CHAPITRE VI - DE L'ADMINISTRATION DE LA SUCCESSION PAR UN MANDATAIRE

Le projet de loi, poursuivant son objectif de simplification et de raccourcissement de la durée des règlements successoraux, insère dans le titre Ier du livre III du code civil un nouveau chapitre VI relatif à l'administration de la succession par un tiers mandaté à cet effet comprenant trois sections, respectivement consacrées :

- au nouveau mandat à effet posthume , le futur de cujus choisissant de son vivant un mandataire chargé de gérer la succession pour le compte de tout ou partie de ses héritiers (art. 812 à 812-8) ;

- au mandat conventionnel , qui permet aux héritiers de désigner un tiers ou l'un d'eux après l'ouverture de la succession, conformément au droit en vigueur (art. 813) ;

- au mandat successoral désigné en justice , qui permet de faire nommer un tiers en justice en présence de successions difficiles (art. 813-1 à 814-1).

Ces différentes dispositions, conjuguées avec celles réformant la gestion de l'indivision, devraient permettre une meilleure administration des indivisions successorales et éviter la perte de valeur des biens successoraux.

Dispositions du projet de loi relatives aux mandataires
et à l'exécuteur testamentaire

Mandat posthume

Mandat judiciaire

Mandat conventionnel

Exécuteur testamentaire

Mandat

Le futur défunt

Le juge peut désigner un mandataire successoral représentant l'ensemble des héritiers dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés.

Les héritiers d'un commun accord.

NB.- Le mandat conventionnel n'est envisageable qu'en cas d'acceptation pure et simple des héritiers.

NB.- Lorsque l'un des héritiers a accepté la succession à concurrence de l'actif, le mandataire est désigné en justice. Le juge nomme alors une personne qualifiée en qualité de mandataire. Il s'agit d'un mandat successoral soumis aux règles des articles.

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Le testateur.

Mandataire

Une ou plusieurs personnes

Toute personne qualifiée désignée par le juge à la demande :

- d'un héritier ;

- d'un créancier ;

- de toute personne intéressée ;

- du ministère public.

NB.- Le notaire commis pour préparer les opérations de partage peut également être désigné par le juge comme mandataire successoral. Le juge fixe la durée de cette mission.

NB.- En cas d'acceptation à concurrence de l'actif : à la demande de l'héritier, toute personne qualifiée peut être désignée par le juge, à l'effet de le substituer dans la charge d'administrer et liquider.

Toute personne (héritier ou tiers).

- Une ou plusieurs personnes.

- S'il y a plusieurs exécuteurs testamentaires acceptant, l'un d'eux peut agir à défaut des autres sauf dispositions contraires du défunt.

Forme

Le mandat doit être donné et accepté en la forme authentique . Cette acceptation doit intervenir avant le décès du mandant

Il s'agit d'une « représentation judiciaire ». Ce mandat n'a pas une origine conventionnelle.

C'est le juge qui désigne le mandataire.

La décision désignant le mandataire successoral est enregistrée et publiée.

Régie par le droit commun du mandat.

Nomination de l'exécuteur testamentaire dans le testament.

Pouvoirs

Administrer ou gérer tout ou partie de la succession du mandant pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers.

Dispositions générales

Le mandataire :

- administre provisoirement la succession ;

- accomplit des actes

. purement conservatoires

. de surveillance

. d'administration provisoire de la succession.

NB.- Dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés, le mandataire successoral représente l'ensemble des héritiers pour les actes de la vie civile et en justice.

NB.- Le mandataire successoral exerce ses pouvoirs alors même qu'il existe un mineur ou un majeur protégé parmi les héritiers.

NB.- Le paiement fait entre les mains du mandataire successoral est valable.

Cas particuliers

- Tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, le juge peut autoriser tout autre acte que requiert, dans l'urgence, l'intérêt de la succession. Il peut même d'office autoriser le mandataire successoral à dresser un inventaire dans les formes de l'article 789.

- En cas d'acceptation pure et simple par un ou plusieurs héritiers et par d'autres à concurrence de l'actif, le juge peut également autoriser le mandataire à effectuer :

- l'ensemble des actes d'administration de la succession ;

- et à tout moment les actes de disposition rendus nécessaires pour la bonne administration de la succession, aux prix et stipulations qu'il détermine.

Administrer la succession
du défunt.

Pouvoirs généraux

L'exécuteur doit veiller à l'exécution des volontés du testateur. A cet égard :

- il intervient pour soutenir la validité ou exiger l'exécution des dispositions litigieuses ;

- il prend des mesures conservatoires utiles à la bonne exécution du testament ;

- il peut faire procéder à l'inventaire de la succession en présence ou non des héritiers, après les avoir dûment appelés ;

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- il peut provoquer la vente du mobilier à défaut de liquidités suffisantes pour acquitter les dettes urgentes de la succession.

Pouvoirs accrus : une saisine spéciale

Le testateur peut charger l'exécuteur testamentaire de procéder lui-même à l'exécution de ses dernières volontés.

Il peut habiliter l'exécuteur testamentaire à prendre possession, en tout ou partie du mobilier de la succession et à le vendre s'il est nécessaire pour acquitter les legs particuliers dans la limite de la quotité disponible.

En l'absence d'héritiers réser-vataires acceptant , l'exécuteur testamentaire peut être habilité à :

- disposer en tout ou partie des immeubles de la succession ;

- recevoir et placer les capitaux ;

- payer les dettes et charges ;

- attribuer ou partager les biens substituant entre les héritiers et les légataires.

Conditions

Le mandat doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime, précisément motivé.

Le mandataire est désigné en raison :

- de l'inertie, la carence, la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans l'administration de la succession ;

- de la mésentente des héritiers ;

- d'une opposition d'intérêts entre les héritiers ;

- de la complexité de la situation successorale.

NB.- Les actes accomplis par le mandataire successoral dans le cadre de sa mission et visés à l'article 813-4 sont sans effet sur l'option héréditaire.

Droit commun

( le mandat est régi par les articles 1984 à 2010 du Code civil ).

Aucune condition n'est expressément prévue par le texte.

Durée

Principe : Sa durée ne doit pas excéder deux ans.

Exceptions : il peut être à durée indéterminée lorsqu'il est donné en raison, soit :

- de l'incapacité ;

- de l'âge du ou des héritiers ;

- de la nécessité de gérer des biens professionnels ;

- de la nécessité de posséder des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine.

Fixée par le jugement.

Durée déterminée ou indéterminée.

Mais il ne peut être perpétuel.

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Habilitations spécifiques des articles 1030-1 et 1030-2 (saisine spéciale) : pas plus de 2 ans à compter du décès sauf prorogation par le juge.

NB.- Cette prorogation ne peut ex céder un an.

Rémunération

Le mandat est gratuit sauf stipulation contraire figurant dans le mandat.

La rémunération éventuelle correspond à une part des fruits et revenus perçus par l'héritier et résultant de la gestion et de l'administration du mandataire.

A défaut, elle peut prendre la forme d'un capital.

Possibilité de révision judiciaire en cas d'excès ou d'atteinte à la réserve.

Aucune précision dans le texte.

Le mandat est gratuit, sauf convention contraire.

En principe mission gratuite

Sauf libéralité rémunératoire.

NB.- Les fais supportés par l'exécuteur testamentaire dans l'exercice de sa mission sont à la charge de la succession.

Cessation de mandat

Le mandat prend fin :

- à l'arrivée du terme prévu ;

- à la dissolution judiciaire (disparition de l'intérêt sérieux et légitime, mauvaise exécution et mauvaise gestion) ;

- à la conclusion d'un mandat conventionnel entre les héritiers et le mandataire titulaire du mandat à effet posthume ;

- à l'aliénation de tous les biens concernés ;

- au décès ou à la mise sous mesure de protection du mandataire ou de l'héritier concerné ;

- à la renonciation du mandataire.

NB.- Un même mandat donné pour le compte de plusieurs héritiers ne cesse pas entièrement pour une cause d'extinction ne concernant que l'un d'eux.

NB.- La renonciation du mandataire est notifiée aux héritiers ou à leurs représentants. Sauf convention contraire, elle ne prend effet qu'à l'issue d'un délai de trois mois à compter de cette notification.

Le mandat cesse :


De plein droit par l'effet :

- d'une convention d'indivision ;

- de la désignation du notaire pour préparer les opérations de partage .


Par décision du juge en cas de manquement caractérisé du mandataire dans l'exercice de sa mission.

Le mandat prend fin :

- par la révocation du mandataire ;

- par la renonciation de celui-ci au mandat ;

- par la mort, la tutelle des majeurs ou la déconfiture du mandant ou du mandataire.

Le mandant peut révoquer sa procuration dans les conditions des actuels articles 2004 à 2006 du code civil.

Sa mission prend fin :

- au plus part deux ans après l'ouverture du testament sauf prorogation du juge ;

- par le décès de l'exécuteur testamentaire ;

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- par décision du tribunal pour motifs graves.

Obligations du mandataire

En fin de mandat, il rend compte aux héritiers concernés ou leurs représentants de l'ensemble des actes accomplis.

En cas de décès, cette obligation incombe à ses héritiers.

Le mandataire a l'obligation de :

- à tout moment, laisser les héritiers qui en font la demande, consulter les documents afférents à l'administration de la succession ;

- chaque année et à la fin de sa mission, remettre au juge et sur demande à chaque héritier un rapport sur l'administration de la succession.

Actuels art. 1991 à 1997 :

Accomplir le mandat et rendre compte de sa gestion.

- Rendre compte de sa mission dans les six mois de son terme.

- Assumer la responsabilité d'un mandataire à titre gratuit.

NB.- S'il accepte la mission, l'exécuteur testamentaire est tenu de l'accomplir.

Hiérarchie des pouvoirs des différents mandataires

Le mandataire posthume agit sous réserve des pouvoirs de l'exécuteur testamentaire.

Son mandat prend fin à la mise sous mesure de protection de l'héritier concerné (et du mandataire).

NB.- Il prend fin également par la conclusion d'un mandat conventionnel entre les héritiers et le mandat à effet posthume.

Le mandataire agit sous réserve des pouvoirs d'un administrateur de l'indivision désigné en application de l'alinéa 3 de l'article 815-6, ou du mandataire posthume ou encore de l'exécuteur testamentaire.

Voir colonne ci-contre.

Voir colonne ci-contre.

SECTION 1 - Du mandat à effet posthume

Le projet de loi procède à une innovation substantielle en introduisant un mécanisme similaire à la fiducie .

La fiducie, définie comme l'acte par lequel une personne (le constituant ou fiduciant) transfère à une autre (le fiduciaire) la propriété temporaire de certains biens avec pour mission d'en faire un usage convenu et d'agir dans un but déterminé, en vue de la restitution de ces biens au profit d'un bénéficiaire ou du constituant lui-même, permettrait par exemple au futur défunt de désigner un « successeur temporaire », en attendant de savoir quel héritier serait le plus apte à reprendre l'entreprise qu'il possède et dirige, ou jusqu'à ce qu'un héritier ait atteint un niveau d'études souhaité.

Cependant, contrairement au fiduciaire, le mandataire posthume n'aura aucun droit de propriété sur les biens et ne pourra pas accomplir d'acte de disposition .

Le mandat à effet posthume se distingue par ailleurs très nettement du mandat classique. Il prend effet lorsque le mandat classique s'interrompt, au décès du mandant (art. 2003), et est passé par ce dernier pour le compte d'un tiers, sans obligation d'information de ce dernier avant le décès du mandant.

Sa portée est considérablement étendue par rapport aux hypothèses très limitées acceptées par la jurisprudence en considération de la nature de la mission depuis le XIX e siècle -comme le mandat de retrait d'argent sur un compte bancaire après le décès. Il trouvera principalement à s'exercer en présence, d'une part, d'un patrimoine successoral complexe ou comprenant une entreprise, d'autre part, d'héritiers trop jeunes ou trop inexpérimentés. Il pourra durer des années.

Il convient donc d'encadrer le recours au mandat à effet posthume, afin de s'assurer qu'il réponde aux intérêts des héritiers et non du mandataire et qu'il n'aboutisse pas à ce que « le défunt continue de gérer la succession depuis sa tombe ».

Il faut toutefois observer qu'il parait plus opportun de prévoir à l'avance la gestion de la succession par une personne compétente et motivée, plutôt que de laisser le juge désigner un mandataire qui ne connaît pas l'entreprise ultérieurement.

Paragraphe 1 - Les conditions du mandat à effet posthume

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, modifié l'intitulé de cette section, relative aux conditions de validité du mandat, mais aussi à ses effets.

Art. 812 du code civil : Définition du mandat à effet posthume

L'article 812 modifié par le projet de loi prévoit que toute personne peut donner à une ou plusieurs personnes mandat d' administrer ou de gérer , sous réserve des pouvoirs confiés à l'exécuteur testamentaire, tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers .

Son périmètre est donc très souple, puisqu'il peut ne concerner que certains héritiers, par exemple des incapables, mineurs ou majeurs, et une partie seulement de la succession, par exemple une entreprise.

De même, la succession peut être administrée par plusieurs mandataires à effet posthume, en fonction de sa consistance (entreprise, portefeuille de valeurs mobilières, immeubles en location). Cependant, il est précisé qu'en cas de concurrence, la compétence de l'exécuteur testamentaire prime 62 ( * ) .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que :

- le mandataire pourrait être une personne physique ou morale. Il serait ainsi possible de confier le mandat posthume à une association ou à une fondation, éventuellement créée à cet effet ;

- le mandat devrait identifier les héritiers dans l'intérêt desquels il serait prévu.

Compte tenu de l'importance de cette innovation, et du risque de dépossession de fait des héritiers qu'elle implique, votre commission vous propose de mieux l'encadrer, en précisant par amendement que le mandataire :

- peut être un héritier ;

- doit jouir de la pleine capacité civile et ne pas être frappé d'une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral.

Elle vous propose également d'introduire un article additionnel après l'article 812 afin de préciser, comme c'est le cas s'agissant du mandataire successoral désigné en justice à l'article 813-5, que le mandataire à effet posthume exerce ses pouvoirs même en présence de mineurs ou de majeurs protégés parmi les héritiers.

Le mandat serait ainsi opposable au représentant de l'incapable, le mandataire devant cependant lui rendre compte. Cela présente l'avantage de la continuité immédiate de la gestion lors du décès, sans devoir attendre la mise en place de la mesure de protection (surtout s'il faut ouvrir une tutelle pour un mineur orphelin). Cela évite aussi, en cas de mise en place d'une tutelle d'un majeur, de mettre fin à un mandat satisfaisant pour cette seule raison.

Il serait néanmoins possible de contester le mandat en invoquant l'absence d'intérêt légitime du fait de la protection juridique (par exemple si le parent survivant démontre son aptitude à gérer les biens dans l'intérêt des mineurs dans le cadre de l'administration légale sous contrôle judiciaire) ou l'incompétence du mandataire (auquel cas le juge des tutelles tranchera, ainsi que le prévoit la modification introduite à l'article 812-4 par l'Assemblée nationale).

Art. 812-1 du code civil : Conditions de validité du mandat à effet posthume

Le premier aliéna du texte proposé pour l'article 812-1 par le projet de loi prévoit que le mandat à effet posthume doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime précisément motivé .

Cette notion d'intérêt sérieux et légitime a déjà été précisée par la jurisprudence s'agissant de justifier une clause d'inaliénabilité accompagnant une libéralité (art. 901). Répondent ainsi notamment à cette exigence des motifs de prévoyance tenant au jeune âge du gratifié ou au désir de le protéger contre sa prodigalité 63 ( * ) .

Le deuxième alinéa encadre ensuite la durée du mandat à compter du décès du mandant, en prévoyant :

- une durée de droit commun ne pouvant excéder deux ans , sans possibilité de prorogation ni de raccourcissement ;

- une possibilité de durée indéterminée dérogatoire dans quatre hypothèses limitativement énumérées : l'incapacité, l'âge du ou des héritiers, la nécessité de gérer des biens professionnels ou de posséder des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine (comme un brevet professionnel pour reprendre une entreprise artisanale avec plusieurs salariés par exemple).

Le troisième alinéa prévoit en outre que le mandat à effet posthume doit être donné et accepté sous forme authentique .

Cette solennité se justifie par le fait que le mandat à effet posthume prive les héritiers de la liberté de la gestion de leur héritage. Elle poursuit en outre un double objectif :

- s'assurer que les parties ont reçu un conseil émanant d'un professionnel du droit des successions, pour éviter que le mandat soit recopié à partir d'un modèle ou comporte des dispositions obscures ou hasardeuses susceptibles de devoir être interprétées par le juge ;

- faire bénéficier le mandat posthume de la force juridique attachée aux actes authentiques, notamment en matière d'annulation, afin de mieux respecter les volontés du défunt. En effet, l'acte authentique ne peut être remis en cause que par la procédure de l'inscription de faux, contrairement à l'acte sous seing privé, même enregistré, la formalité de l'enregistrement ne faisant que conférer date certaine sans effet direct sur le contenu de l'acte. Le recours à l'acte authentique permet ainsi d'éviter des actions en nullité.

Enfin, le quatrième et dernier alinéa de cet article précise que le mandat à effet posthume doit être accepté par le mandataire du vivant du mandant . L'objectif de ce mandat est en effet précisément d'éviter des situations « d'incertitude » au décès du mandant.

L'Assemblée nationale a souhaité, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, apporter un certain nombre de précisions afin de mieux encadrer ce nouveau mandat. Quoique très attendu par les représentants des entreprises, il a suscité certaines inquiétudes, exprimées notamment par le professeur Pierre Catala lors de son audition par votre rapporteur.

S'agissant de la notion d' intérêt sérieux et légitime , l'Assemblée nationale a tout d'abord prévu qu'il devrait être motivé au regard de la personne de l'héritier ou du patrimoine successoral, ceci valant pour tous les mandats à effet posthume, qu'ils soient à durée déterminée ou indéterminée.

S'agissant du mandat à durée déterminée, l'Assemblée nationale a ensuite permis à un héritier ou au mandataire de saisir le juge d'une demande de prorogation du mandat , sans limiter le nombre de prorogations. Cet assouplissement paraît opportun.

S'agissant des hypothèses autorisant le mandat à durée indéterminée, elle a visé l'inaptitude , et non l'incapacité des personnes, en estimant trop restrictive la notion d'incapacité, qui renvoie aux régimes de protection prévus par le code civil.

Enfin, l'Assemblée nationale a souhaité préciser que si le mandataire devait avoir accepté le mandat du vivant du mandant, tous deux pourraient renoncer au mandat après avoir notifié leur décision à l'autre partie préalablement au décès du mandant. Cette précision, qui s'inspire de l'article 2004, n'apparaît pas forcément indispensable, puisque l'Assemblée nationale a par ailleurs introduit un article additionnel 812-1-3 afin de soumettre le mandat à effet posthume aux dispositions des articles 1984 à 2010, relatifs au mandat, qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la présente section. Notons qu'une fois le mandat commencé, le mandataire pourrait également y renoncer sous réserve de notifier cette décision trois mois avant qu'elle ne prenne effet (art. 812-7).

Si votre commission approuve la plupart de ces ajouts, elle vous propose en revanche par amendement de supprimer la mention des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine, et de remplacer le mandat à durée indéterminée autorisé dans certaines hypothèses par un mandat à durée déterminée de cinq ans prorogeable. En effet, cette durée indéterminée paraît très contestable, même si l'article 812-6 prévoit la possibilité d'y mettre fin en cas de disparition de l'intérêt sérieux et légitime qui le justifiait.

