B. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES ACCÉLÉRÉE PAR L'ÉVOLUTION DES TRANSFERTS FINANCIERS

Les charges de la branche AT-MP du régime général se composent d'environ trois quarts de dépenses de prestations (légales, extralégales et autres, augmentées des dotations nettes aux provisions pour prestations et des pertes sur créances irrécouvrables sur prestations) et d'un peu moins d'un cinquième de charges de transfert vers d'autres régimes et fonds : régime des mines, régime des salariés agricoles, fonds commun des accidents du travail non agricoles (FCAT), branche maladie du régime général, Fiva, Fcaata, etc. Le solde est constitué de charges de gestion courante et de diverses charges techniques.

Après une stabilisation observée en 2004, les dépenses devraient augmenter de 5,6 % en 2005, pour atteindre près de 9,5 milliards d'euros, puis de 3,9 % en 2006, avoisinant ainsi 9,9 milliards d'euros. Les transferts au profit du Fcaata et du Fiva croissent plus rapidement que les dépenses de prestations.

Les charges de la CNAM AT-MP

(en droits constatés et en millions d'euros)

2003

2004

%

2005

%

2006

%

9.012,9

8.995,3

-0,2

9.496,2

5,6

9.864,1

3,9

Source : Direction de la sécurité sociale

1. Une progression modérée des dépenses de prestations

En 2004, les dépenses de prestations ont faiblement progressé (0,5 %), compte tenu, essentiellement, du ralentissement de la croissance des prestations d'incapacité temporaire, et notamment des indemnités journalières qui représentent environ deux tiers de ces prestations.

En 2005, elles devraient progresser de 4,1 %, sous l'effet de l'augmentation des dépenses de prestation d'incapacité temporaire (+ 4,3 %, y compris les dotations aux provisions) et d'incapacité permanente (+ 4,2 %), les autres prestations restant stables.

En 2006, une décélération est attendue, puisque le projet de loi de financement est construit sur une hypothèse de progression des dépenses de prestations de seulement 2 %. La croissance des prestations d'incapacité temporaire serait de 2,4 % tandis que celle des prestations d'incapacité permanente serait limitée à 1,8 % et résulterait de la revalorisation des rentes attendue en janvier, dans un contexte de stabilité des dépenses en volume.

2. Une nouvelle augmentation des dépenses de transfert

Les dépenses de transfert à la charge de la branche devraient progresser d'environ 12 % en 2005 et en 2006. Si les transferts de la branche AT-MP vers les autres organismes de sécurité sociale sont à peu près stables, aux alentours de 900 millions d'euros, les transferts vers les fonds de l'amiante continuent de progresser fortement, passant de 800 millions d'euros en 2005 à 1,015 milliard d'euros l'an prochain, soit une augmentation de 26,8 %.

Le poids des transferts dans le total des dépenses de la branche a fortement progressé depuis 2000. Il représentait, à cette date, 11,9 % de l'ensemble des cotisations ; ce taux est passé à 20,2 % en 2005.

Les principaux transferts à la charge de la branche AT-MP

(en millions d'euros)

Transferts à la charge
de la branche AT-MP

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006*

Mines

438,6

435,1

426,9

464,9

448,6

450

450

MSA

104,3

108,9

109,0

108,8

111,3

111,3

111,3

Branche maladie

141

144,1

300

330

330

330

330

FCAT

83,5

78,1

71,7

64,4

58,2

52,4

52,4

FCAATA

102,9

205,8

300

450

500

600

700

FIVA

0

438,3

180

190

100

200

315

Total des principaux transferts

870,3

1410,3

1387,6

1608,1

1548,1

1743,7

1958,7

* Les données concernant l'année 2006 sont des estimations. Source : CNAM

a) La stabilité des transferts vers les organismes de sécurité sociale

La branche AT-MP du régime général effectue des transferts de compensation vers les régimes de sécurité sociale dont les effectifs diminuent, notamment les régimes des mines et des salariés agricoles, afin de les aider à faire face à leurs obligations financières. Ces dépenses sont stabilisées depuis quelques années. Si elles pèsent sur les comptes du régime général, elles ne se traduisent pas, en revanche, par une dégradation du solde net de la branche AT-MP de l'ensemble des régimes de base.

La situation est tout autre pour ce qui concerne le transfert de la branche AT-MP du régime général vers la branche maladie du même régime. On l'a vu, ce transfert vise à compenser les charges supportées de manière indue par l'assurance maladie, en raison des phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Le transfert de 330 millions d'euros inscrit au budget de la branche depuis 2003 est reconduit en 2006 . Cette reconduction est contestable, dans la mesure où la commission Diricq avait été justement instituée pour proposer une nouvelle évaluation de la somme devant être mise à la charge de la branche AT-MP. Or, tout en reconnaissant que les données épidémiologiques sur les maladies professionnelles et les informations disponibles sur les coûts de ces maladies restaient insuffisantes pour apprécier de manière précise le coût de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance, la commission l'a néanmoins évalué dans une fourchette comprise entre 356 et 749 millions d'euros . Cette fourchette est d'ailleurs plus large que celle qu'avait fixée la commission Lévy-Rozenwald en septembre 2002, entre 368 et 550 millions d'euros.

