N° 2931

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

N° 242

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 7 mars 2006.

Annexe au procès-verbal de la séance
du 7 mars 2006

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI pour l' égalité des chances ,

PAR M. LAURENT HÉNART, PAR M. ALAIN GOURNAC,

Député. Sénateur.

( 1) Cette commission est composée de : M. Jean-Michel Dubernard, président, député, M. Nicolas About, vice-président, sénateur, M. Laurent Hénart, député, M. Alain Gournac, sénateur, rapporteurs.

Membres titulaires : MM. Jean-Michel Dubernard, Laurent Hénart, Alain Joyandet,Mme Valérie Pecresse, MM. Dominique Tian, Yves Durand, Gaëtan Gorce, députés, MM. Nicolas About, Alain Gournac, Pierre André, Philippe Dallier, Jean-René Lecerf, Jean-Pierre Godefroy, Roland Muzeau, sénateurs,

Membres suppléants : MM. Michel Heinrich, Denis Jacquat, Bernard Perrut, Mme Irène Tharin, MM. Francis Vercamer, Christian Paul, députés, MM. Michel Esneu, Guy Fischer, Mmes Françoise Henneron, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, MM. Philippe Richert, Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateurs.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1 re lecture : 2787, 2825 et TA 534.

2 e lecture : 2924

Sénat : 1 re lecture: 203, 210, 211, 212, 213, 214 et TA 70 (2005-2006).

TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'égalité des chances s'est réunie le mardi 7 mars 2006 à l'Assemblée nationale.

La commission a d'abord procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué :

- M. Jean-Michel Dubernard, député, président ;

- M. Nicolas About, sénateur, vice-président.

La commission a ensuite désigné :

- M. Laurent Hénart, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;

- M. Alain Gournac, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

*

* *

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du texte.

M. Alain Gournac, rapporteur pour le Sénat , a rappelé qu'après neuf jours et neuf nuits de débats en séance publique, le Sénat a adopté le projet de loi relatif à l'égalité des chances. Il a procédé à un examen approfondi des dispositions du texte, d'abord en commission, puis en séance publique. La commission des affaires sociales, comme les quatre commissions saisies pour avis, ont procédé à un grand nombre d'auditions ayant permis de recueillir des expertises et des opinions de sensibilités très différentes, qu'il s'agisse d'organisations syndicales et patronales, d'organisations étudiantes ou d'experts. En séance, 101 sénateurs se sont exprimés pendant près de 90 heures. Sur plus de 900 amendements défendus, 132 ont été adoptés. Le texte comportait initialement 28 articles ; il en contient aujourd'hui 56.

Par rapport au texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, le Sénat a adopté conformes 11 articles, en a supprimé 4 et modifié 23. Il a en outre adopté 18 articles additionnels. Le Sénat a adopté sans changement l'article 3 bis relatif au contrat première embauche (CPE).

En matière d'apprentissage, le Sénat a adopté plusieurs amendements tendant notamment à renforcer le tutorat des apprentis. S'agissant des stages, il a précisé que leur durée totale ne peut dépasser six mois, sauf dans le cas de stages intégrés à un cursus pédagogique. En ce qui concerne les zones franches urbaines (ZFU), le Sénat a recentré le dispositif d'exonération sur les entreprises de moins de 50 salariés à la date d'implantation et il a harmonisé les régimes applicables aux différentes générations de ZFU. Par ailleurs, pour éviter les distorsions de concurrence, il a rejeté les dispositions dérogatoires en matière d'exonération de taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, ainsi que les procédures dérogatoires d'autorisation d'implantation pour les surfaces commerciales et pour les multiplexes cinématographiques. Les sénateurs ont surtout voulu rétablir le rôle du maire et de la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) dans ces décisions d'implantation, tout en raccourcissant les délais. Concernant l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, le Sénat a précisé ses missions. Il a inscrit le financement des contrats de ville par la nouvelle agence et prévu la présence de parlementaires et de représentants du monde associatif au sein du conseil d'administration.

