Rapport n° 352 (2005-2006) de M. Charles REVET , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 17 mai 2006

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N° 352

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 mai 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques (1) sur la proposition de résolution présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Roland RIES sur la proposition révisée du Règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route (E 2970),

Par M. Charles REVET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Herisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Yves Coquelle, Roland Courteau, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, M.  Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Mmes Sandrine Hurel, Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 202 (2005-2006)

Union européenne.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le 9 février dernier, la délégation du Sénat pour l'Union européenne a adopté, sur le rapport n° 202 (2005-2006) de notre collègue M. Roland Ries, une proposition de résolution sur la proposition révisée de règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route (E 2970) .

Engagée à la fin des années quatre-vingt-dix, la réflexion de la Commission européenne sur une évolution de la législation dans le secteur résultait du constat que le cadre réglementaire communautaire, élaboré trente ans auparavant (1 ( * )) dans un contexte où les fournisseurs de transports publics terrestres de personnes étaient exclusivement nationaux, régionaux ou locaux, devait être réformé pour tenir compte de l'ouverture progressive des marchés, de l'émergence d'opérateurs multinationaux et de l'affermissement du marché européen unique. C'est pourquoi, en juillet 2000, la Commission avait proposé un encadrement des obligations de service public (OSP) visant à éviter que les compensations de service public soient qualifiées d'aides d'État et qui était fondé, d'une part, sur le principe de contractualisation des rapports entre l'autorité et l'opérateur et, d'autre part, sur celui de mise en concurrence des contrats de service public (CSP) afin de rendre leur attribution transparente et non discriminatoire.

Après une première lecture par le Parlement européen (PE) en novembre 2001, plusieurs modifications tenant compte de ses amendements avaient été apportées à la proposition avant d'être transmise au Conseil en février 2002. Toutefois, compte tenu de la grande disparité des expériences d'ouverture du marché menées dans nombre d'États membres et de la mise en oeuvre concomitante de « paquets ferroviaires » communautaires en matière de fret, aucun compromis en vue de l'adoption d'une position commune n'avait pu être dégagé par le Conseil. Ses travaux étaient en outre restés quelques temps suspendus à un arrêt attendu de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) susceptible d'asseoir sa jurisprudence en matière de qualification d'aide d'État. Rendu en juillet 2003, l'arrêt Altmark a mis fin au débat juridique en définissant clairement la notion d'avantage financier qui en constitue le critère essentiel (2 ( * )).

Ce n'est dès lors que le 20 juillet 2005 que la Commission a formulé une nouvelle proposition de règlement. Tenant compte à la fois des débats suscités par l'élaboration du Livre Blanc sur les services d'intérêt général, des enseignements de la jurisprudence Altmark et des positions exprimées sur ce dossier tant au PE qu'au Conseil, le nouveau texte est très notablement simplifié par rapport aux projets précédents de 2000 et de 2002, notamment par la place beaucoup plus large qu'il accorde à la subsidiarité.

Ainsi, entre la première proposition de la Commission soumise à l'examen du Conseil et du PE dans le cadre de la procédure de codécision, et celle aujourd'hui discutée, cinq années se sont écoulées. Ce délai nécessaire pour parvenir à un texte globalement satisfaisant témoigne de l'importance du sujet tant pour les citoyens, comme usagers des transports publics soucieux de disposer d'un réseau dense, moderne, sûr et économique, que pour les collectivités territoriales et les entreprises concernées. L'enjeu politique et économique du secteur est en effet de taille : selon l'exposé des motifs de la proposition révisée de règlement adoptée par la Commission en juillet 2005, « les transports publics terrestres de personnes (train, métro, tram et bus urbain) représentaient en 2004 environ 150 millions de passagers transportés par jour, 1,5 million d'emplois et un chiffre d'affaires annuel estimé à 100 milliards d'euros (chiffres UE 15) » . Or, poursuit la Commission, le quart environ de ce marché est d'ores et déjà ouvert à la concurrence, de manière totale en Grande-Bretagne depuis 1986, ou dans un cadre régulé dans le reste de l'Union européenne (UE).

*

En application de l'article 88-4 de la Constitution et dans le cadre de la procédure fixée par l'article 73 bis du Règlement du Sénat, la délégation pour l'Union européenne (DUE) a adopté une proposition de résolution qui, tout en approuvant les grandes lignes de la proposition révisée de règlement relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route, dite « règlement OSP », émet quelques réserves sur son texte et recommande au Gouvernement de favoriser l'adoption de certaines améliorations.