Art. 812-1-1 du code civil : Maintien de l'option héréditaire

L'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un article additionnel tendant à préciser que les actes réalisés par le mandataire dans le cadre de sa mission sont sans effet sur l'option successorale.

Cette disposition s'inspire de celle prévue par l'article 813-6 s'agissant du mandataire successoral désigné en justice et constitue une mesure de protection des héritiers, qui ne doivent pas être entraînés dans une acceptation pure et simple par les actes du mandataire posthume.

Art. 812-1-2 du code civil : Pouvoirs du mandataire posthume

L'Assemblée nationale a en outre, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, inséré un article 812-1-2 dans le code civil afin de prévoir que tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, le mandataire ne peut effectuer que les actes conservatoires mentionnés à l'article 785 modifié. Il ne pourrait donc effectuer aucun acte de disposition.

Il semble opportun d'étendre les pouvoirs du mandataire dans cette hypothèse.

En effet, en vertu du projet de loi, une telle situation peut perdurer 10 ans en l'absence de sommation des héritiers, alors même que le mandataire ne peut exercer cette action interrogatoire.

Votre commission vous propose donc d' autoriser par amendement le mandataire à accomplir des actes de surveillance et d'administration provisoire et à demander au juge l'autorisation d'accomplir tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession .

Art. 812-1-3 du code civil : Applicabilité des dispositions relatives au mandat

L'Assemblée nationale a enfin introduit, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un article 812-1-3 dans le code civil précisant que les dispositions de droit commun relatives au mandat (art. 1984 à 2010) s'appliquent au mandat à effet posthume dès lors qu'elles ne sont pas contraires à son régime spécifique.

Paragraphe 2 - De la rémunération du mandataire
Art. 812-2 du code civil : Détermination de la rémunération du mandataire à effet posthume

Cet article pose comme principe que le mandat est gratuit sauf convention contraire , à l'instar du mandat de droit commun (art. 1986).

Le mandat doit déterminer précisément la rémunération éventuelle, qui peut prendre deux formes :

- en principe , il s'agit d'une fraction des fruits et revenus perçus par l'hérédité et résultant de la gestion ou de l'administration du mandataire. Cette modalité présente l'avantage d'être versée régulièrement sans entamer le patrimoine de la succession et donc de ne pas léser les héritiers ;

- à défaut , c'est-à-dire en l'absence de fruits et de revenus suffisants, notamment si le patrimoine est composé principalement d'une entreprise déficitaire, la rémunération peut prendre la forme d'un capital . En effet, si l'on considère que le mandataire doit gérer une entreprise et est choisi en raison de ses compétences professionnelles, il paraît anormal de ne pas permettre sa rémunération en capital alors même que la société, en situation très difficile, ne peut distribuer de dividendes. Son intervention apparaît alors d'autant plus indispensable.

L'Assemblée nationale a, malgré l'avis défavorable de sa commission des lois, adopté un amendement de M. Alain Vidalies et des autres membres du groupe socialiste ayant reçu l'avis favorable du Gouvernement, qui prévoit que « la rémunération ne porte pas atteinte aux droits réservataires des héritiers ».

Votre commission vous propose d'autoriser une rémunération mixte (fruits et capital), comme cela est prévu par l'article 276 pour la prestation compensatoire en cas de divorce, et de supprimer l'ajout apporté par l'Assemblée nationale par coordination avec l'amendement qu'elle vous propose à l'article 812-3.

Art. 812-3 du code civil : Révision de la rémunération du mandataire à effet posthume

L'article 812-3 précise les deux hypothèses dans lesquelles les héritiers visés par le mandat ou leurs représentants peuvent obtenir la révision judiciaire de la rémunération du mandataire :

- lorsque la rémunération est excessive au regard de la durée du mandat ou de la charge en résultant (par exemple si le mandataire, payé sous forme de capital, renonce prématurément à son mandat) ;

- ou lorsque la rémunération porte atteinte à la réserve des héritiers , même si cette rémunération n'est pas excessive au regard de la durée ou de la charge du mandat. Bien que le texte ne le précise pas, il semble logique que tous les héritiers réservataires, qu'ils soient ou non concernés par le mandat, puissent engager cette action.

Votre commission vous propose plus simplement de prévoir par amendement que la rémunération du mandataire est une charge de la succession , afin de ne pas l'assimiler à une libéralité, et en conséquence de supprimer ce dispositif de révision spécifique. Cette charge ouvrirait droit à réduction lorsqu'elle avait pour effet de priver les héritiers de tout ou partie de leur réserve.

Paragraphe 3 - De la fin du mandat à effet posthume

Les articles 812-4 à 812-8 déterminent les modalités par lesquelles il est mis fin au mandat à effet posthume.

Art. 812-4 du code civil  : Fin du mandat à effet posthume

L'article 812-4 tel que rédigé par le projet de loi prévoit que le mandat prend fin :

- à l'arrivée du terme prévu , ce qui paraît évident. Ceci vise les hypothèses dans lesquelles il n'a pas été demandé de prorogation du mandat à durée déterminée ;

- en cas de renonciation du mandataire postérieure au décès du mandant 64 ( * ) ;

- en cas de dissolution judiciaire 65 ( * ) . L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, visé la révocation et non la dissolution judiciaire ;

- en cas de conclusion d'un mandat conventionnel entre les héritiers et le mandataire titulaire du mandat à effet posthume . A contrario, aucun mandat conventionnel ne pourrait être conclu avec une autre personne s'agissant des biens visés par le mandat à effet posthume tant que ce dernier subsisterait ;

- avec l'aliénation des biens mentionnés dans le mandat . En effet, le mandat se trouverait ainsi objet. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que cette aliénation devait être le fait des héritiers des biens mentionnés dans le mandat. En effet, eux seuls, et non le mandataire, pourraient procéder à des actes de disposition. Les héritiers pourraient donc mettre fin au mandat à tout moment ;

- enfin, le projet de loi reprend la condition de droit commun d'extinction des mandats, à savoir le décès ou la mise sous mesure de protection du mandataire ou de l'héritier intéressé .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ajouté la dissolution du mandataire personne morale , par coordination avec un amendement précédent ouvrant aux personnes morales la fonction de mandataire à effet posthume.

Elle a cependant supprimé l'automaticité de la fin du mandat en cas de placement sous mesure de protection de l'héritier intéressé, en la subordonnant à une décision expresse du juge des tutelles . L'Assemblée nationale l'a en effet jugée contraire à l'esprit de ce dispositif, qui prévoit que l'incapacité de l'héritier justifie le mandat à effet posthume à durée indéterminée.

Votre commission vous propose de reprendre à cet article les dispositions prévues pour l'article 812-5, qui précisent que la révocation judiciaire intervient à la demande des héritiers intéressés en cas de disparition de l'intérêt sérieux et légitime ou de mauvaise exécution par le mandataire de sa mission , en les complétant afin d'autoriser le représentant de l'héritier à demander cette révocation et de préciser qu'il suffit d'un héritier pour faire cette demande, même en cas de pluralité d'héritiers intéressés.

Le projet de loi prévoit enfin qu'un mandat donné pour le compte de plusieurs héritiers ne cesse pas entièrement lorsque la cause d'extinction ne concerne que l'un d'eux.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, transposé cette solution en cas de pluralité de mandataires .

Art. 812-5 du code civil : Révocation judiciaire du mandat

Cet article prévoit que les héritiers peuvent demander qu'il soit mis fin au mandat en cas de disparition de l'intérêt sérieux et légitime ou de mauvaise exécution par le mandataire de sa mission.

L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois avec l'avis favorable du Gouvernement, que la fin du mandat ne peut être demandée que par les héritiers au nom et pour le compte desquels il est prévu.

Votre commission vous soumet un amendement de suppression de cet article, par coordination avec l'amendement proposé à l'article 812-4.

Art. 812-6 du code civil : Conséquences de la révocation judiciaire du mandat

Cet article prévoit que la révocation pour cause de disparition de l'intérêt sérieux et légitime ne donne pas lieu à la restitution par le mandataire de tout ou partie des sommes perçues au titre de sa rémunération, sauf si elles ont été manifestement excessives eu égard à la durée ou à la charge effectivement assumée par le mandataire.

Le mandataire est donc préservé de la restitution des sommes perçues hormis des hypothèses très particulières qu'il appartient aux héritiers intéressés de prouver.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, supprimé la condition de caractère « manifestement » excessif, par coordination avec la rédaction adoptée en matière d'action en révision.

Le second alinéa prévoit cependant que le mandataire peut être tenu de restituer tout ou partie des sommes perçues au titre de la rémunération lorsque la révocation est intervenue par suite d'une mauvaise gestion . Ceci correspond au droit commun des contrats et des mandats en cas de faute du mandataire.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement de clarification afin de viser comme à l'article 812-5 une « mauvaise exécution de la mission » et non une « mauvaise gestion ».

Le projet de loi précise en outre que le mandataire peut être condamné à verser des dommages et intérêts.

Art. 812-7 du code civil : Renonciation du mandataire

Cet article vise l'hypothèse de la renonciation du mandataire une fois que le mandat a pris effet , et donc après le décès du mandant, contrairement à l'article 812-1.

Alors que le droit commun du mandat (art. 2007) prévoit une notification au mandant, ce qui est ici intrinsèquement impossible, le projet de loi prévoit que la renonciation doit faire l'objet d'une notification à chacun des héritiers ou à leurs représentants.

La renonciation ne prendrait effet qu'après un délai de trois mois , sauf convention contraire entre le mandataire et les héritiers ou leurs représentants. Cette convention permettrait d'augmenter comme de réduire le préavis, en fonction notamment de la nature des biens à gérer.

Le projet de loi précise enfin que le mandataire rémunéré par un capital peut être tenu de restituer tout ou partie des sommes perçues et être, le cas échéant, condamné à verser des dommages et intérêts en réparation d'un éventuel préjudice résultant de la renonciation anticipée au mandat et de son inexécution.

L'Assemblée nationale a une nouvelle fois, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que cette notification ne devait concerner que les héritiers intéressés par le mandat.

Art. 812-8 du code civil : Obligation de rendre compte du mandataire

Le projet de loi prévoit que le mandataire est tenu de rendre compte aux héritiers ou à leurs représentants de l'ensemble des actes accomplis en fin de mandat .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, limité cette information aux héritiers intéressés, tout en prévoyant en outre une obligation d'information annuelle .

Elle a également prévu, à l'initiative de M. Alain Vidalies et des membres du groupe socialiste et avec l'avis favorable du Gouvernement, qu'en l'absence d'une telle information tout intéressé serait fondé à demander une résolution judiciaire du mandat.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel et de prévoir que cette absence d'information permet de demander une révocation judiciaire et non une résolution judiciaire, qui présente un caractère rétroactif.

Enfin, le projet de loi met cette obligation d'information à la charge des héritiers du mandataire si le mandat prend fin par suite du décès de celui-ci.

SECTION 2 - Du mandataire désigné par la convention

Cette section comporte un article unique 813.

Art. 813 du code civil : Mandat conventionnel

Le premier alinéa de l'article 813 modifié rappelle que les héritiers peuvent, d'un commun accord, confier l'administration de la succession à l'un d'entre eux ou à un tiers. Ce mandat est alors régi par les articles 1984 à 2010 du code civil, relatifs au mandat conventionnel.

Alors que l'unanimité est requise pour conclure un mandat conventionnel, la modification des règles de gestion de l'indivision (art. 815-3) opérée par l'article 2 du projet de loi permettrait désormais de conclure un mandat conventionnel à la majorité des deux tiers.

Le mandat conventionnel subsiste donc en tant que mode d'administration de la succession à côté du mandat à effet posthume et du mandat successoral judiciaire.

Rappelons que ce mandat est l'acte par lequel le mandant donne au mandataire pouvoir de faire quelque chose en son nom. S'il doit être accepté par le mandataire, il peut être exprès ou tacite.

Le mandataire doit exécuter sa mission et répond de ses fautes. Il est tenu d'exécuter les engagements qu'il contracte conformément au pouvoir qui lui a été donné. Le mandant doit rembourser ses avances et frais et l'indemniser des pertes éprouvées dans la gestion.

Le mandat est gratuit sauf convention contraire, ce qui est le plus souvent le cas.

Il prend fin par la révocation du mandataire, par sa renonciation, par la mort, la tutelle des majeurs ou la déconfiture du mandant ou du mandataire. Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble. La révocation ne peut être opposée aux tiers auxquels elle n'a pas été notifiée. Enfin, le mandataire peut renoncer au mandat en notifiant sa décision au mandant et doit le cas échéant l'indemniser du préjudice qu'il lui cause.

Le second alinéa prévoit que lorsque l'héritier a accepté la succession à concurrence de l'actif net , le mandataire est désigné selon les modalités de l'article 814-1, qui prévoit que l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net peut demander au juge de désigner un mandataire successoral afin de le substituer dans la charge d'administrer et de liquider la succession. Le mandat est alors régi par les articles 813-1 à 814-1 modifiés relatifs au mandataire successoral désigné en justice.

L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que cette désignation judiciaire était obligatoire, même si tous les héritiers étaient d'accord pour donner un mandat de droit commun. Elle a en outre supprimé la référence à l'article 814-1 afin de permettre à l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net d'être le cas échéant désigné par le juge, par exemple s'il s'agit d'une personne qualifiée. En effet, dans cette hypothèse, il n'y a pas forcément de désaccord entre les héritiers.

SECTION 3 - Du mandataire successoral désigné en justice

La section 3 consacre la faculté de nommer en justice un mandataire pour administrer une succession bloquée. Elle comprend douze articles entièrement nouveaux.

Art. 813-1 du code civil : Désignation du mandataire successoral en justice

Cet article prévoit que le juge peut désigner toute personne qualifiée en qualité de mandataire successoral afin d'administrer provisoirement la succession dans certaines hypothèses.

Les motifs de désignation d'un mandataire successoral

Le projet de loi prévoit que la désignation d'un mandataire successoral peut être demandée en raison :

- de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou plusieurs héritiers. En effet, la simple inertie de certains héritiers peut mettre leurs cohéritiers dans une situation délicate. La carence vise l'hypothèse dans laquelle un héritier dit taisant, sans s'opposer expressément à une décision, ne donne pas non plus son accord ;

- de la mésentente des héritiers entre eux ;

- d'une opposition d'intérêts entre héritiers, qui n'est pas nécessairement conflictuelle, mais exige l'intervention d'un tiers neutre. La jurisprudence admet la nomination d'un administrateur judiciaire lorsque l'héritier bénéficiaire mineur a pour tuteur un créancier de la succession, ou à la demande et pour la protection d'un autre créancier, ou encore en cas de conflit entre les successeurs 66 ( * ) ;

- de la complexité de la succession , notamment en présence de patrimoines importants et très diversifiés, de nombreux héritiers indirects ou de la coexistence d'un héritier acceptant à concurrence de l'actif net et d'un héritier acceptant purement et simplement.

Le projet de loi précise que le mandataire successoral doit être une personne qualifiée .

La qualification de la personne s'apprécie en fonction de la nature des biens successoraux (portefeuilles de valeurs mobilières, immeubles ou entreprise notamment). Aucune condition d'activité n'étant exigée, cette personne pourra être retraitée.

De même, il pourra s'agir d'un tiers ou d'un héritier, à condition que sa désignation soit incontestable vis-à-vis des cohéritiers. S'il appartient au président du tribunal de grande instance de désigner le mandataire, celui-ci pourra être proposé par l'un des héritiers.

L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que cette personne qualifiée pourrait être une personne morale, afin d'inclure un cabinet d'avocats ou une étude notariale organisée en société.

Le deuxième alinéa de l'article 813-1 prévoit que cette désignation peut être demandée :

- par un héritier . Les héritiers subséquents sont exclus, seule l'action interrogatoire des héritiers inactifs leur étant ouverte ;

- par un créancier . En pratique, il s'agira des créanciers successoraux, afin de leur permettre notamment d'être réglés grâce à un partage efficace et rapide ;

- par le ministère public . Il pourra notamment être saisi par le notaire chargé de la succession ou pour toute autre raison d'ordre public ;

- ainsi que par toute autre personne intéressée .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, complété cette liste en mentionnant les personnes qui assuraient, pour le compte de la personne décédée, l'administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant. Elle a en effet considéré que la réalité de leur intérêt pourrait être contestée, dans la mesure où le mandat qui leur avait été confié a pris fin avec le décès de leur mandant.

Art. 813-2 du code civil : Compatibilité des missions de mandataire successoral, mandataire chargé de l'indivision et mandataire à effet posthume et d'exécuteur testamentaire

Cet article précise les conditions dans lesquelles s'exerce la mission du mandataire successoral désigné en justice.

En effet, la désignation d'un mandataire successoral peut intervenir alors même qu'a déjà été désigné :

- un administrateur judiciaire de la succession indivise, en vertu de l'article 815-6 non modifié par le projet de loi, qui prévoit que le président du tribunal de grande instance peut désigner un indivisaire comme administrateur ;

- un mandataire à effet posthume , désigné par le de cujus pour administrer et gérer la succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers en vertu de l'article 812 modifié, qui précise uniquement que cette mission s'exerce « sous réserve des pouvoirs confiés à l'exécuteur testamentaire » ;

- un exécuteur testamentaire , désigné par le testateur en application de l'article 1025 modifié par l'article 16 du projet de loi. L'étendue de sa mission dépend de la volonté du testateur (art. 1028 à 1030-2). Il intervient pour soutenir la validité du testament ou exiger l'exécution des dispositions litigieuses et prend les mesures conservatoires utiles à l'exécution du testament. Il peut faire procéder à l'inventaire de la succession et provoquer la vente du mobilier à défaut de liquidités suffisantes pour acquitter les dettes urgentes de la succession. Le testateur peut également le charger de procéder lui-même à l'exécution de ses dernières volontés, l'habiliter à prendre possession en tout ou partie du mobilier de la succession et à le vendre (même à l'amiable) si nécessaire pour acquitter les legs particuliers. En l'absence d'héritier réservataire acceptant, le testateur peut l'habiliter à disposer des immeubles de la succession (toujours à l'amiable et sans contrôle judiciaire), à recevoir et placer les capitaux, à payer les dettes et les charges et à attribuer ou partager les biens subsistants entre héritiers et légataires.

Le projet de loi prévoit que les pouvoirs du mandataire successoral ne sont que subsidiaires . La volonté du défunt prévaut donc sur celle du mandataire nommé en justice après son décès.

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel.

Art. 813-3 du code civil : Publicité de la décision de nomination

Le projet de loi prévoit que la décision de nomination du mandataire est enregistrée et publiée . Il s'agit d'assurer une publicité pour les tiers, notamment les créanciers de la succession. Il devrait s'agir de la même publicité que celle prévue pour la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net par les articles 889 et 890 (publicité électronique) puisqu'elle s'adresse aux mêmes personnes.

Art. 813-4 du code civil : Pouvoirs du mandataire successoral

Le projet de loi prévoit que le mandataire ne peut effectuer que les actes conservatoires ou de surveillance et les actes d'administration provisoire , et qu'il procède notamment :

- au paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent ;

- au recouvrement des fruits et revenus des biens successoraux et à la vente des biens périssables, à charge de justifier qu'il a employé les fonds à éteindre les dettes visées précédemment ou qu'il les a consignés ou déposés chez un notaire ;

- aux opérations courantes nécessaires à la continuation immédiate de l'activité de l'entreprise dépendant de la succession ;

- aux actes destinés à éviter l'aggravation du passif successoral.