S'agissant de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), le Sénat a substitué au dispositif envisagé par le projet de
loi - et déjà considérablement amélioré par l'Assemblée nationale - une procédure de transaction pénale. Ce pouvoir permettra à la HALDE de proposer à l'auteur d'une discrimination une transaction consistant à verser une amende, à indemniser la victime, à afficher ou à diffuser une indemnité, à publier la décision au sein de l'entreprise. Cette transaction sera soumise à l'homologation du procureur de la République. Cette procédure devrait permettre à la Haute autorité de sanctionner efficacement et rapidement les discriminations, sans porter atteinte à la séparation des pouvoirs. En matière de lutte contre les discriminations, le Sénat a adopté trois mesures. Il a intégré la lutte contre les discriminations dans les contrôles effectués sur les centres de formation des apprentis. Il a adopté le principe du curriculum vitae anonyme, garant de la non-discrimination à l'embauche. Il a enfin obtenu qu'un rapport soit remis au Parlement sur les moyens de promouvoir la diversité dans l'entreprise.

Sur le contrat de responsabilité parentale, le Sénat a donné la possibilité au président du conseil général de proposer toute mesure d'aide sociale à l'enfance en fonction de la situation. Il a également requis une évaluation du dispositif au plus tard à la fin de l'année 2007 et fixé le principe de la compensation pour les départements. Enfin, les modalités concrètes de la suspension des prestations familiales ont été précisées.

Sur les derniers articles du projet de loi relatifs à la lutte contre les incivilités et au service civil volontaire, le Sénat a adopté des amendements de clarification et de précision.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour l'Assemblée nationale , a jugé que les modifications apportées par le Sénat confirment et précisent le travail effectué par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Malgré le recours à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, le gouvernement a retenu 48 des 50 amendements majeurs adoptés par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.

On constate une convergence des priorités entre les deux assemblées sur les points essentiels du texte : le renforcement du tutorat, le cadre légal des stages, la sécurisation du dispositif des zones franches urbaines, les caractéristiques de la nouvelle agence créée dans le cadre de la politique de la ville et le contrat de responsabilité parentale rendu plus compatible avec la libre administration des collectivités locales par la rédaction retenue par le Sénat.

Le Sénat a beaucoup travaillé sur le sujet des discriminations à l'embauche et au travail. Un des points essentiels est la mise en conformité du texte avec la Constitution et les engagements internationaux de la France. S'agissant de la HALDE, le Sénat a procédé au réaménagement de la procédure en introduisant une transaction pénale, ce qui renforce l'efficacité de la procédure et la sécurise.

La commission a également beaucoup travaillé sur le sujet des discriminations à l'embauche et à l'emploi, notamment à l'initiative de M. Francis Vercamer, député. Sans doute en raison du manque de temps, aucune solution satisfaisante n'a été trouvée par l'Assemblée sur le sujet du curriculum vitae (CV) anonyme, alors même que les partenaires sociaux travaillent actuellement sur ce sujet complexe.

Pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, la quasi-totalité des modifications apportées par le Sénat ne posent aucun problème. C'est dans un esprit de coopération que ses membres s'apprêtent à travailler sur le sujet complexe de la lutte contre les discriminations.

M. Roland Muzeau, sénateur , a estimé que le Sénat aurait pu discuter plus longtemps si les manoeuvres de la majorité ne l'en avaient empêché. En tout cas, on ne peut que se féliciter que l'article 49, alinéa 3 de la Constitution ne puisse pas être appliqué au Sénat. Il convient de rappeler l'opposition résolue des deux groupes communistes de chaque assemblée à la fixation à 14 ans de l'âge d'entrée en apprentissage et à la création du contrat première embauche. Aujourd'hui, des centaines de milliers de manifestants ont défilé contre ce qui constitue une véritable discrimination à l'encontre des jeunes. En outre, ce dispositif n'est pas compatible avec les engagements internationaux de la France, qui prescrivent que le motif de la rupture du contrat de travail soit notifié au salarié.