Compte tenu de l'état de maturité auquel semble être aujourd'hui parvenu ce dossier, la présidence autrichienne de l'Union, après avoir organisé un débat d'orientation sur le texte révisé de la Commission lors d'une réunion du Conseil du 27 mars 2006, a décidé de l'inscrire à l'ordre du jour de la réunion du Conseil « Transports, télécommunications et énergie » convoquée les 8 et 9 juin prochain, dans la perspective d'obtenir un accord politique sur une position commune en première lecture.

C'est au regard de ce rendez-vous que votre commission des affaires économiques a, le mercredi 17 mai, examiné la proposition de résolution de la DUE et adopté une proposition de résolution qui, tout en en modifiant et en en complétant le texte, en reprend très largement l'esprit.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. HISTORIQUE DE LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT ET PRINCIPALES DISPOSITIONS DE SA VERSION RÉVISÉE

A. UNE ÉLABORATION RÉVÉLATRICE DES POINT DISCUTABLES

1. Une première version complexe et détaillée ne laissant guère de place à la subsidiarité

Appelé à se substituer au règlement 1191/69/CE, dont il conservait le niveau de procédure (procédures de base applicables aux appels d'offres, critères relatifs à la transparence, principe de comptabilité séparée mais sous forme simplifiée), tout en se combinant avec les directives « marchés publics » 92/50 et 93/38, le texte de la proposition initiale de la Commission, qui concernait non seulement les transports publics de voyageurs par chemin de fer et par route, mais aussi ceux par voie navigable, poursuivait trois objectifs essentiels.

Tout d'abord, reconnaissant un rôle essentiel aux transports publics de passagers en tant que services d'intérêt général, il cherchait, en application de ce principe, à garantir une plus grande efficacité et une meilleure qualité des services de transports publics de voyageurs. La proposition imposait ainsi aux autorités l'obligation expresse de fournir des services de transport suffisants et instituait, dans cette perspective, un système de concurrence régulée. A cet égard, elle prévoyait des critères minimums concernant l'exploitation pour que tous les opérateurs respectent la mission et les exigences de service public. Elle ne définissait cependant pas les objectifs assignés aux services publics ni la manière dont ils devaient être poursuivis, pas davantage que le rôle des autorités en matière de spécification des services et la marge de manoeuvre laissée aux opérateurs.

Ensuite, la proposition élargissait la gamme des outils offerts aux autorités en harmonisant les principaux aspects des procédures d'adjudication existant dans les différents pays de l'Union. Sans définir les structures institutionnelles pour la gestion des transports publics ni imposer un mécanisme communautaire unique devant être utilisé par tous les États membres, elle instaurait cependant comme règle générale que les interventions des autorités dans le secteur prenaient la forme de CSP, sauf lorsque lesdites autorités définissaient des critères minimums applicables à l'exploitation. Les CSP devaient être attribués par appels d'offres pour une durée de cinq ans, sous réserve de dérogations précisément énumérées concernant notamment certains secteurs ferroviaires comme le métro (pour des questions de sécurité), les services d'autobus totalement intégrés dans les services ferroviaires, et les petits contrats. Les procédures d'adjudication dans le cadre de contrats prévoyant un droit exclusif non assorti d'une aide publique étaient par ailleurs simplifiées. Enfin, la proposition de règlement permettait aux autorités compétentes d'exiger des opérateurs qu'ils soient établis dans l'État membre concerné afin qu'ils soient assujettis aux normes dudit Etat, de prendre en compte dans les mécanismes d'attribution des CSP les aspects sociaux et environnementaux, et de contrôler les concentrations dommageables. En outre, elle prévoyait la protection des employés en cas de changement d'opérateur.

Enfin, le projet de la Commission reconnaissait que l'exécution des exigences de service public nécessite parfois des compensations financières. Pour que la compatibilité de celles-ci avec le Traité soit clairement affirmée, il renforçait la sécurité juridique des droits et des devoirs des opérateurs et des autorités au regard des dispositions communautaires relatives aux aides d'État et aux droits exclusifs dans le secteur des transports. De même, il définissait des procédures d'octroi d'indemnisations financières et de droits exclusifs équitables, ouvertes et non discriminatoires, afin d'assurer de réelles possibilités d'accès au marché aux opérateurs usant de leur droit d'établissement. L'indemnisation des dépenses engagées pour satisfaire aux critères minimums était limitée au cinquième de la valeur des services fournis par l'opérateur, une indemnisation supplémentaire pouvant toutefois être consentie dans le cadre d'un CSP autorisant des modalités de contrôle et d'exécution plus détaillées. La proposition de règlement était en outre assortie d'une annexe qui, modernisant et simplifiant des règles figurant dans le règlement 1196/69/CEE, visaient à empêcher le versement d'indemnisations trop élevées pour satisfaire aux critères minimums.