Ses pouvoirs sont donc alignés sur la liste des actes que l'héritier peut accomplir sans emporter acceptation tacite de la succession, définie à l'article 785 modifié.

Le projet de loi prévoit ensuite que tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, le juge peut autoriser tout autre acte que requiert dans l'urgence l'intérêt de la succession. Il peut, même d'office, autoriser le mandataire successoral à dresser un inventaire dans les formes prescrites à l'article 789.

Par rapport au deuxième alinéa de l'article 785 modifié, la rédaction proposée par le projet de loi paraît poser deux conditions supplémentaires : cette faculté n'est prévue que pour autant qu'aucun héritier n'ait accepté et elle est soumise à une condition d'urgence.

Enfin, le texte prévoit que le juge peut, même d'office, autoriser le mandataire successoral à dresser un inventaire dans les formes prescrites à l'article 789 modifié, c'est-à-dire par l'intermédiaire d'un huissier, d'un notaire ou d'un commissaire-priseur judiciaire.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement de rédaction globale afin de :

- viser l'article 785 modifié pour plus de concision s'agissant des actes conservatoires, ce qui permet en outre de prendre en compte l'ajout opéré à cet article s'agissant de la possibilité de renouveler des baux qui, à défaut, donneraient lieu au paiement d'une indemnité et de mettre en oeuvre des décisions d'administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise, cette catégorie ayant été ajoutée par l'Assemblée nationale ;

- supprimer la distinction entre les pouvoirs du mandataire en présence d'un héritier acceptant ou non, en prévoyant que ne sont visés que les pouvoirs du mandataire successoral tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession ;

- prévoir que le juge peut autoriser tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession, en supprimant la condition d'urgence , par coordination avec l'article 785 modifié ;

- préciser que le juge peut autoriser le mandataire successoral à dresser un inventaire ou le demander d'office.

Art. 813-5 du code civil : Représentation des héritiers

Le premier alinéa de cet article reprend les dispositions de la première phrase du premier alinéa de l'actuel article 1873-6 du code civil relatif aux pouvoirs du gérant conventionnel de l'indivision et prévoit que dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés, le mandataire successoral représente l'ensemble des héritiers pour les actes de la vie civile et en justice .

Il peut ainsi signer des contrats au nom de l'entreprise individuelle, déposer des déclarations d'impôts et ester en justice y compris à l'encontre, le cas échéant, de l'un des héritiers.

Le deuxième alinéa précise en outre que le mandataire exerce ses pouvoirs même en ce qui concerne les héritiers incapables mineurs ou majeurs.

Il peut enfin recevoir valablement les paiements au profit de la succession. Cette précision était nécessaire, l'article 1239 du code civil prévoyant que le paiement doit être effectué directement aux créanciers ou à la personne ayant reçu un pouvoir d'eux ou y étant autorisée par la justice ou par la loi.

Art. 813-6 du code civil : Effet sur l'option héréditaire

Cet article prévoit que les actes visés à l'article 813-4 accomplis par le mandataire successoral dans le cadre de sa mission sont sans effet sur l'option héréditaire.

Cette solution est logique, puisqu'il s'agit des actes conservatoires, de surveillance ou d'administration provisoire, ainsi que des autres actes autorisés par le juge dans l'intérêt de la succession, qui ne peuvent entraîner acceptation tacite de la succession lorsqu'ils sont effectués par un héritier.

Art. 813-7 du code civil : Dessaisissement du mandataire

Le projet de loi précise que le juge peut dessaisir le mandataire de sa mission en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci.

Si ce manquement peut être signalé par tout intéressé, le juge sera de toute façon informé annuellement par le mandataire de l'exécution de sa mission en vertu de l'article 813-8.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé les modalités de saisine du juge, en prévoyant qu'elle pourrait intervenir à la demande de toute personne intéressée ou du ministère public et que le juge désignerait alors un autre mandataire successoral , pour une durée qu'il définirait.

Art. 813-8 du code civil  : Obligation d'information

Le projet de loi prévoit que le mandataire doit rendre des comptes au juge qui l'a désigné et aux héritiers :

- ainsi, chaque héritier peut exiger du mandataire la consultation à tout moment des documents relatifs à l'administration de la succession, sans justification particulière ;

- chaque année et à la fin de la mission , le mandataire successoral doit remettre au juge et à chaque héritier qui le demande un rapport sur son administration.

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que le rapport annuel devait viser l'ensemble de l'exécution de la mission du mandataire et non uniquement l'administration de la succession, la mission du mandataire successoral pouvant excéder le cadre de l'administration de la succession fixé par l'article 814-1 qui prévoit qu'il peut être substitué à l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net, à sa demande, pour administrer mais aussi liquider la succession.

Art. 813-9 du code civil : Durée et fin de la mission

Le premier alinéa de cet article prévoit que le jugement désignant le mandataire successoral fixe la durée de sa mission .

Cette durée devrait pouvoir être fixée en semaines ou en mois, mais aussi l'être par référence à l'accomplissement de la mission. Le mandat successoral devrait en effet s'achever en même temps que sa mission.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu une possibilité de prorogation de la mission du mandataire successoral à la demande de l'un de ceux à qui est ouverte la possibilité de demander la désignation d'un mandataire successoral -c'est-à-dire un héritier, un créancier, toute personne intéressée, toute personne qui assurait pour le compte du défunt l'administration de son patrimoine ou le ministère public.

Le second alinéa prévoit que la mission cesse de plein droit en cas de :

- conclusion d'une convention d'indivision entre les héritiers, ce qui est effectivement le signe d'une bonne entente des héritiers ;

- désignation d'un notaire commis pour préparer les opérations de partage.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, substitué à cette désignation de notaire l'exigence d'une signature de l'acte de partage , en considérant que seule cette signature révélait la fin des difficultés.

Elle a en outre ajouté un troisième cas de cessation de plein droit de la mission du mandataire successoral en visant l'hypothèse où le juge constate l'exécution complète de la mission . Ce complément doit permettre de mettre fin à la mission du mandataire avant son terme si celle-ci est déjà intégralement exécutée (par exemple lorsque le règlement de la succession s'est révélé plus facile que prévu).

Le projet de loi ne précise pas comment serait rémunéré le mandataire successoral. Votre commission vous propose de remédier à cette lacune en prévoyant par amendement qu'il appartient au juge de fixer cette rémunération.

Art. 813-10 du code civil : Cumul des fonctions exercées par un notaire

Cet article prévoit que lorsqu'un notaire est commis pour préparer les opérations de partage, le juge qui le désigne peut le doter des pouvoirs du mandataire successoral pour faciliter sa mission , pour une durée qu'il fixe.

Le texte ne prévoit pas la possibilité de la proroger ou de la réduire si nécessaire. Cette possibilité est indépendante de la nature de l'acceptation du ou des héritiers.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de M. Emile Blessig et malgré les avis défavorables du rapporteur de la commission des lois et du Gouvernement, supprimé cet article , en arguant d'une situation de conflit d'intérêts pour le notaire exerçant les deux fonctions.

En séance, M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois, a douté de ce risque et rappelé que le notaire, travaillant sous le contrôle du juge, pourrait le cas échant être dessaisi. Il a en outre souligné que la suppression de cette possibilité conduirait à nommer deux auxiliaires de justice et serait source de dépenses inutiles, notamment pour des successions à faible valeur d'actif.

Il a enfin indiqué que cet article n'empêchait pas d'autres professions d'être désignées mandataire successoral, la désignation du notaire ne constituant qu'une faculté pour le juge.

Art. 814 du code civil : Pluralité d'héritiers acceptants purs et simples et à concurrence de l'actif net

Le premier alinéa de cet article précise que lorsque la succession a été acceptée par un ou plusieurs héritiers purement et simplement et par d'autres à concurrence de l'actif net, le juge qui désigne le mandataire successoral peut autoriser celui-ci à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, inclut le cas où le mandataire successoral est désigné par le juge en application de l'article 841-1, c'est-à-dire lorsque l'un des héritiers a accepté à concurrence de l'actif net et a lui-même demandé la désignation d'un mandataire successoral même en l'absence de blocage de la succession. Dans ce cas, le mandataire successoral doit disposer des mêmes pouvoirs que celui désigné à la demande d'un héritier, d'un créancier ou du ministère public en l'application de l'article 813-1 et en particulier pouvoir être autorisé par le juge à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession ainsi que sous son contrôle des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession.

Le second alinéa prévoit que le juge peut également l'autoriser, à tout moment, à réaliser des actes de disposition rendus nécessaires pour la bonne administration de la succession, aux prix et stipulations qu'il détermine.

La mission confiée au mandataire excède alors la simple administration provisoire effectuée au lendemain du décès. A tout moment, le mandataire pourra donc demander à faire procéder à la vente de l'actif pour régler le passif. Le juge indiquera accepter ou non les conditions proposées par le mandataire.

Art. 814-1 du code civil : Cas particulier de l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net

Le projet de loi prévoit en outre que l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net peut en toute circonstance demander au juge de désigner toute personne qualifiée en qualité de mandataire successoral à l'effet de le substituer dans la charge d'administrer et de liquider la succession .

Le mandataire désigné disposera alors de pouvoirs étendus. Il recevra les déclarations de créances et règlera les créanciers, au besoin en procédant à la vente des actifs. Il administrera et liquidera la succession en lieu et place de l'héritier sans qu'il lui soit demandé de saisir le juge à chaque acte de disposition puisqu'il s'agit d'une acceptation à concurrence de l'actif net.

Cette disposition vise à remplacer la possibilité actuellement ouverte par l'article 802 à l'héritier bénéficiaire « d'abandonner tous les biens de la succession aux créanciers et aux légataires », qui doivent administrer la succession. En pratique, ce dispositif aboutit déjà à la désignation d'un administrateur judiciaire, notamment en cas de pluralité de créanciers.

Un créancier ou toute autre personne intéressée pourra demander la désignation d'un mandataire successoral sur le fondement de l'article 813 lorsque l'héritier à concurrence de la valeur de l'actif net commet des fautes dans son administration, mais n'a pas lui-même demandé la désignation d'un mandataire.

Votre commission vous propose d' adopter l'article premier ainsi modifié.

Article 2 (art. 815, 815-1 à 815-3 et 815-10 du code civil) - Dispositions relatives à l'indivision

L'article 2 du projet de loi introduit au sein du titre Ier relatif aux successions du livre III du code civil un nouveau chapitre consacré au régime légal de l'indivision, par opposition au régime conventionnel régi par le titre IX bis .

Le nouveau chapitre VII « Du régime légal de l'indivision » comprenant les articles 815 à 815-18 est divisé en quatre sections :

- la section 1 consacrée aux actes relatifs aux biens indivis comprend deux paragraphes relatifs respectivement aux actes accomplis par les indivisaires (art. 815-2 et 815-3) et aux actes autorisés en justice (art. 815-4 à 815-7) ;

- la section 2 consacrée aux droits et obligations des indivisaires comprend les articles 815-8 à 815-16 ;

- la section 3 consacrée au droit de poursuite des créanciers comprend l'article 815-17 ;

- et la section 4 consacrée à l'indivision en usufruit comprend l'article 815-18.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel concernant l'intitulé de ce chapitre.

Cette réforme était particulièrement attendue . En effet, les dispositions actuelles relatives à l'indivision font l'objet de critiques virulentes en raison de leur inadaptation et des blocages qu'elles entraînent fréquemment dans l'administration des successions.

L'indivision se caractérise en effet par la concurrence de droits de même nature exercée sur un même bien ou un ensemble de biens, qu'il s'agisse d'en user, d'en jouir ou d'en disposer. A l'ouverture de la succession, chaque héritier est propriétaire indivis des biens du défunt pour sa quote-part uniquement sans pouvoir exercer de droit privatif sur une partie déterminée (actuel art. 815-9).

Ce régime, conçu pour être provisoire en attendant le partage, n'est que peu encadré par le code civil, même si la loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 relative à l'organisation de l'indivision s'est efforcée de l'organiser.

Or, la multiplication des facultés d'obtenir le maintien de l'indivision, en particulier pour éviter le démembrement des exploitations 67 ( * ) , et la persistance de la pratique des indivisions, ont entraîné une mauvaise gestion des biens indivis, du fait de conflits et des blocages. Il est en effet difficile en pratique de recueillir l'accord de tous les indivisaires.

Le projet de loi tente donc de remédier à ces difficultés tout en respectant le droit de propriété de chaque indivisaire.

Art. 815 du code civil : Possibilité de mettre fin à l'indivision par partage

L'article 815 modifié reprend intégralement le premier alinéa de l'actuel article 815 qui affirme le droit au partage pour tout indivisaire . Ce droit permet de faire cesser l'indivision à tout instant sans avoir à le motiver.

Néanmoins, l'adage « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision... », extrait de l'article 815, n'est pas absolu , puisqu'il peut y être sursis par jugement ou par convention 68 ( * ) .

Ainsi, l'article 820 modifié par l'article 4 du projet de loi prévoit que ce sursis peut être prononcé par le juge pour une durée maximale de deux ans si un partage immédiat risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis ou si l'un des indivisaires ne peut reprendre une exploitation agricole, une entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou libérale qu'à l'expiration de ce délai. De même, les coindivisaires peuvent conclure une convention d'indivision interdisant le partage.

En outre, le maintien dans l'indivision peut être décidé par le juge ou par un accord entre les indivisaires.

Les articles 821 à 824 modifiés par l'article 4 du projet de loi précisent ces modalités qui concernent l'exploitation agricole, toute entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, ainsi que le local d'habitation ou à usage professionnel. Le maintien dans l'indivision peut être prescrit pour une durée maximale de cinq ans et renouvelé en présence de descendants mineurs jusqu'à la majorité du plus jeune des descendants et en absence de descendants mineurs jusqu'au décès du conjoint survivant.

L'article 1873-2 non modifié par le projet de loi prévoit que les coindivisaires peuvent convenir de demeurer dans l'indivision.

Les deuxième et troisième alinéas actuels de l'article 815 relatifs aux facultés de maintien judiciaire et de partage partiel sont déplacés aux articles 820 et 824 modifiés par l'article 4 du projet de loi.

Art. 815-1 du code civil : Possibilité de passer des conventions d'indivision

L'article 815-1 modifié fait référence dans le chapitre consacré au régime légal de l'indivision au régime conventionnel de l'indivision, et précise que les indivisaires peuvent passer des conventions afin de déterminer l'exercice de leurs biens indivis conformément aux articles 1873-1 à 1873-18 du code civil.

Ces articles prévoient notamment que :

- des conventions de maintien dans l'indivision peuvent être signées pour une durée déterminée de cinq ans maximum renouvelable ou pour une durée indéterminée, le partage pouvant dans ce dernier cas être demandé à tout moment, pourvu que ce ne soit pas de mauvaise foi ou à contretemps (art. 1873-2 et 1873-3) ;

- les coindivisiaires peuvent nommer un gérant (art. 1873-5 à 1873-10) ;

- les indivisaires peuvent prévoir, en l'absence d'incapables, que certaines catégories de décisions seront prises autrement qu'à l'unanimité. Toutefois, aucun immeuble indivis ne peut être aliéné sans l'accord de tous les indivisaires (art. 1873-8) ;

- en cas d'aliénation de tout ou partie des droits d'un indivisaire dans les biens indivis, les coindivisaires bénéficient de droits de préemption et de substitution (art. 1873-12).

Les dispositions de l'actuel article 815-1 relatives au maintien de l'indivision sont déplacées à l'article 821 modifié par l'article 4 du projet de loi.

Art. 815-2 du code civil : Mesures conservatoires

L'actuel article 815-2 du code civil permet à un seul indivisaire de prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis .

La jurisprudence a précisé que ces mesures devaient être nécessaires et urgentes, et en particulier justifiées par un péril imminent, et ne pas compromettre sérieusement le droit des indivisaires.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement tendant à modifier l'article 815-2 afin de préciser que ces mesures conservatoires peuvent être prises même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence, cette exigence risquant de nuire à l'objectif de conservation des biens. En effet, un entretien régulier des biens indivis est préférable à la réparation de dommages causés par l'inaction.

Art. 815-3 du code civil : Gestion des biens indivis

En revanche, l'actuel article 815-3 impose le consentement unanime des indivisaires pour les actes d'administration 69 ( * ) et de disposition 70 ( * ) .

Il impose également l'unanimité pour donner à l'un ou à plusieurs d'entre eux un mandat général d'administration. Un mandat spécial est requis pour tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis ainsi que pour la conclusion et le renouvellement des baux.

Afin d'atténuer cette rigidité, la loi du 31 décembre 1976 a prévu un certain nombre de palliatifs, qui présentent cependant l'inconvénient de nécessiter un recours au juge. L'actuel article 515-5 prévoit ainsi qu'un indivisaire peut être autorisé en justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un coindivisaire serait nécessaire si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun. De même, l'actuel article 815-6 prévoit que le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun

Le projet de loi tend à assouplir la règle de l'unanimité , très protectrice du droit de chaque indivisaire, mais qui conduit souvent à une mauvaise gestion des biens ou à un recours fréquent au juge pour surmonter la paralysie, en prévoyant que certains actes pourront être accomplis à la majorité des deux tiers .

Cette majorité qualifiée permettra désormais en l'absence de convention d'indivision :

- d'effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;

- de donner un mandat général d'administration à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers ;

- de vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision . Contrairement à l'actuel article 826 qui ouvre déjà à la majorité des cohéritiers cette faculté, la vente pourra être faite de gré à gré et non publiquement, ce qui constitue une mesure de simplification appréciable.

Le projet de loi maintient en revanche la règle de l'unanimité pour tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis, pour conclure et renouveler les baux ainsi que pour effectuer tout acte de disposition autre que la vente des meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, considéré que le maintien de l'exigence d'unanimité s'agissant des baux était contradictoire avec l'objectif d'assouplissement du projet de loi.

Elle a considéré que la conclusion ou le renouvellement d'un bail d'habitation était un acte de gestion courante qui ne présentait pas de risques tels qu'il justifierait de conserver l'unanimité. En effet, le bail est conclu pour une durée de trois ans et le bailleur peut donner un congé pour vente sans acquitter d'indemnité. L'Assemblée nationale a en outre observé que l'article 1425 du code civil autorisait un seul époux à conclure des baux d'habitation sur des biens communs des époux.

L'Assemblée nationale a donc complété la liste des actes pouvant être accomplis à la majorité des deux tiers en ajoutant la conclusion et le renouvellement des baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal .

Afin de sauvegarder le sort des indivisaires minoritaires qui ne participent pas à la décision, l'Assemblée nationale a en outre, dans les mêmes conditions, prévu une obligation d'information à leur égard.

Votre commission est bien consciente que cette réforme, très attendue, peut paraître encore trop timorée à certains, qui estiment que le maintien de l'exigence d'unanimité pour la vente d'un immeuble indivis ne répondra pas aux principales difficultés rencontrées en pratique.

Cependant, il paraît très difficile d'aller au-delà en raison du risque d'atteinte à la propriété et donc d'inconstitutionnalité. En effet, la vente contre l'avis d'un indivisaire pourrait être assimilée à une expropriation pour cause d'utilité privée, encore jamais admise dans notre droit.

En vertu de l'article 27 du projet de loi, ces dispositions s'appliqueront aux indivisions dès l'entrée en vigueur de la loi.

Art. 815-10 du code civil : Subrogation

Le 3° de l'article 2 du projet de loi complète l'actuel article 815-10 qui inclut dans la masse indivise les fruits et revenus des biens indivis et fixe le régime des plus-values et pertes dans une indivision .

