TITRE IER DISPOSITIONS RELATIVES AUX SUCCESSIONS
Article 1er (art. 768 à 814-1 du code civil)
Option de l'héritier, successions vacantes ou en déshérence et administration de la succession par un mandataire

L'article 1 er du présent projet de loi modifie le titre Ier consacré aux successions du livre III « Des différentes manières dont on acquiert la propriété » du code civil afin de :

- revoir les conditions dans lesquelles l'héritier exerce son option successorale, en prévoyant notamment la possibilité de le sommer de prendre une décision afin de réduire la période d'incertitude ;

- substituer à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire une nouvelle acceptation à concurrence de l'actif net plus simple et donc attractive pour l'héritier et plus protectrice des intérêts des créanciers (nouveau chapitre IV) ;

- moderniser les procédures relatives aux successions vacantes et aux successions en déshérence (nouveau chapitre V) ;

- faciliter l'administration des successions complexes (notamment celles comprenant des entreprises) ou sujettes à conflit entre les héritiers, en permettant la désignation d'un mandataire par le futur défunt à titre posthume et en revoyant les compétences des mandataires successoraux désignés judiciairement (nouveau chapitre VI).

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel modifiant l'architecture du titre Ier du livre III du code civil, et renumérotant le chapitre consacré à l'option de l'héritier pour prévoir qu'il s'agit du chapitre VII et non du chapitre IV. Votre commission des lois vous propose de corriger par amendement une erreur de numérotation et de viser le chapitre VIII.

CHAPITRE IV DE L'OPTION DE L'HÉRITER
SECTION 1 - Dispositions générales (art. 768 à 782 du code civil)

Les articles 768 à 782 de la section 1 du chapitre IV relatifs à l'option de l'héritier remplacent les articles 774, 775, 777, 781, 782, 783, 785, 788, 789, 791, 792, 795, 797, 798, 800 et 801 actuellement en vigueur.

Si ces dispositions reconduisent largement le droit en vigueur, en en modernisant la rédaction, certaines innovations fondamentales sont apportées afin d'accélérer et de sécuriser les procédures :

- le régime de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire est profondément remanié et renommé acceptation à concurrence de l'actif net (art. 769) ;

- les créanciers et cohéritiers disposent d'une action interrogatoire pour sommer l'héritier d'opter à compter d'un délai de quatre mois (art. 771) ;

- l'héritier sommé de prendre position et gardant le silence est réputé acceptant pur et simple (art. 772) ;

- la dissimulation par l'héritier de l'existence d'un cohéritier est sanctionnée d'une partie des peines du recel successoral classique de droits ou de biens (art. 778).

En outre, le projet de loi codifie un certain nombre de règles jurisprudentielles, pour une meilleure lisibilité du droit.

Art. 768 du code civil : Option

? L'article 768 du code civil, dans la rédaction proposée par le projet de loi, énonce les trois options ouvertes à l'héritier, actuellement prévues aux articles 774 et 775 :

- accepter la succession purement et simplement , avec la totalité de son actif net et de son passif ;

- y renoncer entièrement ;

- accepter la succession à concurrence de l'actif net 13 ( * ) , cette procédure remplaçant celle d'acceptation sous bénéfice d'inventaire.

Par rapport à l'actuel article 774, le projet de loi précise que l'acceptation à concurrence de l'actif net est réservée aux héritiers universels ou à titre universel. L'héritier universel est celui qui a vocation à recevoir l'ensemble du patrimoine, tandis que l'héritier à titre universel reçoit une quote-part de l'universalité des biens. Le projet de loi exclut donc les successibles à titre particulier, qui reçoivent un ou plusieurs biens ou droits déterminés. En effet, l'article 1024 non modifié par le projet de loi indique que le légataire à titre particulier n'est pas tenu des dettes successorales, à l'exclusion de la réduction du legs portant atteinte à la réserve et de l'action hypothécaire des créanciers 14 ( * ) . Il s'agit donc d'une simple coordination.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement précisant qu'il s'agit d'une acceptation à concurrence de l'actif net, et non de l'actif net brut.

? L'article 768 modifié précise en outre que l'option conditionnelle ou à terme est nulle .

Il consacre ainsi la jurisprudence 15 ( * ) reposant sur l'article 1172, selon lequel toute condition d'une chose impossible est nulle. Une option héréditaire conditionnelle serait en effet une source d'insécurité juridique.

Le projet de loi va cependant plus loin. Alors que la jurisprudence annule l'option assortie d'une condition, mais requalifie l'option assortie d'un terme en acceptation pure et simple, le projet de loi prévoit la nullité complète de l'option, et non de la condition ou du terme, en considérant que ces deux caractéristiques constituent un élément essentiel de l'engagement de l'héritier. Reconnaître la validité de l'option aurait des conséquences trop graves pour l'héritier.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel tendant à préciser que la nullité de l'option tient à l'existence même de la condition qui peut s'y attacher et non à l'exercice effectif de l'option.

Art. 769 du code civil : Indivisibilité de l'option

Si cet article prévoit que l'option est indivisible , il ajoute cependant que celui qui cumule plusieurs vocations successorales à la même succession a pour chacune d'elles un droit d'option distinct .

Il s'agit d'une consécration de la jurisprudence 16 ( * ) .

Une personne cumulant la qualité d'héritier réservataire et de légataire peut ainsi refuser le legs sans renoncer pour autant à sa part réservataire, ou au contraire renoncer à la succession en acceptant le legs, afin d'éviter d'avoir à le rapporter s'il est important. En effet, l'article 845 prévoit que l'héritier qui renonce à la succession peut cependant retenir le don entre vifs ou réclamer son legs jusqu'à concurrence de la portion disponible. La renonciation transforme donc une libéralité rapportable en libéralité hors part. Cette règle est à l'origine de la plupart des renonciations à une succession solvable : l'héritier donataire peut avoir intérêt à conserver pour lui seul ce qui lui a été donné et à abandonner aux autres les biens laissés par le de cujus , plutôt que de partager l'ensemble avec eux 17 ( * ) .

De même, une personne peut recevoir un legs particulier et un legs universel ou à titre universel. Elle pourra décider d'accepter un legs à titre particulier mais pas le legs universel.

Cette disposition trouvera également à s'appliquer dans l'hypothèse où le bénéficiaire de la nouvelle procédure de renonciation anticipée à exercer l'action en réduction contre une atteinte à la réserve 18 ( * ) refuse l'octroi d'une part supplémentaire.

Art. 770 du code civil : Prohibition de l'option sur succession future

Le projet de loi précise que l'option ne peut être exercée avant l'ouverture de la succession, même par contrat de mariage .

Il s'agirait en effet d'une forme de pacte sur succession future -lequel reste interdit par l'article 1130 du code civil 19 ( * ) , et plus spécifiquement par l'actuel article 791- qui interdit, même par contrat de mariage, de renoncer à une succession ou d'aliéner des droits éventuels sur celle-ci.

Cette interdiction ne vise plus uniquement la renonciation, mais également l'acceptation pure et simple, ou à concurrence de l'actif net.

Elle complète donc les dispositions de l'article 722, non modifié par le projet de loi, qui prévoit que les conventions portant renonciation ou acceptation d'une succession non encore ouverte ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi.

Art. 771 du code civil : Action interrogatoire

Le projet de loi procède à une modification substantielle en élargissant les conditions dans lesquelles un héritier peut être sommé d'opter.

En effet, l'absence de décision de sa part paralyse le règlement de la succession et met en péril les intérêts des créanciers.

? L'article 771, dans la rédaction proposée par le projet de loi, prévoit que l'héritier ne peut être contraint d'opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession.

Actuellement, l'article 795 prévoit un délai de trois mois et quarante jours pour faire inventaire et délibérer. Le délai sera donc globalement plus court de quelques jours, mais a l'avantage d'être simple et unique.

Une sommation faite avant l'expiration du délai sera sans effet et devra être réitérée à l'expiration du délai de quatre mois. Une autre solution -par exemple que la sommation ne commence à produire ses effets qu'à compter de l'expiration du délai de quatre mois- aurait conduit à systématiser l'envoi de sommations dans les premiers jours de l'ouverture de la succession sans que l'héritier sache forcément très clairement à quel moment elles étaient susceptibles de produire des effets.

A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a précisé que cette sommation devrait se faire par acte extrajudiciaire. Le garde des sceaux, tout en approuvant cette disposition, a précisé qu'un acte extra-judiciaire n'était pas nécessairement une signification par acte d'huissier, mais pouvait être une notification, faite par des moyens lui conférant une date certaine, comme une lettre recommandée avec accusé de réception

? Le projet de loi étend surtout la liste des personnes pouvant à l'expiration du délai de quatre mois sommer l'héritier de prendre parti.

Actuellement, seuls les créanciers successoraux peuvent contraindre un héritier à accepter ou à renoncer. L'héritier n'est alors engagé que vis-à-vis d'eux . Les cohéritiers ou les héritiers subséquents ne peuvent le contraindre et sont tenus par le délai de prescription de trente ans (art. 789), ce qui est évidemment très dommageable.

Le projet de loi conserve aux créanciers successoraux cette possibilité et instaure une action interrogatoire au profit :

- d'un cohéritier ;

- d'un héritier de rang subséquent , c'est-à-dire un héritier d'un degré plus éloigné qui, primé par l'héritier de rang plus favorable, ne vient à la succession qu'en cas de renonciation ;

- ou de l'État , qui n'est pas un héritier, mais peut bénéficier de la succession devenue vacante.

La situation des héritiers de rang subséquent est en effet actuellement très précaire, puisqu'ils subissent la prescription trentenaire au même titre que les héritiers de premier rang. Si l'héritier de premier rang garde le silence pendant trente ans, ils se trouvent forclos et sont réputés étrangers à la succession, alors qu'ils ne peuvent le contraindre à prendre position, et ne peuvent opter par avance, ceci constituant une forme d'option conditionnelle prohibée par l'article 768. La jurisprudence leur permet uniquement de faire une acceptation éventuelle et de garantir l'exercice de leurs droits grâce à la saisine* virtuelle, afin de lutter contre toute dépréciation des biens successoraux. En cas d'inaction des héritiers de premier rang, ils peuvent ainsi assurer la conservation des biens héréditaires.

Le projet de loi améliore donc leur protection en permettant de sortir de ces situations d'attente, sources d'insécurité.

En revanche, l'action interrogatoire demeure fermée aux créanciers personnels de l'héritier considéré. En effet, elle vise à accélérer et clarifier le règlement de la succession et non à protéger les créanciers personnels de l'héritier, lesquels peuvent déjà, face au silence de l'héritier, accepter la succession en ses lieu et place par la voie de l'action oblique ou exercer en cas de renonciation faite en fraude de leurs droits l'action paulienne (art. 788).

Art. 772 du code civil : Situation de l'héritier sommé taisant

? L'article 772 modifié accorde un délai d'un mois à l'héritier sommé pour prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes. Le délai est alors suspendu à compter de la demande de prorogation.

Le juge visé devait être le président du tribunal de grande instance ou son représentant, ceci devant être précisé par décret.

Le projet de loi ne précise par l'étendue du délai supplémentaire pouvant être accordé, laissée à l'appréciation discrétionnaire du juge, en fonction des difficultés rencontrées pour finir l'inventaire, ou de l'existence de motifs « sérieux et légitimes », comme par exemple des contestations sur la consistance de la succession ou un éloignement de l'héritier.

Considérant que ce délai d'un mois était trop court, notamment en période estivale, l'Assemblée nationale l'a porté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement à deux mois . Votre commission des lois souscrit à cette augmentation. En effet, un mois n'est pas suffisant pour obtenir par exemple le montant de la créance d'aide sociale auprès du conseil général, très fréquente en pratique, et qui peut conditionner le caractère bénéficiaire ou non de la succession. Elle vous propose par amendement de porter ce délai à quatre mois .

Le projet de loi prévoit que ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation. L'Assemblée nationale a souhaité à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement préciser que ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi.

? Le second alinéa proposé pour cet article prévoit enfin qu' à défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai d'un mois (deux mois dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale) ou du délai supplémentaire accordé, l'héritier est réputé acceptant pur et simple .

Il s'agit d'une innovation substantielle.

Actuellement , la jurisprudence 20 ( * ) prévoit que l'héritier n'est réputé acceptant pur et simple qu'à l'égard du créancier successoral l'ayant sommé de prendre parti .

Le projet de loi l'étend à l'égard de tous. Cette position parait logique au regard du principe de l'indivisibilité de l'option.

La proposition de loi présentée par MM. Jean-Jacques Hyest et Nicolas About 21 ( * ) préconisait pour sa part que l'héritier soit déclaré renonçant par le tribunal, le dispositif du jugement déclarant l'héritier renonçant étant transcrit sur le registre des déclarations de renonciation.

Votre rapporteur n'a pas souhaité reprendre cette proposition, qui semble difficilement compatible avec les nouvelles orientations du projet de loi :

- le recours au tribunal suppose un alourdissement supplémentaire de la procédure, contraire à l'objectif de simplification recherché ;

- la représentation des héritiers renonçants, désormais autorisée (art. 754 du code civil modifié par le 13° de l'article 22 du projet de loi), impliquerait de rechercher les héritiers subséquents et de les sommer pour connaître leur option ;

- en outre, si la solution du projet de loi parait sévère pour l'héritier du fait des conséquences potentiellement graves de l'acceptation pure et simple (responsabilité de l'ensemble du passif de la succession sur son patrimoine personnel), le projet de loi permet désormais à l'héritier acceptant pur et simple de demander à être déchargé d'une dette qu'il avait de justes raisons d'ignorer lorsqu'elle obérerait gravement son patrimoine personnel (art. 786-1 du code civil modifié par l'article 1 er du projet de loi) ;

- enfin il n'y a plus à craindre que cette solution empêche un partage amiable du fait de la défaillance persistante de l'héritier, le projet de loi prévoyant désormais la possibilité pour le juge de désigner un représentant compétent jusqu'à la réalisation du partage (art. 837 du code civil modifié par l'article 4 du projet de loi).

Il ne semble pas non plus possible de faire de l'héritier sommé taisant un héritier acceptant à concurrence de l'actif net, même si cette procédure est plus protectrice de ses droits, l'héritier se voyant investi de missions trop importantes, comme de désintéresser les créanciers, ce qui suppose un rôle actif qu'il ne semble pas vouloir assumer.

Art. 773 du code civil : Maintien de la faculté d'opter à défaut de sommation

Cet article reprend en les simplifiant les dispositions de l'actuel article 800 et prévoit que l'héritier conserve la faculté d'opter à défaut de sommation jusqu'à la prescription , actuellement de trente ans, mais réduite par le projet de loi à dix ans (art. 781 du code civil) à compter de l'ouverture de la succession à la double condition :

- de ne pas avoir fait par ailleurs acte d'héritier en acceptant tacitement ou expressément la succession purement et simplement ;

- de n'être pas tenu pour héritier acceptant pur et simple à titre de sanction. Ceci est en effet prévu lorsque l'héritier a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier (art. 778), ou n'a pas déposé d'inventaire au tribunal dans le délai prévu lorsqu'il se réclame de l'acceptation à concurrence de l'actif net (art. 790), ou enfin a omis, sciemment et de mauvaise foi, de comprendre dans l'inventaire des éléments d'actif net ou de passif de la succession ou n'a pas affecté au paiement des créanciers successoraux la valeur des biens conservés ou le prix des biens aliénés (art. 800).

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rectifiant une erreur de référence, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement.

Art. 774 du code civil : Ouverture aux héritiers subséquents de l'action interrogatoire

Cet article précise que les dispositions des articles 771 à 773 relatives à l'action interrogatoire s'appliquent à l'héritier de rang subséquent appelé à succéder lorsque l'héritier de premier rang renonce à la succession ou est indigne de succéder, ce qui découle déjà des dispositions de l'article 771.

En effet, le 13° de l'article 22 du projet de loi autorise désormais la représentation d'un héritier renonçant 22 ( * ) (art. 754).

Rappelons qu'en vertu de l'article 726 du code civil, sont indignes de succéder les personnes condamnées, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt, ou porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.

Le projet de loi précise que le délai de quatre mois pendant lequel l'héritier ne peut être sommé court alors à compter du jour où l'héritier subséquent a eu connaissance de la renonciation ou de l'indignité . Il devra ensuite opter dans les mêmes conditions. Cette disposition, favorable à l'héritier subséquent, risque cependant de poser des problèmes de preuve.

Comme dans le cas général, l'héritier de rang subséquent devra opter à défaut dans les dix ans de l'ouverture de la succession du premier défunt.

Art. 775 du code civil : Ouverture aux héritiers de la personne décédant avant d'avoir exercé l'option de l'action interrogatoire

Cet article précise que ces dispositions s'appliquent également aux héritiers de celui qui décède sans avoir opté et avant l'expiration du délai de prescription.

Le projet de loi prévoit que le délai de quatre mois pendant lequel il ne peut être sommé d'opter court dans cette hypothèse à compter du décès. L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que ce délai courrait à compter de l'ouverture de la succession, et non du décès, de l'héritier qui décède avant d'avoir opté, afin de tenir compte de l'hypothèse de l'absence déclarée, qui donne également lieu à ouverture d'une succession.

Le projet de loi indique enfin que les héritiers exercent l'action séparément, chacun pour sa part. Il s'agit d'une innovation par rapport au droit en vigueur, puisque l'actuel article 782 prévoit qu'en cas de désaccord entre ces héritiers, la succession sera acceptée sous bénéfice d'inventaire. Cette règle faisait l'objet de critiques car elle imposait les formalités lourdes de l'acceptation bénéficiaire et restreignait la liberté des héritiers, un héritier pouvant avoir intérêt à renoncer s'il est légataire important.

L'Assemblée nationale a en outre adopté, à l'initiative de sa commission des lois, et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel.

Art. 776 du code civil : Effet rétroactif de l'option

L'article 776 reprend le principe de l'effet rétroactif de l'acceptation au jour de l'ouverture de la succession prévu par l'actuel article 777 en l'élargissant à la renonciation.

Parallèlement, le projet de loi déplace à l'article 805 les dispositions de l'actuel article 785 selon lesquelles l'héritier renonçant est censé n'avoir jamais été héritier.

Art. 777 du code civil : Action en nullité de l'option

L'article 777 prévoit que l'erreur, le dol ou la violence sont des causes de nullité de l'option exercée par l'héritier.

? Le projet de loi étend considérablement le dispositif existant.

Actuellement , l'article 783 prévoit qu'un héritier ne peut contester que son acceptation, et uniquement en cas de dol 23 ( * ) . Il ne peut en outre réclamer sous prétexte de lésion que dans le cas où la succession se trouverait diminuée de plus de moitié par la découverte d'un testament inconnu au moment de l'acceptation 24 ( * ) .

Le projet de loi étend tout d'abord cette possibilité de contestation à tous les cas d'option, y compris la renonciation.

Il prévoit la nullité également en cas de violence 25 ( * ) ou d'erreur 26 ( * ) , confortant ainsi la jurisprudence 27 ( * ) qui a admis l'erreur en cas de renonciation à succession et d'erreur sur la nature ou l'étendue du droit du successible renonçant.

? Cet article prévoit que cette action en nullité se prescrit par cinq ans à compter, soit du jour où l'erreur ou le dol a été découvert, soit de celui où la violence a cessé.

Ce délai correspond à la durée maximale de la prescription des actions en nullité ou en rescision pour lésion en matière contractuelle prévue comme plafond par défaut par l'article 1304 du code civil.

Le projet de loi n'a pas choisi le délai de trois ans préconisé par le rapport présenté par M. Pierre Catala au garde des sceaux le 22 septembre 2005 portant sur la réforme du droit des obligations s'agissant du délai de prescription de droit commun, celui-ci apparaissant trop court.

Les causes de suspension de droit commun s'appliquent, notamment s'agissant d'un héritier mineur ou majeur sous tutelle, ou encore de l'héritier d'un incapable (art. 1304).

Art. 778 du code civil : Sanction du recel de biens ou de cohéritiers

Le projet de loi complète le dispositif de sanction pour recel de droits ou de biens actuellement prévu aux articles 792 (s'agissant du recel dans le cadre d'une renonciation) et 801 du code civil (s'agissant du recel dans le cadre de la procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire).

? L'article 778 modifié précise donc que l'héritier qui aurait recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits divertis ou recelés.

Tout en reprenant la sanction actuelle du recel de biens et droits déjà prévue par le droit en vigueur, le projet de loi l'étend à la dissimulation de l'existence d'un cohéritier .

Cette précision complète celle effectuée par la loi du 3 décembre 2001, qui a inséré l'article 730-5 du code civil et prévu les pénalités du recel en cas d'acte de notoriété inexact utilisé « sciemment et de mauvaise foi ». La jurisprudence avait cependant refusé, en l'absence de texte, de sanctionner la dissimulation d'un cohéritier, ce qui apparaissait peu logique.

