D. LES PISTES POUR RENFORCER LA TRANSPARENCE DU SYSTÈME D'ASSURANCE VIEILLESSE

1. Améliorer la connaissance du niveau des engagements de retraite

Le pilotage à long terme de l'assurance vieillesse se heurte à une difficulté majeure : celle de la méconnaissance du niveau des engagements hors bilan correspondant aux retraites qui devront être versées aux actuels retraités ainsi qu'aux personnes aujourd'hui actives. L'Etat a ainsi publié pour la première fois en 2003, en annexe du projet de loi de finances pour 2004, une évaluation des engagements de retraite pour la fonction publique d'Etat : sur la base d'un taux d'actualisation à 3 %, le montant correspondant s'établirait à 800 milliards d'euros.

D'après les informations disponibles, ces engagements pourraient s'élever pour les agents publics de la Poste à 60 milliards d'euros et pour les agents publics de France Télécom à 37 milliards d'euros.

Par ailleurs, certains régimes spéciaux sont tenus de publier ces données dans leurs comptes qui s'établissent ainsi :

- RATP : 21 milliards d'euros ;

- Banque de France : 9 milliards d'euros ;

- EDF et GDF, ainsi que le reste de la branche des entreprises électriques et gazières : 89 milliards d'euros.

Pour le reste, il n'existe pas de données publiques exploitables, même parcellaires, pour les « grands » régimes (Agirc, Arrco, CNAV), comme les « petits » régimes du secteur privé.

Votre commission souhaite donc améliorer l'information disponible pour préparer dans de bonnes conditions la première clause de rendez-vous de la réforme des retraites. Elle propose un amendement prévoyant qu'à compter de 2008, les principales caisses de retraite, celles comptant plus de 20.000 cotisants et retraités, seront tenues de réaliser l'évaluation de leurs engagements de retraite et de les publier en annexe de leur rapport annuel.

2. Confirmer le « droit à l'information » des assurés sociaux sur leur situation au regard de la retraite

Jusqu'à la réforme des retraites de 2003, les assurés sociaux ne disposaient que tardivement des informations sur le montant et le calcul de leur future pension. La loi du 21 août 2003 a eu notamment pour objectif d'accorder à chacun une plus grande liberté de choix en matière d'âge et de conditions de départ, ce qui a supposé la définition d'un véritable droit à l'information. Les informations apportées aux assurés devraient consister en :

- l'envoi d'un relevé de situation individuelle, à la demande de l'assuré, détaillant les éléments pertinents de sa carrière pour chaque régime dont il a relevé ;

- l'envoi d'un relevé de situation individuelle, à l'initiative des régimes, tous les cinq ans à partir de l'âge de trente-cinq ans et jusqu'à l'âge de cinquante ans ;

- l'envoi d'une estimation indicative globale de pension, à l'initiative des régimes, à partir de l'âge de cinquante-cinq ans, puis tous les cinq ans tant que l'assuré n'est pas retraité ; cette estimation devrait être réalisée, pour chaque régime, à l'âge d'ouverture du droit à pension ainsi qu'à l'âge auquel il pourrait bénéficier de la pension à taux plein.

La mise en oeuvre du dispositif sera étalée sur plusieurs années du fait du grand nombre d'éléments d'information à recueillir par chaque régime, notamment pour ce qui concerne la consolidation des éléments de carrière au sein des différentes institutions de retraite complémentaire des salariés du secteur privé. Il en est de même pour des éléments de carrière accomplis dans les fonctions publiques, notamment dans la fonction publique de l'Etat.

La première étape a été franchie en juillet 2004 avec la constitution d'un groupement d'intérêt public par les organismes en charge de la gestion des trente-huit régimes de retraite, du secteur privé comme du secteur public, des salariés et des indépendants, de base, de retraite complémentaire ou spéciaux. Compte tenu de l'ampleur du travail à accomplir, il est compréhensible que la mise en oeuvre d'une telle réforme soit progressive. Mais il est regrettable que le décret en Conseil d'Etat qui doit en définir les modalités ne soit pas encore paru à ce jour.

3. Corriger les effets pervers des mécanismes de compensation et de surcompensation

A défaut de la création du régime unique souhaité en 1945, un mécanisme de solidarité entre les régimes a été créé en 1974 afin de tenir compte des déséquilibres démographiques.

Ce système est devenu avec le temps complexe et inéquitable : certains régimes créditeurs sont amenés à financer, pour les retraités d'autres régimes, des prestations supérieures à celles qu'ils versent à leurs propres retraités.

Enfin, l'instauration en 1985 de la surcompensation, ou compensation spécifique entre les régimes spéciaux eux-mêmes a ajouté à l'opacité du système. Ce dispositif visait en effet à soulager le budget de l'Etat, en profitant du rapport démographique très favorable de la CNRACL. Cette dernière a ainsi été fortement mise à contribution au bénéfice des autres régimes.

Le rapprochement des deux régimes produisait, en 2003, les résultats suivants

(en millions d'euros)

Au total, le bilan des flux cumulés des mécanismes de « compensation » et de « surcompensation » fait apparaître cinq régimes contributeurs nets : tout d'abord, la CNAV (pour 5 milliards d'euros, soit 7 % de ses produits) ; la CNRACL (2,8 milliards d'euros, soit 23 % de ses produits) ; l'Etat, au titre de la fonction publique, (1,9 milliard d'euros, soit 5,7 % des charges de pension du budget) ; la CNAVPL (322 millions d'euros, soit 30 % de ses produits) et les industries électriques et gazières (131 millions d'euros, soit 4 % des produits de la CNIEG). Tous les autres régimes sont bénéficiaires nets.

