d'audit réalisé par MM. Franck Normand et Louis-Paul Pellé, lequel ne recommande d'ailleurs aucun changement dans l'immédiat, mais expose les différents scénarios possibles pour faire évoluer ces mécanismes. Il a précisé que celui consistant à prendre en compte la durée cotisée pour pondérer les effectifs de retraités des caisses de retraite dans ce mode de calcul pourrait se traduire par une mise à contribution du régime général de 574 millions d'euros par an, le régime des exploitants agricoles recevant, pour sa part, environ 441 millions d'euros par an.

Après avoir rappelé que la modification des règles du mécanisme de compensation démographique qui est intervenue en 2002 a été rendue possible par une réévaluation à hauteur de 600.000 personnes des effectifs cotisants de la CNAV et par l'intégration des chômeurs dans ses effectifs pour les besoins de ces calculs, M. Nicolas About, président , a souhaité savoir si cette opération continue encore aujourd'hui de peser sur les résultats de la CNAV. Il s'est interrogé également sur les régimes bénéficiant, à l'inverse, de cette opération.

M. Michel Moïse-Mijon a constaté que cette modification des règles de calcul a eu des conséquences importantes sur les montants reçus et versés par les différents régimes de retraite au titre de la compensation des déséquilibres démographiques. Cette situation avait suscité il y a trois ans une vive polémique, dont la presse s'était d'ailleurs fait l'écho. La contribution de la CNAV s'en est trouvée majorée de 870 millions d'euros en 2003 et d'un montant équivalent chaque année depuis lors. A contrario, d'autres régimes ont bénéficié d'un allégement de leur contribution, à commencer par le budget de l'Etat, au titre des pensions des fonctionnaires, pour 300 millions d'euros par an, ainsi que la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), l'Organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (Organic), la Caisse autonome nationale de compensation des assurances vieillesse artisanale (Cancava), la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et la Caisse nationale du barreau français (CNBF).

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie , a pris bonne note de la réaction de la CNAV, déplorant ne pas avoir disposé, pour se prononcer, des documents annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale sur les exonérations de cotisations décidées par l'Etat. Il a souhaité savoir si le conseil d'administration serait prêt à revenir sur son avis négatif dans l'hypothèse où ces informations lui seraient finalement transmises. Sur la question de la neutralité de l'adossement du régime de retraite de la RATP, il a demandé s'il serait concevable de prévoir une précaution supplémentaire prenant la forme d'une clause de rendez-vous, qui permettrait de se prémunir contre le risque d'une éventuelle erreur de calcul du montant des droits d'entrée.

Après avoir relevé que les années 2005 et 2006 seront caractérisées par le départ en retraite des premières classes d'âge du « baby boom » d'après guerre, il s'est demandé si les prémices du choc démographique tant évoqué ne marquent pas le début d'une période de déficit structurel pour la CNAV.

Il a également souhaité savoir quels enseignements la CNAV tire de l'actualisation des prospectives financières du Conseil d'orientation des retraites (COR) à l'horizon 2020, d'une part, et à l'horizon 2040/2050, d'autre part. Il s'est demandé si l'on doit craindre, dans ces conditions, une baisse significative, à l'avenir, du taux de remplacement des salariés du secteur privé.

Il s'est interrogé sur les conséquences du déficit du FSV pour la CNAV, et plus particulièrement sur le coût annuel des besoins de trésorerie supplémentaires occasionnés au régime général par ces retards de paiement.

Il a également souhaité connaître le coût, en 2005 pour la CNAV, du dispositif des carrières longues et savoir si, en l'absence de cette mesure, les comptes du régime général seraient restés équilibrés jusqu'en 2008.

M. Michel Moïse-Mijon a indiqué que l'hypothèse d'une clause de rendez-vous n'a pas été envisagée par l'Etat et semble peu probable. Le problème essentiel pour les pouvoirs publics réside dans le caractère libératoire que doit revêtir le paiement des droits d'entrée acquittés par la RATP, de façon à éviter l'inscription à son bilan de tous ses engagements de retraite. S'agissant du montant de la soulte, l'idéal pour la CNAV consisterait en un versement de la totalité des fonds dès l'année prochaine, et non pas en un échelonnement des versements sur longue période. Après avoir relevé que la mise en oeuvre de la nouvelle caisse de retraite de la RATP devrait être reportée de plusieurs mois, compte tenu du fait que les négociations ne sont pas encore terminées, il a souhaité que le montage définitif comporte, à l'instar de celui des industries électriques et gazières, une clause prévoyant que les caisses de retraite concernées rendent compte au Parlement, dans un délai de cinq ans, du respect du principe de neutralité.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie , a rappelé que l'origine de cette disposition résulte précisément d'un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat à la loi n° 2044-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

