EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 8 novembre 2005, sous la présidence de M. Yann Gaillard , vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport spécial de M.  Claude Belot, rapporteur spécial , sur la mission « Médias », sur le compte spécial « Avances à l'audiovisuel public » ainsi que sur l'article 95 rattaché.

M. Claude Belot, rapporteur spécial , a tout d'abord rappelé que le budget des médias était, pour la première fois, examiné dans le cadre de la mise en oeuvre de l'ensemble des dispositions de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Il a observé qu'au sein du budget général de l'Etat, la mission « Médias » regroupait 345 millions d'euros, répartis entre deux programmes : les aides à la presse et les abonnements de l'Etat à l'Agence France-Presse (AFP), lesquels constituaient le programme « Presse », à hauteur de 280 millions d'euros, et le programme « Chaîne française d'information internationale », dont les crédits demandés pour 2006 s'élevaient à 65 millions d'euros.

Il a relevé que l'essentiel des moyens consacrés par l'Etat à la politique de communication correspondaient, ainsi, au compte d'avances aux organismes de l'audiovisuel public, lequel formait la mission « Avances à l'audiovisuel public », située en dehors du budget général de l'Etat, financée par la redevance audiovisuelle. Les ressources publiques destinées aux organismes de l'audiovisuel public atteignaient 2,66 milliards d'euros, en hausse de 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005. Les crédits des missions « Médias » et « Avances à l'audiovisuel public » représentaient au total 3 milliards d'euros de dépenses.

S'agissant du programme « Presse » de la mission « Médias », M. Claude Belot, rapporteur spécial, a observé que la satisfaction dont faisaient preuve les acteurs de la profession tranchait avec un tempérament d'ordinaire moins enclin à l'optimisme. Il a relevé que la mesure de la performance des aides à la presse était par nature difficile, estimant qu'un indicateur de performance devrait mesurer la disponibilité des quotidiens dans les points de vente.

Concernant l'AFP, il a souligné qu'il s'agissait d'une « entreprise remarquable » largement présente de par le monde mais qui, faute de capitaux suffisants et d'un statut adapté, restait en situation financière difficile. Le déficit réalisé en 2004 s'élevait à 5,8 millions d'euros, le déficit prévisionnel pour 2005 atteignait 4,2 millions d'euros et la perspective d'un retour des comptes à l'équilibre d'ici à 2007 représentait donc un pari audacieux. Dans ce contexte, il a noté que les abonnements de l'Etat à l'AFP, à hauteur de 108 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2006, étaient nécessaires à la viabilité financière de l'entreprise, fragilisée par le fait que, selon lui, ses clients ne payaient pas le service rendu par l'agence à son « juste prix ».

M. Claude Belot, rapporteur spécial , a ensuite souligné qu'il souscrivait pleinement, et de longue date, à la création d'une chaîne française d'information internationale (CFII), afin de faire connaître le point de vue français à l'étranger dans les relations internationales. S'il a relevé que CFII faisait, pour la première fois, l'objet d'une dotation en loi de finances initiale, il a observé que le budget prévisionnel, à hauteur de 65 millions d'euros, était de dix fois inférieur à celui de BBC World, et vingt fois moindre que celui de CNN International, la chaîne américaine disposant, pour sa part, d'importantes ressources publicitaires.

Suite aux annonces effectuées la veille par le ministre de la culture et de la communication, il a précisé qu'avait été confirmé le principe d'un financement à parts égales par TF1 et France Télévisions, tandis que la présidence du directoire, représentant la direction opérationnelle de la nouvelle entité, pourrait revenir à une personne étrangère aux deux sociétés actionnaires. Il a ajouté que l'audition par la commission le mercredi 9 novembre de M. Patrick de Carolis, président-directeur général de France Télévisions, devrait permettre de préciser le futur cadre opérationnel de CFII.