Au cours d'un débat d'orientation organisé le 20 décembre 2000, le Conseil avait porté une appréciation réservée sur la proposition de règlement présentée par la Commission . S'agissant tout d'abord du principe même de l'initiative d'ouvrir le domaine particulier des transports de passagers par chemin de fer à la concurrence, un certain nombre d'Etats membres l'avait estimée inopportune alors qu'une démarche similaire venait d'être engagée dans le domaine du transport international du fret par chemin de fer. Pour ce qui concerne ensuite le contenu du texte et les modalités qu'il envisageait, plusieurs Etats membres avaient considéré nécessaire, afin d'assurer la pérennité des services intégrés ( i.e. métro plus bus, comme en Ile-de-France), de permettre aux autorités compétentes d'opter pour une gestion directe de ces services et, plus largement, de prévoir des dispositions plus flexibles, respectueuses des situations locales et du principe de subsidiarité. En outre, eu égard à l'exploitation actuelle de services publics de transports ayant nécessité, en particulier de la part des opérateurs, des investissements importants, divers Etats membres avaient estimé indispensable de garantir un juste retour sur les investissements réalisés au bénéfice de la collectivité en augmentant la durée des contrats et en ménageant des périodes transitoires plus longues.

2. Un avis du Parlement européen modifiant substantiellement le texte pour mieux tenir compte des systèmes nationaux existants

Examinée en commission le 10 octobre 2001 sur le rapport du Hollandais Erik MEIJER, la proposition a été adoptée par le PE, sous réserve d'amendements, le 14 novembre suivant, par 317 voix contre 224 et 7 abstentions.

Les principaux points modifiés à cette occasion, souvent avec l'accord de la Commission, préfigurent pour l'essentiel les inflexions données par cette dernière à son texte dans les étapes ultérieures de la procédure.

Le PE a tout d'abord entendu satisfaire davantage au principe de subsidiarité pour permettre la poursuite de l'activité, dans les villes et régions, des opérateurs liés au territoire et relevant souvent du secteur public, et de ne pas laisser le marché aux seules compagnies de transport multinationales. Observant que la responsabilité des transports terrestres locaux incombait aux autorités locales, il a expressément maintenu la faculté qui leur est ouverte dans nombre d'Etats de l'Union d'en assurer le service elles-mêmes ou par le biais d'une de leurs propres sociétés sans appel d'offres. Il a par ailleurs porté le plafond du montant annuel moyen estimé du marché en-deça duquel elles sont autorisées à attribuer directement un CSP de 400.000 à un million d'euros (et de 800.000 à trois millions d'euros lorsque toutes les OSP sont incorporées dans un seul CSP). Il a en outre décidé que les "trains historiques" et les tramways opérant sur une base de non-profit ne seraient pas couverts par la nouvelle réglementation.

Relevant ensuite que des contrats de longue durée engendraient une plus grande sécurité en termes de planification pour les autorités comme pour les opérateurs, et pouvaient par ailleurs permettre à ceux-ci de déposer des offres plus favorables, il a porté la durée maximale des CSP à huit ans pour les services d'autobus et à quinze ans pour les services sur voie ferrée, ces extensions lui semblant permettre de minimiser les distorsions de concurrence tout en préservant la qualité des services.

Enfin, pour lutter contre le dumping social, le PE a interdit la sélection d'opérateurs de transport qui passeraient outre à leurs responsabilités sociales et, par ailleurs, imposé à l'opérateur bénéficiaire d'un CSP d'offrir aux employés engagés avant l'obtention du contrat les mêmes droits que ceux qu'ils détenaient jusqu'alors.

Au-delà de ces trois séries d'inflexions, le PE a également adopté divers amendements portant sur l'objet du règlement (notion « d'amélioration » des transports publics de passagers), sur son champ d'application (définition des contrats couverts par le texte et de ceux couverts par les dispositions des directives sur les marchés publics), sur les devoirs des autorités compétentes (précision de la notion de transports « suffisants »), sur le renforcement de la protection des consommateurs et de l'environnement, sur l'information des voyageurs (en particulier les personnes à mobilité réduite), etc.