La sanction prévue est identique à celle fixée en cas de recel de biens et de droits : l'acceptation pure et simple d'office, quel que soit le montant du passif.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ajouté à titre de sanction que les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur lors de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

? Le projet de loi codifie en outre la jurisprudence étendant la sanction de recel à l'héritier ayant dissimulé une donation rapportable 28 ( * ) ou réductible 29 ( * ) , et pas uniquement des biens ou droits issus de la succession. L'héritier doit alors le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir prétendre à aucune part. Il s'agit d'une précision importante en pratique 30 ( * ) .

A contrario, la dissimulation d'une donation préciputaire 31 ( * ) non réductible ne devrait pas être sanctionnée puisque n'ayant aucune conséquence sur la succession.

? Le projet de loi complète en outre le dispositif de sanction du recel en imposant au receleur de rendre les fruits et revenus des biens recelés dont il a eu la jouissance.

Ce dispositif est analogue à la règle prévue en cas d'indignité successorale par l'article 729.

? L'Assemblée nationale a confirmé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, la possibilité de demander des dommages et intérêts en cas de recel de biens successoraux et de dissimulation d'un cohéritier.

Votre commission des lois vous propose d' adopter un amendement rédactionnel .

Art. 779 du code civil : Droit au repentir du receleur de biens

? Le projet de loi prévoit que n'encourt pas les sanctions du recel l'héritier qui, avant la découverte des faits, restitue spontanément ce qu'il a diverti ou recélé .

Est donc codifié un droit de repentir d'origine purement prétorienne 32 ( * ) .

? L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, étendu ce droit de repentir :

- à l'hypothèse de dissimulation d'un cohéritier par coordination avec la sanction introduite précédemment à l'article 178 ;

- aux héritiers de l'héritier receleur décédé après l'ouverture de la succession mais avant celle des poursuites, afin de contrer une jurisprudence ancienne 33 ( * ) leur refusant d'en bénéficier, alors même qu'ils ne sont pas responsables du recel.

Votre commission des lois vous propose d' adopter un amendement rédactionnel.

Art. 780 du code civil : Action oblique ou paulienne du créancier de l'héritier

L'article 780 tel que rédigé par le projet de loi prévoit que les créanciers personnels de l'héritier qui s'abstient d'accepter une succession ou y renonce au préjudice de leurs droits peuvent être autorisés en justice à accepter cette succession pour son compte .

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement un amendement rédactionnel afin de préciser que cette acceptation se fait en lieu et place de l'héritier et non pour son compte, puisqu'elle leur profite.

Le projet de loi précise que l'acceptation n'a lieu qu'en faveur de ces créanciers et jusqu'à concurrence de leurs créances. Elle ne produit pas d'autre effet à l'égard de l'héritier, qui ne peut donc être considéré comme acceptant.

Il s'agit de la reprise de l'actuel article 788, qui constitue une déclinaison de l'article 1166 relatif à l'action oblique prévue de manière générale dans le domaine contractuel. L'article 1166 prévoit ainsi que « les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne ». Ce mécanisme permet de protéger le créancier d'une personne qui néglige, frauduleusement ou non, de faire valoir ses droits à l'encontre de ses propres débiteurs. Une jurisprudence constante a posé le principe que cette action n'implique pas l'intention de nuire, mais résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux.

Que la renonciation de l'héritier s'opère avec ou sans intention de nuire et frauduleusement ou non est donc sans incidence.

Le projet de loi élargit ce dispositif de l'action paulienne au cas de l'héritier qui s'abstient d'accepter sans pour autant renoncer expressément.

En effet, en l'absence d'un tel élargissement, le créancier devrait attendre dix ans, puisque les créanciers personnels de l'héritier ne bénéficient pas de la possibilité de déclencher l'action interrogatoire prévue par l'article 772 modifié par le projet de loi, contrairement aux héritiers successoraux.

Art. 781 du code civil : Abaissement de la prescription de la faculté d'opter

? Afin d'accélérer les règlements successoraux, le projet de loi prévoit de réduire la prescription de l'option de l'héritier de trente ans (actuel art. 789) à dix ans à compter de l'ouverture de la succession.

Le projet de loi précise le point de départ du délai, contrairement au droit en vigueur, et consacre la jurisprudence.

Ce délai est conforme à la proposition de loi sénatoriale de 2001 précitée et égal au délai de prescription en matière de responsabilité extra-contractuelle (art. 2270-1).

L'actuel délai trentenaire apparaît en effet excessif, source d'insécurité juridique, et facteur de blocage des indivisions.

Bien évidemment, ce nouveau délai de prescription est sujet aux causes légales d'interruption (qui fait repartir un nouveau délai complet, comme la citation en justice) ou de suspension (qui n'arrête que temporairement le cours de la prescription, comme la minorité) prévues respectivement aux articles 2242 à 2250 et 2251 à 2259 du code civil.

? L'héritier qui n'aurait pas pris parti dans ce délai serait réputé renonçant.

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel que votre commission des lois vous propose de supprimer .

? Le troisième alinéa du texte proposé prend ensuite en considération la situation relativement fréquente dans laquelle les enfants attendent le décès du second parent pour demander leur part de succession, afin de laisser le conjoint survivant jouir de l'ensemble du patrimoine du défunt.

Afin d'éviter que l'on puisse leur opposer la prescription du droit d'accepter, le projet de loi prévoit que la prescription ne court contre l'héritier qui a laissé le conjoint survivant en jouissance des biens héréditaires qu'à compter du décès de ce dernier.

Cette situation peut en particulier se rencontrer en cas de conflit avec un héritier de rang subséquent, qui pourrait nier l'acceptation de l'héritier de premier rang, à qui il incombera d'apporter la preuve de son acceptation, ce qui sera difficile si elle était tacite. A défaut, l'héritier soucieux de l'intérêt du conjoint survivant se trouverait injustement sanctionné.

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement de coordination afin de viser comme point de départ du délai l'ouverture de la succession et non le décès, même si cette hypothèse ne devrait a priori pas se rencontrer en cas d'absence déclarée du conjoint survivant.

? Le projet de loi précise en outre que lorsque l'acceptation de l'héritier de premier rang est nulle, la prescription ne court contre l'héritier subséquent qu'à compter de la décision constatant la nullité .

Rappelons que si l'héritier est renonçant tacite à l'issue du délai de prescription, les héritiers subséquents sont également prescrits, même s'ils peuvent venir en représentation du renonçant vivant (art. 754 modifié par le 13° de l'article 22 du projet de loi). Ils doivent donc pour éviter la prescription, sommer l'héritier de rang supérieur en temps voulu (art. 772 modifié par le présent article).

Le texte complète ce dispositif en prévoyant un point de départ de la prescription différé lorsque l'acceptation par l'héritier de premier rang est annulée, par exemple en application de l'article 777 pour erreur, dol ou violence. Ceci peut intervenir de nombreuses années après l'ouverture de la succession, puisque la nullité peut être demandée jusqu'à cinq ans à compter du jour où le dol ou l'erreur ont été découverts ou du jour où la violence a cessé, auxquels s'ajoute la durée de l'action en annulation.

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement tendant à prendre en compte le cas très hypothétique de l'annulation de l'acceptation du premier héritier subséquent.

? L'Assemblée nationale a enfin, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, codifié la jurisprudence selon laquelle la prescription ne court pas lorsque le successible a une juste raison d'ignorer la naissance de son droit , notamment l'ouverture de la succession (c'est-à-dire la déclaration d'absence ou le décès).

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination avec la rédaction retenue à l'article 786-1 et de viser des « motifs légitimes ».

Art. 782 du code civil : Exception à la prescription décennale

Le texte proposé pour l'article 782 précise que lorsque la succession est ouverte depuis plus de dix ans, celui qui se prévaut de sa qualité d'héritier doit justifier que lui-même ou ses auteurs l'ont acceptée avant l'expiration de ce délai.

Est donc codifiée la jurisprudence 34 ( * ) mettant à la charge de l'héritier la preuve de l'acceptation de la succession avant la fin du délai de prescription, en vertu de l'article 1315 du code civil qui prévoit que la charge de la preuve incombe à celui qui réclame l'exécution d'une obligation, alors que celui qui se prétend libéré d'une obligation doit justifier le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Cette règle se justifie par la difficulté pour un tiers de prouver l'absence d'acte emportant acceptation par l'héritier.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement :

- visant à remplacer le terme « auteurs » par l'expression « ceux dont il tient cette qualité » pour englober les hypothèses où l'héritier hérite par exemple à la place d'un collatéral non privilégié également prédécédé ;

- et visant non plus spécifiquement le délai de prescription de 10 ans à compter de l'ouverture de la succession, mais plus largement les délais prévus à l'article 781, afin d'englober les délais dérogatoires prévus lorsque l'héritier a laissé le conjoint survivant jouir des biens héréditaires ou que l'acceptation de l'héritier de premier rang a été annulée.

L'Assemblée nationale a ensuite, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé le titre de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre III du code civil.

SECTION 2 - De l'acceptation pure et simple (art. 783 à 786-1 du code civil)

Le projet de loi modifie de manière limitée les dispositions de l'acceptation pure et simple, actuellement prévues aux articles 774 à 783 de la section 1 « De l'acceptation » (art. 774 à 783).

Cette option, la plus courante en pratique , repose sur la fiction de la prolongation patrimoniale de la personne décédée, ce qui suppose une responsabilité illimitée de l'héritier sur l'ensemble du passif de la succession (actuel art. 723), et la confusion des patrimoines du défunt et de son héritier.

Le projet de loi apporte cependant deux modifications importantes.

Tout d'abord, il limite les risques d'acceptation tacite, en précisant opportunément le périmètre des actes entraînant (art. 784 modifié) ou non (art. 785 modifié) acceptation de la succession, afin d'améliorer la sécurité juridique des héritiers et des tiers.

En outre, il renforce la protection de l'héritier au regard de certaines dettes successorales inconnues au moment de l'acceptation (art. 786-1 nouveau), tout en maintenant le caractère irrévocable de l'acceptation.

Art. 783 du code civil : Modalités de l'acceptation pure et simple

L'article 783 modifié par le projet de loi reproduit les dispositions actuellement prévues par l'article 778 du code civil, tout en substituant à la notion jugée ambiguë d'« héritier », qui peut être acceptant ou seulement appelé, celle de « successible », qui implique que l'option n'a pas encore été exercée et qu'il peut encore renoncer à la succession.

Le texte rappelle que l'acceptation peut être expresse ou tacite .

? Elle est expresse quand le successible prend le titre, s'agissant par exemple d'attestations immobilières, ou la qualité d'héritier, ce qui suppose qu'il s'en prévale par simple déclaration, dans un acte authentique ou sous-seing privé.

La jurisprudence considère cependant que si certains actes, comme la déclaration fiscale de succession ou la déclaration d'inventaire, comportent une prise de qualité d'héritier, ils ne valent pas acceptation expresse, puisqu'ils résultent simplement d'une obligation légale. En revanche, constituent des acceptations expresses les attestations immobilières dressées par le notaire sur intervention d'un successible afin de réaliser la publicité foncière et d'informer les tiers.

Le fait de prendre la qualité d'héritier sous-entend ici l'acceptation de la succession par celui-ci, alors que la loi du 3 décembre 2001 a prévu que l'établissement d'un acte de notoriété par un notaire à la demande d'un ou plusieurs ayants droit constituait un élément de preuve de la qualité d'héritier (art. 730-1) mais n'emportait pas par lui-même acceptation de la succession (art. 730-2). L'Assemblée nationale a donc adopté un amendement de précision à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement afin de viser le seul successible acceptant.

? L'acceptation est tacite quand le successible fait un acte qui remplit deux conditions : l'intention d'accepter et l'impossibilité que cet acte soit réalisé par un autre que par un héritier.

La jurisprudence a par exemple considéré que le fait de charger un avocat de régler ses droits dans la succession ou de laisser la jouissance de sa part successorale à la veuve usufruitière emportait acceptation tacite.

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que la faculté d'acceptation tacite ne doit être opposable qu'aux seuls héritiers saisis, dont la reconnaissance du titre ne nécessite aucune formalité particulière (notamment pas d'envoi en possession*, de délivrance de legs...), ce qui exclut le cas des légataires autres qu'universels désignés au moyen d'un testament authentique. En effet, une formalité particulière est incompatible avec la notion même d'acceptation tacite.

? L'acceptation pure et simple peut également résulter d'une sanction par la loi de certains comportements, comme le recel successoral (art. 778 modifié), le défaut de dépôt de l'inventaire dans le délai prescrit par la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net (art. 790 modifié), ou encore l'omission d'éléments d'actif net ou de passif dans l'inventaire et la non-affectation au paiement des créanciers de la valeur des biens conservés ou du prix des biens aliénés (art. 800 modifié).

Art. 784 du code civil : Acceptation pure et simple tacite par cession de biens successoraux

Cet article reprend et complète les dispositions de l'actuel article 780, et précise certains des actes entraînant acceptation pure et simple tacite de la succession.

? Il prévoit tout d'abord que toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple .

La cession visée ici est au profit d'une personne autre qu'un cohéritier.

Le caractère gratuit de la cession n'est pas considéré comme une renonciation à la succession , la cession exigeant que le successible ait au préalablement acquis la propriété du bien.

? Le texte qualifie également d'acceptation la renonciation, même gratuite, que fait un héritier au profit d'un ou plusieurs de ses cohéritiers .

Cette renonciation pourrait par exemple tendre à favoriser un ou plusieurs cohéritiers précisément identifiés ayant des besoins spécifiques, comme une personne handicapée. Une telle hypothèse, expressément autorisée par l'article 14 du projet de loi dans le cadre d'une renonciation anticipée à exercer l'atteinte en réduction d'une libéralité portant atteinte à sa réserve, est ici refusée, une véritable renonciation ne pouvant au stade de l'option successorale s'exercer qu'au profit de tous les successibles indistinctement.

? Le projet de loi qualifie enfin d'acceptation pure et simple la renonciation faite au profit de tous les cohéritiers indistinctement, lorsqu'elle est à titre onéreux, ce qui revient à vendre la renonciation.

En effet, la véritable renonciation est indifférenciée au profit de tous les successibles et à titre gratuit , sous réserve de la représentation du renonçant.

Afin de prendre en compte cette dernière hypothèse, l'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, outre un amendement rédactionnel, un amendement de coordination avec la faculté de représentation de l'héritier renonçant vivant introduite par le 13° de l'article 22 du projet de loi. La renonciation faite au profit d'un héritier de rang subséquent à titre gratuit ou indistinctement à tous à titre onéreux constitue donc également un acte d'acceptation tacite de la succession.

Art. 785 du code civil : Actes conservatoires pouvant être accomplis sans entraîner acceptation tacite

Le projet de loi précise et complète substantiellement la liste des actes pouvant être accomplis par l'héritier sans entraîner acceptation tacite de la succession .

Cette réforme vise à éviter des attitudes attentistes des héritiers craignant que leur implication dans l'administration du patrimoine successoral pour éviter sa dépréciation conduise à interpréter leur action comme une acceptation pure et simple, lourde de conséquences puisqu'irrévocable.

? L'article 785 modifié reprend l'actuel article 779 en prévoyant que les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d'administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n'y a pas pris le titre ou la qualité d'héritier.

La jurisprudence a notamment qualifié d'acte purement conservatoire le fait de défendre à une action exercée par un créancier successoral ou d'accomplir des actes de procédure dans une instance ouverte du vivant du de cujus . Sont en outre considérés comme des actes de surveillance notamment la surveillance du bon état d'un immeuble ou de l'écoulement d'une prescription.

? Le deuxième alinéa du texte proposé par le projet de loi complète par ailleurs cet article en prévoyant que le successible peut être autorisé par le juge (c'est-à-dire le président du tribunal de grande instance) à accomplir sans prendre la qualité d'héritier tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession.

Cette disposition s'inspire de l'actuel article 796, nettement plus restrictif, qui figure à la section consacrée à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, et permet de se faire autoriser en justice à vendre les objets de la succession susceptibles de dépérir ou dispendieux à conserver. Le projet de loi retient donc un critère beaucoup plus général.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement de coordination afin de prévoir que l'acte autorisé judiciairement ne peut avoir pour effet de faire prendre le titre d'héritier.

? Enfin, cet article énumère un certain nombre d'actes réputés purement conservatoires , tirés en grande partie de la jurisprudence :

- le paiement de certaines dettes successorales dont le règlement est urgent (frais funéraires et de dernière maladie 35 ( * ) , impôts dus par le défunt, loyers, etc...) ;

- le recouvrement des fruits et revenus des biens successoraux, notamment les loyers, ou la vente des biens périssables . La perception des fruits résulte d'une jurisprudence ancienne, tandis que la vente des biens périssables s'inspire de l'actuel article 796, en supprimant toutefois le recours au juge et à la vente aux enchères publiques. Néanmoins, le successible devra pouvoir justifier que les fonds reçus ont été employés au paiement des dettes successorales urgentes, déposés chez un notaire ou consignés, afin de prévenir tout détournement ;

- la réalisation d' actes destinés à éviter l'aggravation du passif successoral , comme le déménagement du logement loué par le défunt, afin d'interrompre le versement du loyer ;

- l'accomplissement d' opérations courantes nécessaires à la continuation immédiate de l'activité de l'entreprise dépendant de la succession.

Ce dernier cas vise principalement les petites entreprises exploitées sous forme individuelle, dont beaucoup disparaissent au décès de leur dirigeant, les entreprises exploitées sous forme sociétale disposant d'organes statutaires qui demeurent malgré la disparition du dirigeant.

Cette disposition fait partie des mesures du projet de loi tendant à favoriser la transmission des entreprises , au même titre que la renonciation anticipée à exercer l'action en réduction contre une libéralité portant atteinte à sa réserve, et la réforme des dispositifs d'attribution préférentielle et des donations-partages.

Le projet de loi, se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation 36 ( * ) , vise à ne pas décourager l'héritier d'accomplir les actes nécessaires à la préservation du patrimoine du défunt et d'éviter de laisser ainsi une entreprise se déprécier de manière importante par crainte de la sanction de l'acceptation pure et simple.

L'imprécision de cette notion d'« opérations courantes nécessaires à la continuation immédiate de l'activité » a été dénoncée par les associations représentatives des entreprises entendues par votre rapporteur.

Il ne paraît pourtant pas possible de faire référence aux actes de gestion et d'administration susceptibles d'être accomplis par les conjoints collaborateurs sans engager leur responsabilité propre, visés par l'article L. 121-7 du code de commerce introduit par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, cette référence paraissant trop large.

De même, la référence à l'article L. 225-39 du code de commerce, qui vise les conventions dites libres, portant sur des opérations courantes, c'est-à-dire effectuées par l'entreprise dans le cadre de son activité ordinaire, entre un mandataire social, un actionnaire important ou une société de tête et l'entreprise qu'il dirige, et excluant la procédure d'information, de rapport spécial du commissaire aux comptes et d'approbation des conventions réglementées, ne peut être retenue.

L'amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale y faisant référence a ainsi été retiré en séance à la demande du Gouvernement, celui-ci ayant estimé qu'il n'apportait pas de réelle précision et que son champ, qui recouvre l'ensemble des actes habituellement réalisés par l'entreprise dans le cadre de son activité, était trop large puisqu'il permettrait aux héritiers de procéder à des investissements.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a finalement complété la liste des actes réputés conservatoires en incluant :

- le renouvellement, en tant que bailleur ou preneur à bail, des baux dont le non-renouvellement entraînerait le paiement d'une indemnité d'éviction . Sont ainsi visés principalement les baux commerciaux, artisanaux et certains baux ruraux, ainsi que les baux à construction prévoyant le versement d'une indemnité. Cette disposition vise à éviter à la succession une charge pouvant se révéler importante, l'indemnité pouvant atteindre 80 % du chiffre d'affaires ;

- ainsi que la mise en oeuvre des décisions d'administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise . En effet, l'abandon d'un investissement déjà prévu pourrait entraîner une perte de chiffre d'affaires, comme celui d'un prêt destiné à financer un investissement.

Cette liste d'actes conservatoires n'est cependant pas exhaustive. Le successible pourra effectuer sous sa responsabilité un acte ne figurant pas sur cette liste, mais dont il estime qu'il présente un caractère purement conservatoire.

? Votre commission des lois vous propose un amendement étendant le champ des actes pouvant être accomplis par le successible liés à la continuation « à court terme » de l'entreprise et aux actes relevant de l'administration provisoire, en supprimant la condition liée au caractère immédiat de la continuation de l'entreprise.

Art. 786 du code civil : Responsabilité de l'acceptant pur et simple

Le projet de loi introduit une innovation substantielle en atténuant les conséquences pour l'héritier de son acceptation pure et simple.