Après avoir confirmé que la CNAV devrait connaître effectivement un déficit au cours des cinq prochaines années, M. Michel Moïse-Mijon a souligné l'ampleur prise par le dispositif des carrières longues autorisant le départ en retraite à cinquante-six, cinquante-sept ou cinquante-huit ans des personnes ayant commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans. Ce phénomène atteste de la persistance d'une culture favorable à la cessation précoce d'activité dans notre pays. Il a par ailleurs indiqué que la CNAV fournira à la commission des documents détaillés sur l'évolution prévisible du taux de remplacement des retraites des salariés du secteur privé au cours des prochaines décennies. Il a précisé également que les frais financiers supplémentaires occasionnés à la CNAV par les problèmes de trésorerie du FSV s'élèvent actuellement à environ 50 millions d'euros par an.

M. Claude Domeizel a fait valoir que la CNAV n'est pas le seul régime à supporter des frais financiers indus et que la CNRACL, par exemple, a été elle aussi largement mise à contribution, jusqu'à se trouver d'ailleurs artificiellement en situation déficitaire du fait des charges très élevées imposées par le système de compensation démographique. Il a regretté que l'adossement des régimes de retraites spéciaux, certainement l'un des dossiers les plus difficiles à traiter dans le champ de l'assurance vieillesse, puisse être réalisé par voie réglementaire. Il s'agit là d'un engrenage dont il convient de mesurer toutes les implications potentielles, dans la mesure où les régimes adossés et le régime général seront nécessairement fortement imbriqués à l'avenir. A son sens, la différence entre l'adossement d'un régime spécial et son intégration sur le régime général apparaît ténue. Après avoir constaté que le régime de retraite des industries électriques et gazières est équilibré, grâce il est vrai à une subvention d'équilibre des entreprises, il a observé que celui de la RATP apparaît fortement déficitaire, alors même d'ailleurs qu'il bénéficie aussi bien de la compensation démographique que de la surcompensation entre régimes spéciaux. Il s'est aussi demandé si l'adossement de la RATP pourrait avoir des conséquences sur le niveau des prestations de retraite que reçoivent les personnels de cette entreprise publique.

M. Guy Fischer a souligné toute la complexité de ces opérations d'adossement et rappelé que le montant de la soulte des industries électriques et gazières avait beaucoup évolué, à la suite des démarches engagées par le président de la CNAV, puisqu'elle était passée en cours de négociations de 3 à 9,6 milliards d'euros. Il a déploré que celles engagées avec la RATP semblent s'ouvrir dans les plus mauvaises conditions possibles. Revenant sur la publication récente des nouvelles projections à long terme du COR, il s'est inquiété de la perspective vraisemblable d'une réduction du pouvoir d'achat des retraités. Il a mentionné, à ce titre, l'exemple de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec), qui semble actuellement faire l'objet de tentatives des pouvoirs publics pour diminuer la valeur de service du point de retraite.

M. André Lardeux a considéré que le problème de l'ajustement des droits, et des efforts à réaliser pour maintenir la viabilité financière à long terme des régimes de retraite ne devrait pas constituer un sujet d'étonnement : il revêt au contraire un caractère inéluctable, car il n'existe pas de système d'assurance sociale qui ne soit pas payé par les cotisants. Or, le vieillissement de la population française tend à provoquer une déformation de la pyramide des âges caractérisée par une augmentation inexorable du nombre des personnes âgées tandis que la population d'âge actif commencera bientôt à diminuer. Il a estimé qu'au-delà des précautions oratoires auxquelles la présente audition donne lieu, il serait utile de savoir si certains membres du conseil d'administration de la CNAV ont motivé leur appréciation défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 par le déficit du régime général.