Il crée un nouvel alinéa qui prévoit que sont de plein droit indivis, par l'effet d'une subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des biens indivis ainsi que les biens acquis avec le consentement de l'ensemble des indivisaires en emploi ou remploi des biens indivis 71 ( * ) .

Le projet de loi consacre donc le principe de la subrogation réelle de plein droit dégagé par la jurisprudence de la Cour de cassation.

Depuis l'arrêt Chollet contre Dumoulin du 5 décembre 1907, la Cour de cassation considère qu'en cas d'aliénation d'un bien indivis, la créance qui remplace l'immeuble aliéné dans la masse indivise devient elle-même un effet de succession, le prix de la vente étant ainsi subrogé aux biens ayant appartenu au défunt. Cette jurisprudence a été confirmée pour une indemnité d'assurance ou un bien acquis en remploi. Il peut également s'agir d'une créance indemnitaire en réparation, par exemple en cas de construction au mépris d'une servitude ou du produit de la vente en cas de non acquisition d'un nouveau bien.

Toutefois, la subrogation requiert la volonté d'agir pour le compte de l'indivision et donc le consentement des indivisaires en plus du fait que le bien a été acquis par l'indivisaire avec des deniers indivis. Les indivisaires peuvent cependant décider de répartir immédiatement entre eux le produit de la vente, réalisant ainsi un partage partiel.

Coordinations

Enfin le 4° de l'article 2 du projet de loi procède à une coordination liée à la nouvelle numérotation des articles consacrés au partage. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, rectifié une erreur de numérotation.

Elle a en outre adopté, dans les mêmes conditions, un amendement de coordination modifiant le code rural.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 - Organisation du chapitre relatif au partage

L'article 3 du projet de loi insère un chapitre VIII « Du partage » au sein du titre Ier du livre III du code civil. Ce nouveau chapitre est composé de cinq sections consacrées respectivement aux opérations de partage (section 1, art. 816 à 842), au rapport de libéralités (section 2, art. 843 à 863), au paiement des dettes (section 3, art. 864 à 882), aux effets du partage et à la garantie des lots (section 4, art. 883 à 886) et aux actions en nullité du partage ou en complément de part (section 5, art. 887 à 892).

Leurs dispositions sont traitées aux articles 4 à 8 du projet de loi.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 3 sans modification .

Article 4 (art. 816 à 842 du code civil) - Dispositions relatives au partage

L'article 4 du projet de loi rédige entièrement la section 1 du nouveau chapitre VIII relatif aux opérations de partage, amiable ou judiciaire.

Cependant, il ne reprend pas les dispositions des actuels articles 820, 824, 825, 827, 828, 835, 837 et 842. De nature réglementaire, ces dispositions seront intégrées dans le décret annoncé par le ministère de la justice.

SECTION 1 - Des opérations de partage

SOUS-SECTION 1 - Dispositions communes

Le partage, qu'il soit amiable ou judiciaire, vise à mettre fin à l'indivision et consiste principalement en la composition et l'attribution de lots .

Si le Code Napoléon prévoyait la possibilité de partages forcés, cette faculté connaît à présent de larges tempéraments. Les mécanismes de sursis au partage, de maintien de l'indivision ou encore d'attribution éliminatoire -qui revêt toutefois le caractère de partage partiel- peuvent empêcher le partage, au moins temporairement. De plus, même en cas de partage, le mécanisme de l'attribution préférentielle peut influer sur la composition des lots.

Paragraphe 1 - Des demandes en partage

L'action en partage est reconnue aux héritiers ab intestat , comme aux légataires universels ou à titre universel et aux institués contractuels, en vertu de l'article 815.

Art. 816 du code civil : Demande en partage

Cet article reprend sous réserve d'une adaptation du vocabulaire - il n'est plus fait mention de cohéritiers ni de succession mais d'indivisaires et de biens indivis- le texte de l'actuel article 816, qui prévoit que le partage peut être demandé même quand l'un des cohéritiers a joui séparément d'une partie des biens de la succession.

Il reprend également les deux causes d'extinction de l'action en partage :

- l'existence d'un acte de partage antérieur , ce qui vise toute convention mettant fin à l'indivision, sans qu'il soit prévu de formalisme particulier ;

- ou une possession suffisante pour acquérir la prescription . Cette prescription acquisitive doit répondre aux critères de l'article 2229 : une possession continue et ininterrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire et non de simple usufruitier -en effet, il arrive que les indivisaires s'entendent pour que chacun se saisisse privativement d'une partie de la succession. Elle doit en outre être d'une durée de 30 ans.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel.

Art. 817 du code civil : Partage de l'usufruit indivis

Cet article prévoit que chaque usufruitier peut demander le partage de l'usufruit indivis :

- par voie de cantonnement sur un bien, lorsque cela est possible. Le partage se fait alors en nature ;

- à défaut, par licitation du seul usufruit . La licitation, amiable ou judiciaire, se définit comme une variété de vente lorsque les biens indivis ne peuvent être commodément partagés.

Le projet de loi prévoit en outre que lorsqu'elle apparaît seule protectrice de l'intérêt de tous les titulaires de droits sur le bien indivis, la licitation peut porter sur la pleine propriété .

Il s'agit là d'une exception au principe selon lequel seuls des droits de même nature peuvent être affectés par l'indivision , avec pour corollaire que si un bien n'est indivis qu'en usufruit, seul son usufruit peut être licité. En effet, des biens peuvent se trouver à la fois indivis et démembrés : ils peuvent n'être indivis que pour l'usufruit ou la nue-propriété, ou encore faire l'objet de deux indivisions distinctes, l'une en usufruit, l'une en nue-propriété. En l'état du droit, le partage ou la licitation de l'usufruit ou de la nue-propriété ne peuvent être réalisés que séparément, le bien devant faire l'objet d'autant de partages séparés qu'il est le siège d'indivisions distinctes.

Cela peut s'avérer dissuasif pour un acquéreur potentiel, pour lequel le seul usufruit ne présenterait que peu d'intérêt.

Le projet de loi consacre donc la faculté de licitation en pleine propriété de biens démembrés à la demande d'un usufruitier déjà admise par la Cour de cassation depuis 1932 si « elle est nécessaire à la détermination de l'assiette de l'usufruit et à la protection de l'intérêt de toutes les parties ». Pareille licitation suppose donc qu'il ne soit possible ni de partager en nature l'usufruit indivis, ni de procéder à la licitation du seul usufruit dans des conditions satisfaisantes.

Le prix de la licitation doit être alors réparti entre l'usufruitier et le nu-propriétaire.

Art. 818 du code civil : Partage de la nue-propriété indivise

Cet article transpose la solution retenue à l'article 817 pour l'indivisaire usufruitier au nu-propriétaire indivis, sous réserve de la possibilité d'une licitation en pleine propriété.

En effet, le deuxième alinéa de l'article 815-5 dispose que « le juge ne peut, à la demande d'un nu-propriétaire, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier ».

L'indivisaire en nue-propriété pourra donc demander le cantonnement de la nue-propriété et à défaut la licitation de la seule nue-propriété. En revanche la licitation de la pleine propriété ne pourra être réalisée qu'après avoir recueilli l'assentiment de l'usufruitier universel.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement de clarification.

Art. 819 du code civil : Partage demandé par un plein-propriétaire

Cet article précise la situation du plein-propriétaire se trouvant en indivision avec des usufruitiers et des nus-propriétaires .

Il pourra utiliser la faculté de cantonnement ou de licitation offerte respectivement par l'article 817 pour l'usufruit et par l'article 818 pour la nue-propriété.

En revanche, il ne pourra se voir imposer le cantonnement ou la licitation en usufruit ou en nue-propriété.

Le projet de loi précise qu'en cas de licitation de la pleine propriété, l'article 815-5 n'est pas applicable, puisqu'il ne peut concerner qu'un usufruitier universel.

Art. 820 du code civil : Sursis au partage

Cet article 820 reprend et étend le dispositif prévu par le deuxième alinéa de l'actuel article 815 du code civil relatif au sursis au partage.

L'actuel article 815 prévoit que le tribunal, peut, à la demande d'un indivisaire, prononcer le sursis au partage (pour tout ou partie des biens indivis) pour une durée maximale de deux ans :

- si un partage immédiat risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis (loi du 10 juin 1978) ;

- ou si l'un des indivisaires ne peut s'installer sur une exploitation agricole dépendant de la succession qu'à l'expiration de ce délai (loi du 4 juillet 1980).

Le projet de loi étend cette hypothèse à la reprise de l'entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou libérale , afin de faciliter la transmission d'entreprise et d'adapter le droit des successions à la réalité économique actuelle dans laquelle l'agriculture n'occupe plus une position prépondérante.

Votre commission vous propose par amendement d' étendre ce dispositif au partage des droits sociaux , par coordination avec l'article 831 modifié qui prévoit la possibilité d'attributions préférentielles portant sur des entreprises exploitées sous forme de société.

Le maintien dans l'indivision

Actuellement , le maintien judiciaire dans l'indivision est prévu par l'article 815-1 pour trois catégories de biens :

- les exploitations agricoles constituant une unité économique et dont la mise en valeur était assurée par le défunt ou son conjoint, ce qui vise donc les exploitations présentant un caractère familial ;

- le local professionnel et les objets mobiliers servant à l'exercice de la profession, à condition que ce local et ces objets aient été à l'époque du décès utilisés par le défunt ou son conjoint ;

- le local d'habitation qu'habitait effectivement à l'époque du décès le défunt ou son conjoint.

L'actuel article 815-1 prévoit que ce maintien dans l'indivision ne peut être prescrit pour une durée supérieure à cinq ans, mais peut être renouvelé jusqu'à la majorité du plus jeune des descendants ou jusqu'au décès du conjoint survivant à défaut de descendants mineurs.

Le projet de loi procède à quelques ajustements et consacre quatre articles distincts à ces questions (art. 821 à 824).

Art. 821 du code civil : Maintien de l'indivision de l'entreprise

Cet article reprend les dispositions du premier alinéa de l'actuel article 815-1 relatif aux conditions du maintien de l'indivision de l'exploitation agricole , introduit par le décret-loi du 17 juin 1938, en l'étendant à toute entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou libérale à l'instar du sursis au partage et de l'attribution préférentielle.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination afin d'étendre cette possibilité aux entreprises exploitées sous forme sociale .

L'article 821 modifié prévoit deux conditions à ce maintien :

- l'entreprise doit constituer une unité économique ;

- son exploitation devait être assurée par le défunt ou son conjoint.

Votre commission vous propose de supprimer par amendement la condition d'unité économique qui ne parait pas pertinente, toute entreprise constituant de fait une unité économique.

Cette demande peut être adressée, en présence d'enfants mineurs , par le conjoint survivant , tout héritier ou le représentant légal des mineurs . A défaut de descendant mineur, seul le conjoint survivant le peut, dans les conditions prévues par l'article 822 modifié (voir infra ).

Le tribunal de grande instance statue en fonction des intérêts en présence et des moyens d'existence que la famille peut tirer des biens indivis (alors que le droit en vigueur vise les « possibilités d'existence »). La jurisprudence se fonde sur la perte de revenus qui résulterait pour la famille d'un partage immédiat.

Le maintien de l'indivision demeure possible même si l'héritier ou le conjoint était déjà propriétaire ou copropriétaire d'éléments de l'entreprise avant l'ouverture de la succession.

Art. 821-1 du code civil : Maintien de l'indivision du local d'habitation ou à usage professionnel

Cet article relatif au maintien de l'indivision de la propriété du local d'habitation ou à usage professionnel et des objets mobiliers qu'il renferme reprend les dispositions du deuxième alinéa de l'actuel article 815-1, en comblant une lacune du droit en vigueur, qui avait omis de prévoir le maintien dans l'indivision des meubles garnissant le local d'habitation.

Ce local doit avoir été effectivement utilisé à l'époque du décès par le défunt ou son conjoint.

Art. 822 du code civil : Titulaires de la demande de maintien de l'indivision

Cet article reprend les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'actuel article 815-1 et précise les personnes susceptibles de demander le maintien de l'indivision.

En présence de descendants mineurs , il s'agit du conjoint survivant, de tout héritier (comme notamment les frères et soeurs du mineur) et du représentant légal des mineurs.

En l'absence de descendants mineurs , seul le conjoint survivant peut demander le maintien de l'indivision, à condition d'avoir été avant le décès ou d'être devenu du fait du décès copropriétaire de l'entreprise ou des locaux d'habitation ou à usage professionnel. S'agissant du local d'habitation, le conjoint survivant doit en outre avoir résidé dans les lieux à l'époque du décès.

Art. 823 du code civil : Durée du maintien de l'indivision

Cet article reprend les dispositions du dernier alinéa de l'actuel article 815-1 relatif à la durée du maintien de l'indivision et prévoit que ce maintien peut être prescrit pour une durée maximale de cinq ans , renouvelable en présence de descendants mineurs jusqu'à la majorité du plus jeune et en l'absence de descendants mineurs jusqu'au décès du conjoint survivant.

Art. 824 du code civil : Attribution éliminatoire

Cet article reprend les dispositions du troisième alinéa de l'actuel article 815 relatives à l'attribution éliminatoire , qui permet d'attribuer à un indivisaire qui en fait la demande sa part tout en laissant les indivisaires qui le souhaitent rester dans l'indivision .

Actuellement , après une mesure d'instruction, le tribunal saisi par les indivisaires désirant demeurer en indivision peut décider d'attribuer sa part à celui qui a demandé le partage, en se fondant sur les intérêts en présence. Les dispositions relatives à l'attribution préférentielle restent applicables.

La part est attribuée soit en nature, si elle est aisément détachable du reste des biens indivis, soit en numéraire dans le cas contraire ou si le demandeur le préfère. Si les biens ne sont pas partageables en nature ou si les ressources financières de l'indivision sont insuffisantes, les coindivisaires souhaitant demeurer dans l'indivision doivent verser une soulte à l'indivisaire demandant le partage. Les autres indivisaires peuvent également contribuer au versement de la soulte, la part de chacun dans l'indivision étant augmentée en proportion de son versement.

Le projet de loi reprend ces dispositions tout en supprimant les précisions relatives aux modalités de versement de la part. En effet, par cohérence avec le principe d'égalité en valeur dans le partage affirmé par l'article 826 modifié, ce versement doit désormais intervenir en numéraire. Le projet de loi reprend uniquement les dispositions relatives à la soulte.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, et avec l'avis favorable du Gouvernement, supprimé la mention d'une instruction préalable à la décision du tribunal, l'estimant redondante dans la mesure où doivent déjà être analysés les intérêts en présence.

Paragraphe 2 - Des parts et des lots

Ce paragraphe relatif à la constitution des parts et des lots en vue du partage comporte six articles (art. 825 à 830 modifiés).

Art. 825 du code civil : Définition de la masse partageable

Le projet de loi comble une lacune du droit en vigueur en définissant la masse partageable , qui comprend l'ensemble des biens à répartir. Cette masse constitue un élément essentiel du partage, puisqu'elle est un préalable indispensable à la composition des lots de chaque copartageant, en retraçant ses éventuelles dettes et créances envers la masse.

La masse partageable comprend :

- les biens existants à l'ouverture de la succession ou ceux subrogés 72 ( * ) , dont le défunt n'a pas disposé à cause de mort (sont donc exclus les legs particuliers) ;

- les fruits y afférents. Il s'agit d'une application du principe général selon lequel les fruits accroissent à l'indivision inscrit par la loi de 1976 à l'article 815-10 du code civil. Il n'y a pas lieu de distinguer entre les fruits des biens laissés par le de cujus ou des biens restitués au titre du rapport ou de la réduction, ni entre les fruits naturels (récoltes) et civils (intérêts de sommes prêtées ou placées, revenus de parts sociales, loyers...). La prescription est de cinq ans. Néanmoins, en cas de partage provisionnel, chaque indivisaire conserve les fruits et biens dont il a été alloti en jouissance ;

- les valeurs soumises à rapport 73 ( * ) ou à réduction 74 ( * ) ;

- les dettes des copartageants envers le défunt ou envers l'indivision . S'agissant des créances sur les tiers, la jurisprudence a concilié l'article 832, qui les compte parmi les biens susceptibles de composer des lots et l'article 1220, qui prévoit qu'elles se divisent de plein droit entre les héritiers. Elles sont comprises dans la masse, soit comme telles si elles n'ont pas été encaissées, soit comme des créances contre les héritiers qui les ont encaissées.

Cette masse est bien évidemment déterminée après acquittement, le cas échant, du passif successoral.

Cette masse partageable se distingue de la masse de calcul de la quotité disponible définie par l'article 922 relatif à la réduction des libéralités, qui réunit tous les biens existants au décès, en en soustrayant les dettes et en y ajoutant les donations entre vifs. La masse de calcul comprend la valeur des biens aliénés et celle des nouveaux biens en cas de subrogation, mais non les donations non rapportables et les legs n'excédant pas la quotité disponible.

Art. 826 du code civil : Égalité en valeur dans le partage

Cet article relatif à la composition des lots consacre l'égalité en valeur dans le partage .

Si l'égalité en valeur exige simplement que chacun des héritiers reçoive un lot de valeur égale à celle de ses droits dans la masse, l'égalité en nature est beaucoup plus exigeante puisqu'elle implique que l'on retrouve dans le lot de chacun la même proportion d'immeubles, de meubles et de créances de même nature, ce qui aboutit en pratique à un morcellement des biens et peut conduire à la vente des biens indivisibles.

Le code civil a essayé de ménager ces deux objectifs d'égalité et de préservation des biens. Dans sa rédaction originaire, l'article 832 du code civil prévoyait une égalité en nature, tout en invitant à ménager l'intégrité des biens. En outre, l'actuel article 826 prévoit que chaque héritier peut demander sa part en nature des meubles et immeubles de la succession, même si l'actuel article 833 prévoit que l'inégalité des lots en nature se compense par un retour soit en rente soit en argent.

Afin de lutter contre la jurisprudence qui faisait prévaloir l'exigence d'égalité en nature en l'absence de hiérarchie clairement définie par la loi, le décret-loi du 17 juin 1938 a modifié l'article 832, afin de prescrire d'éviter de morceler les héritages et de diviser les exploitations, tout en indiquant que dans la mesure où le morcellement des héritages et la division des exploitations pouvaient être évités, chaque lot devait, autant que possible, être composé soit en totalité soit en partie de meubles ou d'immeubles, de droits ou de créances de valeur équivalente.

Depuis lors, l'exigence d'une égalité en nature n'est plus que subsidiaire par rapport à celle du maintien de l'intégrité des exploitations .

Le projet de loi marque l'aboutissement d'une évolution déjà largement entamée avec la reconnaissance de la faculté de demander l'attribution éliminatoire (actuel art. 815) et l'attribution préférentielle (actuel art. 815-1).

Le premier alinéa de l'article 826 modifié affirme donc l'égalité en valeur dans le partage, tandis que le deuxième alinéa précise que chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l'indivision.

Cette réforme devrait permettre de simplifier les opérations de partage et d'éviter les licitations qui seules assuraient l'égalité en nature.

Les dispositions de l'actuel article 834, qui prévoient en cas de désaccord entre les copartageants un tirage au sort des lots, devraient être reprises dans le décret annoncé par la Chancellerie.

L'article 826 modifié précise d'ores et déjà dans son troisième alinéa qu'en cas de tirage au sort, il devra être constitué autant de lots que nécessaire. Lorsque les indivisaires ont des droits inégaux, il faudra donc multiplier les lots sur la base du plus petit dénominateur commun 75 ( * ) .