? Le premier alinéa de l'article 786 modifié prévoit tout d'abord que l'héritier universel ou à titre universel acceptant purement et simplement la succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent. Est donc repris à droit constant le principe posé à l'article actuel 723 d'une responsabilité ultra vires successionis , c'est-à-dire au-delà des forces de la succession.

Par rapport au droit en vigueur, le projet de loi :

- substitue la notion de successible (qui inclut les héritiers par la loi ou par la volonté du défunt) à celle d'héritier, comme dans l'ensemble du projet de loi ;

- limite expressément cette règle à l'acceptation pure et simple ;

- et étend cette responsabilité, qui vise actuellement uniquement les dettes, aux charges dépendant de la succession, par coordination avec l'article 873, non modifié par le projet de loi, qui précise que « les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession ». Les charges se distinguent des dettes en ce qu'elles naissent après la mort du défunt, et en sont la conséquence directe. Elles comprennent notamment les frais funéraires, d'inventaire, de liquidation ou de partage, ainsi que les droits de mutation.

Votre commission des lois vous proposera donc par coordination de supprimer l'article 723 du code civil, désormais totalement redondant, puisqu'il prévoit que « les successeurs universels ou à titre universel sont tenus d'une obligation indéfinie aux dettes de la succession », au 10° de l'article 22 du projet de loi.

Néanmoins, la confusion des patrimoines de l'acceptant pur et simple et du défunt n'est pas totale, puisqu'en vertu de l'article 878 du code civil modifié par l'article 6 du présent projet de loi, les créanciers du défunt bénéficient d'un droit de préférence sur l'actif net successoral et les créanciers personnels de l'héritier d'un droit de préférence sur ses biens non recueillis au titre de la succession.

? Le second alinéa tempère cependant fortement ce principe en désavouant une jurisprudence très contestée par la doctrine consistant à appliquer cette obligation ultra vires aux legs de sommes d'argent.

Certes, le légataire se trouve comme un créancier exposé au risque de dissipation ou de détournement des biens héréditaires. Néanmoins, cette solution revient à autoriser le défunt à disposer des biens de son héritier en procédant à des legs excédant son patrimoine et en transformant le légataire en créancier de la succession, même si les legs particuliers ne sont payés qu'après les créanciers de la succession.

Le projet de loi prévoit donc que l'héritier ne sera plus tenu sur ses biens personnels des legs de biens fongibles, mais uniquement à concurrence des biens recueillis dans la succession .

Les légataires de sommes d'argent seront donc considérés à juste titre comme des héritiers et non plus comme des créanciers de la succession. Ils conservent néanmoins un recours contre le patrimoine personnel de l'héritier chargé de leur délivrer le legs en cas de détournement par celui-ci des biens successoraux.

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement un amendement :

- tendant à rendre plus accessible le vocabulaire employé en remplaçant l'expression de « forces de la succession » par celle d'« actif net successoral net des dettes » ;

- et à substituer à la notion de biens fongibles celle plus restrictive de sommes d'argent. Rappelons que les biens fongibles sont ceux qui, n'étant pas individualisés, ne sont désignées que par leur espèce (par exemple une tonne de charbon). L'Assemblée nationale a en effet considéré que les biens fongibles autres que les sommes d'argent devaient suivre le régime des corps certains, et illustré son propos en estimant que le legs d'une tonne de blé à un voisin exploitant agricole ne différait pas sensiblement du point de vue de la priorité de sa délivrance du legs d'un tracteur.

Art. 786-1 du code civil : Faculté de demander la décharge d'une dette tardivement connue

Le projet de loi tempère une nouvelle fois une caractéristique fondamentale de l'acceptation pure et simple, ici son irrévocabilité, en prévoyant la possibilité de décharger l'acceptant de ses conséquences les plus dommageables.

? Le premier alinéa de l'article 786-1 modifié du code civil confirme ainsi le principe jurisprudentiel de l'irrévocabilité de l'acceptation pure et simple . L'héritier acceptant purement et simplement ne peut plus renoncer à la succession ni l'accepter à concurrence de l'actif net.

Rappelons qu'au contraire, l'acceptation à concurrence de l'actif net peut être convertie en acceptation pure et simple, et la renonciation être révoquée sous certaines conditions avant la fin du délai de prescription.

Une annulation de l'acceptation reste toujours possible pour erreur, dol ou violence (art. 777 modifié), ou en cas d'option conditionnelle ou à terme (art. 768 modifié). Cette faculté d'annulation est étendue par le projet de loi, puisqu'elle n'est actuellement prévue que par le biais de l'action en rescision pour lésion, en cas de découverte d'un testament inconnu représentant plus de la moitié de la succession (actuel art. 783).

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois un amendement rédactionnel.

? Le projet de loi tempère néanmoins les conséquences de cette irrévocabilité de principe afin d'éviter que des héritiers ayant accepté la succession purement et simplement sans en connaître véritablement la teneur soient ruinés.

Le texte, reprenant une mesure déjà proposée par le projet de réforme du droit des successions de 1995, prévoit que l'héritier acceptant purement et simplement peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale lorsque plusieurs conditions cumulatives sont remplies :

- cette dette doit avoir pour effet d' obérer gravement le patrimoine (et non le revenu) de l'héritier. L'Assemblée nationale a précisé à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement que son importance devait s'apprécier au regard du patrimoine personnel de l'héritier. Ce n'est donc pas le montant de la dette qui constitue un critère d'appréciation en soi, mais le patrimoine de l'héritier acceptant. Cette précision vise à protéger les créanciers, qui ne sont pas forcément responsables de l'ignorance dans laquelle se trouvait l'héritier au moment d'accepter ;

- l'héritier avait de « justes raisons » de l'ignorer au moment de son acceptation . L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement un amendement de clarification faisant référence à des « motifs légitimes ». Devraient ainsi être visés les cautionnements donnés par le défunt et découverts tardivement faute de fichier central des cautionnements, ou encore des dommages constatés longtemps après le décès engageant la responsabilité de l'héritier ;

- la demande de décharge ne peut viser qu'une dette nouvelle et non un testament ou un legs découverts tardivement, qui constituent pourtant le seul cas prévu par le droit en vigueur. En effet, la mise en place d'un fichier central des dispositions des dernières volontés a rendu moins fréquente la découverte tardive d'un testament, et l'héritier pourra dans ce cas demander la nullité de son acceptation pour erreur en vertu de l'article 777 modifié par le projet de loi ;

- la décharge doit être prononcée par le juge ;

- la demande de décharge doit être introduite dans un délai relativement court de cinq mois à compter de la découverte de la dette . Ce délai est donc beaucoup plus court que celui de cinq ans à compter de la découverte de l'erreur prévu pour l'introduction d'une demande en nullité de l'acceptation (art. 777 modifié). L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que ce délai de prescription ne courrait qu'à compter de la connaissance non seulement de l'existence mais également de l'importance de cette dette, qui permet en effet d'apprécier son effet sur le patrimoine de l'héritier.

Ce dispositif laisse donc un pouvoir d'appréciation très important au juge, qu'il s'agisse de l'effet de la dette sur le patrimoine de l'héritier, de la pertinence de son ignorance de la dette ou du niveau de la décharge.

Il remplace la possibilité précitée de rescision pour lésion en cas de découverte d'un legs inconnu au moment de l'acceptation qui porterait sur plus de la moitié de la succession et permet de rapprocher partiellement l'acceptation pure et simple d'une acceptation à concurrence de l'actif net, tout en évitant des actions en nullité pour erreur trop fréquentes, qui ont pour conséquence très gênante de remettre en cause tous les actes déjà réalisés depuis l'acceptation et peut s'avérer très pénalisante pour les tiers, notamment si des ventes de biens sont déjà intervenues.

SECTION 3 - De l'acceptation à concurrence de l'actif net

La section 3 détermine les modalités de la nouvelle procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, qui se substitue à l'actuelle acceptation sous bénéfice d'inventaire , définie aux articles 793 à 810 de la section 3 du chapitre V du titre Ier « Des successions » du livre III du code civil.

? La caractéristique essentielle de cette forme actuelle particulière d'acceptation était de soustraire l'héritier à l'obligation d'acquitter le passif de la succession ultra vires successionis . Il n'est tenu qu'à hauteur de l'actif net recueilli . En outre, les deux patrimoines (personnel et du défunt) demeurent séparés (art. 802).

? Malgré cet avantage indéniable, qui aurait dû conduire à la privilégier systématiquement en cas de doute sur le caractère bénéficiaire ou non d'une succession, cette procédure est très peu utilisée du fait de sa lourdeur.

L'acceptation sous bénéfice d'inventaire doit tout d'abord faire l'objet d'une déclaration au greffe du tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession (art. 793). L'héritier doit ensuite faire procéder à un inventaire notarié dans un délai de trois mois à compter de l'ouverture de la succession puis se prononcer en faveur d'une acceptation ou d'une renonciation dans les quarante jours suivant la clôture de l'inventaire (art. 794 et 795). Il peut demander une prorogation de ce délai au tribunal.

La principale contrainte consiste dans le formalisme entourant la vente des biens successoraux :

- les meubles ne peuvent être vendus qu'après autorisation du président du tribunal de grande instance et aux enchères par un officier public (art. 805) ;

- le vente des immeubles nécessite également une autorisation judiciaire intervenant à la suite d'une procédure complexe et au terme de laquelle soit le juge fixe lui-même la mise à prix, soit il s'en remet à un expert. La vente aux enchères publiques se déroule soit devant le tribunal de grande instance en audience des criées, soit devant un notaire commis à cet effet (art. 806).

Cette procédure d'enchères publiques, si elle peut être avantageuse s'agissant de meubles, est beaucoup moins intéressante s'agissant des immeubles, à la notable exception de ceux situés à Paris, ainsi que l'ont souligné les personnes entendues par votre rapporteur.

? L'héritier acceptant sous bénéfice d'inventaire doit en outre administrer et liquider le patrimoine du défunt, même s'il est prévu qu'il peut se décharger du paiement des dettes en abandonnant tous les biens de la succession aux créanciers et légataires, l'éventuel reliquat à l'issue de la liquidation par le curateur nommé par le tribunal lui revenant (art. 802). La jurisprudence a admis que le tribunal, saisi par les créanciers ou légataires de la succession, peut nommer un administrateur judiciaire si la négligence de l'héritier compromet leurs droits.

L'organisation de la liquidation du passif reste très lacunaire.

L'article 991 de l'ancien code de procédure civile précise en premier lieu que les créanciers privilégiés et hypothécaires sont payés en priorité suivant le rang de leur créance.

S'agissement du paiement des créanciers chirographaires, deux modalités sont prévues :

- en l'absence d'opposition du créancier, l'héritier paye les créanciers au fur et à mesure qu'ils se présentent jusqu'à épuisement le cas échéant de l'actif net suivant la méthode dite au prix de la course (art. 808). Les créanciers non payés car moins diligents n'ont de recours que contre les légataires particuliers ayant reçu leur legs avant eux (art. 809) ;

- si un créancier s'y oppose, ce qui est le cas le plus fréquent, l'héritier doit alors payer les créanciers dans l'ordre et de la manière fixés par le juge, selon la procédure de distribution par contribution (art. 808 du code civil et 990 de l'ancien code de procédure civile). Les créanciers chirographaires sont donc payés au marc l'euro, c'est-à-dire au prorata de leur créance, en cas d'insuffisance d'actif net. L'opposition constitue ainsi une forme de procédure collective. Elle n'a toutefois aucun effet rétroactif sur les paiements faits antérieurement.

Les praticiens ne conseillent ainsi de recourir au bénéfice d'inventaire que dans des cas impératifs, en particulier celui de très forte probabilité de passifs occultes ou d'activités mal connues du défunt. Les successibles laissent aujourd'hui trop souvent l'Etat administrer la succession en attendant de voir si elle présente un caractère bénéficiaire pour la revendiquer.

? Afin de bien distinguer le nouveau régime de celui actuellement en vigueur, le projet de loi propose tout d'abord de le renommer « acceptation à concurrence de l'actif net ». L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que l'actif net visé était l'actif net et non l'actif brut.

Le projet de loi simplifie et réglemente plus précisément le nouveau régime afin de le rendre plus attractif en :

- accroissant la protection des créanciers par l'instauration d'un système de publicité de l'inventaire désormais estimatif ;

- prévoyant un délai de déclaration des créances et un paiement des créanciers chirographaires au prix de la course ;

- en ouvrant la faculté aux héritiers de conserver certains biens ou de vendre de gré à gré, sans autorisation préalable, les biens non conservés, cette décision faisant l'objet d'une publication.

Procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net

Projet
de loi

Assemblée nationale

Commission

Délai de dépôt de l'inventaire au tribunal (art. 790)

Sanction : L'héritier est réputé acceptant pur et simple

1 mois

2 mois

2 mois

Délai de déclaration des créances (art. 792)

Sanction : extinction des créances

2 ans

15 mois

15 mois

Délai de déclaration d'aliénation ou de conservation d'un bien (art. 794)

Sanction : l'héritier est engagé sur ses biens personnels à hauteur du prix de l'aliénation (art. 795)

8 jours

8 jours

15 jours

Délai de contestation de la valeur d'un bien conservé ou aliéné (art. 794)

Pas de délai

3 mois

3 mois

La contestation du prix de vente est interdite en cas de vente aux enchères publiques.

Délai de paiement des créanciers après la déclaration de conserver un bien ou le jour où le produit de l'aliénation est disponible (art. 797)

1 mois

2 mois

2 mois

Paragraphe 1 - Des modalités de l'acceptation à concurrence de l'actif net (art. 787 à 790 du code civil)

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté deux amendements de coordination concernant les intitulés de la section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre III du code civil et du paragraphe 1 de cette section.

Le paragraphe 1 comprend quatre articles (art. 787 à 790) relatifs aux modalités de l'acceptation à concurrence de l'actif net.

Si la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net demeure subordonnée aux mêmes conditions de forme que l'acceptation sous bénéfice d'inventaire -une déclaration officielle (art. 788 modifié) et l'établissement d'un inventaire (art. 789 et 790 modifiés), le projet accroît la protection des créanciers en élargissant leur publicité (art. 788 et 790 modifiés) et en donnant à l'inventaire un caractère estimatif (art. 789 modifié).

Art. 787 du code civil : Acceptation à concurrence de l'actif net

L'article 787 modifié prévoit qu'un héritier peut déclarer qu'il n'entend prendre cette qualité qu'à concurrence de l'actif net.

Cette forme d'acceptation ne peut donc résulter que de la seule initiative expresse de l'héritier, contrairement à l'acceptation pure et simple qui peut être tacite ou imposée par la loi à titre de sanction.

L'acceptation à concurrence de l'actif net constitue en outre la seule forme d'acceptation par le tuteur en l'absence de conseil de famille 37 ( * ) autorisée s'agissant d'incapables mineurs non émancipés ou majeurs (art. 461 modifié par le 14° de l'article 22 du projet de loi, auquel renvoie l'article 495 relatif au majeur sous tutelle).

En application de l'article 768 modifié par le projet de loi, la notion d'héritier inclut celle de légataire. Cependant, cette forme d'acceptation n'a vocation à bénéficier qu'aux héritiers susceptibles d'être tenu ultra vires du passif successoral, ce qui exclut les légataires particuliers.

Art. 788 du code civil : Modalités de déclaration de l'acceptation à concurrence de l'actif net

? L'article 788 modifié reprend en les complétant les dispositions de l'actuel article 793, en prévoyant les conditions de la déclaration d'acceptation.

Il indique ainsi qu'elle doit se faire au tribunal dans le ressort duquel la succession est ouverte .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, estimé indispensable pour la lisibilité de la loi de mentionner dans le code civil des dispositions à caractère certes réglementaire, mais déjà prévues par le droit en vigueur. Elle a donc précisé que cette déclaration doit se faire au greffe du tribunal de grande instance , ainsi que le prévoit actuellement l'article 793.

? Le projet de loi complète le droit en vigueur en indiquant que cette déclaration emporte élection de domicile de l'héritier acceptant dans ce même ressort sans toutefois préciser ses modalités.

Il n'y aura donc qu'un tribunal par succession, quelle que soit l'adresse de l'héritier. Cette disposition évitera aux créanciers de devoir s'adresser aux différents héritiers pris un par un.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, souhaité préciser que ce domicile unique pourrait être celui de la personne chargée du règlement de la succession, en pratique le plus souvent le notaire, ou celui de l'un des acceptants à concurrence de l'actif net.

Elle a en conséquence supprimé la condition d'élection dans le ressort du tribunal de grande instance, cette condition n'existant pas pour le choix du notaire. Le domicile élu devra toutefois se trouver en France, afin que la déclaration des créances se fasse dans le cadre du droit français.

? Par ailleurs, le même article prévoit, comme aujourd'hui, que la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net doit être enregistrée et publiée .

Ces règles seront précisées par décret. Ainsi, la mention actuelle du registre des renonciations à l'article 793 n'est pas reprise dans le code civil.

L'Assemblée nationale a ensuite à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement précisé les modalités de publicité de la déclaration, en indiquant que cette publicité serait nationale et pourrait s'effectuer par voie électronique. Les greffes transmettraient la déclaration d'acceptation au BODACC électronique et les créanciers pourraient s'inscrire pour être destinataires des avis de publicité postérieurs portant notamment sur les aliénations et décisions de conservation des biens. Le dépôt de l'inventaire suivrait également la même procédure.

En revanche, la publication dans un journal d'annonces légales a été exclue afin de préserver la vie privée dans les zones géographiques où le quotidien local pallie l'absence de journal d'annonces légales spécifique.

Rappelons enfin que cette obligation d'enregistrement de la déclaration ne concernera pas, en vertu de la jurisprudence, l'acceptation faite par un tuteur au nom d'un incapable mineur ou majeur, les créanciers étant avertis que l'acceptation ne peut être pure et simple dans ce cas. La déclaration au greffe deviendra en revanche nécessaire lorsque le mineur sera émancipé ou aura atteint l'âge de la majorité.

Art. 789 du code civil : Obligation d'inventaire

L'article 789 modifié précise les modalités d'établissement de l'inventaire, qui constitue une formalité obligatoire.

Il reprend et complète les dispositions de l'actuel article 794 du code civil et des articles 941 à 944 du titre IV du livre II de l'ancien code de procédure civile consacrés à l'inventaire.

? La déclaration est accompagnée ou suivie de l 'inventaire de la succession qui comporte une estimation, article par article, des éléments de l'actif net et du passif .

Le projet de loi, en visant expressément le passif de la succession, permet de lever une première ambiguïté puisque l'actuel article 794 ne mentionne que l'inventaire des biens de la succession, même si l'actuel article 943 de l'ancien code de procédure civile 38 ( * ) mentionne la déclaration des titres passifs. Le contenu de l'inventaire sera précisé par décret, l'article 943, sociologiquement daté, devant être abrogé par l'article 25 du projet de loi (ainsi que les articles 941 à 1002 de l'ancien code de procédure civile).

Le délai de déclaration des créances postérieur à l'inventaire devrait cependant réduire le périmètre des dettes identifiées dans l'inventaire, qui devrait essentiellement comprendre les biens successoraux et les dettes déclarées spontanément par l'héritier.

Le projet de loi apporte surtout une innovation substantielle en prévoyant une obligation d'estimation, article par article, de l'actif net comme du passif. Cette obligation permettra à l'héritier désirant conserver un bien, par exemple en raison de sa valeur sentimentale, d'en donner la valeur fixée par l'inventaire.

Ainsi qu'il a été précisé en séance à l'Assemblée nationale, le rédacteur de l'inventaire ne pourra être tenu responsable de l'omission de certaines dettes, les créanciers disposant d'un délai de deux ans dans le projet de loi initial et de quinze mois dans la rédaction proposée par l'Assemblée nationale pour se déclarer.

? Enfin, alors que l'inventaire doit actuellement obligatoirement être établi par un notaire (art. 943 de l'ancien code de procédure civile), le projet de loi prévoit qu'il pourra être établi par un officier public ou ministériel.

Cet élargissement parait excessif. En effet, pourraient donc en vertu de cette nouvelle disposition établir un inventaire notamment les avoués et avocats au conseil, les officiers de l'état civil, les greffiers des cours et des tribunaux, les conservateurs des hypothèques.

L'Assemblée nationale a donc à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement précisé que ne pourraient établir cet inventaire que les commissaires-priseurs judiciaires (qui interviennent pour les prisées de biens mobiliers), les huissiers et les notaires, et que cette intervention devrait répondre aux lois et règlements applicables à ces professions. Ainsi, les huissiers ne pourront intervenir qu'à titre accessoire.

