EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat examine, en deuxième lecture, la proposition de loi n° 137 (2005-2006) relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, le 15 décembre 2005.

Sur les cinq articles que contenait ce texte à l'issue de son adoption par le Sénat, trois seulement restent en discussion :

- l' article premier , instituant notamment un droit de préemption des locataires ou occupants de bonne foi en cas de vente « en bloc » de l'immeuble dans lequel se situe leur logement ;

- l' article 1er bis , prévoyant un dispositif d'incitation fiscale en vue du maintien sous statut locatif de logements acquis par des tiers à la suite d'une vente par lots ou d'un congé pour vente ;

- l' article 3 , prévoyant notamment un dispositif destiné à sanctionner la violation par le propriétaire de certains de ses engagements.

En effet, l'article 2, relatif aux conditions d'opposition à l'extension d'un accord collectif par décret a été adopté conforme par l'Assemblée nationale, tandis que la suppression de l'article 2 ter , assurant la reconduction des baux pour la période pendant laquelle le propriétaire s'est engagé à maintenir le statut locatif de son bien, a été votée conforme par les députés.

Par ailleurs, le Sénat avait adopté conforme l'article 2 bis de la proposition de loi, imposant une reconduction du bail au profit du locataire qui s'est vu délivrer un congé pour vente.

*

Au cours de la navette, le texte de la présente proposition de loi a été enrichi et consolidé tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, avec un même objectif : protéger, dans le cadre de ventes à la découpe, les occupants les plus fragiles tout en évitant d'accroître la pénurie de logements actuellement proposés à la location.

Les principales modifications adoptées par le Sénat, le 13 octobre 2005, pour l'essentiel à l'initiative de votre commission des Lois et qui prenaient en compte certaines demandes figurant dans les propositions de loi déposées respectivement par nos collègues M. Roger Madec et les membres du groupe socialiste 1 ( * ) , ainsi que Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen 2 ( * ) , ont ainsi été maintenues.

Il en est ainsi de :

- la création d'un dispositif de préemption autonome au profit du locataire d'un logement faisant l'objet d'une vente dans le cadre d'une vente « en bloc » d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel, lorsque l'acquéreur de l'immeuble ne prend pas l'engagement de proroger les baux à usage d'habitation en cours pour une durée de six ans à compter de la délivrance de l'immeuble ;

- l'extension de ce droit de préemption à l'hypothèse où l'immeuble est détenu par une société civile immobilière ;

- la communication préalable, à peine de nullité de la vente, des résultats d'un diagnostic technique portant constat de l'état apparent de la solidité du clos et du couvert et de celui de l'état des conduites et canalisations collectives ainsi que des équipements communs et de sécurité, ce diagnostic étant établi par un contrôleur technique ou un architecte ;

- la communication préalable au maire de la commune sur le territoire de laquelle est situé l'immeuble du prix et des conditions de la vente de l'immeuble dans sa totalité et en une seule fois, cette communication n'ayant cependant pas à intervenir si une déclaration d'intention d'aliéner en vue de l'exercice éventuel du droit de préemption urbain doit être déposée ;

- la confirmation expresse de la possibilité, pour la commune, d' utiliser le droit de préemption urbain afin d'assurer le maintien dans les lieux des locataires ;

- la faculté pour la commune et le département de réduire le taux de la taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière lorsque, dans le cadre d'une vente à la découpe, l'acquéreur d'un logement occupé s'engage à le maintenir en location pendant au moins six mois ;

- la modification de la majorité d'opposition à l'extension par décret d'un accord collectif intervenu au sein de la commission nationale de concertation ;

- la nullité du congé pour vente intervenu en méconnaissance des dispositions d'un accord collectif rendu obligatoire par décret ;

- la nullité de plein droit du congé pour vente délivré en violation de l'engagement de prorogation des contrats de bail en cours souscrit lors de la vente en bloc.

Le caractère circonscrit de la présente proposition de loi -limité à la seule hypothèse de la vente de logements occupés dans un processus de « vente à la découpe » intervenant notamment à la suite d'une première cession « en bloc » de l'immeuble- a, par ailleurs, été conservé. L'examen d'autres dispositifs relatifs au logement demeure ainsi dans le cadre de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement, adopté en première lecture par le Sénat et l'Assemblée nationale 3 ( * ) et qui devrait être examiné dès le 30 mars 2006 par notre assemblée.

I. LES MODIFICATIONS LIMITÉES APPORTÉES EN DEUXIÈME LECTURE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a souhaité introduire certaines modifications au texte adopté par le Sénat, « afin que le dispositif proposé puisse rapidement devenir effectif et efficace . » 4 ( * ) Outre diverses modifications rédactionnelles, l'Assemblée nationale a apporté deux modifications de fond au texte adopté en première lecture par le Sénat.

A. L'ABAISSEMENT DU SEUIL DE DÉCLENCHEMENT DU DROIT DE PRÉEMPTION INSTITUÉ PAR L'ARTICLE 1ER DE LA PROPOSITION DE LOI

L'objet de l'article premier de la proposition de loi est d'instaurer un droit de préemption au stade de la vente en bloc d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel afin de permettre aux locataires ou occupants de bonne foi d'acquérir leur logement avant même la division de l'immeuble par son nouveau propriétaire . Il s'agit donc de supprimer, en pratique, l'intervention d'intermédiaires qui, motivés par la seule spéculation, s'assurent des gains importants entre le prix d'acquisition en bloc de l'immeuble et sa cession.

Le texte initial des conclusions de la commission des Lois de l'Assemblée nationale prévoyait que ce droit de préemption était applicable à tout immeuble à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel, quel que soit le nombre de logements que comporte cet immeuble. Cette solution présentait l'inconvénient de soumettre au droit de préemption nouvellement institué les très petits immeubles de rapport détenus par des personnes physiques, alors même que l'objectif du texte est de mettre fin aux pratiques spéculatives des investisseurs institutionnels dont les immeubles sont constitués, en général, de plusieurs dizaines de logements.

Aussi, en première lecture , à la suite d'un amendement de Mme Martine Aurillac à l'égard duquel le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée nationale, un seuil relatif au nombre de logements de l'immeuble mis en vente a été fixé à plus de cinq logements .

Lors de l'examen en première lecture de ce texte par le Sénat, votre commission des Lois a souhaité porter ce seuil à plus de dix logements , estimant, suivie en ce sens par le Sénat, que ce dernier seuil apparaissait plus cohérent avec les dispositions législatives et conventionnelles actuelles, tout en permettant d'exclure de facto la quasi-totalité des bailleurs personnes physiques du dispositif.

En deuxième lecture , à la suite d'un amendement présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec auquel la commission des Lois a donné un avis favorable tandis que le Gouvernement s'en est remis à sa sagesse, l'Assemblée nationale a abaissé le seuil de déclenchement du droit de préemption aux immeubles de plus de cinq logements .

En revanche, elle a fixé un seuil de plus de dix logements pour le déclenchement du droit de préemption sur les parts sociales de la société civile immobilière propriétaire de l'immeuble .

* 1 Proposition de loi n°353 (2004-2005) renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe.

* 2 Proposition de loi n° 238 (2004-2005) tendant à lutter contre la vente à la découpe et la spéculation immobilière et à garantir la mixité sociale.

* 3 Texte adopté n° 188 (2005-2006), transmis au Sénat le 31 janvier 2006.

* 4 Rapport n° 2749 (A.N., XIIème lég.) de M. Christian Decocq au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, p. 9.

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