Reprenant les dispositions de l'actuel article 833, cet article prévoit enfin la compensation par une soulte de l'inégalité des lots lorsque la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d'égale valeur.

Art. 827 du code civil : Détermination du nombre de lots

Cet article précise les modalités de répartition de la masse partageable, actuellement prévues par les articles 831 et 836 prévoyant respectivement qu'il y a autant de lots que d'héritiers copartageants ou de souches* copartageantes, et que les modalités de répartition entre les souches sont les mêmes que pour la division des masses à partager.

Il indique tout d'abord que le partage s'opère par tête ou par souche.

Le partage par tête constitue le principe . Chaque copartageant venant à la succession de son chef reçoit un lot correspondant à sa propre vocation, c'est-à-dire la part qui lui est personnellement dévolue. En présence de trois enfants, on divise donc par trois la succession.

Le projet de loi rappelle ensuite la règle posée à l'actuel article 753 selon laquelle la représentation implique un partage par souche . Il s'agit de l'unique circonstance dans laquelle un tel partage intervient. Les représentants du successible prédécédé, ne venant pas de leur chef, ne sont pas comptés par tête, mais reçoivent ensemble pour lot la part dévolue à celui qu'ils représentent. Par exemple, en présence de trois enfants ayant chacun deux enfants, les deux enfants acceptant la succession recevront chacun 1/3, tandis que les propres enfants de l'héritier renonçant ne recevront chacun qu'1/6.

Il est enfin précisé qu'une fois opéré le partage par souche, une deuxième répartition se fait ensuite le cas échéant entre les héritiers de chaque souche.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel .

Art. 828 du code civil : Révision de la soulte

Cet article reprend les dispositions de l'actuel article 833-1 relatives à la révision de la soulte lorsque son débiteur a obtenu des délais de paiement et que, par suite des circonstances économiques, la valeur des biens reçus a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le partage .

Il prévoit alors une variation identique du montant de la soulte , à moins qu'elle n'ait été expressément exclue par les parties.

Un tel cas de figure peut se présenter en cas d'inégalité des lots ou d'attributions préférentielles.

Art. 829 du code civil : Estimation des biens

Cet article pallie une lacune du code civil en prévoyant la date d'estimation de la valeur des biens en vue du partage.

Il codifie la jurisprudence, qui depuis l'arrêt Mulle de la Cour de cassation du 11 janvier 1937, retient comme date pour l'estimation des biens non plus le décès, mais le jour du partage ou de la jouissance divise, afin de réaliser le partage sur une évaluation la plus proche possible de celle du paiement effectif.

Cette jurisprudence a déjà été codifiée en matière de rapport et de réduction des libéralités par la loi du 3 juillet 1971 76 ( * ) , respectivement aux articles 860 et 868 du code civil. En outre, la lésion, qui permet de contester l'égalité du partage, s'apprécie également au jour du partage.

Le projet de loi transpose donc cette règle en matière d'estimation des biens lors de la composition des lots. Il retient la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en précisant que celle-ci doit être la plus proche possible du partage.

Contrairement aux dispositions relatives au rapport et à la réduction qui ne mentionnent que l'époque du partage, le choix de la date de la jouissance divise consacre la pratique notariale qui arrête à cette date les comptes de la liquidation successorale, l'estimation des biens étant nécessairement antérieure au partage puisqu'elle en constitue l'une des opérations.

Enfin, le projet de loi indique que le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne que celle du partage si cette date favorise l'égalité du partage, ainsi que le prévoit déjà la jurisprudence.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que l'estimation des biens devant prendre en compte les éventuelles charges qui les grèvent. Ceci vise notamment à prendre en compte l'obligation d'entretien d'un bâtiment classé ou inscrit à l'inventaire des monuments historiques.

Votre commission vous proposera d'insérer par amendement un article additionnel après l'article 23 sexies afin de préciser plus explicitement les modalités de cette prise en compte dans le code du patrimoine.

Art. 830 du code civil : Composition des lots

Cet article reprend les dispositions du premier alinéa de l'actuel article 832, qui prescrit dans la formation et la composition des lots d'éviter de morceler les héritages et de diviser les exploitations .

Dans un souci de modernisation, il fait désormais référence aux unités économiques et autres ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait la dépréciation.

A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

Paragraphe 3 - Des attributions préférentielles

L'attribution préférentielle est un mécanisme dérogatoire aux règles ordinaires du partage (égalité en nature, tirage au sort) qui permet d'attribuer un bien à un indivisaire déterminé, sous le contrôle du tribunal, et à charge pour lui d'indemniser ses copartageants sous forme de soulte si la valeur du bien excède sa part.

Ce mécanisme introduit par le décret-loi de 1938 pour les seules exploitations agricoles modestes a été considérablement élargi par la loi du 19 décembre 1961 , puisqu'il concerne désormais toutes les exploitations agricoles ainsi que les entreprises commerciales, artisanales et industrielles à caractère familial et le local d'habitation. Il vise ainsi à préserver les exploitations en évitant leur morcellement, mais aussi à garantir à certains copartageants le maintien de leurs conditions de vie.

Par ailleurs, les réformes les plus récentes ont cherché à lever l'obstacle économique que peut constituer le paiement de la soulte. La loi du 3 juillet 1971 a notamment encouragé les soultes payables à terme.

Le projet de loi, sans bouleverser le régime des attributions préférentielles, l'actualise et le restructure afin de favoriser la transmission des entreprises.

Les articles 831 à 834 modifiés reprennent donc les différents cas d'attribution préférentielle -de l'entreprise, du local d'habitation et du local à usage professionnel et de l'exploitation agricole- avant d'envisager les dispositions communes.

Art. 831 du code civil : Attribution préférentielle de l'entreprise

Cet article reprend en les adaptant les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'actuel article 832 afin de permettre de placer une entreprise dans le lot du copartageant le plus apte à la gérer.

Le projet de loi prévoit ainsi la possibilité de demander l'attribution préférentielle, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d'entreprise, agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale , constituant une unité économique ou quote-part indivise d'une telle entreprise.

La demande peut également porter sur des droits sociaux , sans préjudice de l'application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d'une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers.

Par rapport au droit en vigueur, le projet de loi :

- inclut l'entreprise libérale ;

- supprime l'exigence du caractère familial qui s'appliquait aux entreprises commerciales, industrielles ou artisanales ;

- substitue la notion de droits sociaux à celle de parts sociales afin d'inclure non seulement les sociétés de personnes mais aussi celles de capitaux.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination et de supprimer l'exigence redondante selon laquelle l'entreprise doit constituer une unité économique.

Cette demande peut émaner du conjoint survivant ou de tout héritier copropriétaire , à condition que le demandeur :

- participe ou ait participé effectivement à l'exploitation . Il est précisé que s'agissant de l'héritier, cette condition peut être ou avoir été remplie par son conjoint ;

- en ait déjà été propriétaire ou copropriétaire avant le décès .

Votre commission vous propose d' assouplir par amendement cette condition de participation à l'exploitation transmise afin qu'elle puisse également être satisfaite par les descendants de l'héritier .

Art. 831-1 du code civil : Attribution préférentielle en vue de consentir un bail à un cohéritier

Cet article reprend le cinquième alinéa de l'article 832, sous réserve de nécessaires coordinations, et prévoit une modalité particulière et subsidiaire d'attribution préférentielle en matière agricole . Elle ne s'applique en effet qu'à défaut de demandes d'attribution préférentielle de droit commun, d'attribution préférentielle de droit relative aux petites exploitations ou d'attribution préférentielle en vue de constituer un groupement foncier agricole.

L'attribution préférentielle peut ainsi être accordée à tout copartageant sans condition de propriété ni d'exploitation antérieure à condition qu'il s'oblige à donner à bail dans un délai de six mois à un cohéritier ou un de ses descendants remplissant ces conditions.

Ce mécanisme, instauré par la loi d'orientation agricole du 4 juillet 1980, vise à décharger du poids de la soulte l'héritier exploitant, la propriété de la terre étant attribuée à un autre héritier plus fortuné qui s'engage à l'y maintenir.

Art. 831-2 du code civil : Attribution préférentielle du local d'habitation et du local à usage professionnel

Cet article, qui reproduit les sixième à neuvième alinéas de l'actuel article 832, détermine les modalités de l'attribution préférentielle du local d'habitation, du local à usage professionnel et des objets mobiliers les garnissant.

Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut ainsi demander :

- la propriété ou le droit au bail du local d'habitation ainsi que du mobilier le garnissant, à la double condition que celui-ci serve effectivement à cet usage et que le demandeur y ait résidé à l'époque du décès ;

- la propriété ou le droit au bail du local et des objets mobiliers le garnissant à usage professionnel , à condition qu'il serve effectivement à l'exercice de la profession du demandeur ;

- l'ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l'exploitation d'un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer, lorsque le bail continue au profit du demandeur ou qu'un nouveau bail lui est consenti.

Art. 831-3 du code civil : Attribution préférentielle de droit pour le conjoint survivant

Cet article reprend les dispositions des dixième et treizième alinéas de l'actuel article 832, qui précisent respectivement que l'attribution préférentielle de la propriété du local à usage d'habitation et du mobilier le garnissant est de droit pour le conjoint survivant et que les droits résultant de l'attribution préférentielle ne préjudicient pas aux droits viagers d'habitation et d'usage que le conjoint peut exercer en vertu de l'article 764.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement de précision.

Art. 832 du code civil : Attribution préférentielle de l'exploitation agricole de petite superficie

Cet article reprend en les simplifiant les dispositions de l'actuel article 832-1 qui prévoit l'attribution préférentielle de droit pour toute exploitation agricole d'une surface inférieure à des seuils fixés par décret en Conseil d'État, à condition que le maintien de l'indivision n'ait pas été ordonné.

Les dispositions communes à toute attribution préférentielle contenues dans l'actuel article 832-1 sont déplacées aux articles 832-4 à 834 modifiés.

Art. 832-1 du code civil : Attribution préférentielle en vue de constituer un groupement foncier agricole

Cet article relatif à l'attribution préférentielle en vue de constituer un groupement foncier agricole reprend les dispositions de l'actuel article 832-2, hormis une disposition commune à l'ensemble des mécanismes d'attribution préférentielle et des coordinations de numérotation.

Il prévoit que l'attributaire apporte les biens reçus à un groupement foncier agricole qui les exploitera ou les donnera à bail à long terme . Ce groupement est constitué en réunissant des cohéritiers et éventuellement des tiers.

La demande peut émaner du conjoint survivant ou de tout héritier copropriétaire, sans condition de participation à l'exploitation , et vise tout ou partie des biens et droits immobiliers de nature agricole dépendant de la succession, sans référence à la notion d'unité économique.

Cette modalité d'attribution préférentielle n'est que subsidiaire , à défaut de maintien de l'indivision ou d'attribution préférentielle en propriété en vertu des articles 831 et 832 modifiés.

Elle est de droit lorsque le conjoint survivant ou un ou plusieurs cohéritiers remplissant la condition de participation à l'exploitation exigent que tout ou partie des biens du groupement foncier agricole leur soit donné à bail à long terme .

En cas de pluralité de demandes, plusieurs baux peuvent être donnés à des cohéritiers différents. Si les clauses et conditions de ce bail ou des baux n'ont pas fait l'objet d'un accord, elles sont fixées par le tribunal.

La disposition précisant que le tribunal désigne le demandeur le plus apte à gérer les biens si leur nature s'oppose à la constitution d'un groupement foncier agricole est supprimée, puisque reprise en tant que dénominateur commun à l'article 832-3 modifié.

Une soulte doit être versée lorsque les biens de la succession ne faisant pas l'objet de cette attribution préférentielle ne suffisent pas à remplir de leurs droits les indivisaires n'ayant pas consenti à la formation du groupement. Cette soulte est payable dans l'année suivant le partage, sauf accord amiable entre les copartageants. Elle peut faire l'objet d'une dation en paiement sous la forme de parts du groupement foncier agricole, sauf si les intéressés s'y opposent dans le mois suivant la proposition qui leur en est faite.

Le partage ne peut intervenir tant que n'ont pas été signés l'acte de constitution du groupement foncier agricole et les éventuels baux à long terme.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination pour assouplir la condition de participation à l'exploitation ouvrant l'attribution préférentielle de droit, afin de viser également les descendants des cohéritiers.

Art. 832-2 du code civil : Attribution préférentielle en vue de poursuivre l'exploitation agricole

Cet article, qui reprend les dispositions de l'actuel article 832-3, prévoit une forme d'attribution préférentielle particulière pour tout ou partie d'une exploitation agricole constituant une unité économique non exploitée sous forme sociale, à condition qu'elle n'ait fait l'objet ni d'un maintien en indivision ni d'une autre attribution préférentielle . L'unité économique peut être formée, pour une part, de biens dont le conjoint survivant ou l'héritier était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès.

Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire désirant poursuivre personnellement l'exploitation peut exiger que le partage soit conclu sous la condition que les copartageants lui consentent un bail à long terme . Dans le cas de l'héritier, la condition de participation peut avoir été remplie par son conjoint.

Le partage a lieu en nature et est réalisé sous réserve de la conclusion des baux, dont il est tenu compte pour apprécier la dépréciation des lots. Sauf accord amiable entre les parties, le demandeur reçoit par priorité dans sa part les bâtiments d'exploitation et d'habitation.

Le tribunal peut refuser cette demande en raison de l'inaptitude manifeste du ou des demandeurs à gérer tout ou partie de l'exploitation.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de rédaction globale de cet article afin d'en clarifier la structure et d' assouplir la condition de participation à l'exploitation en l'étendant aux descendants de l'héritier.

Les articles 832-3 à 834 modifiés du code civil sont ensuite consacrés aux dispositions communes à toutes les demandes d'attribution préférentielle.

Art. 832-3 du code civil : Rôle du tribunal

L'article 832-3 modifié reproduit les dispositions de divers alinéas des actuels articles 832, 832-1, 832-2 et 832-3, afin de préciser le rôle du tribunal de grande instance.

Il prévoit tout d'abord qu'à défaut d'accord amiable entre les copartageants, la demande d'attribution préférentielle est portée devant le tribunal qui se prononce en fonction des intérêts en présence lorsque cette attribution n'est pas de droit. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, supprimé la précision relative à l'attribution préférentielle de droit, la considérant superfétatoire.

Cet article rappelle en outre que l'attribution préférentielle peut être demandée conjointement par plusieurs héritiers afin de conserver ensemble le bien indivis, cette possibilité ayant été ouverte par la loi du 19 décembre 1961.

En cas de demandes concurrentes, le tribunal tient compte de l'aptitude des différents postulants à gérer les biens en cause et à s'y maintenir. S'agissant d'une entreprise, le tribunal tient compte en particulier de la durée de la participation personnelle à l'activité, ce qui correspond à l'esprit de l'attribution préférentielle.

Art. 832-4 du code civil : Estimation des biens et modalités de la soulte

Cet article 832-4 détermine la date d'évaluation de la valeur des biens faisant l'objet de l'attribution et précise les modalités de la soulte, en rassemblant des dispositions éparses des actuels articles 832, 832-1, 832-2 et 832-3.

Il prévoit tout d'abord que les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise , comme en matière de détermination de la masse partageable.

Il prévoit en outre que, sauf accord amiable entre les copartageants, la soulte éventuellement due est payable comptant .

Toutefois, dans les hypothèses d'attribution préférentielle de droit du local d'habitation pour le conjoint survivant (art. 831-3) et de l'exploitation agricole de petite superficie (art. 832), l'attributaire bénéficie de délais allant jusqu'à dix ans et portant jusqu'à la moitié de la soulte. Sauf convention contraire, les sommes restant dues portent intérêt au taux égal.

En revanche, en cas de vente de la totalité des biens attribués, la fraction de la soulte y afférente devient immédiatement exigible. En cas de ventes partielles, le produit de ces ventes est versé aux copartageants et imputé sur la fraction de la soulte encore due.

Art. 833 du code civil : Bénéficiaires de l'attribution préférentielle

Cet article relatif aux personnes susceptibles de bénéficier des différentes formes d'attributions préférentielles reprend les dispositions de l'actuel article 832-4 en opérant les coordinations nécessaires.

Il rappelle que le conjoint 77 ( * ) ou tout héritier appelé à succéder en vertu de la loi peut prétendre à l'attribution préférentielle, qu'il soit copropriétaire en pleine propriété ou en nue-propriété.

Le projet de loi, contrairement au droit en vigueur, ne vise plus que l'héritier légal, le terme d'héritier désignant désormais tant celui qui hérite en vertu de la loi que celui qui hérite en vertu d'un testament ou d'une institution contractuelle*.

Le second alinéa précise que les dispositions des articles 831 à 832-4 s'appliquent à l'héritier ayant une vocation universelle ou à titre universel à la succession en vertu d'un testament ou d'une institution contractuelle , à l'exception de l'attribution préférentielle de droit concernant les exploitations agricoles de petite superficie.

Rappelons que l'institution contractuelle, qui n'est définie par aucun texte, désigne l'acte par lequel l'instituant dispose pour après son décès de tout ou partie de ses biens en faveur de l'institué qui l'accepte. En principe prohibée, elle ne peut être consentie que par contrat de mariage ou entre époux au cours du mariage. Elle est révocable dans cette dernière hypothèse.

Art. 834 du code civil : Propriété du bien attribué et faculté de renonciation

Cet article consacre d'une part la jurisprudence relative à la date d'accès à la propriété du bien faisant l'objet de l'attribution préférentielle, et précise d'autre part les modalités de renonciation à l'attribution préférentielle .

Il prévoit tout d'abord que le bénéficiaire de l'attribution préférentielle ne devient propriétaire privatif du bien qu'au jour du partage .

Cette solution a été retenue par la jurisprudence 78 ( * ) en s'appuyant sur l'actuel troisième alinéa de l'article 832, qui prévoit que l'attribution se fait par voie de partage. Le juge ne fait donc qu'ordonner l'attribution préférentielle dans le partage à venir qui seul rendra l'attributaire propriétaire privatif.

Il s'ensuit plusieurs conséquences :

- jusqu'au partage, le bien reste indivis et donc soumis au régime de l'indivision. Ses fruits accroissent l'indivision 79 ( * ) , qui supporte la charge des travaux dont il fait l'objet 80 ( * ) . L'attributaire qui l'occupe privativement est redevable d'une indemnité d'occupation 81 ( * ) . S'il le gère, il répond de ses fautes de gestion. Il ne peut l'administrer contre le gré de ses coindivisaires ;

- le bien doit être évalué au jour du partage et non du jugement relatif à l'attribution préférentielle ;

- la soulte éventuellement due ne devient exigible et ne produit d'intérêts qu'à compter du partage 82 ( * ) .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel afin de substituer au terme « privatif » celui d'« exclusif ».

Le second alinéa de l'article 834 modifié prévoit que l'attributaire peut renoncer à l'attribution préférentielle avant le partage, à condition que la valeur du bien ait augmenté de plus du quart entre le jour de l'attribution et celui du partage indépendamment de son fait.

Cette dernière condition dissuasive n'était pas retenue par la jurisprudence, mais répond aux critiques de la doctrine, qui contestait la souplesse de la possibilité de renonciation, qui nie l'autorité de la chose jugée.

SOUS-SECTION 2
Du partage amiable

Le projet de loi crée deux sous-sections consacrées respectivement au partage amiable et au partage judiciaire, afin de remédier à l'éparpillement actuel des articles relatifs à la procédure de partage.