En pratique, dès que la succession comporte un bien immobilier, un notaire est chargé de la succession et c'est lui qui fait appel à un commissaire-priseur ou un huissier pour des opérations spécifiques, comme l'évaluation de certains biens. Cependant, on peut imaginer que dans le cas d'une succession caractérisée par des dettes, l'absence d'immeuble, mais la présence de quelques biens que les héritiers souhaitent conserver, ces derniers s'adressent à un huissier de justice ou un commissaire priseur pour réaliser l'inventaire estimatif.

Le projet de loi a donc exclu de permettre à l'héritier d'établir l'inventaire sous sa propre responsabilité en l'absence d'immeuble, ce dispositif appelant nécessairement un droit de recours des créanciers, alors que le projet de loi vise précisément à éviter la judiciarisation de cette procédure.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Art. 790 du code civil : Modalités de dépôt et de consultation de l'inventaire

L'article 790 modifié précise les modalités et les délais de dépôt de l'inventaire, en modifiant les dispositions de l'actuel article 795 du code civil.

? Il prévoit la déchéance de l'acceptation à concurrence de l'actif net à défaut du dépôt de l'inventaire dans un délai d'un mois à compter de la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net.

Actuellement, ce délai est de trois mois, mais à compter du jour de l'ouverture de la succession (art. 795). Néanmoins, le tribunal peut lui accorder un nouveau délai pour prendre parti (art. 798).

Ce délai d'un mois paraît excessivement court, notamment en période estivale. L'établissement de l'inventaire exige en effet de s'adresser aux banques, aux commissaires priseurs et aux experts comptables.

Certes, le projet de loi prévoit que l'héritier peut solliciter du juge un délai supplémentaire en cas de « motifs sérieux retardant le dépôt ». On peut néanmoins craindre que le souci d'accélérer les procédures de succession et l'information des créanciers aboutisse en fait, compte tenu de la gravité de la sanction du dépassement du délai de dépôt d'inventaire, à savoir la déchéance du bénéfice de l'acceptation à concurrence de l'actif net, à systématiser les demandes de prorogation à titre de précaution, alors même que le projet de loi recherche une déjudiciarisation de ces procédures.

L'Assemblée nationale a donc, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, porté ce délai à deux mois .

Elle a dans les mêmes conditions adopté un amendement de coordination avec l'article 772 modifié relatif aux conditions de prorogation du délai laissé à l'héritier pour opter afin de prévoir que la demande de prorogation doit être justifiée par des motifs « sérieux et légitimes ». La durée de cette prorogation est laissée à l'appréciation souveraine du juge. Le délai de dépôt est alors suspendu à compter de la demande de prorogation.

? L'article 790 modifié définit en outre les modalités de consultation de l'inventaire .

Le texte prévoit que le dépôt de l'inventaire est soumis à une publicité analogue à celle de la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net, c'est-à-dire l'inscription au greffe du tribunal de grande instance et une publicité nationale par voie électronique dans le cadre du BODACC électronique.

Il ajoute que l'inventaire lui-même n'est consultable que par les créanciers et les légataires de biens fongibles, qui doivent justifier de leur titre. Ils pourront ainsi vérifier leur inscription à l'inventaire et prendre connaissance des autres créances, des privilèges inscrits et du montant de l'actif net permettant d'apurer le passif.

Ils pourront en outre obtenir copie de l'inventaire, et demander à être avisés de toute nouvelle publication. Devra en effet être déposé un complément de l'inventaire en cas de découverte tardive d'un élément d'actif net ou de passif.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement de coordination afin de viser les légataires de sommes d'argent.

Ces dispositions apparaissent particulièrement opportunes et tranchent avec le manque de transparence opposé actuellement aux créanciers. L'article 942 de l'ancien de code procédure civile, qui précise les personnes devant être présentes à l'inventaire, à savoir le conjoint survivant, les héritiers présomptifs, l'exécuteur testamentaire, les donataires et légataires universels ou à titre universel et le président du tribunal de grande instance, exclut en effet les créanciers.

Votre commission des lois vous propose de préciser par amendement que seuls les créanciers successoraux, à l'exclusion des créanciers personnels de l'héritier, peuvent bénéficier de ces dispositions. En effet, ce régime a précisément pour but d'éviter la confusion des patrimoines.

Paragraphe 2 - Des effets de l'acceptation à concurrence de l'actif net (art. 791 à 803 du code civil)

Le projet de loi vise surtout à améliorer le déroulement de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, notamment en réformant les règles en matière de vente des biens successoraux, sources de lenteur et de ventes à bas prix :

- l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net pourra ainsi conserver tout ou partie des biens, à condition de déclarer cette conservation et de verser aux créanciers le prix des biens en fonction de la valeur fixée dans l'inventaire. En outre, il pourra vendre les autres biens de gré à gré, sans autorisation judiciaire préalable (art. 793 modifié).

Les créanciers devront être informés de la conservation ou de l'aliénation du bien et pourront les contester si la valeur de conservation ou d'aliénation est inférieure à la valeur réelle, l'héritier devant alors le complément sur ses biens personnels (art. 794 modifié) ;

- l'héritier est en outre chargé de désintéresser les créanciers dans le mois suivant l'aliénation ou la déclaration de conservation (art. 797 modifié), en payant en premier lieu les créanciers titulaires de sûretés sur les biens vendus ou conservés, puis les créanciers chirographaires dans l'ordre de déclaration des créances (art. 796 modifié).

Art. 791 du code civil : Caractéristiques de l'acceptation à concurrence de l'actif net

? L'article 791 modifié reprend partiellement les dispositions de l'actuel article 802, qui énonce les particularités de l'acceptation à concurrence de l'actif net par rapport à l'acceptation pure et simple.

Cette procédure permet à l'héritier :

- d'éviter la confusion de ses biens personnels avec ceux de la succession et donc de maintenir la séparation des patrimoines ;

- de conserver les droits qu'il avait déjà sur la succession, puisqu'ils ne s'éteignent pas par confusion, ce qui est la conséquence logique du maintien de la séparation des patrimoines ;

- de n'être tenu du paiement des dettes de la succession que jusqu'à concurrence de la valeur des biens qu'il a recueillis , c'est-à-dire de l'actif net, d'où le nom de la nouvelle procédure.

? En revanche, le projet de loi supprime la faculté ouverte par l'actuel article 802 à l'héritier d'abandonner tous les biens de la succession aux créanciers et légataires, afin de se décharger de l'administration et de la liquidation de la succession. L'héritier conservait le bénéfice de la procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire et recevait le reliquat éventuel à l'issue de la liquidation.

Néanmoins, l'article 814-1 modifié par le projet de loi prévoit que l'héritier pourra demander en toute circonstance au juge de désigner toute personne qualifiée en qualité de mandataire successoral afin de le substituer dans la charge d'administrer et de liquider la succession.

Art. 792 du code civil : Délai de déclaration des créances

L'article 792 introduit une innovation substantielle en instituant une procédure de déclaration des créances obligatoire assortie d'une sanction drastique , alors que les actuels articles 808 et 809 du code civil ne prévoient aucune délai ni déclaration particulière.

? Le premier alinéa de cet article prévoit que les titulaires de créances non assorties de sûretés sur les biens recueillis dans la succession doivent déclarer leur créance en notifiant leur titre au domicile élu de l'héritier.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, remplacé la mention du « domicile élu de l'héritier » par celle du « domicile élu de la succession », par coordination avec l'élection d'un domicile unique introduite à l'article 788 modifié, et afin d'éviter qu'un créancier ne notifie qu'à un seul héritier en croyant que cette notification vaut pour tous, avec pour conséquence une extinction de sa créance à l'égard de l'ensemble de la succession.

Si l'obligation de déclaration ne pèse pas sur les créances non assorties de sûretés réelles sur les biens de la succession, elle concerne en revanche le cautionnement, qui constitue une sûreté personnelle.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, étendu l'obligation de déclaration aux créances assorties de sûretés , dans leur propre intérêt.

En effet, même si l'article 792-1 prévoit que la suspension des saisies pendant le délai de déclaration des créances leur fait produire l'effet d'une sûreté inscrite sur le bien et permet donc au créancier poursuivant d'être payé avant les chirographaires qui n'ont pas engagé de poursuites si le bien saisi est conservé ou aliéné, le créancier saisissant ou nanti d'une sûreté sur un bien particulier a toujours intérêt à déclarer sa créance.

En effet, cette déclaration lui permet de prendre rang sur les autres éléments de l'actif net si la valeur du bien sur lequel il bénéficie du privilège n'est pas suffisante pour l'apurement de sa créance. A défaut, il serait considéré à l'égard des autres biens de la succession comme un simple créancier chirographaire et donc payé en dernier.

Bien évidemment, l'absence de déclaration de créances assorties de sûretés ne les éteindra pas à l'égard de la succession.

Le projet de loi prévoit que cette déclaration doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de la publicité de la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net.

Le choix de ce délai, qui excède la durée d'un exercice comptable, doit permettre aux créanciers, à l'occasion de la clôture de chaque exercice, de s'intéresser au recouvrement de leurs créances. Néanmoins, s'il ne suspend pas le paiement des créances, qui intervient au fur et à mesure des déclarations, en vertu de l'article 796 modifié qui prévoit le paiement au prix de la course*, il présente l'inconvénient de laisser l'héritier longtemps dans l'ignorance du caractère excédentaire ou non de la succession.

L'Assemblée nationale a donc à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement réduit ce délai à quinze mois , en rappelant que ce délai s'ajoute à celui de quatre mois pendant lequel l'héritier ne peut être sommé d'opter et d'un mois (deux mois dans le texte issu de l'Assemblée nationale) pour exercer l'option.

? Le projet de loi sanctionne d'extinction les créances non déclarées dans le délai.

Le texte prévoit une sanction très sévère, puisque l'absence de déclaration dans les délais entraîne l'extinction de la créance à l'égard de la succession, et non du seul héritier acceptant à concurrence de l'actif net.

Certes, cette dérogation peut sembler injustifiée.

Néanmoins, elle fonde la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, qui est de protéger l'héritier et d'inciter les créanciers à la diligence.

La loi de sauvegarde des entreprises, s'agissant des procédures collectives, avait pour sa part retenu la solution inverse, en remplaçant l'extinction de la créance non déclarée dans le délai prévu par une simple exclusion de la répartition des dividendes. Ce choix dicté par le droit communautaire visait à permettre de déclarer la créance oubliée dans une éventuelle deuxième procédure collective en cas d'échec de la première, hypothèse impossible s'agissant de la succession d'une personne physique.

Ce délai de forclusion permettra de clarifier le devenir de la créance et de contraindre les créanciers à procéder à la déclaration rapidement.

L'Assemblée nationale a par ailleurs étendu, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, le principe de l'extinction de la dette déclarée trop tardivement aux cautions, conformément aux principes retenus dans la loi de sauvegarde des entreprises 39 ( * ) et prévus de manière générale par le code civil, qui prévoit que la caution suit le principal 40 ( * ) . La solution contraire n'inciterait pas les créanciers bénéficiant d'un cautionnement à déclarer leur créance.

Le texte vise les cautions et coobligés ainsi que les personnes ayant consenti une garantie autonome portant sur la créance ainsi éteinte. La garantie autonome, également appelée garantie à la première demande, oblige le garant aussitôt qu'il est sollicité, sans pouvoir, hors le cas de fraude manifeste, opposer la moindre exception ou contestation sur la réalisation du risque.

Enfin, l'Assemblée nationale a prévu, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que les créances non connues de manière définitive pourraient faire l'objet d'une déclaration à titre provisionnel. Ce dispositif vise les créances susceptibles de n'être définitivement connues qu'à l'issue d'un délai supérieur à celui de la déclaration des créances, comme par exemple en présence d'une action en responsabilité engagée contre le défunt avant son décès. Il permettra de ne pas priver celui qui a supporté un dommage de sa légitime réparation sans pour autant retarder la clôture de la procédure d'acceptation.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Rappelons enfin que le cours des intérêts ne sera pas suspendu pour les créances pendant le délai de déclaration, contrairement au cas des procédures collectives, ce qui devrait inciter l'héritier à régler rapidement la succession.

Art. 792-1 du code civil : Suspension des mesures d'exécution durant le délai prévu pour la procédure de déclaration

L'article 792-1 nouveau prévoit que toute mesure d'exécution forcée signifiée pendant ce délai de déclaration des créances est dépourvue d'effet attributif, mais produit les effets d'une sûreté inscrite sur le bien .

Le projet de loi n'interdit pas la mesure d'exécution forcée : seul son effet attributif, c'est-à-dire l'effet de transfert de propriété au profit du créancier saisissant (saisie attribution) ou de l'adjudicataire (saisie vente) est suspendu.

Cet article complète l'article 2147 du code civil, qui prévoit que le décès du débiteur arrête le cours des inscriptions hypothécaires dans le cas des successions acceptées sous bénéfice d'inventaire. Ce même article précise toutefois que les privilèges reconnus au vendeur, au prêteur de deniers pour l'acquisition, au copartageant ainsi qu'aux créanciers et légataires du défunt peuvent encore être inscrits. Les créanciers successoraux peuvent encore inscrire utilement les sûretés qui les protègent contre les créanciers personnels à commencer par le privilège de la séparation des patrimoines et l'hypothèque légale du légataire.

Le projet de loi reprend une mesure déjà prévue en cas de procédure collective par l'article L. 621-40 du code de commerce 41 ( * ) .

Elle doit permettre de faciliter le règlement du passif successoral par l'héritier, qui pourra ainsi aliéner ou conserver un bien, à charge d'en verser la valeur, sans que les créanciers puissent faire de saisie attribution sur les fonds de la succession ou le produit de l'aliénation ou de la décision de conservation.

Ce dispositif protège également les créanciers, qui n'auront pas à cumuler les procédures d'exécution et de déclaration, puisqu'il les dispense de l'obligation de déclaration, conformément à la jurisprudence actuelle qui assimile la mesure d'exécution forcée à une opposition au paiement dans le régime actuel du bénéfice d'inventaire. Il écarte donc tout risque d'extinction de la créance non déclarée dans les délais.

Il évite en outre que l'ordre de paiement des créances prévu par l'article 796 modifié soit contourné par l'emploi de mesures d'exécution. La créance est intégrée parmi les créances privilégiées au rang que lui confère sa date de prise d'effet, c'est-à-dire la date à laquelle le bien est devenu inaliénable ou grevé d'une sûreté : par exemple en matière de saisie mobilière à la date de saisie-vente et en matière de saisie immobilière à la date de la publication aux hypothèques du commandement de payer.

Afin d'améliorer l'équité entre les créanciers, l'Assemblée nationale a prévu à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement que l'acceptation arrête non seulement les voies d'exécution mais encore les inscriptions nouvelles de sûretés, afin d'éviter qu'un créancier « ne coupe la file » des déclarations par l'inscription d'une sûreté en cours de liquidation de la succession.

Elle a en outre précisé que ce dispositif supposait que le créancier ait signifié son titre exécutoire aux héritiers en leur dénonçant son titre ou l'acte d'exécution en application de l'article 877.

Art. 792-2 du code civil : Régime applicable en cas d'acceptation mixte

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un article additionnel ayant pour objet de soumettre l'ensemble des héritiers à la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net lorsque certains des héritiers ont décidé de recourir à cette procédure, tandis que d'autres héritiers ont accepté purement et simplement la succession.

Il s'agit d'une codification de la jurisprudence relative à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire.

Il précise en outre que les créanciers d'une succession acceptée par un ou plusieurs héritiers purement et simplement et par d'autres à concurrence de l'actif net peuvent provoquer le partage dès lors qu'ils justifient de difficultés dans le recouvrement de la part de leur créance incombant aux héritiers acceptant à concurrence de l'actif net.

Art. 793 du code civil : Faculté de déclarer conserver un bien

? Afin de rendre l'acceptation à concurrence de l'actif net plus attractive, le projet de loi ouvre la faculté aux héritiers de conserver un ou plusieurs biens de la succession sans devoir s'en porter acquéreur en vente publique s'il s'agit d'un immeuble comme c'est le cas actuellement. Cette disposition permettra ainsi de conserver une maison de famille.

L'héritier pourra exercer cette faculté pendant le délai de déclaration des créances, c'est-à-dire quinze mois dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale qu'il s'agisse d'un meuble ou d'un immeuble.

Il devra verser le prix fixé par l'inventaire estimatif établi par le notaire, le commissaire aux comptes ou l'huissier compétent. Le projet ne met ensuite à sa charge aucune interdiction d'aliéner le bien ainsi conservé, celui-ci faisant désormais partie de son patrimoine personnel.

L'héritier devra néanmoins déclarer son intention de conserver le bien dans les conditions fixées par l'article 794 modifié, afin d'informer les créanciers.

? Le projet de loi confie en outre à l'héritier la responsabilité de vendre les biens successoraux qu'il ne souhaite pas conserver .

Il réforme donc substantiellement le droit en vigueur , inutilement complexe et peu protecteur des intérêts des héritiers et des créanciers car aboutissant souvent à des ventes à vil prix.

- Actuellement , les meubles doivent être vendus, après autorisation du président du tribunal de grande instance (art. 986 de l'ancien code de procédure civile), aux enchères par un officier public (art. 805 du code civil), sous peine de déchéance de cette acceptation sous bénéfice d'inventaire en acceptation pure et simple (art. 989 de l'ancien code de procédure civile).

S'agissant des immeubles, l'actuel article 806 du code civil renvoie aux « formes prescrites par les lois sur la procédure ». L'article 987 de l'ancien code de procédure civile (issu d'une loi de 1841) prévoit une procédure complexe : l'héritier présente au président du tribunal de grande instance une requête, sur laquelle conclut le parquet. Le juge peut ensuite soit autoriser la vente et fixer la mise à prix, soit nommer préalablement un expert afin d'estimer l'immeuble. S'agissant des formalités de la vente, l'article 988 du même code renvoie aux règles prescrites par le nouveau code de procédure civile pour la vente des immeubles appartenant à des mineurs (art. 1271 et suivants du nouveau code de procédure civile). La vente aux enchères publiques se déroule soit devant le tribunal de grande instance en audience des criées, soit devant un notaire commis à cet effet (art. 1272).

Enfin, les règles concernant les meubles incorporels demeurent imprécises en dépit de l'importance croissante des fonds de commerce, des marques, des droits de bail, des portefeuilles de valeurs mobilières 42 ( * ) .

- Le projet de loi supprime ces formalités, mais ouvre des recours aux créanciers . Contrairement au droit en vigueur, il n'est pas prévu de verser le prix directement aux créanciers hypothécaires ni de fournir une caution pour la portion du prix des immeubles non déléguée aux créanciers hypothécaires (actuel art. 807).

Il précise en outre que l'héritier devra aux créanciers, non la valeur fixée par l'inventaire, même si elle est supérieure, mais celle de l'aliénation.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a retiré en séance un amendement prévoyant l'obligation pour l'héritier aliénant un bien de verser au minimum la valeur fixée par l'inventaire, et réservant au seul cas où le bien a fait l'objet d'une vente par adjudication le versement de la valeur de l'aliénation du bien. Le rapporteur de la commission des lois, M. Sébastien Huyghe, considérait en effet que la valeur fixée dans l'inventaire devait servir de référence, puisqu'elle engageait la responsabilité d'un officier ministériel. Le Gouvernement a toutefois estimé qu'un tel dispositif ne permettait pas de prendre en compte la variation de valeur des biens dans le temps.

Notons que l'héritier n'est pas obligé de vendre tous les biens, ni de déclarer tous les biens conservés si le passif a été totalement acquitté.

Art. 794 du code civil : Modalités de conservation ou d'aliénation des biens successoraux et recours des créanciers

Cet article détermine les modalités de conservation ou d'aliénation des biens successoraux, ainsi que les recours ouverts aux créanciers n'ayant pu être totalement désintéressés et qui incrimineraient le prix trop faible du bien conservé ou aliéné.

? Le premier alinéa de cet article prévoit que l'héritier doit informer le greffe du tribunal de grande instance dans un délai de huit jours , ce qui est extrêmement bref, de chaque aliénation ou décision de conserver le bien. Le greffier est chargé d'en assurer la publicité.

Votre commission vous propose de le porter à 15 jours par amendement .

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel.

? Le deuxième alinéa ouvre aux créanciers successoraux la faculté de contester devant le président du tribunal de grande instance la valeur du bien conservé ou le prix de l'aliénation , à charge pour eux de prouver que la valeur réelle du bien est supérieure.

Ce recours n'est logiquement ouvert qu'aux créanciers successoraux, ce qui exclut les créanciers personnels de l'héritier, et suppose que les créanciers n'aient pas déjà été désintéressés.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a pallié une lacune du texte en prévoyant que ce recours doit s'exercer dans les trois mois suivant la publicité de la déclaration de conservation ou d'aliénation.

Le recours ne pourra porter que sur le prix de la vente ou la valeur du bien déclaré conservé, et non sur le choix de conserver ou non le bien.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, supprimé la référence à la valeur « réelle » du bien, jugée trop ambiguë.