Quoi qu'il en soit, on observera que le transfert de la branche AT-MP vers la branche maladie reste inférieur à l'hypothèse basse retenue par ces deux commissions. Le peu de portée accordé à leurs conclusions conduit à s'interroger sur l'utilité d'une telle procédure d'évaluation du coût de la sous-déclaration. La fixation du montant du reversement obéit manifestement davantage à des considérations financières qu'à une volonté d'apporter une compensation réellement représentative des dépenses indûment mises à la charge de la branche AT-MP.

b) Des transferts vers les « fonds de l'amiante » en forte progression

L'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Le Fcaata verse aux salariés victimes de l'amiante une allocation de cessation anticipée d'activité et s'assimile donc à un régime de préretraite. Le Fiva complète l'indemnisation offerte par les régimes de sécurité sociale afin que les victimes de l'amiante obtiennent une réparation complète de leur préjudice.

Ces deux fonds ont connu une montée en charge rapide. Les dépenses de prestations du Fcaata pour l'exercice 2005 progressent de 21 % par rapport à l'exercice 2004 et concernent environ 27.400 bénéficiaires. Le Fiva a reçu, depuis sa création, environ 22.500 dossiers de demande d'indemnisation, dont 8.042 depuis juin 2004.

Situation financière du Fcaata

Les prestations sur l'exercice 2005 devraient atteindre 788 millions d'euros, après 650 millions en 2004.

Le financement du fonds est assuré, pour l'essentiel, par la branche AT-MP du régime général. Le versement d'une partie des droits de consommation sur le tabac permet au fonds de bénéficier d'environ 30 millions d'euros supplémentaires de recettes.

Ressources du Fcaata

(en millions d'euros)

2002

2003

2004

2005*

2006*

Contributions de la branche AT-MP du régime général

300

450

500

600

700

Contribution des entreprises (mesure nouvelle LFSS pour 2005)

-

-

-

135

123

Droits sur les tabacs

34

32

28

29

29

Total

334

482

528

764

852

* prévisions

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale

L'augmentation des dépenses du fonds, même si elle tend à ralentir, demeure encore très rapide (+ 28 % en 2004 par rapport à 2003 ; + 21 % prévus en 2005). Selon Marianne Lévy-Rozenwald, présidente du conseil de surveillance du Fcaata 3 ( * ) , il s'agit d'un « fonds dont la croissance a été très importante », qui a vu ses dépenses s'accroître « de plus de 100 millions d'euros chaque année » ; il est vraisemblable que ses dépenses soient encore en augmentation en 2006.

Évolution des dépenses du Fcaata de 1999 à 2005

(en millions d'euros)

2000

2001

%

2002

%

2003

%

2004

%

2005

%

2006

%

Charges

54,4

166,4

206

324,6

95

515,7

59

650

28

788

21

930

18

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale

Le Fcaata a accusé un déficit élevé de 122 millions d'euros en 2004, auquel il a fait face en puisant dans les réserves qu'il s'était constitué dans les premières années suivant sa création, au moment où les contributions qu'ils percevaient excédaient le montant de ses dépenses. L'épuisement de ces réserves a imposé de dégager des ressources complémentaires, qui ont pris la forme de la création, l'an passé, d'une nouvelle contribution mise à la charge des entreprises qui ont exposé leurs salariés à l'amiante . Les recettes tirées de cette contribution sont évaluées à 135 millions d'euros en 2005. Elles permettent de ramener le résultat du fonds à un niveau proche de l'équilibre, puisque le déficit devrait être de l'ordre de 24 millions d'euros cette année.

Votre commission s'interroge cependant sur le rendement réel de cette contribution, qui pourrait, au vu des premières estimations, être nettement inférieur aux prévisions.

Situation financière du Fiva

La situation financière du Fiva est moins difficile dans la mesure où les dotations qu'il a obtenu ont excédé ses dépenses jusqu'en 2003, ce qui lui a permis d'accumuler d'importantes réserves. Au début de l'année 2005, le Fiva avait présenté plus de 14.500 offres d'indemnisation à des personnes victimes de l'amiante, qui les ont acceptés dans 95 % des cas.

Evolution des ressources et des dépenses du Fiva

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Contributions de la branche AT-MP

438,3

180

190

100

200

315

Contributions de l'Etat

38

40

52

50

50

Total dotations

438,3

218

230

152

250

365

Dotations cumulées

438,3

656,3

886,3

1038,3

1238,3

1.603,3

Dépenses

0

14,1

176,7

462

445*

505*

Réserves

438,3

642,2

695,5

385,5

140*

0

* prévisions

Source : Direction de la sécurité sociale

A l'instar du Fcaata, le Fiva a largement puisé dans ses réserves depuis 2003 pour financer ses dépenses. Il ne devrait plus être en mesure de poursuivre sur cette voie dans les prochaines années, puisque ses réserves seront épuisées en 2006. Il conviendra donc que l'Etat et la sécurité sociale fixent désormais leurs contributions à un niveau adapté aux prévisions de dépenses pour l'année à venir.

Le financement du fonds devrait cependant devenir plus aisé dans la mesure où ses dépenses semblent aujourd'hui en voie de stabilisation. Dans son quatrième rapport d'activité, le Fiva indique que, sur la base des tendances dégagées à partir des premiers mois d'activité de l'année 2005, ses dépenses « pourraient être inférieures aux prévisions en raison, d'une part, du ralentissement de la hausse du nombre de dossiers reçus et, d'autre part, de la part croissante dans les dossiers reçus des pathologies bénignes dont le coût d'indemnisation est évidemment inférieur à celui des pathologies malignes ».

* 3 Cf. Rapport d'information n° 37, « Le drame de l'amiante en France. Comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir », 2005-2006, audition par la mission d'information commune sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante p. 258, tome II.

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