Poursuivant son objectif de simplification et de rapidité, il tend en outre à faire du partage amiable la règle en introduisant une procédure permettant de passer outre l'inertie d'un indivisaire, et à simplifier la procédure en présence d'un présumé absent ou d'une personne protégée .

Art. 835 du code civil : Définition du partage amiable

Cet article reprend les dispositions de l'actuel article 819, sous réserve de modifications rédactionnelles, afin de prévoir que le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties, à condition que tous les indivisaires soient présents et capables .

Répondant au principe du consensualisme, le partage peut être constaté par un acte sous seing privé ou même être verbal, ce qui peut toutefois s'avérer dangereux pour en apporter la preuve.

L'incapacité ou l'absence d'un indivisaire ne s'opposent cependant pas à la réalisation d'un partage amiable, mais imposent des formalités particulières en vertu des actuels articles 466 et 495 (voir infra ).

Le second alinéa de cet article prescrit toutefois un partage par acte authentique lorsque les biens indivis faisant l'objet du partage sont soumis à la publicité foncière . Il s'agit d'une codification de l'obligation prévue par l'article 4 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière selon lequel « tout acte sujet à publicité dans un bureau des hypothèques doit être dressé en la forme authentique ».

Art. 836 du code civil : Partage amiable en présence d'un présumé absent ou hors d'état de manifester sa volonté

Cet article réforme le droit en vigueur afin de faire du partage amiable le principe et non plus l'exception lorsqu'un indivisaire est présumé absent ou hors d'état de manifester sa volonté ou fait l'objet d'un régime de protection , et d'en simplifier la procédure.

Le droit en vigueur

L'actuel article 838 pose comme principe que le partage doit être judiciaire lorsque parmi les copartageants se trouve un incapable ou un présumé absent .

Toutefois, d'autres dispositions autorisent à titre dérogatoire le partage amiable sous certaines conditions :

- ainsi, le deuxième alinéa de l'actuel article 466 prévoit que le conseil de famille peut autoriser un partage amiable en présence d'un mineur non émancipé, l'état liquidatif devant être soumis à l'homologation du tribunal de grande instance. Ces dispositions sont également applicables aux majeurs en tutelle en vertu du renvoi opéré par l'actuel article 495 ;

- le deuxième alinéa de l'actuel article 116 précise en outre que le juge des tutelles peut autoriser le partage, même partiel, et désigner un notaire pour y procéder en présence du représentant du présumé absent 83 ( * ) , ou de son remplaçant si le représentant est lui-même intéressé au partage, l'état liquidatif étant soumis à l'homologation du tribunal de grande instance. Ces dispositions sont également applicables aux personnes qui, par suite d' éloignement , se trouvent malgré elles hors d'état de manifester leur volonté, en vertu du renvoi opéré par l'actuel article 120.

S'il fait référence à l'article 466 qui permet un partage amiable en présence de mineurs, l'actuel article 838 omet de mentionner les autres dispositions concernant les présumés absents et les personnes qui, par suite d'éloignement, se trouvent malgré elles hors d'état de manifester leur volonté.

Le projet de loi pallie donc les lacunes de l'actuel article 838.

Le premier alinéa de cet article renverse le principe et renvoie à l'article 116 tel que modifié par l'article 22 du projet de loi lorsqu'un indivisaire est présumé absent ou, par suite d'éloignement, se trouve hors d'état de manifester sa volonté . L'article 116 modifié fait désormais du partage amiable la règle lorsqu'un présumé absent est appelé à un partage et substitue à l'homologation de l'état liquidatif par le tribunal de grande instance une simple approbation du juge des tutelles .

Le recours à un juge unique et non plus à une formation collégiale devrait permettre de gagner un temps précieux. En effet, l'incertitude du devenir des biens pendant l'instance pose problème, notamment s'agissant de l'indemnité d'occupation.

Le second alinéa prévoit en outre qu'un partage amiable peut également intervenir dans les conditions prévues aux titres X (relatif à la minorité, la tutelle et l'émancipation) et XI (relatif à la majorité et aux majeurs protégés par la loi) du livre Ier en présence d'un indivisaire protégé , c'est-à-dire d'un mineur non émancipé ou d'un majeur sous tutelle . Il renvoie donc notamment aux articles 389-5 (administration légale pure et simple), 389-6 (administration légale sous contrôle judiciaire), 468 (suppléance du conseil de famille par le juge des tutelles), 497 (administration légale par un parent ou allié pour les majeurs sous tutelle) et 510 (pouvoirs du majeur sous curatelle).

Précisons en outre que l'article 22 du projet de loi modifie l'actuel article 466 afin de préciser plus explicitement que le partage à l'égard d'un mineur peut être fait à l'amiable. Il substitue en outre à l'homologation de l'état liquidatif par le tribunal de grande instance une simple approbation du conseil de famille, ce qui devrait permettre d'accélérer la procédure 84 ( * ) .

Ces dispositions sont étendues aux majeurs sous tutelle en vertu de l'article 495.

Art. 837 du code civil : Représentation de l'indivisaire défaillant

Cet article vise à passer outre l'inertie d'un indivisaire et constitue l'une des avancées majeures du projet de loi pour accélérer les procédures de partage.

Actuellement , si un héritier ne répond pas aux propositions de partage faites par ses cohéritiers, le recours au partage judiciaire s'impose , alors même qu'il n'existe pas de véritable contentieux, et qu'il n'est pas certain que cet héritier soit opposé au partage.

Le projet de loi prévoit que tout copartageant peut mettre en demeure de se faire représenter au partage amiable un indivisaire défaillant , à condition qu'il ne s'agisse ni d'un mineur non émancipé, ni d'un majeur sous tutelle, ni d'un présumé absent ou d'une personne hors d'état de manifester sa volonté.

L'héritier a trois mois à compter de la mise en demeure pour constituer mandataire.

À défaut , un copartageant peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète du partage . Cette personne ne peut consentir au partage qu'avec l'autorisation du juge.

Cette procédure de représentation permet d'éviter le partage judiciaire tout en apportant des garanties. Il n'est plus nécessaire d'avoir recours à une formation collégiale, ce qui du fait de l'encombrement des juridictions aboutissait à retarder inconsidérément le règlement des successions.

L'Assemblée nationale a précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que la mise en demeure d'un indivisaire défaillant lors d'un partage amiable devait être réalisée par acte extrajudiciaire, en soulignant l'importance de cet acte, qui peut conduire en l'absence de réponse à la désignation d'un représentant de cet indivisaire.

Art. 838 du code civil : Partage partiel

Cet article reconnaît la possibilité de partages partiels amiables , qu'il définit comme laissant subsister l'indivision à l'égard de certains biens ou de certaines personnes.

Cette possibilité est déjà reconnue par les articles 466 et 116 s'agissant de partages auxquels intervient un mineur ou un présumé absent.

Le projet de loi confirme cette possibilité pour tout partage amiable afin de conforter la jurisprudence et de simplifier de nouveau la procédure de partage.

Rappelons que la jurisprudence reconnaît le caractère de partage partiel à l'attribution éliminatoire qui permet d'allotir certains indivisaires seulement 85 ( * ) .

Le partage partiel suppose l'accord de tous les indivisaires 86 ( * ) . Il est définitif et produit entre les indivisaires les mêmes effets qu'un partage total.

Art. 839 du code civil : Partage amiable unique

Cet article consacre la jurisprudence qui tend à permettre un partage amiable unique lorsque plusieurs indivisions existent entre les mêmes personnes . Ce partage unique peut intervenir que ces indivisions portent sur les mêmes biens ou sur des biens différents.

Rappelons qu'une même succession peut faire l'objet de deux indivisions : l'une en usufruit, l'autre en nue-propriété. Cette situation se rencontre notamment en cas de concours entre des enfants et le conjoint usufruitier. Il faut normalement procéder à deux partages distincts, l'un de l'usufruit et l'autre de la nue-propriété.

Cependant, il se peut que plusieurs successions fassent l'objet d'un partage unique : les enfants communs attendent souvent le décès du survivant de leurs père et mère pour procéder au partage des deux successions confondues. De même, il est usuel, lorsque le de cujus était commun en biens, de partager ensemble la communauté et sa succession. Ces partages confondus forment un partage que l'on dit cumulatif.

La jurisprudence prévoit que les indivisaires peuvent décider de déroger au principe de la séparation des indivisions 87 ( * ) .

SOUS-SECTION 3
Du partage judiciaire

Une grande partie des dispositions consacrées au partage judiciaire ont été retirées de l'avant-projet de loi en raison de leur caractère réglementaire. Elles devraient figurer dans un prochain décret, qui consacrera notamment le rôle accru du notaire.

Art. 840 du code civil : Définition du partage judiciaire

Cet article définit le partage judiciaire à partir des dispositions des actuels articles 823 et 838.

Il intervient :

- si l'un des indivisaires refuse le partage amiable ;

- ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ;

- ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé en présence d'un indivisaire défaillant (art. 837 modifié), protégé, présumé absent ou hors d'état de manifester sa volonté (art. 836 modifié).

Les deux premières hypothèses constituent la reprise des dispositions de l'actuel article 823, tandis que la dernière constitue une coordination avec la modification de l'actuel article 838 et la création de la procédure relative à l'indivisaire défaillant. En effet, le partage amiable devient la règle, le partage judiciaire n'intervenant qu'en cas de refus d'autorisation ou d'approbation.

Art. 840-1 du code civil : Partage judiciaire unique

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, introduit un article 840-1 afin de transposer en matière de partage judiciaire la possibilité prévue par l'article 839 modifié en matière de partage amiable de réaliser un partage unique lorsque plusieurs indivisions existent entre les mêmes personnes, qu'elles portent sur les mêmes biens ou sur des biens différents.

Actuellement, on considère que si le partage est judiciaire, chaque masse indivise appelle un partage distinct, ceci constituant le corollaire du droit de chaque indivisaire à recevoir dans chacune des indivisions une part en nature des biens qui la composent 88 ( * ) .

Art. 841 du code civil : Compétence du tribunal de grande instance

Cet article reprend en les actualisant les dispositions du premier alinéa de l'actuel article 822 qui prévoit la compétence exclusive du tribunal du lieu d'ouverture de la succession :

- pour connaître de l'action en partage et des contestations qui s'élèvent, soit à l'occasion du maintien de l'indivision, soit au cours des opérations de partage ;

- pour ordonner les licitations , qui peuvent être demandées par l'indivisaire usufruitier, nu-propriétaire ou plein propriétaire (voir supra ) ;

- pour statuer sur les demandes relatives à la garantie des lots entre les copartageants (voir infra article 7 du projet de loi) et sur celles en nullité de partage ou en complément de part (voir infra article 8 du projet de loi), postérieurement au partage.

Par rapport au droit en vigueur, le projet de loi :

- substitue la référence aux nullités de partage ou en complément de part à celle de l'action en rescision du partage, conformément à son article 8 ;

- et ne reprend pas la référence à une tentative de conciliation, cette procédure ayant été abrogée par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991.

Art. 841-1 du code civil : Représentation de l'indivisaire inerte

Cet article prévoit, à l'instar de l'article 837 relatif à la représentation de l'indivisaire défaillant en matière de partage amiable, une représentation de l'indivisaire inerte en matière de partage judiciaire .

Actuellement, le notaire commis n'a aucun pouvoir propre face à l'héritier inerte qui bloque l'ensemble des opérations et ne répond pas à la convocation qui lui est faite. Le notaire doit alors dresser un procès-verbal de difficultés qu'il adresse au juge, ce qui inaugure une procédure longue et coûteuse pour les parties.

Le projet de loi confie un rôle actif au notaire , afin d'en faire un véritable liquidateur de la succession.

Il prévoit ainsi que le notaire commis pour établir l'état liquidatif peut mettre en demeure l'indivisaire inerte de se faire représenter .

Faute pour l'indivisaire d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner une personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète des opérations.

Par coordination avec la procédure prévue face à un indivisaire défaillant en matière de partage amiable, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu que la mise en demeure de l'indivisaire inerte devrait se faire par acte extra-judiciaire.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel .

Art. 842 du code civil : Abandon de la voie judiciaire

Cet article reprend sous réserve d'adaptations rédactionnelles les dispositions de l'article 985 de l'ancien code de procédure civile et rappelle que la voie judiciaire peut être abandonnée à tout moment pour poursuivre le partage à l'amiable, sous réserve que les conditions prévues pour un partage de cette nature soient réunies.

Coordinations

L'Assemblée nationale a ensuite, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement afin d'opérer les coordinations nécessaires en matière d'attributions préférentielles dans le code rural, le code général des impôts et le code civil.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination puis d' adopter l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 (art. 843, 844, 845, 846, 851, 852, 856, 858 et 860 du code civil) - Rapport des libéralités

Cet article apporte quelques aménagements au régime du rapport des libéralités prévu par la section 2 du chapitre VIII du titre Ier du Livre III du code civil, qui constitue une institution du droit français des successions, afin notamment de :

- moderniser le vocabulaire du droit des successions ;

- modifier les règles concernant le rapport des libéralités consenties à un héritier renonçant ;

- mieux respecter la volonté du disposant, en excluant le rapport du donataire devenu successible postérieurement à la donation ;

- renforcer les garanties en faveur de l'égalité entre héritiers en prévoyant le rapport des donations de fruits ou revenus ;

- préciser les modalités d'estimation des biens rapportés.

Art. 843 du code civil : Définition des libéralités rapportables

Cet article vise à définir le rapport et n'est modifié qu'à la marge par le projet de loi afin de procéder à une modernisation du vocabulaire utilisé .

Rappelons que le rapport vise à reconstituer la masse successorale, qui se partagera entre tous les héritiers à proportion de la vocation héréditaire de chacun. En effet, les libéralités ne doivent pas rendre illusoires les vocations héréditaires des héritiers.

Ainsi, l'actuel article 843 du code civil prévoit que tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement.

Il distingue entre les donations entre vifs, en principe rapportables, et les legs, réputés faits par préciput et hors part.

Une donation rapportable constitue une avance sur la succession : on dit qu'elle est faite en avancement d'hoirie . Cependant, si le donataire n'est redevable que d'un rapport en valeur, il pourra conserver le bien donné et la donation réalise alors un allotissement anticipé.

Toutefois, le rapport n'est pas d'ordre public et l'article 843 précise que le disposant peut affranchir la libéralité du rapport, que l'on dit alors préciputaire ou faite par préciput et hors part . De même, le testateur peut prévoir que le legs sera rapportable,

Le projet de loi substitue au terme « préciput » celui de « hors part successorale », de même qu'est supprimée la mention « ou avec dispense de rapport » en raison de sa redondance avec l'expression « hors part successorale », qui traduit déjà l'idée de dispense de rapport émanant de la volonté du de cujus .

Art. 844 du code civil : Imputation des libéralités non rapportables

Le 2° du I de l'article 5 du projet de loi se borne à opérer les mêmes adaptations rédactionnelles qu'à l'article 844, qui prévoit que les donations non rapportables et les legs réclamés par l'héritier venant au partage ne peuvent être retenus que jusqu'à concurrence de la quotité disponible, l'excédent étant sujet à réduction.

On rappellera que la quotité disponible est la part de la succession dont le de cujus peut disposer, par opposition à la réserve. Elle varie en fonction du nombre d'enfants laissés par le défunt : la moitié, en présence d'un enfant, le tiers, en présence de deux enfants et un quart au-delà (art. 913).

En revanche, les donations en avancement d'hoirie s'imputent sur la réserve héréditaire, l'excédent étant reporté sur la quotité disponible.

Art. 845 du code civil : Situation de l'héritier renonçant

Cet article procède à une innovation plus substantielle en renversant le principe de non rapport des donations consenties en avancement de part successorale à un héritier renonçant .

Actuellement, le rapport n'est pas dû par l'héritier renonçant, devenu étranger à la succession . L'article 843 prévoit en effet que seuls les héritiers venant à la succession sont tenus du rapport.

L'actuel article 845 prévoit que l'héritier qui renonce à la succession peut cependant retenir le don entre vifs ou réclamer son legs jusqu'à concurrence de la portion disponible. La renonciation transforme donc une libéralité rapportable en libéralité hors part .

Cette règle est à l'origine de la plupart des renonciations à une succession solvable : l'héritier donataire peut avoir intérêt à conserver pour lui seul ce qui lui a été donné et à abandonner aux autres les biens laissés par le de cujus , plutôt que de partager l'ensemble avec eux 89 ( * ) .

Ce procédé peut altérer les prévisions transmissives du donateur et il n'apparaît pas logique que celui qui renonce à une succession puisse conserver ce qu'il n'a reçu qu'à titre d'avance sur celle-ci.

Suivant l'avis d'une partie de la doctrine, le 3° du I de l'article 5 du projet de loi complète l'article 845 en indiquant que le disposant pourra exiger expressément le rapport en cas de renonciation. Ce rapport ne sera donc pas automatique.

Il ajoute que le rapport s'effectuera alors en valeur .

Conformément au premier alinéa de l'article 858 modifié par le 8° de cet article, le rapport ne pourra se faire en moins prenant , technique qui constitue pourtant la règle en matière de rapport des libéralités.

Le rapport en moins prenant concerne le règlement des dettes dont un héritier se trouve tenu envers la succession. Au lieu de verser dans la masse partageable la somme qu'il doit, l'héritier débiteur prend moins que ses cohéritiers sur les autres biens. Le règlement est intégré au partage : l'héritier débiteur est alloti de la créance qu'a sur lui l'hérédité, qui s'éteint donc par confusion. Cette technique permet de simplifier les opérations de partage et évite aux cohéritiers de faire face à un héritier insolvable.

Il existe deux techniques de moins prenant : le prélèvement et l'imputation.

Le prélèvement est la seule technique prévue par la loi (actuel art. 830). Chacun des cohéritiers du gratifié prélève sur l'actif existant des biens représentant une valeur égale à celle dont le rapport est dû. Le reliquat se partage ensuite également entre tous. Les prélèvements doivent porter de préférence sur les biens de même nature que ceux qui ont été donnés. L'inconvénient de cette technique est d'aboutir comme tout partage partiel à l'apparition d'une masse résiduelle difficilement partageable en nature, d'où un risque de licitation. L'article 4 du projet de loi, en rerédigeant complètement l'article 830, a supprimé toute préférence en faveur de cette technique.

La pratique notariale a privilégié la technique de l' imputation , qui consiste à procéder à un partage unique, l'indemnité de rapport étant placée dans le lot du donataire, qui la recueille en imputation* de sa part. Tous les biens étant partagés en une fois, le risque de licitation est moindre.

L'article 845 modifié prévoit cependant le rapport en nature dans deux hypothèses :

- en cas de stipulation de l'acte de donation. Les aliénations et constitutions de droits réels consenties par le donataire s'éteindront alors par l'effet du rapport à moins que le donateur n'y ait consenti (art. 858 modifié) ;

- l'héritier peut rapporter en nature le bien donné qui lui appartient encore, à condition que ce bien soit libre de toute charge ou occupation dont il n'aurait pas déjà été grevé à l'époque de la donation (art. 859).

Rappelons en outre qu'en vertu de l'article 857, le rapport n'est dû que par le cohéritier à son cohéritier (et non aux légataires ou aux créanciers de la succession).

Votre commission souscrit aux objectifs recherchés par le projet de loi. Elle constate néanmoins que ce dispositif présente une lacune s'agissant de la définition du secteur d'imputation de la libéralité ainsi consentie, qui rendra très difficile, voire impossible, la prise en compte de cette libéralité dans le cadre des opérations préalables au partage.