Sur la question des adossements, il a jugé que le maintien des régimes spéciaux apparaît déjà, en lui-même, scandaleux et que le consommateur sera très probablement mis à contribution pour son financement, comme il l'a déjà été dans le cas des industries électriques et gazières. Pourtant, contrairement à EDF et GDF qui sont des entreprises évoluant désormais dans le secteur concurrentiel et qui disposent à la fois de fonds propres et d'importantes recettes d'activité, la RATP ne constitue qu'un service public local totalement dépendant des fonds publics. Il a jugé choquant que l'ensemble des contribuables nationaux soient amenés à financer le maintien des retraites généreuses de cette entreprise publique, alors même qu'elle n'intervient qu'en Ile-de-France. Il a fait part de son inquiétude quant à la pérennité de ce régime de retraite qui présente une structure aussi déséquilibrée. Il s'est préoccupé des hypothèses démographiques retenues pour déterminer le nombre des retraités futurs, compte tenu de l'évolution favorable du taux de mortalité dans notre pays et des gains d'espérance de vie réalisés. Il a déclaré que la créance que la CNAV est amenée à détenir sur l'Etat, via la soulte dont le paiement sera probablement étalé dans le temps, représente une « illusion parfaite ». Il a considéré que le régime général devrait peut-être même aller jusqu'à provisionner cet engagement.

M. Michel Moïse-Mijon a précisé que le régime spécial de la RATP n'est pas remis en cause par ce schéma d'adossement, et qu'au surplus les agents de cette entreprise publique n'auront aucun contact direct avec le régime général, dans la mesure où une caisse de retraite « ad hoc » sera créée pour réaliser l'interface entre eux et la CNAV. Il a déclaré que rien ne laisse supposer aujourd'hui que le niveau de prestations du régime spécial sera modifié à l'avenir.

M. Nicolas About, président , a observé que le facteur à l'origine de ces opérations d'adossement réside dans l'entrée en vigueur des nouvelles normes comptables internationales qui obligent les entreprises publiques à provisionner désormais dans leurs comptes leurs engagements de retraite, ce qu'elles n'avaient jamais fait auparavant. Ce sont donc ces entreprises publiques elles-mêmes qui sollicitent le montage de ces dispositifs.

Mme Annie Roses, directeur de la retraite et du contentieux , a confirmé que les entreprises publiques, comme EDF, et les établissements publics, comme la RATP, expliquent à la CNAV qu'ils se trouvent placés devant une obligation absolue de déconsolider de leurs bilans ces charges de retraite. Pour autant, les règles de calcul et le niveau des prestations versées par le régime spécial ne seront pas modifiés et l'adossement n'aura pas de conséquence sur le système de compensation démographique.

M. Nicolas About, président , a demandé si la soulte de la RATP sera financée essentiellement par des cotisations ou par le biais d'une subvention d'équilibre.

M. Michel Moïse-Mijon a considéré que les négociations avec la RATP seront probablement difficiles et, dans ce contexte, il a réaffirmé que la CNAV compte sur l'appui du Sénat pour faire valoir ses préoccupations, à commencer par le principe de neutralité de l'opération pour les assurés sociaux du régime général. Il a estimé par ailleurs que l'impact des réformes successives des retraites sur le taux de remplacement des assurés sociaux devra être évalué en 2008, à l'occasion de la première clause de rendez-vous prévue par la loi du 21 août 2005.

En réponse à M. André Lardeux, il a fait valoir que le devoir de réserve auquel il est soumis l'empêche de commenter plus avant la nature déficitaire du régime de retraite de la RATP. Sur la question des raisons qui expliquent les positions adoptées par les délégations composant le conseil d'administration de la CNAV, il a indiqué que, sur la base des procès verbaux, aucun des membres n'a remis en cause le principe même d'un adossement de la RATP, mais que certains d'entre eux ont fait part de leurs très fortes réserves quant aux modalités qui semblaient retenues par les pouvoirs publics, et que tous ont souhaité obtenir des garanties financières solides pour le régime général. Il a reconnu que la CNAV considère avec une certaine appréhension l'évolution possible du dossier de la RATP. Il a, par ailleurs, indiqué que le critère de l'espérance de vie des agents de la RATP n'avait pas fait l'objet d'une étude distincte de celle de l'ensemble de la population française ; en revanche, la structure familiale spécifique des personnels de l'entreprise a bel et bien été prise en compte, dans la mesure où ils ont moins d'enfants que la moyenne nationale. Il n'a pas souhaité non plus commenter la remarque d'André Lardeux, jugeant qu'une créance sur l'Etat constitue une « illusion parfaite », car il s'agit à tout le moins d'une affirmation très grave.

M. André Lardeux a reconnu toute la gravité de cette appréciation, et a maintenu sa véracité : en sa qualité d'ancien professeur d'histoire, d'une part, et d'ancien président de conseil général, d'autre part, il est en mesure d'affirmer que « l'Etat n'a ni parole, ni signature ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page