Si le bien est aliéné ou conservé à la valeur fixée dans l'inventaire, il sera sans doute difficile pour le créancier de la contester, à moins de prouver une évolution du marché ou du bien, ou de mettre en cause l'estimation du notaire, de l'huissier ou du commissaire-priseur ayant réalisé l'estimation. Si en revanche le bien est vendu à un prix inférieur, l'héritier devra démontrer qu'il ne s'est pas présenté d'acquéreur à ce prix. Il pourrait être plus prudent de recueillir l'accord des créanciers, notamment hypothécaires, en cas de vente amiable.

Le juge aura cependant une liberté souveraine pour apprécier la valeur du bien.

Le projet de loi n'étend pas la faculté reconnue à l'article 810-3 nouveau du code civil en matière de succession vacante au créancier d'exiger que la vente soit faite par adjudication lorsqu'il est envisagé une vente amiable. Elle parait en effet trop lourde, puisqu'elle impliquerait de publier un projet de vente pour chaque bien, meuble ou immeuble. Elle vise surtout à éviter des recours de créanciers contre l'Etat du fait de ventes accomplies par le service des domaines.

Votre commission des lois vous propose cependant par amendement de prévoir que la contestation du prix n'est pas possible lorsque la vente a été réalisée aux enchères publiques.

? Le troisième et dernier alinéa de l'article 794 modifié précise que lorsque la demande du créancier est accueillie par le juge, l'héritier doit :

- s'agissant d'un bien aliéné, compenser la différence de valeur sur ses biens personnels ;

- s'agissant d'un bien conservé, soit y renoncer s'il le souhaite, soit compenser la différence de valeur.

Le projet de loi ne prévoit aucune sanction particulière, seule la compensation de la différence des valeurs étant due . Pour autant, le créancier pourra demander des dommages et intérêts en cas de faute de l'héritier.

Cette action n'a donc normalement aucun effet sur l'acquéreur du bien successoral.

L'Assemblée nationale a cependant précisé à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement que ce recours se cumulerait avec l'action paulienne (art. 1167 du code civil), qui permet à un créancier d'attaquer un acte fait par un débiteur (ici l'héritier) en fraude de ses droits. Cette action est utilisée notamment pour faire réintégrer dans le patrimoine du débiteur des biens aliénés à un tiers généralement complice dans le but d'empêcher le créancier de s'en saisir.

Précisons enfin que la non-affectation du prix de la vente de biens conservés par un héritier en l'absence de déclaration et alors que le passif n'a pas été entièrement apuré expose l'héritier aux sanctions prévues à l'article 800, c'est-à-dire la déchéance de son acceptation à concurrence de l'actif net.

Art. 795 du code civil : Conditions d'opposabilité de la déclaration de conserver un bien

L'article 795 modifié précise les conditions d'opposabilité de la déclaration de conservation d'un bien par l'héritier et la sanction du manquement à l'obligation d'information de l'aliénation.

? Le projet de loi prévoit que la déclaration de conservation d'un bien n'est opposable aux créanciers que lorsqu'elle a été « dénoncée », c'est-à-dire publiée , ainsi que l'a clarifié l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement.

Les créanciers successoraux et les légataires de sommes d'argent ne pourront poursuivre le recouvrement de leur créance sur les biens déclarés comme conservés (art. 878 modifié). En revanche, les créanciers personnels pourront poursuivre le recouvrement de leur créance sur ces biens.

La publication de cette décision de conservation fait en outre courir le délai d'un mois (deux mois dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale) à l'issue duquel l'héritier doit payer les créanciers (art. 798 modifié).

? Le second alinéa de ce texte sanctionne par ailleurs le défaut de déclaration de l'aliénation par l'engagement de la responsabilité de l'héritier sur son patrimoine personnel à hauteur du prix de l'aliénation .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que ce défaut de déclaration s'apprécie à l'issue du délai prévu à l'article 794 (huit jours dans la rédaction de l'Assemblée nationale, quinze jours dans la rédaction proposée par votre commission).

Cette sanction s'ajoute à la transformation d'office de l'option en acceptation pure et simple prévue à l'article 800 modifié 43 ( * ) .

Art. 796 du code civil : Ordre de règlement des créanciers et légataires

Le projet de loi de 1995 relatif aux successions avait proposé d'instaurer un juge-commissaire chargé d'assurer la régularité et l'exécution rapide des opérations et prévu de renforcer la protection des créanciers par analogie avec les dispositions des procédures collectives. Il prévoyait enfin de distinguer les modalités de règlement du passif selon qu'il était assuré par l'héritier bénéficiaire lui-même ou par un administrateur nommé en justice.

Le présent projet de loi n'a pas repris ces propositions, par souci d'alléger la procédure, et a au contraire pris l'option de renforcer le rôle de l'héritier dans le règlement du passif de la succession.

Il prévoit ainsi que l'héritier règle le passif de la succession .

Si le droit en vigueur (actuel art. 808 du code civil) prévoit déjà que l'héritier paie des créanciers, l'article 796 modifié pallie désormais l'absence d'organisation de cette procédure.

? Le projet de loi précise expressément l'ordre de paiement des créanciers.

Le deuxième alinéa de l'article 796 modifié indique ainsi que les créanciers privilégiés sont payés selon le rang de leur sûreté respective . Ils exercent leur privilège sur le prix du bien aliéné ou conservé sur lequel porte leur créance. Cette précision ne figure actuellement s'agissant de la procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire qu'à l'article 991 de l'ancien code de procédure civile.

S'agissement du paiement des autres créanciers -c'est-à-dire les créanciers chirographaires, les créanciers privilégiés ayant une sûreté sur un autre bien que celui aliéné ou conservé, ou n'ayant pas déclaré leur créance, ou dont la créance dépasserait la valeur du bien sur lequel porte leur sûreté-, le troisième alinéa de l'article 796 modifié précise qu'ils sont désintéressés dans l'ordre des déclarations, à condition qu'ils aient déclaré leur créance .

On distingue deux modalités de paiement des créanciers chirographaires :

- le paiement au prix de la course*, qui peut se résumer par l'adage « premier arrivé, premier servi », avec pour conséquence que le créancier moins diligent peut se voir opposer l'épuisement du passif, alors que son prédécesseur plus rapide aura été totalement désintéressé ;

- le paiement au marc l'euro*, qui permet de rémunérer chaque créancier au prorata de sa créance en cas d'insuffisance de l'actif net, quel que soit son ordre d'arrivée. Les risques d'insolvabilité sont donc partagés également.

Actuellement, le paiement au prix de la course n'intervient qu'en l'absence d'opposition des créanciers, donc en pratique très rarement, le paiement au marc l'euro étant de fait généralisé (art. 808 du code civil). La jurisprudence considère d'ailleurs que l'opposition est présumée dès lors que la dette est inscrite à l'inventaire signé par l'héritier bénéficiaire.

Le projet de loi modifie donc profondément le droit en vigueur en le généralisant.

Le dernier alinéa de l'article 796 modifié précise enfin que les légataires de biens fongibles 44 ( * ) reçoivent leur legs après que tous les créanciers ont été payés .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement de coordination afin de viser les legs de sommes d'argent.

? Le paiement des créanciers n'est pas subordonné à l'expiration du délai de déclaration des créances prévu par l'article 792 modifié, qui ne retarde donc pas la liquidation de la succession. L'héritier acceptant doit payer les créanciers au fur et à mesure de leur présentation. Ce délai, qui suspend les voies d'exécution, permet au contraire à l'héritier acceptant de procéder plus facilement à cette liquidation.

? La solution choisie par le projet de loi rompt donc délibérément avec le formalisme actuel et les propositions tant du projet de loi de 1995 que de la proposition sénatoriale de 2001, qui préconisaient un délai de déclaration des créances court au terme duquel serait organisé un paiement des créanciers au marc l'euro .

Pourtant la solution qu'ils avaient proposée pouvait paraître plus équitable entre les créanciers. En effet, les créanciers professionnels, plus coutumiers de la lecture du BODACC, risquent de se manifester plus rapidement que les particuliers, et donc d'avoir plus de chances d'être complètement désintéressés au détriment des derniers à se présenter.

La Chancellerie l'a pourtant écartée, la jugeant incompatible avec la volonté de déjudiciarisation et de simplification de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net.

En effet, attendre deux ans pour connaître l'ensemble des créances pour pouvoir organiser une mini-procédure collective et commencer à désintéresser les créanciers parait très contraignant pour les personnes dont les créances sont modestes, et en particulier les personnes physiques.

Eviter cet écueil en réduisant drastiquement le délai de déclaration des créances en s'inspirant du délai de déclaration de deux mois prévu pour les procédures collectives pourrait s'avérer défavorable pour ces mêmes personnes, peu familières du BODACC, et qui risquent donc, à l'exception de la famille proche, de rester dans l'ignorance du décès et de voir leurs créances éteintes.

En outre, l'organisation d'une mini-procédure collective obligerait par sa technicité l'héritier à recourir à un professionnel, ce qui alourdirait le coût de la liquidation, et conduirait à recourir au juge pour établir un relevé de forclusion.

Le projet de loi a donc écarté cette solution, en estimant qu'elle aboutirait en fait aux mêmes travers que l'acceptation sous bénéfice d'inventaire et qu'elle limiterait cette nouvelle procédure aux successions importantes comprenant des entreprises à la solvabilité incertaine, tandis que les particuliers continueraient de détourner la loi en renonçant à la succession après avoir détourné discrètement quelques biens de valeur marchande ou sentimentale en espérant éviter la sanction de la déclaration d'acceptation pure et simple. Au contraire, le projet de loi incite à la diligence.

Art. 797 du code civil : Délai de règlement des créances

L'article 797 modifié précise le délai dans lequel doit intervenir le paiement des créanciers.

? Le premier alinéa prévoit que le paiement doit intervenir dans un délai d'un mois , soit à compter de la disponibilité du prix du bien vendu, soit à compter de la déclaration de conservation du bien considéré.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, porté à deux mois ce délai de paiement, qui parait plus raisonnable en cas de conservation d'un bien immobilier ou de biens mobiliers de valeur, qui requièrent éventuellement l'obtention préalable d'un emprunt.

? Le second alinéa prévoit que lorsque l'héritier ne peut se dessaisir de la somme correspondant à l'aliénation ou la conservation du bien au profit des créanciers dans ce délai, notamment en raison d'une contestation portant sur l'ordre ou la nature des créances, qui détermine la répartition entre créanciers, il doit les consigner.

On peut également envisager l'hypothèse d'une demande d'annulation de la vente.

La consignation se fait en application de l'article L. 518-17 du code monétaire et financier auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

Art. 798 du code civil : Limites des poursuites des créanciers

Cet article complète l'article 878 modifié par l'article 7 du projet de loi, qui autorise les créanciers du défunt et les légataires de biens fongibles à demander à être préférés sur l'actif net successoral à tout créancier personnel de l'héritier, et inversement les créanciers de l'héritier à être préférés aux créanciers du défunt sur les biens de l'héritier non recueillis au titre de la succession.

? L'article 798 modifié prévoit que les créanciers successoraux et les légataires de biens fongibles ne peuvent poursuivre le recouvrement que sur les biens de la succession ni conservés (du fait de l'opposabilité de la déclaration de conservation) ni aliénés (afin de garantir la sécurité juridique des acquéreurs).

Il rappelle la priorité des créanciers détenteurs de sûretés, à condition que les créances ne soient pas éteintes. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel.

? Le projet de loi précise en outre que les créanciers personnels de l'héritier ne peuvent poursuivre le recouvrement de ces biens .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que cette interdiction ne vaut que jusqu'au désintéressement intégral des créanciers successoraux et des légataires et qu'à l'expiration du délai de suspension des poursuites, c'est-à-dire du délai de déclaration des créances prévu à l'article 792 modifié.

Art. 799 du code civil : Recours des créanciers successoraux déclarant leur créance après épuisement de l'actif net

? L'article 799 modifié reprend partiellement les dispositions de l'actuel 809 qui ouvre un recours aux créanciers successoraux qui ne déclarent leur créance qu'après épuisement de l'actif net contre les seuls légataires remplis de leur droit .

Cette disposition traduit l'adage « nemo liberalis nisi liberatus » « qui a des dettes ne peut faire des libéralités ».

Les légataires n'ont pas à être privilégiés par rapport aux autres héritiers et ne doivent comme eux recevoir une part de la succession que s'il reste un actif net après paiement des dettes.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que ce recours n'était ouvert qu'aux créanciers ayant déclaré leur créance dans le délai prévu (deux ans dans la rédaction du projet de loi initial, quinze mois dans celle issue de l'Assemblée nationale), puisqu'au-delà leur créance est éteinte à l'égard de la succession.

Ce recours ne devrait pas jouer contre les légataires de sommes d'argent, puisqu'ils ne sont de toute façon payés qu'après tous les créanciers de la succession, privilégiés ou non, en application de l'article 796 modifié.

? Le projet de loi n'a en revanche pas prévu de délai pour ce recours, alors que l'actuel article 809 prévoit un délai de trois ans à compter de l'apurement du compte et du paiement du reliquat.

Il ne semble cependant pas nécessaire de prévoir de délai, les biens de la succession constituant le gage des créanciers successoraux jusqu'à extinction de leur créance par paiement ou prescription.

Votre commission des lois vous propose donc de le rétablir , puis d'adopter un amendement rédactionnel.

Art. 800 du code civil : Responsabilité de l'héritier

Cet article regroupe en les modifiant les dispositions des actuels articles 801, 803 et 804 afin de préciser la responsabilité de l'héritier.

? Le premier alinéa prévoit que l'héritier est chargé d'administrer les biens qu'il recueille dans la succession. Il doit tenir le compte de son administration, des créances qu'il paie et des actes qui engagent les biens recueillis ou qui affectent leur valeur, comme par exemple une mise en location ou l'inscription d'une hypothèque. Ce compte doit être tenu au fur et à mesures des actes effectués. Il est destiné aux seuls créanciers successoraux.

Cet alinéa précise ainsi les dispositions du premier alinéa de l'actuel article 803.

? Le deuxième alinéa reprend les dispositions de l'actuel article 804 qui précise que l'héritier ne répond que des fautes graves.

En effet, l'héritier n'est pas un professionnel et n'est pas rémunéré pour son administration. La jurisprudence relative à l'actuel article 804 a d'ailleurs étendu cette clémence aux actes de liquidation. La faute grave consiste notamment dans la non-affectation des sommes recouvrées au règlement du passif de la succession ou la transformation d'une succession créditrice en succession débitrice.

? Le troisième alinéa reprend les dispositions du deuxième alinéa de l'actuel article 803 et prévoit que l'héritier doit présenter le compte à tout créancier qui le demande et répondre dans un délai d'un mois à la sommation de révéler où se trouvent les biens et droits successoraux ni conservés ni aliénés, et qui ont donc vocation à payer le reste du passif.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, porté le délai au terme duquel l'héritier doit répondre d'un à deux mois, et précisé que cette sommation doit être notifiée par acte extrajudiciaire pour lui donner date certaine.

Le refus d'accéder à ces demandes contraint l'héritier sur son patrimoine personnel. Le projet de loi n'a pas conservé les dispositions du dernier alinéa de l'actuel article 803, qui prévoient que cette contrainte ne peut s'exercer que dans la limite des sommes restant dues aux créanciers successoraux.

Votre commission des lois vous propose de préciser par amendement que ces facultés sont ouvertes aux seuls créanciers successoraux.

? Le dernier alinéa précise enfin les deux hypothèses dans lesquelles l'héritier peut voir son acceptation à concurrence de l'actif net transformée d'office en acceptation pure et simple . Cette déchéance rétroagit au jour de l'ouverture de la succession.

Le premier cas reprend l'hypothèse de l' omission , sciemment et de mauvaise foi, d'éléments d'actif dans l'inventaire, actuellement visée à l'article 801. Le projet de loi ajoute explicitement l'hypothèse de l'omission d'éléments de passif . Cette sanction devra être articulée avec celle prévue par l'article 778 modifié en cas de recel de biens ou de droits, qui consiste à exclure l'héritier du bénéfice de l'actif net successoral recelé. L'article 778 vise cependant essentiellement la fraude aux droits des cohéritiers et suppose un acte matériel de rétention d'un bien, contrairement à l'omission.

Le second cas de déchéance du bénéfice de l'acceptation à concurrence de l'actif net vise la non-affectation au paiement des créanciers de la valeur des biens conservés ou du prix des biens aliénés . Le projet ne précise pas si un simple retard emportera la même sanction. Il appartiendra au juge d'apprécier la gravité du manquement et d'engager le cas échéant la responsabilité de l'héritier sur la base de l'article 1382 si le retard s'apparente à une faute grave de son administration. De même, l'affectation seulement partielle du prix au paiement des créanciers pourrait conduire le juge à transformer l'acceptation en acceptation pure et simple.

Art. 801 du code civil : Révocation de l'acceptation à concurrence de l'actif net

Contrairement à l'acceptation pure et simple, l'acceptation à concurrence de l'actif net n'est pas irrévocable.

? Cet article prévoit que l'héritier peut révoquer son acceptation à concurrence de l'actif net en acceptant purement et simplement , tant que la prescription du droit d'accepter n'est pas acquise contre lui, c'est-à-dire dorénavant dans un délai de 10 ans à compter de l'ouverture de la succession, sous réserve des reports du point de départ de la prescription prévus lorsque l'héritier a laissé au conjoint survivant la jouissance des biens héréditaires ou qu'il s'agit d'un héritier subséquent (art. 781 modifié).

Cette révocation rétroagit au jour de l'ouverture de la succession.

Il s'agit d'une confirmation de la jurisprudence 45 ( * ) .

Une telle hypothèse devrait en pratique rester peu fréquente, l'acceptation pure et simple exposant l'héritier à des risques de mise en cause sur son patrimoine personnel et étant prévue par ailleurs comme la sanction du manquement à ses obligations. Elle pourrait cependant intervenir lorsqu'il apparaît rapidement que la succession présente un caractère nettement excédentaire et que l'héritier souhaite utiliser une procédure plus simple.

Si le projet de loi ne précise pas si cette révocation peut avoir un caractère tacite, la révocation tacite est d'ores et déjà admise par la jurisprudence, lorsque l'héritier commet des actes dépassant manifestement le périmètre de l'administration de la succession. On peut citer la renonciation à recouvrer une créance sans aucune garantie du débiteur, la cession de biens à titre gratuit. Une telle solution est en outre logique, puisque l'article 789 modifié prévoit que l'acceptation pure et simple peut être expresse ou tacite.

? Le projet de loi précise cependant que l'acceptation à concurrence de l'actif net ne peut en revanche donner lieu à renonciation . Cette disposition tend à éviter que l'héritier ne se décharge sur l'Etat de l'administration de la succession à partir du moment où le caractère déficitaire de la succession apparaît clairement. Le nouveau régime lui garantit en effet une protection suffisante.

Art. 802 du code civil : Conséquences de la déchéance ou de la révocation pour les créanciers successoraux et les légataires de sommes d'argent

Cet article précise les conséquences de la révocation de l'acceptation à concurrence de l'actif net ou de sa déchéance pour non-respect de la procédure pour les créanciers successoraux et les légataires de sommes d'argent 46 ( * ) .

En effet, tant la déchéance que la révocation rétroagissent au jour de l'ouverture de la succession. Ainsi, les patrimoines personnel et successoral sont considérés comme confondus dès ce jour, l'héritier étant tenu indéfiniment des dettes et disposant de pouvoirs illimités sur les biens de la succession.

Afin d'éviter que cette rétroactivité ne fasse disparaître tous les effets de la première acceptation à concurrence de l'actif net, y compris l'avantage de la séparation des patrimoines, qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les créanciers, alors même que cette situation ne leur est pas imputable, le projet de loi précise que les créanciers successoraux et les légataires de sommes d'argent conservent l'exclusivité des poursuites sur les biens recueillis de la succession ni aliénés ni déclarés conservés qui leur est reconnue par l'article 798 modifié.

Il s'agit d'une confirmation de jurisprudence, qui se base sur la théorie des droits acquis.

Art. 803 du code civil : Paiement des frais de procédure

Enfin, l'article 803 modifié reprend les dispositions de l'actuel Art. 810 et met les frais de scellés (qui n'apparaissent plus dans le projet de loi mais pourront toujours être demandés par un cohéritier ou un créancier en cas de contestation sur le sort de certains biens et du fait d'un risque de détournement), les frais d'inventaire et de compte à la charge de la succession et non de l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net, même si c'est lui qui les diligente.

Cette disposition doit permettre de ne pas dissuader l'héritier de recourir à cette procédure.

Le projet de loi introduit en outre une innovation en précisant que ces frais de procédure sont payés en frais privilégiés de partage. L'officier public ou ministériel ayant réglé la succession ou permis la conservation des biens successoraux sera donc payé avant les autres créanciers. Cette précision était nécessaire, ces frais ne pouvant pas être assimilés à des frais de justice puisque c'est l'héritier qui est chargé d'administrer la succession.