M. Yves Durand, député , a d'abord voulu rendre hommage à l'optimisme du rapporteur pour l'Assemblée nationale : s'il fait référence aux 48 amendements de la commission, il semble oublier que l'Assemblée nationale n'a pu discuter que de trois articles. Les propos du rapporteur prennent un tour ubuesque dans un contexte où la discussion a été tronquée et où le gouvernement a demandé l'urgence sur le texte. L'après-midi du 9 février, alors que l'Assemblée nationale était en pleine discussion, le Premier ministre a eu recours à la procédure prévue à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution et a clos ainsi le débat d'une manière très regrettable. Le Premier ministre a montré qu'il ne respecte ni le Parlement ni les débats qui s'y tiennent.

Même si quelques articles du projet peuvent faire consensus, notamment celui relatif à la HALDE, le groupe socialiste tient à souligner son opposition de principe aux dispositions du texte. C'est notamment le cas de l'entrée en apprentissage à 14 ans : les heures de débat sur cet article ont montré que cette mesure va à l'encontre du principe de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans. De même, la disposition relative au contrat première embauche, introduite par amendement gouvernemental, remet en cause un principe fondamental du droit du travail et a aujourd'hui suscité de nombreuses manifestations. Sur ces deux points, le débat parlementaire a été tronqué.

M. Francis Vercamer, député , a rappelé que le groupe UDF avait tout d'abord abordé avec enthousiasme la réforme annoncée, qui semblait augurer de grands changements dans la société française, dans l'espoir qu'elle permette de résoudre les difficultés de certains jeunes, mais aussi celles des seniors et des personnes handicapées. Le texte du projet de loi, une fois déposé, a suscité davantage de perplexité, dans la mesure où il ne comportait en définitive que peu de mesures permettant de répondre efficacement aux problèmes de discriminations, hormis les dispositions concernant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE). Enfin, l'accélération du calendrier parlementaire, l'introduction du contrat de première embauche (CPE) ainsi que le recours à l'article 49-3 de la Constitution n'ont pas permis d'examiner sereinement ce texte et de l'améliorer substantiellement en matière de lutte contre les discriminations.

On ne peut néanmoins que se féliciter de l'adoption par le Sénat d'un amendement concernant l'anonymisation des curriculum vitae (CV), qui est proche de celui adopté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale au cours de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, dont le gouvernement avait souhaité le retrait jugeant préférable de s'en remettre au dialogue social et à la concertation engagée sur cette question. Il s'agit là en effet d'un élément important de lutte contre les discriminations à l'encontre non seulement des personnes d'origine étrangère, mais aussi des personnes âgées de plus de 50 ans ou encore des jeunes, car la discrimination à l'embauche existe malheureusement partout. Si certains hommes politiques et chefs d'entreprise s'opposent aujourd'hui à cette mesure, il faut rappeler que les CV anonymes existent pourtant déjà dans plusieurs pays anglo-saxons dits libéraux. Si la rédaction actuelle de l'amendement adopté par le Sénat n'est peut-être pas tout à fait satisfaisante, on ne saurait pour autant supprimer ces dispositions du présent texte, car elles constituent un vecteur efficace d'égalité des chances.

M. Nicolas About, sénateur, vice-président, a jugé très important que le Parlement pose clairement le principe du CV anonyme et n'abdique pas ses prérogatives au profit de ceux qui n'ont pas nécessairement la légitimité pour le faire. D'ailleurs, les modalités d'application de cette mesure pourront être précisées par voie réglementaire, après large consultation des partenaires sociaux. Pour pouvoir être réellement entreprise, la lutte contre les discriminations devrait reposer sur un triptyque constitué par l'analyse de la diversité de la société française, la mise en place du CV anonyme et la mesure de la diversité au sein du personnel des entreprises. Seul le CV anonyme figure actuellement dans le texte du projet de loi, ce qui constitue un premier pas dans une démarche qu'il conviendra d'amplifier pour ne pas laisser perdurer des situations de discrimination inacceptables dans notre pays.

Le président Jean-Michel Dubernard, député , a remercié le vice-président d'avoir insisté sur ce point important.

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La commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des articles restant en discussion.

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