B. L'OBJECTIF DU PROJET DE LOI : RÉNOVER LES INSTRUMENTS D'INCITATION AU RETOUR À L'EMPLOI

1. Faire de l'intéressement un levier réellement efficace en faveur de l'insertion professionnelle des titulaires de minima sociaux

a) Un dispositif unifié, simple et lisible

Annoncée par le Premier ministre lors de sa conférence de presse mensuelle du 1 er septembre 2005, la réforme de l'intéressement prévue par le présent projet de loi vise à rendre plus simples et plus lisibles les mécanismes d'incitation financière à la reprise d'activité des bénéficiaires de minima sociaux.

A cet effet, le projet de loi prévoit la mise en place d'un mécanisme d'intéressement identique pour les trois minima sociaux dits « d'insertion » que sont le RMI, l'ASS et l'API. Les simplifications apportées concernent quatre domaines principaux :

- le système d'allocation différentielle est remplacé par un dispositif d'aide forfaitaire, afin que chaque bénéficiaire puisse calculer lui-même le gain que lui procure le retour à l'emploi : le montant de la prime d'intéressement est fixé à 150 euros pour une personne seule et à 225 euros dans toutes les autres configurations familiales. Il convient également de souligner le changement de perspective permis par cette transformation : au lieu de continuer à percevoir une allocation minorée, qui rattache encore les bénéficiaires au système de l'assistance, ils percevront désormais une prime liée à leur situation d'emploi. Il s'agit d'un élément psychologique important dans la décision de retour vers l'emploi ;

- conséquence du passage d'un système d'allocation différentielle à un système de primes forfaitaires, l'intéressement s'applique désormais quel que soit le salaire perçu lors de la reprise d'activité. Le projet de loi prévoit une simple possibilité de plafonner le salaire ouvrant droit aux primes, mais le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé son intention de renoncer à user de cette prérogative. C'est la raison pour laquelle votre commission vous proposera d'ailleurs de supprimer formellement ce plafonnement éventuel ;

- l'intéressement aura désormais une durée fixe de douze mois , cette période étant calculée de date à date à compter du jour de la reprise d'activité : elle se décompose en une première période de trois mois de cumul intégral entre salaire et allocation et une seconde période de neuf mois de versement de la prime forfaitaire ;

- le mécanisme d'intéressement est désormais applicable quel que soit le type de contrat de travail , y compris les contrats aidés hormis les contrats insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) et les contrats d'avenir qui continuent de relever d'un régime d'intéressement spécifique, en raison de leur fonctionnement très particulier.

Le projet de loi fait en outre le choix d'un soutien accru aux emplois qui permettent de sortir de la précarité, grâce à un retour durable à l'activité.

Le nouveau dispositif ne s'appliquera en effet qu'aux emplois de plus de 78 heures par mois, ce qui correspond à un mi-temps, et d'une durée au moins égale à quatre mois. La durée de 78 heures retenue par le Gouvernement correspond en effet à la quotité de travail qui permet, dans plus des trois quarts des cas, de sortir du RMI. La durée minimale de quatre mois d'activité s'explique, quant à elle, par le fait qu'en deçà de cette limite, la règle du cumul intégral s'applique.

Le choix de soutenir plus particulièrement les personnes qui reprennent une activité supérieure au mi-temps ne signifie toutefois pas l'abandon de toute aide en faveur de ceux qui ne parviennent qu'à obtenir des emplois à temps très partiel. Il s'agit en effet de faire en sorte que toute heure travaillée apporte un gain, en termes de pouvoir d'achat, pour les bénéficiaires.

Afin d'éviter qu'en deçà du mi-temps, le salaire ne vienne entièrement en diminution de l'allocation versée, le Gouvernement prévoit donc de maintenir un système de cumul partiel entre salaire et allocation , inspiré de celui-ci actuellement applicable mais qui encourage les bénéficiaires à accroître, s'ils le peuvent, leur quotité de travail : plus la durée de travaille augmentera, plus le gain apporté par le mécanisme de cumul sera important, jusqu'à arriver au seuil de déclenchement des primes forfaitaires.

b) L'appréciation des gains comparés avec l'ancien système demande la plus grande prudence

La réforme proposée conduit-elle à une augmentation du pouvoir d'achat des bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi par rapport au dispositif actuel ?

Cette question appelle une réponse nuancée car la comparaison doit être établie de manière pertinente : dans la mesure où le régime de cumul intégral est maintenu pendant les trois premiers mois, la comparaison utile doit se faire sur la période suivante et rapprocher le régime d'abattement actuel et le futur dispositif des primes forfaitaires. En outre, la comparaison n'est valable que pour un horaire de travail supérieur ou égal au mi-temps, puisqu'en deçà le régime d'intéressement est inchangé.