SECTION 4 - De la renonciation à la succession (art. 804 à 808 du code civil)

? Des trois options reconnues au successible, la renonciation est la plus rarement choisie, dans moins de 5 % des cas.

Elle présente l'avantage de la simplicité en présence d'une succession manifestement déficitaire, dans laquelle le successible ne souhaite pas particulièrement conserver des biens de famille.

En présence d'une succession solvable, la renonciation peut permettre d'éviter d'avoir à rapporter une libéralité importante. En effet, l'article 845 du code civil prévoit que l'héritier qui renonce à la succession peut cependant retenir le don entre vifs ou réclamer son legs jusqu'à concurrence de la portion disponible. La renonciation transforme donc une libéralité rapportable en libéralité hors part . L'héritier donataire peut avoir intérêt à conserver pour lui seul ce qui lui a été donné et à abandonner aux autres les biens laissés par le de cujus , plutôt que de partager l'ensemble avec eux 47 ( * ) .

Enfin, la renonciation peut viser à favoriser les autres cohéritiers dans le cadre d'un pacte de famille tacite. Cette hypothèse est cependant plus délicate à mettre en oeuvre, puisque la renonciation au profit d'une personne déterminée est qualifiée d'acceptation pure et simple.

Si l'occurrence de la renonciation devrait encore diminuer du fait de la réforme de l'acceptation à concurrence de l'actif net et de la possibilité ouverte par l'article 14 du projet de loi de renoncer par anticipation à exercer des actions en réduction contre des libéralités portant atteinte à sa réserve, le projet de loi apporte quelques précisions opportunes.

? La section 4 comprend les articles 804 à 808 qui reprennent en les adaptant une partie des dispositions des actuels articles 784, 785 et 790 de cette section, en y ajoutant une partie des dispositions de l'article 797 compris dans la section consacrée au bénéfice d'inventaire.

Par ailleurs, les articles 786 et 787, qui prévoient que la part du renonçant s'ajoute à celle des cohéritiers, sont abrogés, l'article 754 modifié par le 13° de l'article 22 du projet de loi autorisant la représentation du renonçant de son vivant, avec pour conséquence que la part du renonçant est répartie entre ses héritiers en ligne directe.

Les dispositions de l'article 788 relatives à l'action paulienne sont déplacées à l'article 778 modifié, celles de l'article 789 relatives au délai de prescription à l'article 781 modifié et celles de l'article 791 interdisant la renonciation à une succession non ouverte à l'article 770 modifié. Enfin, les dispositions de l'article 792 sur le recel successoral sont fusionnées avec celles de l'article 801 à l'article 778 modifié.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel dans le titre de la section 4 afin de préciser qu'elle traite de la renonciation à la succession.

Art. 804 du code civil : Modalités de la renonciation

L'article 804 modifié reprend en les modernisant les dispositions de l'actuel article 784.

Il prévoit que la renonciation à une succession ne se présume pas , contrairement à l'acceptation pure et simple.

L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que l'écoulement de la prescription valait présomption de renonciation. Votre commission des lois vous propose de supprimer par amendement cette précision juridiquement incorrecte.

Le projet de loi précise que pour être opposable aux tiers, la renonciation doit être faite au tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte.

La publicité est donc requise ad opposabilitatem et non a d validitatem . En son absence, la renonciation restera valable, mais ne sera simplement pas opposable aux créanciers.

Si le projet de loi ne reprend pas la mention du registre des renonciations tenu au tribunal, cette précision étant de caractère réglementaire, il précise en revanche que les formalités au tribunal conditionnent son opposabilité aux créanciers.

Le projet de loi consacre en outre la jurisprudence exemptant l'héritier à titre particulier des formalités de renonciation s'il renonce à son legs.

Au contraire, il étend cette formalité aux légataires universels et à titre universel, en renversant une jurisprudence 48 ( * ) contestée, qui visait à éviter que des arrangements familiaux amiables se traduisant par des renonciations unilatérales à des legs d'universalité ne soient remises en cause pour un simple défaut de déclaration au greffe. En effet, cette jurisprudence empêchait une information complète des créanciers quant à l'étendue de leur droit de gage, et ne permettait en outre pas de s'assurer de la volonté du renonçant.

Art. 805 du code civil : Rétroactivité de la renonciation

L'article 805 modifié reprend les dispositions de l'actuel article 785 et rappelle que l'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier.

Cette disposition rétroagit à la date de l'ouverture de la succession. Cette solution découle déjà de l'article 776 modifié qui prévoit plus généralement que l'option exercée a un effet rétroactif au jour de l'ouverture de la succession.

Par conséquent, si le renonçant est représenté, conformément à la faculté ouverte par le 13° de l'article 22 du projet de loi, les personnes le représentant seront réputées hériter directement du défunt.

Art. 806 du code civil : Décharge de responsabilité du renonçant

? Le projet de loi précise que le renonçant est exonéré du paiement des dettes et charges de la succession , ce qui est logique.

Rappelons que les dettes de la succession sont celles dont le défunt était tenu au jour de son décès, alors que les charges sont des dettes résultant directement du décès du de cujus (frais funéraires, frais de liquidation, droits de mutation...).

? Malgré la renonciation, la jurisprudence reconnaît le droit au renonçant de se faire attribuer des souvenirs de famille. En outre, il demeure titulaire des droits sur les sépultures et les caveaux de famille.

L'Assemblée nationale a donc, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, consacré une jurisprudence récurrente 49 ( * ) imposant au renonçant d'acquitter à proportion de ses moyens le paiement des frais funéraires de son ascendant ou descendant.

Art. 807 du code civil : Révocation de la renonciation

? L'article 807 modifié reprend les dispositions de l'actuel article 790, qui prévoit la possibilité de révoquer la renonciation tant que la prescription du droit d'accepter n'est pas acquise et que la succession n'a pas été acceptée par d'autres héritiers .

Il apporte plusieurs précisions par rapport au droit en vigueur :

- cette révocation ne peut se faire qu'au bénéfice d'une acceptation pure et simple ;

- elle ne peut intervenir que si l'Etat n'a pas déjà été envoyé en possession. L'envoi en possession a pour effet de le rendre propriétaire des biens de la succession en déshérence du fait de la renonciation des héritiers. Le projet de loi contre donc la jurisprudence 50 ( * ) qui se fondait sur la lettre de l'article 790 pour considérer au contraire que l'Etat n'étant pas un héritier 51 ( * ) , mais recueillant la succession vacante en tant que souverain, le renonçant pouvait révoquer sa renonciation même après l'envoi en possession.

Cette disposition empêchera donc à l'avenir l'héritier de renoncer pour laisser l'Administration des domaines se charger de liquider la succession et révoquer ensuite sa renonciation lorsqu'il apparaît que la succession est bénéficiaire . L'acceptation à concurrence de l'actif net, désormais modernisée et simplifiée, doit en effet devenir le principe en cas de doute.

Bien que le projet de loi ne le précise pas, cette rétractation pourra être tacite, ainsi que le reconnaît déjà la jurisprudence. En vertu de l'article 783 modifié, l'acceptation tacite sera reconnue lorsque le successible aura fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter et qu'il n'a le droit de faire qu'en qualité d'héritier saisi.

La révocation de la renonciation sera interdite en cas d'acceptation d'autres héritiers, qu'il s'agisse d'une acceptation pure et simple ou à concurrence de l'actif net. En particulier, l'acceptation des représentants du renonçant empêchera cette révocation.

Votre commission des lois vous propose par amendement de préciser qu'il suffit de l'acceptation d'un seul co-héritier pour empêcher la révocation de la renonciation et non comme le dit le projet de loi « d'autres héritiers ».

? Le second alinéa de l'article 807 modifié reprend les dispositions restantes de l'article 790 en prévoyant l'inopposabilité de cette acceptation aux tiers sous certaines conditions.

Il indique que l'acceptation par l'héritier de la succession rétroagit au jour de son ouverture, sans toutefois remettre en cause les droits acquis par les tiers sur les biens de la succession par prescription ou par actes valablement faits avec le curateur à la succession vacante.

La jurisprudence 52 ( * ) semble actuellement limiter la protection des droits acquis par les donataires et légataires à la seule catégorie des donataires et légataires à titre particulier.

Art. 808 du code civil : Mise à la charge de la succession des frais engagés avant la renonciation

L'article 808 modifié prévoit enfin que les frais légitimement engagés par l'héritier avant sa renonciation sont à la charge de la succession, conformément aux dispositions actuelles de l'article 797.

CHAPITRE V - DES SUCCESSIONS VACANTES ET DES SUCCESSIONS EN DÉSHÉRENCE

Le projet de loi a pour objet de simplifier le régime des successions non réclamées, vacantes ou en déshérence.

1. Le droit en vigueur

• Une accumulation de textes

Les règles applicables à ces successions sont anciennes, nombreuses et éparses :

- les articles 539 et 724 du code civil ont trait au transfert à l'Etat de la propriété des biens des personnes qui décèdent sans héritier ou dont les successions sont abandonnées, et à l'exigence de l'envoi en possession de l'État en cas de défaut des héritiers ;

- les articles 768 à 770 et 772, composent le chapitre IV (« Des droits de l'Etat » du titre Ier (« Des successions ») du livre troisième du même code ;

- les articles 811 à 814 du même code, concernent les successions vacantes ;

- les articles 998 à 1002 du code (ancien) de procédure civile composent le titre dixième (« Du curateur à une succession vacante »), du livre II (« Des procédures relatives à l'ouverture d'une succession ») ;

- une loi du 20 novembre 1940 confie à l'administration des domaines -originellement administration de l'enregistrement, des domaines et du timbre- la gestion des successions non réclamées et la curatelle des successions vacantes. Le code civil prévoyait, avant 1940, que les successions abandonnées devaient être gérées par un curateur désigné à la discrétion des tribunaux, et placé sous leur contrôle. Ce régime a perduré jusqu'en 1940, année au cours de laquelle la curatelle des successions vacantes a été confiée au service des domaines, en raison de la négligence et de l'inertie d'un grand nombre de curateurs, mais aussi de la constatation de nombreuses malversations, notamment en matière de perception des honoraires sur les actes d'administration pratiqués ;

- un arrêté interministériel du 2 novembre 1971 relatif à l'administration provisoire et à la curatelle des successions a été pris en application de la loi du 20 novembre 1940.

Les départements d'outre-mer sont soumis à un régime spécifique fixé par un décret du 27 janvier 1855 sur l'administration des successions vacantes dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, qui a été modifié par un arrêté du 20 juin 1864, et un décret du 14 mars 1890 sur le service des successions et biens vacants.

• Une juxtaposition de procédures : les successions non réclamées, vacantes et en déshérence

De cette multiplicité de règles découle une juxtaposition de procédures.

L'héritier dispose aujourd'hui de trois mois pour faire inventaire à compter du jour de l'ouverture de la succession, puis de quarante jours pour accepter celle-ci ou y renoncer.

Tant que ces deux délais ne sont pas expirés, si personne ne se présente pour réclamer une succession et s'il n'existe pas d'héritiers connus, ou encore si les héritiers connus y ont renoncé ou restent dans l'inaction, la succession est réputée non réclamée ; elle est également dite administrée car elle est placée sous administration provisoire.

Une fois ces délais expirés, si personne ne se présente pour appréhender la succession, deux situations peuvent se rencontrer : soit il existe des héritiers connus mais qui restent dans l'inaction, auquel cas la succession est également considérée comme non réclamée ; soit il n'y a pas d'héritiers connus ou les héritiers connus y ont renoncé, auquel cas la succession est cette fois réputée vacante.

L'article 768 du code civil prévoit qu'à défaut d'héritiers, la succession est acquise à l'Etat. Les successions que le service des domaines appréhende ainsi sont dites en déshérence. Pour les appréhender, il doit demander l'envoi en possession. Cet envoi en possession peut intervenir alors même que les délais précités ne sont pas expirés, donc sans recours préalable à la procédure de la vacance.

L'article 770 du code civil, qui se réfère aux successions visées par l'article 768, prévoit également que le service des domaines doit demander au tribunal de grande instance l'envoi en possession desdites successions.

L'article 724 du code civil dispose quant à lui qu'à défaut d'héritiers légaux, de légataires ou de donataires universels, la succession est acquise à l'État, sous réserve pour lui de se faire envoyer en possession.

• Une administration par le service des domaines

Lorsqu'une succession est considérée comme non réclamée ou vacante, il y a lieu de nommer, dans le premier cas un administrateur provisoire, dans le second un curateur, pour gérer ce patrimoine.

Toute personne intéressée au règlement de la succession, notamment un créancier successoral, peut solliciter cette nomination au moyen d'une requête adressée au tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession. La nomination du service des domaines peut également s'opérer sur réquisition du ministère public ou à la demande du service lui-même.

En toute hypothèse, l'administration des domaines ne peut pas refuser sa nomination en qualité d'administrateur ou de curateur.

Elle prend alors possession des éléments d'actif et acquitte le passif, à concurrence de la valeur de l'actif qu'elle a recueilli, et peut vendre les biens meubles ou immeubles de la succession, avec des modalités et des conditions qui diffèrent suivant les procédures.

Ainsi, dans le cas des successions non réclamées, la désignation du service des domaines ne l'habilite pas à vendre l'ensemble des biens de la succession pour désintéresser les créanciers. Ses pouvoirs sont en principe limités aux seuls actes d'administration de la succession. Il doit obtenir préalablement l'autorisation du juge pour vendre les biens autres que le mobilier et les objets périssables ou coûteux à conserver.

En revanche, dans le cas des successions vacantes, lorsque le produit de la vente des meubles est insuffisant, le service des domaines peut vendre les biens de toute nature sans autorisation du juge. A l'exception des valeurs mobilières, le service a en outre la faculté, sous certaines conditions de montant, de procéder lui-même à la vente en la forme domaniale.

Si, après règlement complet du passif et paiement des droits de succession, il subsiste un reliquat, celui-ci est consigné à la Caisse des dépôts et consignations.

Le service rend compte de sa gestion à l'autorité judiciaire qui l'a désigné.

Ultérieurement, le reliquat qui a été consigné peut être appréhendé par l'État au titre des successions en déshérence, et donc être traité en recettes non fiscales du budget de l'Etat.

• Un enjeu administratif et financier important

Dans son rapport spécial 53 ( * ) sur les services financiers, établi au nom de votre commission des Finances à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, notre collègue M. Bernard Angels a mis en exergue l'enjeu administratif et financier que représentent les successions administrées, vacantes et en déshérence :

- les effectifs affectés à la gestion des successions, dans les départements et en administration centrale s'élevaient à un total de 276 agents, toutes catégories confondues, la masse salariale globale correspondante pouvant être évaluée à 12,5 millions d'euros ;

- au 31 décembre 2002, 22.456 successions étaient gérées par le service des domaines au plan national, soit 9.510 successions administrées, 10.799 successions vacantes et 2.147 successions en déshérence. Dans son rapport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi, M. Sébastien Huyghe relève que, de 1995 à 2004, le « flux » annuel est passé de 8.060 dossiers à 10.780 dossiers -soit une hausse de plus d'un quart- dont la moitié de successions vacantes (5.298), 40 % de successions administrées, et 10 % environ de successions en déshérence ;

- la durée moyenne de traitement pouvait être estimée à environ deux ans et six mois pour les successions non réclamées, deux ans et trois mois pour les successions vacantes et un peu moins de deux ans pour les successions en déshérence ;

- le montant des recettes au titre des droits de succession, issues de l'appréhension par l'État des successions en déshérence a varié entre 14 et 23 millions d'euros.

Les éléments statistiques les plus récents des successions gérées par le domaine figurent dans les tableaux ci-après.

Nombre de dossiers gérés

Année

Successions administrées

Successions vacantes

Successions en déshérence

Total

2004

9.123

10.421

1.935

21.479

2005

8.270

9.387

2.028

19.685

Source : Administration des domaines

Nombre de dossiers traités

Année

Successions administrées

Successions vacantes

Successions en déshérence

Total

2004

4.063

5.136

1.085

10.274

2005

3.900

4.832

1.055

9.787

Source : Administration des domaines

En ce qui concerne les successions administrées ou vacantes, les reliquats sur successions restant après apuration du passif dont ces patrimoines sont grevés sont déposés à la Caisse des dépôts et consignations. À l'expiration de la prescription trentenaire, pour les sommes consignées d'un montant supérieur à 77 euros, la Caisse informe les ayants droit de la survenance de la prescription. En l'absence de réclamation, les sommes déchues augmentées des intérêts de consignation sont reversées au budget général. Les encours numéraires en capital s'élevaient à 211 millions d'euros à la fin 2002, à raison de 78 millions d'euros auprès du siège de la Caisse, et d'environ 143 millions d'euros dans le réseau des préposés. Les reversements annuels au Trésor après l'échéance de la prescription sont en revanche modestes, puisqu'ils n'ont varié, ces dernières années, qu'entre 200.000 et 600.000 euros.

Les recouvrements réalisés dans le cadre de la gestion des successions administrées et vacantes sont fréquemment destinés à apurer le passif dont sont grevés ces patrimoines. Ces encaissements ne constituent pas des recettes pour le budget de l'État, mais permettent néanmoins le remboursement de certaines créances publiques. Les données établies par le ministère des Finances montrent que les dépenses annuelles des successions vacantes ou non réclamées (impôts, gaz et électricité, charges de copropriété, téléphone, loyers...) recouvrées grâce à la gestion des successions vacantes, représentent de 110 à 120 millions d'euros.

Sans remettre en cause la pertinence d'une gestion publique des successions vacantes, rendue nécessaire par l'exigence de préservation de manière égale des intérêts de tous les créanciers des successions, notre collègue proposait deux séries de réformes :

- réduire la prescription trentenaire -le projet de loi y procède de manière plus générale en ramenant la prescription du droit de revendication d'une succession de trente à dix ans ;

- unifier les procédures, « la coexistence du régime des successions non réclamées et du régime des successions vacantes se [révélant], à l'expérience, une source d'inutile complexité tant sur le plan pratique que du point de vue juridique, alors qu'il n'existe pas de différence profonde de nature entre ces deux régimes ».

Il évoquait également les pistes d'évolution préconisées par le service des domaines :

- la généralisation de la désignation du service par ordonnance du président du tribunal de grande instance, afin d'accélérer la procédure ;

- la désignation de l'administration des domaines exclusivement en qualité de curateur, afin de permettre au service de prendre à la fois des actes d'administration et des actes de disposition ;

- l'abrogation du régime dit de « la curatelle coloniale », encore actuellement en vigueur dans les départements d'outre-mer, afin que les successions abandonnées y soient gérées selon les mêmes modalités que celles applicables sur l'ensemble du territoire.

Lors de l'examen de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, le Sénat avait proposé, à l'initiative de votre commission des lois, d'unifier le régime des successions non réclamées, vacantes et en déshérence . L'Assemblée nationale s'y était opposée, sans même examiner le bien-fondé des mesures proposées, prétextant de l'encombrement du calendrier parlementaire et exprimant sa crainte de voir retardée la réforme des droits du conjoint survivant.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale s'inspire opportunément des propositions du Sénat.

2. La réforme proposée

Sur la forme, il tend à rassembler les règles applicables en un seul chapitre du code civil composé de deux sections respectivement consacrées aux successions vacantes et aux successions en déshérence 54 ( * ) .

L'actuel chapitre IV, consacré aux droits de l'État, et la section 4 du chapitre V, consacrée aux successions vacantes, seraient ainsi unifiés, tandis que seraient codifiées plusieurs dispositions de la loi du 20 novembre 1940 et celles de l'arrêté du 2 novembre 1971 revêtant une valeur législative.

En conséquence, l'article 25 prévoit l'abrogation de la loi du 20 novembre 1940. Les dispositions de nature réglementaire de l'arrêté du 2 novembre 1971 seraient soit reprises dans le décret d'application de la présente loi, soit abrogées. Les articles 998 à 1002 de l'ancien code de procédure civile devraient être abrogés, en application du 2° de l'article 25 du projet de loi, pour être remplacés par des mesures réglementaires prises par décret.

L'article 25 du projet de loi tend également à abroger le régime propre aux départements d'outre-mer, de sorte que ces collectivités territoriales seraient désormais soumises au droit commun.

Sur le fond, le dispositif proposé tend à améliorer la procédure de la vacance, d'une part en prévoyant sa publicité ( article 809-1 ), d'autre part en permettant une gestion allégée et plus dynamique du patrimoine de la succession, notamment au moyen d'une nouvelle procédure de vente des biens successoraux permettant un règlement plus rapide des créanciers de la succession ( article 810-3 ). Ces derniers pourraient en outre s'opposer aux ventes réalisées de gré à gré et demander qu'elles soient remplacées par une vente par adjudication.