Il a rappelé que la commission des finances de l'Assemblée nationale avait proposé de diminuer de 10 millions d'euros le budget de CFII en 2006, afin d'obtenir un engagement du gouvernement quant à un démarrage dès le début de l'année prochaine. Il s'est prononcé, enfin, pour une diffusion de CFII sur le territoire français, dans un contexte où la diversification des moyens de diffusion de la télévision requérait une adaptation de l'audiovisuel public à ces nouvelles technologies.

M. Claude Belot, rapporteur spécial , a ensuite présenté les crédits de la mission « Avances à l'audiovisuel public » qui était financée par la redevance audiovisuelle, y compris les remboursements de l'Etat au titre des exonérations de redevance accordées pour motifs sociaux. A cet égard, il a estimé que les crédits évaluatifs inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006, à hauteur de 440 millions d'euros, apparaissaient sous-évalués d'au moins 160 millions d'euros, et qu'un remboursement intégral impliquait de porter le montant de ces crédits à 600 millions d'euros.

Il a souligné que l'augmentation de 3 % en 2006 des ressources du compte d'avances aux organismes de l'audiovisuel public s'expliquait principalement par la diminution des frais d'assiette et de recouvrement, de 65 à 24 millions d'euros, suite à la réforme de la redevance audiovisuelle ayant adossé son recouvrement à celui de la taxe d'habitation. Si quelques difficultés techniques avaient pu être rencontrées, il s'est réjoui du succès de la réforme, contrairement aux craintes qui avaient été exprimées. Il a notamment relevé que près de 1.000 agents du service de la redevance avaient été affectés à d'autres missions au sein du ministère de l'économie des finances et de l'industrie, le tout sans déplacement géographique.

S'agissant des prévisions d'encaissement de la redevance audiovisuelle au titre de l'année 2005, il a indiqué que les excédents attendus étaient compris entre 10 et 43 millions d'euros, tout en soulignant le caractère provisoire de ces estimations. Ces sommes devraient alors être réparties entre les organismes de l'audiovisuel public.

M. Claude Belot, rapporteur spécial , a ensuite précisé que les ressources propres de l'audiovisuel public, provenant de la publicité et du parrainage, étaient évaluées à 858 millions d'euros, en hausse de 3,9 % dans le projet de loi de finances pour 2006, et qu'elles bénéficiaient principalement à France Télévisions. A cet égard, il a noté le décalage surprenant entre la baisse tendancielle de l'audience de France Télévisions, dans un contexte d'émiettement du paysage audiovisuel, et l'augmentation des recettes publicitaires du groupe public. A contrario, TF1 avait maintenu son audience sur la période récente, mais rencontré des difficultés à maintenir la progression de son chiffre d'affaires publicitaire. Il a expliqué les progrès de France Télévisions par des améliorations de son organisation commerciale, alors que TF1 disposait dès le départ d'une situation privilégiée : le groupe privé recevait plus de la moitié des investissements publicitaires du secteur de la communication audiovisuelle, alors que sa part d'audience s'élevait à 32 %.

Pour l'avenir, il a mis en exergue la situation ambiguë créée par le fait générateur de la redevance audiovisuelle. Il a noté que l'avis d'imposition à la redevance audiovisuelle évoquait une taxe sur la « télévision », mais que le fait générateur de la redevance restait la détention d'un appareil récepteur de télévision, dans la limite d'une seule redevance due par foyer fiscal, puisque, seule, la résidence principale donnait lieu à l'émission d'un avis d'imposition. Il a conclu en relevant que les personnes ayant accès à la télévision sans disposer d'un téléviseur n'étaient pas imposables au titre de la redevance audiovisuelle.

Concernant la répartition du produit de la redevance entre les organismes de l'audiovisuel public, M. Claude Belot, rapporteur spécial , a précisé que France Télévisions bénéficiait d'une progression de ses dotations de 3 % dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006. Il a estimé que les objectifs et les indicateurs de performance du groupe public devaient être cohérents avec ceux du contrat d'objectifs et de moyens, même s'il était difficile de vérifier la bonne utilisation quotidienne de ses crédits par France Télévisions, le Conseil supérieur de l'audiovisuel exerçant par ailleurs une mission de contrôle des contenus.