Sur ces bases, la réforme proposée peut se traduire, dans certaines configurations familiales, par un gain plus faible que dans le système actuel d'intéressement.

S'agissant du RMI , la réforme est avantageuse dans tous les cas pour les personnes isolées qui représentent, de loin, la catégorie de bénéficiaires la plus nombreuse 1 ( * ) . Dans le cas d'un couple, une reprise d'activité à mi-temps pour l'un des deux conjoints apporte un gain plus faible qu'actuellement, de l'ordre de 35 euros, pour une plage de salaire comprise entre 0,5 et 0,6 Smic. La différence de gain est beaucoup plus sensible pour les ménages avec deux enfants : les gains attendus sont plus faibles qu'aujourd'hui pour un salaire compris entre 0,5 et 1 Smic, la différence pouvant atteindre jusqu'à 145 euros pour un emploi à trois-quarts temps. Cette situation tient au fait que, contrairement à l'ancien dispositif, l'intéressement est seulement conjugalisé et non familialisé.

Simulation pour une personne isolée au RMI

Simulation pour un couple au RMI

Simulation pour un couple avec deux enfants au RMI

Dans le cas de l'API , les gains à attendre du nouveau dispositif sont systématiquement plus faibles que dans le dispositif actuel : pour une personne seule, le gain est plus faible de l'ordre de 50 euros en moyenne, pour une plage de salaire située entre 0,5 et 0,6 Smic. La plage de salaire pour lequel le gain est plus faible qu'aujourd'hui s'étend avec le nombre d'enfants à charge : ainsi, avec un enfant à charge, le gain est plus faible pour tous les salaires compris entre 0,5 et 0,9 Smic ; avec deux enfants, il faut atteindre 1,2 Smic pour que le gain soit supérieur. Dans ce dernier cas, la différence de gain peut s'élever jusqu'à 240 euros.

Simulation pour une personne seule à l'API

Simulation pour une personne à l'API avec un enfant

Simulation pour une personne à l'API avec deux enfants

Pour l'ASS , le mode de calcul extrêmement complexe de l'allocation rend très difficile les simulations de gain entre le nouveau et l'ancien dispositif d'intéressement. D'après les informations transmises à votre commission, les gains comparés pourraient s'établir de la façon suivante :

ASS isolé

Gain mensuel moyen par rapport à l'inactivité

Gain mensuel moyen par rapport au système actuel

Mi-temps (environ 17 heures)

347

0

19 heures

396

9

¾ temps (environ 26 heures)

588

103

Plein temps (35 heures)

834

197

ASS couple ou avec enfant

Gain mensuel moyen par rapport à l'inactivité

Gain mensuel moyen par rapport au système actuel

Mi-temps (environ 17 heures)

347

0

19 heures

453

65

¾ temps (environ 26 heures)

644

159

Plein temps (35 heures)

890

254

Ces comparaisons appellent toutefois les corrections suivantes :

- elles ne tiennent pas compte de la nouvelle prime de retour à l'emploi qui compense bien souvent le manque à gagner : si l'on tient compte de cette prime, le gain devient dans tous les cas supérieur au dispositif actuel pour un couple au RMI et pour un bénéficiaire de l'API isolé. L'écart est infime pour le cas d'une personne à l'API avec un enfant à charge ;

- elles n'intègrent pas la réforme concomitante de la prime pour l'emploi qui apporte un revenu moyen supplémentaire d'environ 66 euros par mois.

Par ailleurs, la réforme proposée ne peut être appréciée à la seule aune du gain financier apporté aux bénéficiaires : bien que financièrement avantageux, le dispositif actuel, complexe et illisible, a fait la preuve de son inefficacité. L'inconvénient que représente un moindre gain financier paraît largement compensé par le fait que le dispositif sera désormais plus simple, plus facile à comprendre par les bénéficiaires, et par conséquent davantage susceptible d'être le facteur déclencheur d'une reprise d'activité.

Il convient enfin de rappeler que la réforme ne fait pas de perdants à proprement parler, dans la mesure où elle ne s'applique que pour l'avenir. Le projet de loi précise d'ailleurs expressément que les personnes en intéressement au moment de la publication de la loi continueront à en bénéficier dans les conditions anciennes, de façon à ne pas perturber le calcul économique qui a présidé à leur reprise d'activité. En ce qui concerne les futurs bénéficiaires de l'intéressement, on ne peut donc pas parler de perte mais seulement de réduction des espérances de gain.

* 1 56,8 % des bénéficiaires du RMI sont des personnes isolées.

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