Il vise également à éviter, à l'avenir, que les héritiers ne laissent l'État gérer la succession vacante avant de la réclamer lorsque, au terme de la procédure, est constaté un actif net une fois le passif réglé ( article 807 ). Ainsi, une fois l'Etat envoyé en possession, il deviendrait impossible de révoquer la renonciation par une acceptation pure et simple. L'héritier hésitant serait donc légitimement incité à accepter la succession à concurrence de l'actif net et à la liquider, soit lui-même, soit par l'intermédiaire d'un mandataire successoral, à son choix.

SECTION 1 - Des successions vacantes

Consacrée aux successions vacantes, la section 1 est composée de trois paragraphes relatifs respectivement à l'ouverture de la vacance, aux pouvoirs du curateur, ainsi qu'à la reddition des comptes et à la fin de la curatelle.

Paragraphe 1 - De l'ouverture de la vacance
Art. 809 du code civil : Conditions de la vacance

Cet article, qui fusionne les dispositions de l'article 811 du code civil et de l'article premier de l'arrêté du 2 novembre 1971, définit les trois cas dans lesquels la succession est considérée comme vacante :

- l'absence d'héritier connu et de réclamation de la succession -y compris par l'Etat qui demanderait l'envoi en possession d'une succession en déshérence ;

- la renonciation à la succession de tous les héritiers connus, spontanément ou après sommation ;

- l'absence d'option, tacite ou expresse, des héritiers connus dans un délai de six mois à compter de l'ouverture de la succession.

Les successions non réclamées deviendraient ainsi un cas de successions vacantes et la distinction entre la période précédant l'expiration du délai pour faire inventaire et délibérer et celle qui la suit serait supprimée.

L'objectif recherché est d'éviter la dégradation, faute de gestion, des biens faisant partie de la succession mais non de priver les héritiers de leurs droits. Telle est la raison pour laquelle aucun délai n'est prévu dans les deux premiers cas. Bien entendu, si des héritiers venaient à se faire connaître, ils retrouveraient leurs prérogatives héréditaires.

Par coordination avec les délais accordés à l'héritier pour opter lorsqu'il en est sommé, prévus aux articles 771 et 772 55 ( * ) , sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a porté à six mois, contre cinq dans la rédaction initiale du projet de loi, le délai à l'expiration duquel la succession est considérée comme vacante à défaut d'option des héritiers connus.

De la même manière, elle a supprimé la disposition semblant prévoir la soumission automatique de la succession vacante au régime de la curatelle. En effet, si le juge avait compétence liée pour désigner un curateur en application de l'article 809-1, encore faudrait-il qu'il soit saisi. En l'absence de saisine, la succession demeurerait en déshérence jusqu'à l'envoi éventuel de l'Etat en possession.

Art. 809-1 du code civil : Régime de la vacance

Cet article tend à prévoir la soumission des successions vacantes au régime de la curatelle .

La vacance devrait être constatée par le juge, c'est-à-dire le président du tribunal de grande instance ou son délégué, sur saisine de toute personne intéressée ou du ministère public. Il s'agit d'une mesure de simplification car, actuellement, la décision doit être prise par un jugement du tribunal de grande instance et non par une ordonnance de son président.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a expressément ouvert ce droit de saisine aux créanciers et à toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l'administration de tout ou partie de son patrimoine.

Constatant la vacance, le juge aurait compétence liée pour placer la succession sous le régime de la curatelle et confier cette dernière à l'autorité administrative chargée du domaine. Sur le fond, la procédure de curatelle de la succession vacante par le service des domaines s'apparenterait beaucoup à l'administration de la succession acceptée à concurrence de l'actif net.

L'ordonnance de curatelle devrait être publiée, cette exigence étant destinée à assurer l'information des créanciers.

Art. 809-2 du code civil : Inventaire de la succession vacante

Cet article conserve l'obligation qui est actuellement faite au curateur par l'article 813 du code civil de faire dresser un inventaire de la succession.

Cet inventaire devrait, comme celui prévu par le nouvel article 789 dans le cadre de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, comporter une estimation, article par article, de l'actif et du passif de la succession.

Il pourrait être établi, au choix du curateur :

- soit par un officier public ou ministériel. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé qu'il pourrait s'agir, comme dans la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, soit d'un commissaire-priseur judiciaire, soit d'un huissier, soit d'un notaire ;

- soit par un fonctionnaire « assermenté » appartenant à l'administration chargée du domaine.

L'arrêté du 2 novembre 1971 actuellement en vigueur précise dans ses articles 3 et 10 relatifs aux successions non réclamées et vacantes que le tribunal peut autoriser un agent « assermenté » de la direction générale des impôts chargé du domaine à dresser l'état des forces actives et passives de la succession. Dans la mesure où les agents de cette direction prêtent serment devant le tribunal de grande instance à leur entrée en fonction dans cette administration et le cas échéant devant le préfet, il n'est pas exigé de serment particulier lorsque ces agents exercent une activité de gestion des successions vacantes.

La réalisation de l'inventaire devrait être entreprise par le curateur dès sa désignation. En revanche aucun délai n'est prévu pour son achèvement. Certes, la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net prévoit le dépôt de l'inventaire dans un délai de deux mois à compter de la déclaration d'acceptation, un délai supplémentaire pouvant toutefois être accordé par le juge. Mais la sanction du non respect de cette obligation -faute d'avoir déposé l'inventaire dans le délai prévu, l'héritier est réputé acceptant pur et simple- ne peut être transposée à l'administration des domaines. Une telle obligation aurait été de nature à engager trop facilement la responsabilité de l'Etat alors qu'il n'intervient qu'en qualité d'administrateur provisoire. La précision selon laquelle l'inventaire doit être dressé par le curateur dès sa désignation semble suffisante pour assurer une certaine célérité aux opérations.

Une fois l'inventaire établi, le curateur devrait en informer le tribunal de grande instance. Cet avis ferait l'objet de la même publicité que l'ordonnance de curatelle. Il résulte de la rédaction retenue dans le projet de loi initial et acceptée par l'Assemblée nationale que l'inventaire ne serait pas déposé au tribunal mais conservé par l'administration des domaines.

Pour être en mesure de faire valoir leurs droits, les créanciers et légataires particuliers de « sommes d'argent » - l'Assemblée nationale a préféré cette expression à celle de « biens fongibles » retenue dans la rédaction initiale du projet de loi- seraient autorisés à consulter l'inventaire et à en obtenir une copie. Ils pourraient en outre demander à être avisés de toute nouvelle publicité, c'est-à-dire non seulement de toute modification de l'inventaire mais également de l'élaboration du projet de règlement, prévu à l'article 810-5, et du dépôt du compte, prévu à l'article 810-7.

Art. 809-3 du code civil : Procédure de déclaration des créances sur la succession vacante

Cet article prévoit que la déclaration de créances doit être faite au curateur.

Dans sa rédaction initiale, il prévoyait l'application des articles 792 et 792-1 qui prévoient respectivement :

- l'extinction des créances non déclarées dans un délai initialement fixé à deux ans et ramené à 15 mois par l'Assemblée nationale ;

- et la suspension des mesures d'exécution forcée pendant ce délai.

Aucun point de départ n'était fixé pour ce délai.

En tout état de cause, l'Assemblée nationale a considéré que l'analogie ainsi faite avec la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net ne se justifiait pas et, sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a supprimé ces références.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur, expose ainsi dans son rapport écrit qu'« Il est de fait illogique d'appliquer le mécanisme d'extinction des créances des articles 792 et 792-1 nouveaux à l'égard de la succession vacante, alors qu'aucun héritier ne doit être protégé contre les déclarations tardives des créanciers. L'administration des Domaines ne dispose d'aucun droit propre sur les biens de la succession, puisqu'elle n'intervient qu'en qualité de gestionnaire et d'administrateur. En outre, si un héritier venait à accepter purement et simplement la succession après un délai de deux ans -cas impossible si un autre héritier a déjà accepté à concurrence de l'actif-, les créances des créanciers déclarant après ce délai seraient éteintes. Ceux-ci ne pourraient plus prétendre à être payés, ce qui serait contradictoire avec le principe de l'acceptation pure et simple et notamment l'obligation ultra vires au passif successoral . »

Ce dispositif d'extinction des créances à l'égard de la succession semble en effet inutile dans le cas des successions vacantes dès lors qu'aucun héritier n'a besoin d'être protégé contre une déclaration tardive de créance, puisque, précisément, la succession n'est pas réclamée.

Dans la mesure où le régime de la succession vacante est un régime d'administration provisoire et non de règlement de la succession, il ne serait pas logique d'enfermer les créanciers dans un délai qu'il faudrait ensuite rouvrir si la succession était finalement acceptée par un héritier révélé.

Paragraphe 2 - Des pouvoirs du curateur

Les articles composant ce paragraphe définissent les pouvoirs du curateur, c'est-à-dire de l'administration des domaines, sur les biens de la succession vacante. Ces pouvoirs s'inscrivent dans la mission consistant à régler les créanciers par le produit de la vente des actifs, en respectant un certain ordre dans les cessions, tout en préservant l'exploitation des biens professionnels qui feraient partie de la succession. Ils s'accompagnent de procédures de cession présentant des garanties de prix pour les créanciers.

L'objectif est d'encadrer la mission de service public confiée au service des domaines, au profit des créanciers, des éventuels héritiers ne se manifestant, volontairement ou non, que tardivement, et, mais seulement in fine , de l'État s'il demeure un actif net dont il demande l'envoi en possession.

Art. 810 du code civil : Maintien de l'obligation de consignation

Cet article autorise l'administration des domaines, dès sa désignation :

- à prendre immédiatement possession des biens et valeurs ;

- à recouvrer les créances de la succession (loyers, prêts consentis...) ;

- et à poursuivre, le cas échéant et si elle le souhaite, l'exploitation de l'entreprise individuelle dépendant de la succession, qu'elle revête un caractère industriel, agricole ou artisanal.

Le projet de loi étend ainsi aux professions artisanales la faculté qui était déjà ouverte par l'article 14 de l'arrêté du 2 novembre 1971 pour ce qui concerne les successions vacantes ou non réclamées mais maintient l'interdiction de la poursuite de l'exploitation d'une entreprise libérale. Il paraît effectivement difficile de permettre au curateur de présenter un repreneur provisoire à la clientèle du fonds libéral. En outre, aucun candidat n'accepterait de gérer sans garantie un tel fonds.

En ce qui concerne les entreprises exploitées sous une forme sociale, leur propriété est détenue par l'intermédiaire d'actions ou de parts, avec des organes statutaires, et leur activité peut être poursuivie en fonction de la volonté des titulaires de ces titres, sans qu'il soit besoin d'une autorisation législative.

Bien que le nouveau texte ne le précise pas, la poursuite de l'exploitation ne sera, en règle générale, pas opérée en régie mais par des tiers mandatés à cet effet, sous le contrôle de l'administration.

Pour assurer la conservation des biens successoraux, l'article 810 maintient l'obligation de consigner les sommes d'argent composant l'actif liquide, ainsi que celles résultant du recouvrement des créances dues et du produit des ventes.

Cette obligation souffrirait deux exceptions, déjà prévues par le droit en vigueur :

- dans le cas de continuation d'une entreprise individuelle, les liquidités finançant le besoin en fonds de roulement peuvent rester dans l'entreprise ;

- la consignation n'est faite qu'après prélèvement des frais d'administration, de gestion et de vente lorsqu'il s'agit du produit des ventes.

Par ailleurs, dans tous les cas, et comme actuellement 56 ( * ) , seul le curateur serait habilité à procéder à la consignation, même si les sommes étaient détenues par des tiers, de façon à garantir que l'ensemble des biens et valeurs de la succession transitent par ses mains.

Art. 810-1 du code civil : Des pouvoirs limités dans les six premiers mois suivant l'ouverture de la succession

Cet article limite les pouvoirs du curateur dans les six mois qui suivent l'ouverture de la succession, c'est-à-dire dans le délai accordé à l'héritier pour opter lorsqu'il en est sommé :

- aux actes purement conservatoires ou de surveillance ;

- aux actes d'administration provisoire ;

- et à la vente des biens périssables.

Ces actes seraient ceux prévus à l'article 785.

A la différence de ce qui est prévu par le droit en vigueur, qui ne fait pas de distinction chronologique, il ne pourrait céder les biens meubles simplement difficiles à conserver, pas plus que les meubles meublants, même pour régler les dettes urgentes.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de coordination consistant à porter de cinq à six mois la période au cours de laquelle les pouvoirs de l'administration sont limités.

Art. 810-2 du code civil : Des pouvoirs étendus passé ce délai de six mois

Cet article élargit les pouvoirs du curateur, passé le délai de six mois suivant l'ouverture de la succession.

Il pourrait ainsi prendre l'ensemble des actes conservatoires ou d'administration, étant précisé qu'il existe des actes mixtes, à la fois conservatoires et d'administration, qui ne seraient pas possibles pendant les six premiers mois (action en justice, envoi d'une lettre de licenciement...).

Pour apurer le passif, il aurait la possibilité de céder ou de faire céder des biens, les meubles devant être aliénés avant les immeubles. Cet ordre reprend celui, traditionnel, prévu par l'article 1001 du code de procédure civile, qui devrait être abrogé.

Une exception, déjà prévue par le droit en vigueur 57 ( * ) , est ménagée à cette règle : lorsque la conservation des biens est difficile ou onéreuse, ceux-ci peuvent être vendus, qu'il s'agisse de meubles ou d'immeubles, y compris au-delà du paiement du passif, pour éviter que leur conservation n'induise des frais inutiles, réduisant d'autant l'actif pour les éventuels héritiers comme pour les créanciers et, le cas échéant, in fine , l'État.

Art. 810-3 du code civil : Modalités de cession des biens par le curateur

Cet article définit les modalités de cession, par le curateur, des biens faisant partie de la succession vacante.

Trois options lui sont offertes :

- faire appel à un officier public ou ministériel qui procédera à une vente amiable ou par licitation. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé qu'il devait s'agir soit d'un notaire, soit d'un huissier soit d'un commissaire-priseur judiciaire ;

- procéder à une vente judiciaire, c'est-à-dire ici à la barre du tribunal ;

- recourir aux formes prévues par le code du domaine de l'État.

Modalités de vente des biens dépendant des successions vacantes

Vente des meubles

Vente effectuée :

- soit par un commissaire-priseur judiciaire, (cas le plus fréquemment rencontré) ;

- soit par un huissier ou un notaire.

Les ventes de titre en dépôt dans une banque ou dans un établissement financier sont réalisées par ces établissements.

Vente dans les formes domaniales, c'est à dire par voie d'enchères publiques reçues par un commissaire aux ventes du domaine (art. L. 68 et L. 69 du code du domaine de l'Etat).

A titre exceptionnel, des ventes à l'amiable de gré à gré peuvent être consenties (art. L. 69, troisième alinéa).

Modalités de vente des biens dépendant des successions vacantes

Vente des immeubles

Vente confiée
à un notaire

Vente judiciaire

Vente dans les formes domaniales

Le projet autorise le curateur à confier à un notaire la vente des immeubles, ces ventes pourront être opérées soit aux enchères soit à l'amiable de gré à gré.

Ces ventes judiciaires sont reçues à la barre du tribunal.

Il y sera recouru lorsque les biens immobiliers de la succession sont grevés d'inscriptions de privilèges ou d'hypothèques.

- En règle générale, et en application de l'article R.129 du code du domaine de l'Etat, avec publicité et mise en concurrence, soit sur appel d'offres, soit par adjudication publique ;

- Exceptionnellement, par voie de cession amiable consentie de gré à gré, en application de l'article R. 129-5 du code du domaine de l'Etat.

Les cas dans lesquels ces biens peuvent être cédés de gré à gré sont limitativement énuméré.

Le cas visé à l'article R. 129-5-3 du code du domaine de l'Etat -« la cession d'un immeuble peut également être faite à l'amiable, sans appel à la concurrence lorsque l'adjudication publique a été infructueuse »- est celui qui est susceptible d'être le plus fréquemment rencontré en matière de ventes d'immeubles dépendant des successions vacantes.

Dans tous les cas, la vente donne lieu à publicité, pour informer les créanciers. Les titulaires d'une sûreté réelle inscrite sur le bien cédé étant normalement informés de la vente, cette publicité intéresse surtout les chirographaires, qui à défaut, ne seraient pas informés.

La vente ne serait donc pas nécessairement une vente publique, celle-ci, notamment pour les meubles meublants, n'assurant pas toujours d'obtenir le meilleur prix pour les créanciers. Cependant, pour éviter toute contestation du montant de la cession, les créanciers qui estimeraient que le prix prévu par le projet de vente amiable est trop bas, pourraient obtenir une vente par adjudication . Celle-ci serait toutefois réalisée à leurs risques et périls : si l'adjudication ne devait pas produire au moins le prix prévu par le projet de vente amiable, le créancier demandeur de l'adjudication serait alors tenu vis-à-vis des autres créanciers de la perte qu'ils auraient subie.

Art. 810-4 et 810-5 du code civil : Paiement des créanciers

L'article 810-4 prévoit que seul le curateur est habilité à payer les créanciers de la succession et qu'il n'y est tenu que dans la limite de l'actif.

A cette fin, l'article 810-5 lui fait obligation de dresser un projet de règlement du passif prévoyant le paiement des créanciers dans l'ordre suivant, prévu à l'article 796 :

- d'abord, les créanciers inscrits selon le rang de la sûreté assortissant leur créance ;

- ensuite, les autres créanciers ayant déclaré leur créance, ces derniers étant désintéressés dans l'ordre des déclarations et non au marc l'euro ;

- enfin, délivrance des legs de somme d'argent après paiement des créanciers.

Le projet de règlement devrait être publié. Les créanciers qui ne seraient pas totalement désintéressés auraient ainsi la possibilité, dans le mois de la publicité, de saisir le juge afin de le contester.

L'article 810-4 interdit le paiement des créances avant la publication du projet de règlement, à l'exception des frais nécessaires à la conservation du patrimoine, des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et des autres dettes successorales dont le règlement est urgent 58 ( * ) . La rédaction initiale du projet de loi ne permettait pas de savoir si cette énumération constituait les seuls cas dans lesquels un règlement anticipé serait autorisé. L'Assemblée nationale l'a spécifié sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement.

Aucun délai n'est toutefois imposé au curateur pour élaborer et publier le projet de règlement du passif. Pour des raisons d'efficacité, de gestion du patrimoine et de règlement rapide des dettes de la succession, le moment de l'établissement de ce projet serait laissé à l'appréciation de l'administration, notamment en fonction du nombre de déclarations et de l'actif résiduel estimé.

Art. 810-6 du code civil : Primauté de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire

Cet article subordonne les pouvoirs de liquidation de la succession par curatelle aux dispositions applicables à la succession d'une personne faisant l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

En effet, ces deux procédures collectives prévoient également une opération propre de déclaration judiciaire des créances auprès d'un mandataire judiciaire, sous le contrôle du tribunal de commerce, et dans un délai très court de deux mois à compter de la publicité de leur ouverture.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a utilement prévu le cas de la nouvelle procédure de sauvegarde prévue par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.

Paragraphe 3 - De la reddition des comptes et de la fin de la curatelle

Les articles 810-7 à 810-12 ont pour objet de déterminer l'issue de la curatelle, pour les créanciers et pour l'État.

Art. 810-7 du code civil : Reddition des comptes

Cet article fait obligation au curateur de rendre compte au juge, c'est-à-dire au président du tribunal de grande instance ou à son délégué, des opérations qu'il a effectuées : le juge ayant décidé la curatelle est ainsi chargé d'en contrôler l'exercice, notamment le désintéressement équitable des créanciers.

Il prévoit que le dépôt du compte doit faire l'objet d'une mesure de publicité et que le curateur doit le présenter à tout créancier ou tout héritier qui, ainsi informé, en fait la demande.

Le compte constitue la liste de l'ensemble des actes effectués par le curateur. Il comprend donc l'état du règlement du passif, mais aussi d'autres opérations situées hors du projet d'acquittement du passif, par exemple des actes conservatoires, des actes d'administration, des ventes de meubles périssables, des actions en justice afin de défendre les intérêts de la succession...

En l'état actuel du droit, l'article 11 de l'arrêté du 2 novembre 1971 prévoit simplement que « le service des domaines rend compte de sa mission aux héritiers, aux créanciers et, après communication au parquet, au président du tribunal . »

Art. 810-8 du code civil : Cession des actifs restants - Recours des héritiers

Cet article prévoit qu'après réception du compte, le juge autorise le curateur à procéder à la réalisation de l'actif subsistant.