Outre leur grande complexité et leur caractère inéquitable, ces mécanismes de compensation organisent le maintien de régimes exsangues, qui sinon auraient été intégrés depuis longtemps au régime général.

L'article 9 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu l'extinction progressive du mécanisme de surcompensation sur huit ans, d'ici au 1 er janvier 2012, par la diminution des montants transférés. En conséquence, le décret du 29 octobre 2003 a programmé, sur trois exercices successifs, une diminution de son taux qui est passé de 30 % en 2002 à 27 % en 2003, à 24 % en 2004 et à 21 % en 2005. Les régimes contributeurs versent moins et les régimes bénéficiaires reçoivent moins. In fine , la baisse des transferts de surcompensation se traduit, pour l'Etat, par une augmentation des subventions à verser.

4. Permettre enfin la comparaison des régimes entre eux

Le constat est connu et ancien : le système de retraite français se singularise en Europe par la coexistence d'un grand nombre de régimes différents, notamment spéciaux, et par la diversité des règles applicables aux assurés sociaux du secteur privé et du secteur public. Comparer ces régimes entre eux s'avère particulièrement délicat, tant l'information disponible demeure rare et dispersée.

Les données chiffrées sur les retraites en France ne permettent, aujourd'hui encore, que d'approcher empiriquement le « rendement » des différents régimes entre eux. Il n'existe pas de publication officielle consacrée spécifiquement à l'étude de cette question. Les travaux du Conseil d'orientation des retraites réalisés en 2001 et le rapport Charpin de 1999 ont certes abordé le sujet. Mais ces éléments apparaissent aujourd'hui anciens et contestés. On observera également que, dans son rapport public particulier d'avril 2003, la Cour des comptes s'est intéressée aux pensions des fonctionnaires civils de l'Etat. Mais cette dernière étude ne comporte pas réellement de dimension comparative, sauf en ce qui concerne l'âge de cessation d'activité des fonctionnaires.

On remarquera aussi qu'une grande partie des assurés sociaux cotisent dans plusieurs régimes au cours de leur carrière professionnelle : ces pluripensionnés constituaient 49,4 % du nombre total des retraités masculins en 2001. Cette diversité des parcours professionnels individuels s'ajoute à la complexité institutionnelle des régimes de retraite français et rend difficile la comparaison entre le secteur privé, le secteur public et les régimes spéciaux.

Malgré la difficulté de l'exercice consistant à comparer entre eux les différents systèmes de retraite, il semble bien que les régimes de retraite de la fonction publique, et plus encore les régimes spéciaux, soient caractérisés par :

- un effort de cotisation moindre que dans le secteur privé ;

- compensé par des cotisations fictives et des subventions d'équilibre à des niveaux très élevés ;

- alors même que les prestations servies et les conditions de départ en retraite apparaissent plus avantageuses que dans les régimes de droit commun (CNAV, Agirc, Arrco).

Le tableau suivant récapitule les principales différences de situation actuelles entre le secteur privé et le secteur public :

Fonctionnaires civils de l'Etat

Salariés du secteur privé

57,8 ans

Age de cessation d'activité

57,7 ans

57,8 ans

Age de liquidation de la retraite

61,2 ans

38,5 ans en 2005, 40 ans en 2008 (y compris années d'études après concours, le cas échéant)

Durée de cotisation

40 ans (non compris années d'études)

6 derniers mois (y compris une partie des primes pour le nouveau régime additionnel depuis le 1 er janvier 2005)

Base de calcul

25 meilleures années en 2008 pour la CNAV, régime par points AGIRC et ARRCO

7,85 %

Taux de cotisation employé

10,35 % non-cadres ;
9,75 % cadres

60,2 % (cotisation fictive)

Taux de cotisation employeur

15,50 % non-cadres ; 15,54 % cadres

Sans condition de ressources

Réversion

Sous condition de ressources

Evolution prévisionnelle de l'indice des prix hors tabac (depuis 2004)

Indexation

Evolution prévisionnelle de l'indice des prix hors tabac (depuis 1993)

75 % du dernier traitement (hors primes)
+ nouveau régime additionnel par points

Taux de remplacement

50 % du salaire de référence + prestations des régimes complémentaires

Préfon (depuis 1967), PERP (depuis 2004)

Epargne retraite

PERP, PERCO (depuis 2004)

Largement autorisé

Cumul emploi/retraite

Réglementation restrictive

- 0,6 % en 2006
- 3 % en 2001
- 6 % en 2015

Décote par année de cotisation manquante

- 10 % en 2005
- 6 % en 2015

1.832 €

Pension moyenne en 2003

1.465 €

22 ans

Durée moyenne de versement des retraites avant le décès (pensionné de droit direct)

17 ans et six mois

La réforme des retraites de 2003 ne modifie pas les termes de ce constat, même si elle procède à un rapprochement partiel et graduel des trois fonctions publiques avec le secteur privé. En revanche, elle n'a pas abordé lé question des régimes spéciaux.

En définitive, cette grande diversité de situation rend naturellement très difficile la comparaison des différents régimes de retraite. Il en va de même pour la compréhension de leurs modes de financement, aussi bien par les assurés sociaux en général que par les ressortissants de ces régimes eux-mêmes.

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