Il a ensuite noté que la dotation d'Arte France progressait de 3,1 %, alors que la chaîne franco-allemande devait encore trouver son public outre-Rhin. S'agissant de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), il a jugé que l'augmentation proposée de 4,1 % était nécessaire au regard des impératifs de conservation de l'intégralité du patrimoine audiovisuel et radiophonique national. Concernant Radio France, la hausse envisagée en 2006 ne s'élevait qu'à 2,7 %, des marges de manoeuvre supplémentaires pouvant peut-être être envisagées dans le cadre de la répartition des excédents de collecte de la redevance audiovisuelle par rapport aux prévisions d'encaissement pour l'année 2005. Il a jugé que les travaux d'investissement à échéance 2012 de la Maison de la Radio pouvaient justifier le recours à d'autres formes de financement que l'affectation de crédits budgétaires provenant de la redevance audiovisuelle, notamment l'emprunt. Il a, enfin, salué le fait que la dotation de Radio France Internationale (RFI) provenant de la redevance audiovisuelle augmente de 4 %, contribuant ainsi à renforcer la présence internationale d'un média de référence.

S'agissant de l'architecture de la mission « Médias », et dans la continuité des remarques formulées par MM. François Marc et Michel Moreigne, rapporteurs spéciaux de la mission « Direction de l'action du gouvernement », il a estimé que les crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la Direction du développement des médias devaient figurer dans la mission « Médias », et non dans la mission « Direction de l'action du gouvernement ». Il a également estimé que les crédits d'aide au transport postal des titres de presse devaient relever également de la mission « Médias », alors qu'une partie de ces dépenses étaient inscrites dans le programme « Développement des entreprises » au sein de la mission « Développement et régulation économiques ».

Au regard de ces observations, M. Claude Belot, rapporteur spécial , a proposé l'adoption des crédits des missions « Médias » et « Avances à l'audiovisuel public », ainsi que de l'article 95 rattaché.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a tout d'abord noté que la progression de 3 % du budget de l'audiovisuel apparaissait particulièrement significative dans un contexte de maîtrise des dépenses budgétaires.

Il s'est ensuite demandé si la souscription par l'Etat d'abonnements à l'AFP ne faisait pas encourir le risque d'une qualification en aides d'Etat par la Commission européenne.

S'agissant des aides à la presse, il s'est interrogé sur le caractère anti-économique de mesures de soutien à des journaux en perte continue de lectorat. Il a souhaité connaître le montant des aides attribuées à certains d'entre eux, dont les difficultés désormais récurrentes pouvaient s'interpréter comme « la chronique d'une faillite inéluctable ».

Il a ensuite déclaré partager entièrement les remarques du rapporteur spécial sur le fait générateur de la redevance audiovisuelle, tout en se félicitant du succès de la réforme de son recouvrement, alors qu'il se souvenait des inquiétudes qui s'étaient exprimées l'an dernier sur l'évolution de son rendement. Sur ce point, il a souhaité connaître les propositions qu'effectuerait le rapporteur spécial quant à la répartition des excédents de collecte de la redevance audiovisuelle par rapport aux prévisions pour l'année 2005.

Il a enfin relevé que les travaux de reconstruction de la Maison de Radio France entraient désormais dans une phase « inéluctable », sans que la finalité des travaux et les délais ne soient apparus pleinement lors de la programmation initiale effectuée il y a plusieurs années. Il a jugé qu'il fallait inciter Radio France à rechercher d'autres modes de financement que les ressources provenant de la redevance audiovisuelle, le cas échéant en partenariat avec le secteur privé.