En pratique, cette autorisation devrait être automatique car il ne peut être imposé à l'administration des domaines de rester en possession d'immeubles. En effet, elle n'a pas pour mission de conserver des immeubles en gestion qui en outre génèrent des frais inutiles pour la succession mais doit assurer dans des délais convenables le désintéressement des créanciers et ensuite procéder à la liquidation de l'actif subsistant.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que cette vente devrait emprunter l'une des formes prévues à l'article 810-3.

Les héritiers n'étant pas privés de la possibilité de revendiquer la succession s'ils n'y ont pas renoncé, du moins tant que l'État n'a pas été envoyé en possession, le projet de réalisation de l'actif subsistant devrait leur être notifié.

Dans l'hypothèse où ils seraient encore « dans le délai pour accepter », c'est-à-dire si la prescription décennale n'était pas atteinte, ils pourraient s'opposer à ce projet. Un recours leur est en effet ouvert, dans un délai court -trois mois à compter de la notification qui leur est faite- pour ne pas allonger inutilement la fin de la procédure, dans la mesure où ce délai suspend la réalisation des cessions envisagées.

Leur opposition au projet de vente de l'actif subsistant ne pourrait se traduire que par la réclamation de la succession.

Art. 810-9 du code civil : Règlement des créances déclarées après la remise du compte

Cet article prévoit que les créanciers qui déclarent leur créance postérieurement à la remise du compte ne peuvent prétendre qu'à l'actif subsistant : ils ne peuvent donc en aucun cas revendiquer le produit de l'actif réalisé dans le cadre du compte et déjà utilisé pour régler les créanciers plus diligents.

Si cet actif était insuffisant, ils n'auraient plus de recours contre la succession mais uniquement contre les légataires ayant été remplis de leurs droits 59 ( * ) , à l'instar de ce qui est prévu pour les créanciers d'une succession acceptée à concurrence de l'actif net, en application de l'article 799.

Ce droit de recours serait prescrit dans un délai de deux ans à compter de la réalisation de l'ensemble de l'actif.

Art. 810-10 du code civil : Consignation du produit net de la réalisation de l'actif subsistant

Cet article prévoit la consignation du produit net de la réalisation de l'actif subsistant, dans l'attente de l'envoi en possession de l'Etat.

En effet, tant que le délai de prescription -ramené par le projet de loi de trente ans à dix ans à compter de l'ouverture de la succession- ne sera pas expiré, les héritiers qui se présenteraient seraient admis à exercer leur droit sur ce seul produit, donc en valeur. Ils ne pourraient remettre en cause les ventes déjà faites, dont la sécurité juridique serait ainsi assurée.

De surcroît, l'article 807 prévoit que l'envoi de l'Etat en possession de l'actif net avant la prescription empêche toute révocation de la renonciation déjà exprimée.

Aussi, l'hypothèse d'une revendication tardive des héritiers devrait-elle devenir plus rare.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision.

Art. 810-11 du code civil : Frais d'administration, de gestion et de vente

Cet article prévoit que, pour obtenir le paiement des frais d'administration, de gestion et de vente qui n'ont pas pu être prélevés directement sur les sommes d'argent composant l'actif en application de l'article 810, l'administration des domaines bénéficie d'un privilège, équivalent à celui des frais de justice.

Le privilège institué par cet article est nouveau. Il a pour but de trancher définitivement la question de savoir si l'Etat a droit au remboursement de ces frais, comme le soutient une majorité de la doctrine et comme l'ont reconnu quelques arrêts qui ne peuvent être qualifiés de décisifs 60 ( * ) .

Art. 810-12 du code civil : Fin de la curatelle

Cet article, qui reprend et complète les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 2 novembre 1971, précise les quatre modalités différentes selon lesquelles la curatelle peut prendre fin :

- l'actif est épuisé par le règlement des dettes, soit dans le cadre du compte déposé, soit par suite, dans un second temps, du recours des créanciers après le dépôt du compte, ainsi que par le paiement des legs particuliers, qu'il s'agisse de biens identifiés ou fongibles ;

- l'actif a suffi à apurer le passif et à payer les legs, en laissant un solde net positif. La curatelle se poursuit jusqu'à ce que tous les actifs aient été cédés. Le produit net est alors consigné ;

- des héritiers font valoir leurs droits à la succession. La logique voudrait que cette hypothèse corresponde a priori au cas où existerait un actif net consigné, après l'expiration du délai de recours des créanciers. On ne peut cependant exclure qu'un héritier découvert tardivement souhaite accepter la succession purement et simplement, pour assumer les dettes résiduelles de celui dont il hériterait ;

- si aucun héritier n'a revendiqué la succession dans le délai de prescription, et s'il demeure un solde net consigné, l'État peut se faire envoyer en possession. Il n'a pas pour ce faire à attendre systématiquement la prescription, si la vacance résulte d'un décès sans héritier, ou si la succession est abandonnée par ses héritiers connus. Il convient toutefois d'indiquer à cet égard que la jurisprudence a prévu que le délai de prescription contre les héritiers découverts tardivement, après parfois de longues recherches généalogiques, ne court qu'à compter, pour eux, de la découverte de leurs droits, et qu'ils peuvent mettre fin à la déshérence dans ce cas, en application de l'article 811-3.

Dans le cas de l'envoi de l'État en possession, celui-ci aura en revanche pour effet nouveau de priver les héritiers qui ont éventuellement renoncé à la possibilité de révoquer leur renonciation .

SECTION 2 - Des successions en déshérence

Les quatre articles 811 à 811-3 rassemblent les quelques dispositions spécifiques aux successions en déshérence, qui sont maintenues en tant que telles.

Ainsi, comme aujourd'hui, le service des domaines aura la faculté, en l'absence d'héritier connu, soit de faire déclarer la vacance, de liquider la succession en réglant le passif à concurrence de l'actif et de se faire envoyer en possession ensuite uniquement de l'actif résiduel, soit de faire déclarer immédiatement la déshérence par un envoi en possession direct, qui lui transférera a contrario la totalité de l'actif et du passif.

Art. 811 du code civil : Envoi en possession de l'État de la succession en déshérence

Cet article maintient le principe suivant lequel l'attribution à l'État, par droit de souveraineté, d'une succession sans héritier ou abandonnée n'est possible qu'après la procédure d'envoi en possession par le tribunal.

A l'instar du cas prévu par le 1° de l'article 809 pour les successions vacantes, l'absence d'héritier suppose l'absence de tout héritier ab intestat jusqu'au sixième degré non exhérédé, de tout légataire universel, ou d'un ensemble de légataires particuliers ou à titre universel qui recueilleraient la totalité de la succession.

Le tribunal demeurera, comme aujourd'hui, le tribunal de grande instance du ressort du lieu d'ouverture de la succession, même si cette mention, considérée comme de nature réglementaire, n'apparaît plus dans le code civil.

De même, le tribunal ne pourra se prononcer avant un certain délai, renvoyé également au règlement alors qu'il est aujourd'hui fixé à trois mois et quarante jours -c'est-à-dire le délai minimal à partir duquel l'héritier pouvait être contraint de faire inventaire et de délibérer sur son option- par l'actuel article 770.

Seraient ainsi en partie reprises les dispositions, quelque peu redondantes :

- de l'article 768, selon lequel « à défaut d'héritiers, la succession est acquise à l'État » ;

- de l'article 769, à l'exception de ses trois derniers alinéas relatifs à la procédure de saisine du tribunal et de publicité de la demande d'envoi en possession, dont les dispositions revêtent un caractère réglementaire.

Seraient en revanche maintenues celles :

- de l'article 539, laissé inchangé par le projet de loi et aux termes duquel « les biens des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées appartiennent à l'État » ;

- du troisième alinéa de l'article 724, prévoyant qu'à défaut d'héritiers ab intestat ou de légataires ou donataires universels, la succession est acquise à l'État, qui doit se faire envoyer en possession.

Alors que l'article 539 concerne les biens considérés isolément, l'article 724 vise la succession dans son ensemble.

Art. 811-1 du code civil : Obligation de procéder à l'inventaire de la succession en déshérence

Cet article prévoit que l'autorité administrative compétente doit, après l'envoi en possession de l'Etat, faire procéder à l'établissement de l'inventaire prévu à l'article 809-2.

Il reprend les dispositions de l'actuel article 769, à l'exception de la mention de l'obligation d'apposer des scellés. Celle-ci ne sera pas supprimée pour autant, mais sera précisée par un texte réglementaire, de la même manière que les modalités de l'inventaire obligatoire. Les modalités facultatives d'apposition des scellés après l'ouverture d'une succession sont pour leur part actuellement définies par les articles 1304 et suivants du nouveau code de procédure civile.

Le premier alinéa de l'article L. 74 du code du domaine de l'État permet ensuite à l'administration des domaines d'« aliéner, dans la forme ordinaire des ventes des biens de l'État, tous les biens et valeurs provenant des successions en déshérence, immédiatement après l'envoi en possession prononcé par le tribunal de grande instance . »

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que l'autorité administrative compétente était l'administration chargée des domaines.

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de préciser que l'inventaire des biens d'une succession en déshérence doit être réalisé dans les mêmes conditions que celui des biens d'une succession vacante.

Art. 811-2 du code civil : Fin de la déshérence en cas d'acceptation par un héritier

Cet article donne une base légale au principe selon lequel l'envoi de l'État en possession n'empêche pas un héritier de réclamer la succession, s'il l'accepte.

Cette condition impose soit que le délai de prescription -désormais décennal avec le projet de loi- ne soit pas atteint, soit, ainsi qu'il est prévu par le nouvel article 782, que l'héritier se prévalant de cette qualité puisse lui-même apporter la preuve qu'il avait déjà accepté la succession avant la prescription.

Ce principe d'éviction de l'État par un successeur, analogue à celui de l'action en revendication de la propriété d'un bien détenu par un tiers, n'est aujourd'hui posé que par un texte réglementaire 61 ( * ) complété par la jurisprudence, qui admettent la faculté, dans le délai de prescription actuellement en vigueur, soit trente ans, pour l'héritier d'intenter une action en pétition d'hérédité contre l'État.

En revanche, cette faculté d'éviction sera, à l'avenir, plus limitée qu'aujourd'hui :

- l'État pourra engager l'action interrogatoire à l'endroit des héritiers connus, conformément au nouvel article 771, pour obtenir soit une option expresse, soit l'acceptation tacite pure et simple à l'issue du délai pour opter après la sommation ;

- le délai de prescription pour réclamer une succession serait ramené de trente à dix ans ;

- en application du nouvel article 807, l'héritier qui aura renoncé ne pourra plus révoquer cette renonciation en acceptant purement et simplement, si l'État a déjà été envoyé en possession.

Art. 811-3 du code civil : Responsabilité de l'État

Cet article reprend, en actualisant leur rédaction, les dispositions de l'actuel article 772 qui imposent à l'État le paiement de dommages et intérêts en cas d'engagement de sa responsabilité découlant du non-respect des formalités qui s'imposent à lui dans la procédure de déshérence.

Ce dispositif correspond au principe général suivant lequel le possesseur de bonne foi n'est comptable que des choses dont il s'est enrichi, seul le possesseur de mauvaise foi devant rendre l'héritier éventuel indemne et restituer la totalité des fruits indûment perçus.

Dans le cas présent, l'administration des domaines ne sera présumée de mauvaise foi que si elle n'a pas respecté les formalités de l'envoi en possession et de l'inventaire.

Dans le cas contraire, elle sera seulement tenue, ainsi que le prévoit l'article L. 75 du code du domaine de l'État, de restituer les biens qui seraient encore en sa possession, dans l'état où ils se trouvent, et de rembourser le prix de la cession des biens de la succession qu'elle aurait vendus.

* 13 Voir infra commentaire des articles 787 à 790 du code civil.

* 14 Le légataire particulier détenteur d'un immeuble hypothéqué peut devoir payer la dette hypothécaire pour le conserver. Il dispose alors d'un recours contre les héritiers ou les légataires universels ou à titre universel (art. 874).

* 15 Cass., 1 ère civ., 25 mai 1842.

* 16 Cass., 1 ère civ., 13 oct. 1976.

* 17 Par exemple : un de cujus laisse deux fils et un patrimoine estimé à 50, alors qu'il avait donné à A un immeuble valant 100. Si A renonce, il conserve 100 et B reçoit les 50, alors que s'il accepte, il ne recevra que 75 (100+50 divisés par 2).

* 18 Voir infra commentaire de l'article 14 du projet de loi.

* 19 Article 1130, second alinéa : « On ne peut cependant renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit. »

* 20 Cass., 1 ère civ., 11 mai 1966 : « Si l'expiration du délai (...) n'a pas pour effet de rendre acceptant pur et simple le successible qui n'a pas encore fait connaître sa position, elle l'oblige du moins à prendre parti s'il n'a pas pris parti. Le successible, qui ne dispose plus d'une exception dilatoire, doit être condamné comme héritier pur et simple à l'égard du créancier successoral qui l'a poursuivi.»

* 21 Proposition de loi portant réforme du droit des successions (n° 309, 2001-2002).

* 22 La représentation permet à un héritier d'un degré plus éloigné de venir à la place du renonçant dans la succession.

* 23 Le dol est un agissement trompeur ayant entraîné le consentement d'une des parties à un contrat. Il suppose de la part de l'auteur des manoeuvres, une volonté de nuire et, pour la victime, un préjudice qui justifie l'annulation du contrat pour vice de consentement.

* 24 Ce dispositif relatif à la lésion est déplacé par le projet de loi à l'article 786-1 inclus dans la section consacrée à l'acceptation pure et simple.

* 25 La violence est l'acte, délibéré ou non, provoquant à la victime un trouble physique ou moral comportant des conséquences dommageables pour sa personne ou pour ses biens.

* 26 En matière contractuelle, l'erreur n'est cause de nullité que lorsqu'elle porte sur la substance et qu'il est démontré qu'en son absence, la victime n'aurait pas donné son accord à la formation du contrat. La Cour de cassation a jugé que l'erreur sur un motif du contrat extérieur à l'objet de celui-ci, notamment sur le régime fiscal du bien acquis n'est pas, faute de stipulation expresse, une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant.

* 27 Cass., civ., 24 mai 1848, 1 ère civ., 15 juin 1960 et 5 mars 2002.

* 28 Le rapport est une opération préalable au partage consistant pour les copartageants à reconstituer fictivement une masse de calcul des biens à liquider, à partager ou à réaliser. Chaque copartageant restitue à la masse les sommes dont il est débiteur envers la masse ou les biens (en nature ou en valeur) dont il avait été gratifié par le défunt.

* 29 Se dit d'une libéralité excessive qui à la demande des héritiers dont elle entame la réserve doit être amputée de tout ce qui excède la quotité disponible.

* 30 A, B et C sont héritiers. A dissimule l'existence de C, alors que B ne le connaissait pas. Le partage se réalise entre A et B qui recueillent chacun la moitié. C se révèle et prouve que A a volontairement dissimulé son existence. Un nouveau partage est réalisé. Pour le calcul des droits de A, la masse partageable sera amputée de 1/6 (part revenant à C et ayant bénéficié à A au moment du premier partage). A aura donc le tiers des 5/6èmes de la succession (5/18èmes) tandis que B et C auront en plus du 1/3 des 5/6 la moitié du 1/6 dont A a été privé, soit au total 13/36 chacun.

* 31 C'est-à-dire consentie hors part successorale.

* 32 CA Agen, 6 janvier 1851, Cass., 1 ère civ. 14 juin 2005.

* 33 Tribunal civil de la Seine, 10 octobre 1951.

* 34 Cass., 1 ère civ., 18 janv. 1989 et 27 oct. 1993 : « Celui qui réclame une succession ouverte depuis plus de trente ans doit justifier que lui-même et ses auteurs l'ont acceptée au moins tacitement avant l'expiration du délai ».

* 35 Cass., 1 ère civ., 23 juin 1982.

* 36 Cass., 1 ère civ., 13 oct. 1969 et 9 nov. 1977.

* 37 Le conseil de famille peut autoriser l'acceptation pure et simple lorsque l'actif dépasse manifestement le passif.

* 38 Art. 943 de l'ancien code de procédure civile : « Outre les formalités communes à tous les actes devant notaire, l'inventaire contiendra :

« 1° Les noms, profession et demeures des requérants, des comparants, des défaillants et des absents, s'ils sont connus, du notaire appelé pour les représenter, des commissaires-priseurs et des experts ; et la mention de l'ordonnance qui commet le notaire pour les absents et défaillants ;

« 2° L'indication des lieux où l'inventaire est fait ;

« 3° La description et estimation des effets, laquelle sera faite à juste valeur et sans crue ;

« 4° la désignation des qualités, poids et titre de l'argenterie ;

« 5° La désignation des espèces en numéraire ;

« 6° Les papiers seront côtés par première et dernière ; ils seront paraphés de la main des notaires ; s'il y a des livres et registres de commerce, l'état en sera constaté, les feuillets en seront pareillement côtés et paraphés s'ils ne le sont ; s'il y a des blancs dans les pages écrites, ils seront bâtonnés ;

« 7° La déclaration des titres actifs et passifs ;

« 8° La mention du serment prêté, lors de la clôture de l'inventaire, par ceux qui ont été en possession des objets avant l'inventaire ou qui ont habité la maison dans laquelle sont lesdits objets, qu'ils n'en ont détourné, vu détourner ni su qu'il en ait été détourné aucun ;

« 9° La remise des effets et papiers, s'il y a lieu, entre les mains de la personne dont on conviendra ou qui à défaut, sera nommée par le président du tribunal. »

* 39 Pour ce qui concerne la suspension du cours des intérêts dans le cadre d'un accord de conciliation ou en cas de procédure de sauvegarde.

* 40 L'article 2021 dispose que « la caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur qui doit être préalablement discuté dans ses biens ».

* 41 Celui-ci indique dans sa version applicable au 1 er janvier 2006 que le jugement d'ouverture de la procédure collective « arrête ou interdit également toute voie d'exécution de la part des créanciers portant tant sur les meubles que sur les immeubles ».

* 42 Ainsi, le Centre de recherche, d'information et de documentation notarial (CRIDON) recommande la vente des valeurs mobilières aux enchères afin d'éviter tout risque de déchéance du bénéfice d'inventaire.

* 43 Par exemple, si un bien a une valeur de 100 et le créancier une créance de 200, le créancier pourra obtenir de l'héritier qui aliène le bien pour 60 qu'il soit engagé sur ses biens personnels à hauteur des 40 manquants (art. 794 modifié). Si le créancier a omis de déclarer l'aliénation, et n'a pas affecté le prix au remboursement des créanciers, l'héritier pourra en plus être déchu de l'acceptation à concurrence de l'actif (art. 800) et le créancier pourra poursuivre l'héritier sur ses biens personnels pour les 200 de sa créance.

* 44 portant sur des biens autres que les corps certains, ces derniers étant eux immédiatement propriétaires de leur legs.

* 45 Cass. 16 janv. 1939.

* 46 Par coordination, l'Assemblée nationale a remplacé la mention des légataires de biens fongibles par celle des légataires de sommes d'argent.

* 47 Par exemple : un de cujus laisse deux frères et un patrimoine estimé à 50, alors qu'il avait donné à A un immeuble valant 100. Si A renonce, il conserve 100 et B reçoit les 50, alors que s'il accepte, il ne recevra que 75 (100+50 divisés par 2).

* 48 Cass., civ., 19 nov. 1874.

* 49 Notamment Cass., 1 ère civ., 14 mai 1992.

* 50 Cass., 1 ère civ., 3 mars 1965 et 11 mars 1968.

* 51 Les droits de l'Etat sont dans un chapitre du code civil distinct de celui consacré aux ordres des héritiers.

* 52 Cass., 1 ère civ., 16 nov. 1927.

* 53 Rapport n° 73 (Sénat, 2003-2004).

* 54 L'article 23 du projet de loi tend également à reprendre le premier alinéa de l'article 16 de l'arrêté du 2 novembre 1971.

* 55 L'héritier ne pourrait être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession. Passé ce délai, il pourrait être sommé d'opter et devrait alors prendre parti dans un délai de deux mois suivant la sommation. Il pourrait toutefois solliciter du juge un délai supplémentaire.

* 56 Dernier alinéa de l'article 3 de l'arrêté de 1971.

* 57 Article 4 de l'arrêté de 1971.

* 58 Il a été indiqué à votre rapporteur que cette expression désignait principalement des dettes portant intérêt et susceptibles d'accroître le passif de la succession mais également, par exemple, la dette de prestation compensatoire au profit d'un ex-conjoint.

* 59 En application de l'ordre de paiement prévu par l'article 796, auquel renvoie l'article 810-5, les légataires de biens particuliers identifiables prennent possession de leurs legs dès l'ouverture de la succession, et les légataires particuliers, mais de biens fongibles y compris de sommes d'argent, quoique réglés après les créanciers déclarés, doivent être néanmoins intégrés au projet de règlement.

* 60 T civ Lyon 3/01/1912 - CA Paris 11/07/1851.

* 61 Décret du 19 juillet 1934.

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