Afin de clarifier cette situation, votre commission vous propose par amendement de traiter fictivement l'héritier réservataire renonçant astreint à l'obligation de rapport comme un héritier réservataire acceptant, en ce qui concerne la réunion fictive, l'imputation et la réduction de la libéralité en cause 90 ( * ) .

Votre commission vous proposera également d'adopter des amendements de coordination à l'article 919-1 modifié par l'article 13 du projet de loi ainsi qu'à l'article 919-3.

Art. 846 du code civil : Présomption de donation en avancement de part successorale

Le 4° du I de l'article 5 du projet de loi tend à renverser le principe de présomption de rapport des libéralités consenties au donataire devenant successible postérieurement à la donation.

Actuellement , alors que l'article 843 prévoit que les donations faites aux héritiers sont présumées rapportables, le donateur pouvant en dispenser le gratifié, l'article 846 prévoit un principe inverse en énonçant que le donataire qui n'était pas héritier présomptif lors de la donation mais qui se trouve successible au jour de l'ouverture de la succession doit le rapport, à moins que le donateur ne l'en ait dispensé .

Ainsi, la donation reçue par un petit-fils du vivant de son père devra être rapportée lors du décès du grand-père si son propre père est décédé entre-temps.

Le projet de loi inverse cette présomption . Ce donataire ne devra pas le rapport sauf si le donateur l'a exigé expressément.

Ceci devrait permettre de mieux respecter la volonté du défunt, afin de ne pas pénaliser le donataire du seul fait de l'ordre illogique des décès dans la famille.

Cette solution paraît cohérente avec celle retenue par les articles 847 et 848 qui prévoient respectivement la dispense de rapport des dons et legs faits au fils de celui qui se trouve successible lors de l'ouverture de la succession, et le rapport dû par le fils venant en représentation de son père à la succession du donateur des libéralités consenties à son père.

Art. 851 du code civil : Donation de fruits ou de revenus

Le 5° du I de l'article 5 du projet de loi complète l'article 851, qui indique actuellement que ce qui a été employé pour l'établissement d'un des cohéritiers ou pour le paiement de ses dettes doit être rapporté.

Le projet de loi prévoit que sont également rapportables les donations de fruits ou de revenus , à moins que la libéralité n'ait été expressément faite hors part successorale.

Cette question était très controversée.

Pour certains, l'article 856, qui précise que le donataire d'un bien frugifère ne doit pas le rapport des fruits, aurait pour corollaire que celui qui n'a reçu que des fruits ne doit rien rapporter.

Cependant, après avoir décidé qu'une donation de fruits ou de revenus n'était pas soumise au rapport 91 ( * ) , la jurisprudence consacre à présent le principe contraire 92 ( * ) et estime que l'article 843 « n'opère aucune distinction selon que le défunt a donné un bien ou seulement les fruits de celui-ci » pour refuser la dispense de rapport de donation de fruits et de revenus.

Par cette consécration de la jurisprudence, le projet de loi vise une nouvelle fois à préserver l'égalité entre héritiers.

Ce rapport ne devrait cependant pas intervenir s'agissant de donations modiques, qui échappent au statut complexe des libéralités. Cependant, une libéralité peut, quoique prélevée sur les revenus, ne pas être modique et donner lieu à rapport, tout comme une libéralité peut, quoique prélevée sur le capital, rester modique et ne pas être rapportable.

Art. 852 du code civil : Caractère non rapportable de certains frais

Le 6° du I de l'article 5 du projet de loi réécrit l'article 852, qui dresse la liste de certains frais non sujets à rapport .

Actuellement , il prévoit que les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équipement 93 ( * ) , ceux de noces et les présents d'usage n'ont pas à être rapportés.

Cette faveur de la loi se fonde sur leur cause, qui reflète l'expression d'un devoir familial ou social.

Le projet de loi ne modifie pas cette liste, qui a donné lieu à une construction jurisprudentielle abondante.

Néanmoins, il consacre la jurisprudence, qui affirme le caractère supplétif de cet article 94 ( * ) , en précisant que le disposant peut prévoir le rapport de ces frais .

Il consacre enfin la règle retenue par la jurisprudence 95 ( * ) en matière de présent d'usage , qui a donné lieu à un contentieux important, en précisant que son caractère s'apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant.

Art. 856 du code civil : Date d'exigibilité des fruits et intérêts de choses sujettes à rapport

Le 7° du I de l'article 5 du projet de loi modifie l'article 856 afin de prévoir les règles applicables aux fruits et intérêts des choses sujettes à rapport.

Actuellement , les fruits et intérêts des choses sujettes à rapport ne sont dus qu'à compter du jour de l'ouverture de la succession.

La règle établit ainsi un parallélisme rigoureux entre le rapport en nature et le rapport en valeur. Celui qui doit restituer le bien est comptable des fruits échus à compter de l'ouverture de la succession. Celui qui n'en doit que la valeur est redevable, à compter de la même date, des intérêts de l'indemnité dont il est débiteur.

Des difficultés sont apparues depuis que la loi du 3 juillet 1971 a repoussé au partage l'évaluation de l'indemnité de rapport, sans pour autant modifier l'article 856. Comment calculer en effet à compter du décès les intérêts d'une dette dont le montant n'est connu qu'au moment du partage ?

Depuis 1987, la Cour de cassation 96 ( * ) prévoit que lorsque le rapport se fait en valeur sous forme d'une indemnité, celle-ci ne produit d'intérêts qu'à compter du jour où elle est déterminée. Cette solution a également été retenue s'agissant de l'indemnité de réduction pour atteinte à la réserve, et la loi du 23 décembre 1986 a consacré ce principe en matière de récompense et de créances entre époux (art. 1473 et 1479).

Le projet de loi consacre donc le principe que les dettes de valeur ne produisent d'intérêts qu'à compter de leur liquidation .

Les fruits restent dus à compter du jour de l'ouverture de la succession 97 ( * ) .

Art. 858 du code civil : Rapport en moins-prenant

Le 8° du I de l'article 5 du projet de loi procède dans l'article 858 à une coordination avec l'article 845.

Actuellement , l'article 858 prévoit que le rapport se fait en moins-prenant et ne peut être exigé en nature sauf stipulation contraire de l'acte de donation.

Le projet de loi tire les conséquences de ce que cette technique ne peut s'appliquer à un héritier renonçant puisqu'il ne reçoit pas de part successorale. La modification vise donc à exclure le règlement en moins-prenant dans ce cas. Le rapport sera exécuté par un versement, sauf dans les hypothèses où un rapport en nature est prévu.

Art. 860 du code civil : Évaluation d'un bien nouveau subrogé au bien aliéné

Le 9° du I de l'article 5 du projet de loi modifie l'article 860 qui précise les modalités d'évaluation du bien rapporté, s'agissant d'un bien subrogé au bien aliéné .

Actuellement , et ce depuis la loi du 3 juillet 1971, l'article 860 prévoit que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation .

En fait , la pratique notariale évalue les biens au jour dit de la jouissance divise . C'est en effet à compter de ce jour que les fruits cessent d'accroître l'indivision pour appartenir exclusivement à ceux qui ont été allotis des biens qui les produisent.

La prise en compte de l'état du bien à l'époque de la donation est un correctif nécessaire à l'évaluation au jour du paiement. Il ne doit cependant être retenu que si le changement intervenu est imputable à l'activité du donataire. Si, au contraire, le changement est dû à une cause étrangère à son activité, c'est l'état du bien à l'époque du partage qu'il faut retenir.

Par ailleurs, sauf stipulation contraire :

- si le bien a été aliéné avant le partage, il est tenu compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation ;

- si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, il est tenu compte de la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage .

Le projet de loi , après avoir procédé à des modifications rédactionnelles, apporte deux précisions s'agissant d'un nouveau bien subrogé au bien aliéné.

Tout d'abord, il indique qu'il est tenu compte de la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage d'après son état à l'époque de l'acquisition .

Le donataire conserve donc les plus ou moins-values qui lui sont imputables, conformément à la jurisprudence 98 ( * ) . Le projet de loi transpose logiquement le principe général posé pour l'évaluation des biens par le premier alinéa de l'article 860.

Ensuite, il prévoit que la subrogation n'a pas lieu lorsque la dépréciation du bien subrogé était inéluctable au jour de son acquisition .

A défaut, un donataire qui achèterait un bien de consommation (automobile, matériel de haute technologie) promis à une obsolescence rapide qui ne lui serait pas imputable pourrait se libérer ainsi de son obligation au rapport. Cette solution était préconisée par la doctrine qui considérait qu'il y avait alors dépense et non remploi.

Cette nouvelle règle est également prévue par l'article 13 du projet de loi s'agissant du calcul de la réserve et de la quotité disponible (art. 922 modifié du code civil).

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel afin de préciser le caractère inéluctable de la dépréciation, qui découle de la nature du bien, et d'indiquer qu'il est alors tenu compte de la valeur du bien à l'époque de la subrogation.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Art. 869 du code civil : Rapport d'une somme d'argent

Le 10° du I de l'article 5 déplace enfin les dispositions de l'article 869 relatif au rapport de sommes d'agent au nouvel article 860-1.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 5 ainsi modifié .

Article 6 (art. 864, 865 à 867, 875 et 877 à 881 du code civil) - Paiement des dettes

Cet article crée deux paragraphes au sein de la section 3 « Du paiement des dettes » du chapitre VIII « Du partage », le premier relatif aux dettes des copartageants (art. 864 à 869 99 ( * ) ) et le second aux autres dettes (art. 870 à 882).

Paragraphe 1 - Des dettes des copartageants

Ce premier paragraphe, composé des articles 864 à 867, traite du rapport des dettes entre copartageants .

Actuellement, le code civil se limite à une allusion à l'article 829, relatif au rapport des dons reçus et des sommes dont l'héritier est débiteur.

Or, le rapport des dettes est très différent de celui des libéralités. Il consiste à allotir l'héritier débiteur de la succession de la créance que la succession détient à son égard et constitue donc une opération de partage, tandis que le rapport des libéralités est une opération préparatoire au partage relative à la composition de la masse partageable.

Le projet de loi précise donc utilement le régime de ce rapport des dettes entre copartageants, très utilisé en pratique.

Art. 864 du code civil : Définition

Cet article prévoit que lorsque la masse partageable comprend une créance à l'encontre de l'un des copartageants, ce dernier en est alloti dans le partage à hauteur de ses droits dans la masse .

Il est précisé que cette dette ne doit pas forcément être exigible, ainsi que le prévoit déjà la jurisprudence 100 ( * ) .

A due concurrence, la dette s'éteint par confusion. Si son montant excède les droits du débiteur dans cette masse, il doit le paiement du solde.

Ce mécanisme permet une simplification des opérations, la dette s'éteignant par confusion, et une égalité effective du partage en plaçant les cohéritiers du débiteur à l'abri du risque d'insolvabilité de ce dernier : l'égalité serait rompue si l'un de ces cohéritiers était alloti de la créance et ne pouvait ensuite en obtenir le paiement. En revanche, les autres débiteurs de l'héritier débiteur souffrent d'une rupture d'égalité au bénéfice de ses cohéritiers.

Ce rapport porte tant sur les dettes envers le défunt, sur les dettes envers l'indivision elle-même, c'est-à-dire nées au cours de l'indivision et résultant de celle-ci, que sur les dettes envers la succession (indemnités consécutives au rapport ou à la réduction des libéralités), même si la dette n'est pas immédiatement exigible. L'héritier, le légataire et l'institué contractuel sont pareillement tenus au rapport de leurs dettes.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel afin de remplacer le mot « hauteur » par le mot « concurrence ».

Art. 865 du code civil : Date d'exigibilité de la créance

Cet article détermine la date d'exigibilité de la créance.

Il prévoit que la créance ne peut être exigible avant la clôture des opérations de partage , sauf si elle porte sur des biens indivis. L'héritier débiteur peut cependant décider à tout moment de s'acquitter de sa créance.

Il s'agit d'une codification de la jurisprudence, qui prévoit déjà que le rapport des dettes constitue un droit pour l'héritier, et qu'il peut donc imposer à ses cohéritiers un paiement par voie d'attribution lors du partage futur. L'exigibilité de sa dette est donc suspendue jusqu'à ce moment 101 ( * ) .

En revanche, le rapport n'est pas pour l'héritier une obligation et il peut régler sa dette avant le partage par paiement, notamment pour arrêter le cours des intérêts 102 ( * ) .

Art. 866 du code civil : Intérêts

Cet article prévoit que les sommes rapportables portent intérêt au taux légal , sauf stipulation contraire. Il s'agit de la conséquence logique du fait que le paiement des dettes ne peut être exigé avant le partage.

Cet article indique en outre que les intérêts courent depuis l'ouverture de la succession lorsque l'héritier en était débiteur envers le défunt et, à compter du jour où la dette est exigible, lorsque celle-ci est survenue durant l'indivision .

Art. 867 du code civil : Compensation avec les créances du copartageant sur la masse partageable

Cet article vise l'hypothèse d'un copartageant à la fois créancier et débiteur à l'égard de la masse partageable.

Il prévoit qu'il ne sera alloti de sa créance envers la masse partageable que si le solde de son compte, calculé à partir de ses droits dans la masse, auxquels est additionnée sa créance et soustraite sa dette, est positif.

Paragraphe 2
Des autres dettes

Le second paragraphe, relatif aux autres dettes, comprend les articles 870 à 882. Il conserve les actuels articles 870 à 876 et 882, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles, mais réécrit entièrement les articles 877 à 881.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de rectification d'erreur matérielle afin de rétablir l'intitulé de ce paragraphe.

Art.s 873 à 876 du code civil : Coordinations rédactionnelles

A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a :

- à l'article 873 du code civil, substitué à l'expression « portion virile » celle de « part successorale » ;

- aux articles 874, 875 et 876, supprimé la mention de « successeurs à titre universel », par coordination avec les dispositions du projet de loi qui substituent la notion d'héritier à celle de successeur.

Par ailleurs, le projet de loi remplace le terme de bénéfice d'inventaire par celui d'acceptation à concurrence de l'actif net à l'article 875 par coordination avec l'article 1 er du projet de loi.

Art. 877 du code civil : Titre exécutoire

Le projet de loi modernise la rédaction de l'article 877 sans en modifier la teneur et prévoit que le titre exécutoire contre le défunt l'est aussi contre l'héritier, huit jours après que la signification lui en a été faite.

Art. 878 du code civil : Bilatéralisation du privilège des créanciers

Le projet de loi modifie cette fois substantiellement l'article 878 relatif à la protection des créanciers par le mécanisme de la séparation des patrimoines .

Actuellement , la confusion du patrimoine du défunt et de celui de l'héritier en vertu du principe de continuation de la personne peut s'avérer préjudiciable pour les créanciers d'un défunt solvable, lorsque l'héritier est insolvable. Ils se retrouvent en effet en concurrence avec les créanciers personnels de l'héritier.

L'actuel article 878 prévoit donc que les créanciers successoraux peuvent demander , dans tous les cas, et contre tout créancier, la séparation du patrimoine du défunt d'avec le patrimoine de l'héritier . Ceci leur permet d'être préférés aux créanciers personnels sur les biens successoraux, tout en conservant le droit de saisir les biens personnels du successeur. Plutôt qu'une véritable séparation des patrimoines (comme dans le cas de la procédure de l'acceptation à concurrence de l'actif net), ce mécanisme traduit une préférence accordée aux créanciers successoraux sur les biens successoraux.

Ce mécanisme ne peut être utilisé que par les créanciers successoraux, qu'il s'agisse des créanciers du de cujus , des créanciers des charges de la succession ou des légataires de sommes d'argent 103 ( * ) (déjà protégés par leur hypothèque légale). L'actuel article 881 interdit en revanche expressément aux créanciers personnels de l'héritier de demander la séparation des patrimoines . On considère en effet que la séparation protège contre un successeur insolvable et non contre une succession déficitaire. Le créancier peut uniquement exercer contre l'acceptation pure et simple de son débiteur l'action paulienne.

Afin d'améliorer la protection des créanciers personnels de l'héritier et de promouvoir l'égalité entre créanciers, le projet de loi bilatéralise ce privilège .

Il rappelle tout d'abord le privilège des créanciers successoraux, en incluant expressément les légataires de biens fongibles , déjà admis par la jurisprudence, et en visant plus justement le privilège et non la séparation des patrimoines.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination afin de viser les légataires de sommes d'argent et non de biens fongibles.

Le projet de loi prévoit ensuite une bilatéralisation de ce droit de préférence au bénéfice des créanciers personnels de l'héritier , qui pourront réciproquement demander à être préférés à tout créancier du défunt sur les biens de l'héritier non recueillis au titre de la succession. Ils se prémuniront ainsi contre l'insolvabilité du défunt. L'actif successoral reste le gage préférentiel des créanciers successoraux, tandis que l'actif du patrimoine personnel de l'héritier devient ainsi le gage prioritaire des créanciers personnels. Une telle réforme était notamment appelée de ses voeux par le professeur Grimaldi.

Enfin, le dernier alinéa précise que le privilège spécial sur les immeubles prévu au 6° de l'article 2103, qui dresse la liste des créanciers privilégiés sur les immeubles, est bilatéralisé . Il prévoit en outre que ce droit est sujet à l'inscription hypothécaire prévue par l'article 2111 pour chaque immeuble grevé de ce privilège. Cette inscription doit intervenir dans les quatre mois de l'ouverture de la succession.

Art. 879 du code civil : Modalités du droit de préférence

Cet article prévoit les modalités d'exercice de ce droit de préférence.

Il codifie la jurisprudence de la Cour de cassation, qui précise que la demande résulte de « tout acte par lequel un créancier héréditaire fait connaître aux créanciers personnels de l'héritier son intention de leur être préférés sur les biens successoraux » 104 ( * ) , en l'adaptant à la bilatéralisation opérée par l'article précédent.

Elle doit ainsi viser un bien déterminé et être adressée à un créancier concurrent .

Art. 880 du code civil : Possibilité d'y renoncer

Cet article prévoit que le droit de préférence ne peut plus être exercé lorsque le créancier demandeur y a renoncé.

Il s'agit de la reprise modernisée des dispositions de l'actuel article 879.

L'acceptation de l'héritier pour seul et unique débiteur est ainsi incompatible avec la séparation des patrimoines et constitue un cas de renonciation tacite à la séparation. En revanche, la renonciation tacite ne saurait résulter de ce que le créancier a poursuivi le successeur sur ses biens personnels 105 ( * ) .

Art. 881 du code civil : Prescription du droit de préférence

L'article 881 modifie les dispositions de l'actuel article 880 relatif à la prescription du droit de préférence.

Actuellement , cet article prévoit la possibilité de demander la séparation des patrimoines :

- pendant trois ans pour les meubles ;

- tant que les immeubles existent dans la main de l'héritier . Néanmoins, pour assurer la pleine efficacité de la séparation des patrimoines en présence d'immeubles, les créanciers successoraux et les légataires doivent prendre une inscription dans les quatre mois du décès.

Le projet de loi :

- ramène ce délai à deux ans à compter de l'ouverture de la succession s'agissant des meubles, tant pour les créanciers personnels que successoraux ;

- ne modifie pas le droit actuel s'agissant des immeubles.

Ce mécanisme ne devrait pas être très utilisé, la réforme de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net devant permettre d'éviter ces situations de succession déficitaire.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (art. 884, 885 et 886 du code civil) - Garantie des lots

L'article 7 du projet modifie la section 4 relative aux effets du partage et à la garantie des lots, consacrée aux garanties découlant de l'effet déclaratif du partage affirmé par l'article 883, qui prévoit que chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot comme si l'indivision n'avait pas existé.