M. Claude Belot, rapporteur spécial , a répondu que l'ampleur des travaux de la Maison de la Radio avait donné lieu à une approche progressive, par la désignation de l'architecte dans un premier temps, la définition ensuite d'un plan de travail, puis des études d'exécution, avant le démarrage proprement dit des travaux. Il convenait qu'un point de non-retour avait ainsi été franchi, sans que cette situation n'incombe à l'actuel président de Radio France qui avait pris ses fonctions entre temps.

Il a précisé que l'aide allouée à France Soir au titre des quotidiens à faibles ressources publicitaires s'élevait à 2,2 millions d'euros, soit un montant comparable aux aides reçues par La Croix et l'Humanité, également au titre de ce dispositif, alors que les tirages des trois journaux étaient du même ordre de grandeur. Il a ajouté qu'il avait été décidé, à ce stade, la poursuite de l'activité de France Soir par décision judiciaire, alors que le titre se trouvait, selon lui, dans une situation comparable à celle de l'Humanité deux ans et demi plus tôt.

Concernant l'AFP, il a relevé que l'agence française occupait la première place dans certaines zones du monde, grâce à la qualité reconnue de ses travaux, tout en soulignant les difficultés économiques inhérentes au métier exercé par les agences de presse. Il a aussi rappelé que la structure décisionnelle de l'AFP, formée d'un conseil d'administration, était le produit de l'histoire, alors que d'autres organisations auraient pu être envisagées, y compris la création d'une société anonyme à capital public.

Il a enfin déclaré attendre les données définitives concernant le recouvrement de la redevance audiovisuelle pour se prononcer sur la répartition des excédents par rapport aux prévisions.

A la question de M. Michel Moreigne sur les modalités d'affectation de ces excédents, il a répondu que la décision serait prise dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2005, la situation d'excédent de collecte ayant longtemps été la règle pour les organismes de l'audiovisuel public, qui bénéficiaient ainsi de dotations supplémentaires « peu avant Noël ».

Mme Nicole Bricq a mis en exergue les réelles incertitudes rencontrées dans le lancement de CFII : l'annulation en fin d'année 2005 de 30 millions d'euros votés dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004, puis reportés sur l'exercice 2005, faute de démarrage de la nouvelle chaîne avant 2006 ; l'insuffisance de la dotation prévue à hauteur de 65 millions d'euros pour l'année 2006, sans garantie sur le calendrier de la nouvelle chaîne ; la possibilité de financements complémentaires, notamment publicitaires ; l'absence de projection de ressources ; la réponse cavalière du gouvernement au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

Dans ces conditions, elle s'est demandée s'il était opportun d'adopter les crédits du programme « Chaîne française d'information internationale », et s'il ne fallait pas davantage envisager un financement en loi de finances rectificative.

Enfin, elle a évoqué la possibilité d'une chaîne européenne ou franco-allemande.

M. Claude Belot, rapporteur spécial , a exprimé sa conviction quant à l'utilité d'une telle chaîne au nom de la pluralité de l'information, face aux dangers d'un monopole qui s'exprimaient, par exemple, dans la couverture de la guerre en Irak.

Il a ajouté qu'il fallait mobiliser l'ensemble des moyens internationaux dont disposait la France, notamment la présence de l'AFP et celle des équipes de RFI, afin d'assurer le succès de la future CFII. A cet égard, l'année 2006 verrait le démarrage de la nouvelle chaîne, des ajustements pouvant ensuite être opérés.

Observant les difficultés déjà rencontrées pour l'autorisation de diffuser une chaîne de télévision locale sur le territoire national, il a déploré les problèmes de TV5 rencontrés pour sa diffusion dans certains pays.

M. Yann Gaillard, président , a remercié M. Claude Belot, rapporteur spécial, pour la qualité de ses travaux.

A l'invitation de M. Claude Belot, rapporteur spécial , la commission a alors décidé, à l'unanimité, de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission « Médias », du compte spécial « Avances à l'audiovisuel public » ainsi que l'article 95 rattaché.

Réunie le jeudi 24 novembre 2005 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale et adopté sans modification l'article 96 (nouveau).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page