Il renforce les garanties des cohéritiers afin d'assurer une égalité effective entre eux.

Art. 884 du code civil : Principe de la garantie

? Actuellement , l'article 884 prévoit que les cohéritiers demeurent garants, les uns envers les autres, des troubles et évictions provoqués par une cause antérieure au partage .

Néanmoins, cette garantie ne joue pas :

- si ce type d'éviction a été prévu par une clause de l'acte de partage visant expressément le bien susceptible d'éviction et la cause d'éviction exonérant de garantie ;

- ou lorsque l'éviction résulte d'une faute du cohéritier .

L'éviction s'entend de la reprise par un tiers d'un bien que l'on a cru à tort dépendre de la succession, tandis que le trouble s'entend comme une simple menace d'éviction (par exemple en raison de l'exercice d'une action en revendication). L'éviction peut être partielle, et suppose un préjudice qui diminue la valeur d'un lot.

? Le projet de loi complète cette garantie en prévoyant que les cohéritiers doivent garantir l'insolvabilité du débiteur d'une dette mise dans le lot d'un copartageant, si elle était connue avant le partage .

Il consacre donc la jurisprudence 106 ( * ) qui avait déjà étendu la garantie reconnue par l'article 886 au débiteur d'une rente.

Art. 885 du code civil : Étendue de la garantie

? Actuellement , l'article 885 prévoit que chacun des cohéritiers est personnellement obligé, en proportion de sa part héréditaire, d'indemniser son cohéritier de la perte que lui a causée l'éviction . En cas d'insolvabilité de l'un d'eux, sa portion est répartie entre le garanti et tous les cohéritiers solvables.

? Le projet de loi précise que cette perte est évaluée au jour de l'éviction et confirme ainsi la jurisprudence 107 ( * ) .

En outre, il substitue au terme de « part héréditaire » celui d'« émolument » pour désigner la valeur du lot. Par conséquent, il se réfère dorénavant non plus à ce que chaque copartageant avait vocation à recueillir, mais à ce qu'il a effectivement perçu.

Art. 886 du code civil : Prescription de l'insolvabilité du débiteur d'une dette

? En l'absence de disposition expresse, la garantie de l'éviction ou du trouble se prescrit actuellement par 30 ans , en vertu du droit commun.

Néanmoins, l'actuel article 886 prévoit un délai spécifique de cinq ans à compter du partage s'agissant de la garantie de la solvabilité du débiteur d'une rente .

? Le projet de loi prévoit désormais un délai de prescription unique et raccourci de deux ans à compter de l'éviction ou de la découverte du trouble.

Cette réduction drastique va dans le sens de l'accroissement de la sécurité juridique du partage recherché par le projet de loi.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 7 sans modification .

Article 8 (art. 887 à 892 du code civil) - Actions en nullité du partage et en complément de part
SECTION 5 - Des actions en nullité du partage ou en complément de part

L'article 8 du projet de loi apporte des modifications substantielles à la section 5 de ce nouveau chapitre VIII relatif au partage, qui traite actuellement de la rescision en matière de partage, afin de lui substituer des actions en nullité du partage et en complément de part .

Le projet de loi prétend ainsi éviter des remises en cause intempestives du partage et le sécuriser.

Les articles 887 à 892 modifiés distinguent deux types d'actions, relatives respectivement aux vices de consentement et à la lésion.

Paragraphe 1 - Des actions en nullité du partage

Le projet de loi consacre deux règles jurisprudentielles, en reconnaissant l'erreur, dans certaines conditions, et l'omission d'un héritier comme causes de nullité.

Art. 887 du code civil : Reconnaissance de l'erreur comme cause de nullité

Actuellement, le premier alinéa de l'article 887 prévoit que le partage peut être rescindé pour cause de violence ou de dol , tandis que le second alinéa ajoute qu'une lésion de plus du quart d'un des cohéritiers donne également lieu à rescision.

L'article 887 indique enfin que la simple omission d'un objet de la succession ne donne pas lieu à ouverture à l'action en rescision mais seulement à un supplément à l'acte de partage.

Cette omission de l'erreur comme cause de rescision se justifie par l'existence d'autres règles permettant de corriger ou de sanctionner l'erreur :

- l'erreur sur la valeur des biens relève de la rescision pour lésion ;

- l'erreur sur la consistance de la masse partageable peut être résolue par le partage complémentaire des biens omis prévu par cet article ou par la garantie d'éviction due à celui qui a été évincé de biens abusivement inclus dans son lot  ;

- l'erreur sur la personne d'un copartageant admis à tort au partage relève d'une pétition d'hérédité.

La Cour de cassation a cependant admis une action en nullité pour erreur dans des « cas spéciaux et très exceptionnels » 108 ( * ) tels que :

- l'inclusion dans la masse d'un bien appartenant privativement à l'un des copartageants, lequel se trouve empêché d'évincer l'attributaire par l'adage « qui doit garantie ne peut évincer » ;

- la fausse appréciation des droits des indivisaires dans la masse, en raison de l'ignorance de l'existence d'un testament instituant l'un d'eux légataire universel.

La jurisprudence admet donc l'erreur sur l'existence ou la quotité des droits des copartageants 109 ( * ) ainsi que l'erreur sur la propriété des biens compris dans la masse partageable 110 ( * ) .

Le projet de loi admet en premier lieu l'action en nullité sur le fondement de l'erreur, mais uniquement si celle-ci a porté sur l'existence ou la quotité des droits des copartageants ou sur la propriété des biens compris dans la masse partageable , reprenant ainsi les limites fixées par la jurisprudence.

En l'absence de disposition spécifique dérogatoire, la prescription de l'action en nullité est de cinq ans, conformément à l'article 1304.

En outre, le projet de loi cherche à préserver le partage, même vicié, en indiquant que dès lors que les conséquences de la violence, du dol ou de l'erreur peuvent être réparées autrement, un partage complémentaire ou rectificatif peut être ordonné par le tribunal à la demande de l'une des parties. Une telle solution est actuellement prévue en cas d'omission d'un objet de la succession ou en cas de lésion (art. 891).

En effet, la nullité anéantit le partage, ce qui a des effets extrêmement graves. Les copartageants sont réputés n'être jamais sortis de l'indivision. Les fruits doivent donc être restitués à la masse (sauf application des articles 466 et 840 lorsque la nullité a pour cause l'inobservation des règles protectrices des incapables ou des absents).

Le projet de loi déplace enfin les dispositions relatives au partage complémentaire en cas d'omission d'un bien indivis et à la rescision pour lésion respectivement aux articles 892 et 889 modifiés.

Art. 887-1 du code civil : Omission d'un héritier

Le projet de loi consacre ensuite la jurisprudence qui prévoit l'annulation du partage auquel l'un des copartageants n'a pas participé, en considérant que la présence et le concours de tous les indivisaires est une condition substantielle de la validité du partage 111 ( * ) .

Il prévoit toutefois que l'annulation du partage peut être évitée si l'héritier demande à recevoir sa part en nature ou en valeur.

Dans ce cas, une nouvelle évaluation des biens est effectuée pour déterminer la part de l'héritier omis, comme s'il s'agissait d'un nouveau partage.

Art. 888 du code civil : Irrecevabilité de l'action en nullité

Le projet de loi reprend les dispositions de l'actuel article 892, qui prévoit une présomption irréfragable de confirmation du partage du fait de l'aliénation par un copartageant de tout ou partie de son lot après la découverte du dol ou la cessation de la violence.

Il le complète en prenant en compte l'hypothèse de l'erreur

Paragraphe 2 - De l'action en complément de part

Le projet de loi maintient le principe d'une sanction de la lésion de plus du quart dans le partage, mais substitue à l'action en rescision une action en complément de part afin de limiter les hypothèses d'annulation du partage .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement rédactionnel afin de préciser l'unicité de l'action en complément de part.

Art. 889 du code civil : Action en complément de part

La lésion est le préjudice subi par un copartageant lors du partage, dont la part en propriété divise est inférieure à sa part indivise. Elle résulte d'une évaluation inexacte des biens ou d'une erreur dans l'estimation de la masse partageable.

En principe, la lésion ne vicie pas les conventions entre majeurs non protégés. Font cependant exception à ce principe les ventes d'immeubles (art. 1674) et le partage.

Actuellement , le deuxième alinéa de l'article 887 précise qu'un copartageant lésé de plus du quart peut agir en rescision pour lésion. Selon la jurisprudence, le demandeur doit établir qu'il a reçu un lot inférieur aux ¾ de ce qu'il aurait dû recevoir et non que l'un de ses cohéritiers a reçu un lot excédant de plus du quart ce à quoi il pouvait prétendre. L'actuel article 890 précise que les biens pris en compte sont estimés à leur valeur à l'époque du partage, ce qui vise en fait la date de la jouissance divise .

Cette action, soumise au régime des nullités relatives, se prescrit par cinq ans (actuel art. 1304). Le délai court à compter du jour du partage lésionnaire, et non de la découverte de la lésion ou de son ampleur 112 ( * ) . Cette solution est sévère mais découle du fait que la lésion est un vice objectif.

La rescision pour lésion anéantit le partage, avec toutes les conséquences que cela emporte : nécessité d'un nouveau partage, restitution des fruits, sauf s'ils ont été perçus de bonne foi avant la demande en rescision.

Néanmoins, le défendeur peut « racheter la lésion » en fournissant au demandeur un complément de part héréditaire soit en numéraire, soit en nature (actuel art. 891). Cette faculté n'appartient qu'à lui et le lésé ne peut choisir entre rescision et rachat.

L'indemnité doit être calculée non pas au jour du partage lésionnaire mais à celui où elle est payée 113 ( * ) , la technique de la dette de valeur permettant de protéger le créancier contre l'érosion monétaire. Il y a donc une double évaluation : au jour du partage pour savoir s'il y a lésion et au jour du rachat pour liquider l'indemnité. Si le complément est fourni en nature, il faut également l'évaluer au jour de sa remise.

Le projet de loi prévoit que l'action en complément de part de l'actuel article 891 devient le principe et non plus une solution alternative dépendant de la volonté du seul défendeur. Il ne sera donc plus possible d'obtenir la rescision du partage pour lésion.

Le défendeur conserve le choix de fournir le complément de part en numéraire ou en nature.

La règle selon laquelle l'évaluation des biens pour apprécier la réalité de la lésion est faite au jour du partage est confirmée.

Enfin, le projet de loi ramène le délai de prescription de cinq à deux ans à compter du partage afin de sécuriser le partage. En effet, un délai de prescription de cinq ans posait problème en cas de vente des biens en raison de l'évolution du marché.

Art. 890 du code civil : Champ d'application

Le projet de loi reprend tout d'abord les dispositions du premier alinéa de l'actuel article 888 et prévoit que l'action en complément de part est admise contre tout acte, quelle que soit sa dénomination, dont l'objet est de faire cesser l'indivision entre copartageants. Peu importe que le partage soit partiel ou total, amiable ou judiciaire .

Il précise ensuite que cette action n'est plus admise lorsqu'une transaction est intervenue sur les difficultés nées du partage postérieurement à celui-ci, en reprenant en les simplifiant les dispositions du deuxième alinéa de l'article 888 en vigueur.

Le dernier alinéa prévoit qu' en cas de partages partiels successifs, la lésion s'apprécie sans tenir compte, ni du partage partiel déjà intervenu lorsque celui-ci a rempli les parties de leurs droits par parts égales, ni des biens non encore partagés .

Cette disposition consacre la jurisprudence, qui s'est prononcée sur le point de savoir si la lésion doit être évaluée en considérant chaque partage séparément ou s'il faut les réunir dans une masse globale fictive. Elle considère qu'il n'y pas lieu de tenir compte des biens non encore partagés 114 ( * ) , ce qui permet de ne pas attendre le partage de l'ensemble des biens pour apprécier la lésion. En revanche, il faut tenir compte des autres partages partiels déjà réalisés dès lors qu'ils ont constitué des lots inégaux 115 ( * ) .

Art. 891 du code civil : Exclusion des actes aléatoires

Le projet de loi reprend en les adaptant à l'action en complément de part les dispositions de l'actuel article 889.

Il prévoit, par exception à l'article 890 modifié, que l'action en complément de part n'est pas admise contre une vente de droits indivis :

- lorsqu'elle a été faite sans fraude ;

- et comporte un aléa réel (le projet de loi substitue cette notion d'aléa à l'expression « aux risques et périls du cessionnaire » en vigueur) défini dans l'acte et expressément accepté par le cessionnaire. Il s'agit d'une application de la règle selon laquelle l'aléa chasse la lésion.

Art. 892 du code civil : Omission d'un bien indivis

Cet article reprend les dispositions du troisième alinéa de l'actuel article 887 afin de préciser que la simple omission d'un bien indivis ne donne pas lieu à une action en complément de part, mais à un partage complémentaire portant sur ce bien .

Votre commission vous propose d' adopter l'article 8 sans modification .

* 62 Voir commentaire de l'article 16 du projet de loi relatif aux pouvoirs de l'exécuteur testamentaire.

* 63 Cass. Civ. - 23 mars 1903.

* 64 Voir infra art. 812-7.

* 65 Voir infra art. 812-5 et 812-6.

* 66 Notamment Cass., 1ère civ. - 4 avril 1991, succession Picasso.

* 67 Voir infra article 4 du projet de loi.

* 68 Voir infra article 4 du projet de loi.

* 69 Rappelons que les actes d'administration sont des actes de gestion normale qui tendent à faire fructifier un bien ou à l'améliorer sans en compromettre la valeur.

* 70 Les actes de disposition sont les actes les plus graves pouvant faire sortir un bien du patrimoine indivis ou en diminuer la valeur (cession, constitution d'hypothèque...).

* 71 Le remploi consiste en l'achat d'un bien avec des deniers provenant de la vente d'un autre bien ou d'une indemnité représentative de la valeur d'un autre bien.

* 72 La subrogation est une fiction de droit par laquelle un bien en remplace un autre en lui empruntant ses qualités. Depuis l'arrêt de la Cour de cassation Chollet contre Dumoulin du 5 décembre 1907, la subrogation de la vente d'un immeuble indivis est admise. La jurisprudence semble cependant la subordonner à l'accord unanime des indivisaires.

* 73 Opération préalable au partage consistant en la restitution par un copartageant à la masse partageable afin de la reconstituer de sommes dont il est débiteur envers la masse ou de biens dont il avait été gratifié par le défunt, ou encore de la valeur de ces biens (art. 829 et 843).

* 74 Opération consistant à amputer à la demande des héritiers réservataires les libéralités excessives (dons et legs qui entament la réserve héréditaire) de tout ce qui excède la quotité disponible, ce qui peut entraîner leur suppression (art. 920 et s.).

* 75 Ainsi, en présence d'un père et deux frères, dont les droits dans la masse sont respectivement d'un ¼ pour le père et de 3/8 pour chaque frère, il faudra prévoir huit lots -deux pour le père et trois pour chaque frère.

* 76 Loi n° 71-523 du 3 juillet 1971 modifiant certaines dispositions du code civil relatives aux rapports à succession, à la réduction des libéralités excédant la quotité disponible et à la nullité, à la rescision pour lésion et à la réduction dans les partages d'ascendants.

* 77 Comme le droit en vigueur, ce texte fait référence au conjoint et non au conjoint survivant, puisqu'il peut s'agir d'un partage de communauté et non d'un partage successoral.

* 78 Cass., 1 ère civ., 20 déc. 1976.

* 79 Cass., 1 ère civ., 11 janv. 1977.

* 80 Cass., 1 ère civ., 20 mars 1990.

* 81 Cass., 1 ère civ., 23 nov. 1982.

* 82 Cass., 1 ère civ., 20 nov. 1979.

* 83 Rappelons que la présomption d'absence est constatée par le juge des tutelles « lorsqu'une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l'on en ait eu de nouvelles » (art 112). Le présumé absent peut être représenté par une personne désignée par le juge dans l'exercice de ses droits ou dans tout acte auquel il serait intéressé (art 113).

* 84 Voir infra commentaire de l'article 22 du projet de loi.

* 85 Cass.,1 ère civ., 2 oct. 1979.

* 86 Cass.,1 ère civ., 11 déc. 1973.

* 87 Cass., 8 juin 1859, 1ère civ., 24 fév. 1998.

* 88 Cass.,1 ère civ., 29 juill. 1952.

* 89 Par exemple : un de cujus laisse deux fils, A et B, et un patrimoine estimé à 50, alors qu'il avait donné à A un immeuble valant 100. Si A renonce, il conserve 100 et B reçoit les 50, alors que s'il accepte, A et B recevront chacun 75 (100+50 divisés par 2).

* 90 Par exemple, A décède en laissant trois enfants B, C et D et un patrimoine de 500. B, qui avait reçu 100, renonce et doit le rapport.

En l'état du projet de loi, la masse de calcul de la quotité disponible est de 600 et la quotité disponible d'1/3, soit 200. La libéralité s'impute normalement sur la part successorale du gratifié, mais comme il renonce, il ne dispose plus de part de réserve.

En l'absence de précision, l'imputation devrait donc se faire sur la réserve globale et diminuerait la réserve individuelle des héritiers acceptants. La libéralité devrait donc être automatiquement réduite.

La solution consistant à imputer la libéralité sur la quotité disponible est également critiquable puisqu'elle aurait pour effet de la diminuer, ce qui est contraire à l'esprit de la réforme.

En revanche, en reconstituant fictivement et uniquement pour l'imputation de la donation la part de réserve de B, on obtient une quotité disponible d'1/4, soit 150 et une réserve globale de 450. La donation faite à B s'impute sur cette réserve, à concurrence de sa part de réserve fictive et pour le surplus sur la quotité disponible. Après imputation, la réserve globale serait donc de 350 à partager entre C et D et la quotité disponible de 150 resterait entièrement libre.

* 91 Cass. civ., 21 nov. 1917.

* 92 Cass. 1 ère civ., 14 janv. 1997.

* 93 Qui visent les dépenses d'acquisition du matériel nécessaire à l'entrée dans la vie militaire.

* 94 Req., 29 juin 1921.

* 95 Cass., 1ère civ., 10 mai 1995.

* 96 Cass., 1 ère civ., 27 janv. 1987.

* 97 La Cour de cassation a rappelé le 21 juin 1989 que les fruits restaient dus à compter de l'ouverture de la succession.

* 98 Cass., 1 ère civ., 30 juin 1992.

* 99 Le 3° de l'article 13 du projet de loi déplace en outre aux articles 919-1 et suivants les dispositions des actuels articles 864 à 869.

* 100 Req., 21 oct. 1902.

* 101 Cass., 1 ère civ., 7 nov. 1978.

* 102 Cass., 1 ère civ. 10 juin 1976.

* 103 Art. 2111 du code civil.

* 104 Req., 30 mars 1897.

* 105 Cass., civ., 12 janv. 1900.

* 106 Cass., 1ère civ., 22 mars 1983.

* 107 Cass., 1 ère civ., 9 juin 1970.

* 108 Cass., civ., 26 oct. 1943.

* 109 Cass., 17 nov. 1858 ; Cass., 1ère civ., 1er mars 1978.

* 110 Cass., 5 juill. 1949.

* 111 Req., 21 mars 1922.

* 112 Cass., 1 ère civ., 20 janv. 1982 et Cass., civ., 16 mai 1972.

* 113 Cass. plén. Civ., 9 mars 1961.

* 114 Req., 18 avr. 1899.

* 115 Cass., civ., 29 avr. 1975

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