3. Une deuxième version de la Commission très infléchie

Si le texte révisé une première fois par la Commission le 21 février 2002 a conservé ses principes directeurs (3 ( * )), il s'est toutefois écarté nettement de la proposition initiale sur plusieurs points essentiels en donnant une large place aux amendements du Parlement européen.

La Commission a ainsi retenu ceux d'entre eux qui encourageaient les bonnes pratiques en matière de CSP et qui précisaient que ces contrats doivent tenir compte des conditions de travail ainsi que de la santé et de la sécurité du personnel. Pour ce qui concerne l'attribution des CSP, elle a accepté de faire passer la durée type maximale des contrats de cinq à huit ans pour les autobus et à quinze ans pour les chemins de fer, le nouveau texte prévoyant, comme dans le précédent, des contrats ferroviaires d'une durée encore plus longue si nécessaire pour tenir compte de l'investissement, ainsi que la latitude laissée aux autorités compétentes de retenir des dispositions non discriminatoires en matière d'indemnisation si elles le souhaitent.

Elle a également repris les amendements du PE visant à élargir la base des exceptions à la limitation des attributions directes de CSP lorsque cette démarche est plus efficace que la mise en concurrence (4 ( * )) et à relever les seuils généraux de dérogation à un million d'euros (et à trois millions pour les petits réseaux). Elle a toutefois assorti les contrats ainsi attribués directement de trois clauses de sauvegarde : la prise de décision de l'autorité compétente d'une manière permettant le débat public ; la possibilité ouverte, dans ce cadre, aux concurrents de présenter un projet alternatif ; l'examen tous les cinq ans par l'autorité compétente des performances de l'opérateur désigné. En outre, et toujours conformément au voeu du PE, la Commission a ouvert la faculté aux autorités compétentes d'attribuer directement des contrats dans les cas d'urgence, par exemple si l'exploitant fait faillite.

Enfin, toujours s'agissant des contrats, la nouvelle proposition de la Commission a introduit dans le dispositif même du règlement des dispositions concernant leur portée géographique, afin notamment de faciliter le développement des transports régionaux transfrontières, étendu à tous les contrats (et pas seulement à ceux comprenant un droit exclusif, comme le prévoyait le texte initial) la capacité des autorités à protéger les employés lors d'un changement d'opérateur, et précisé l'articulation faite entre la faculté laissée, en application du Traité, aux autorités compétentes pour inciter les opérateurs à s'établir dans l'État membre concerné, et celle reconnue auxdits opérateurs de soumissionner sans être établis dans cet État.

Au-delà de ces substantielles modifications apportées aux dispositions générales relatives au contenu et à l'attribution des contrats, la proposition révisée de la Commission européenne a également retenu deux demandes du PE tout en les assortissant de mesures complémentaires nouvelles.

S'agissant des mesures transitoires, si elle a étendu la période de transition de trois à huit ans, elle a exigé des autorités compétentes qu'elles appliquent en deux étapes le règlement, la moitié des contrats devant respecter ses dispositions quatre ans après son entrée en vigueur, et la totalité d'entre eux huit ans après. Cette obligation visait à assurer que la mise en oeuvre du nouveau cadre réglementaire ne s'effectuera pas à la toute fin de la période transitoire, mais se déroulera de manière régulière tout au long de celle-ci.

En ce qui concerne par ailleurs le statut particulier des opérateurs locaux du secteur public, la Commission a accepté de protéger de la concurrence les services d'autobus que l'autorité compétente aurait décidé de fournir elle-même. Là encore, le mécanisme retenu s'organisait en deux temps : d'une part, les autorités concernées seront autorisées à le faire pendant la période transitoire de huit ans sans obligation de commencer à supprimer ces dispositions après quatre ans. Mais, d'autre part, lesdites autorités ne pourront maintenir un tel régime au-delà de cette période qu'à la double condition d'en obtenir l'autorisation de la Commission et, surtout, de n'accorder aucun « droit exclusif », afin de laisser à d'autres opérateurs la liberté d'offrir des services supplémentaires commercialement rentables aux habitants de la région. Dans cette hypothèse, les autorités concernées seront tenues d'instaurer des règles générales appropriées afin d'assurer la qualité et l'intégration des services.

B. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA TROISIÈME VERSION

1. Subsidiarité, simplification et souplesse renforcées

Ainsi qu'il l'a été indiqué précédemment, la proposition de règlement soumise à l'examen, en juin prochain, du Conseil, est une troisième version du texte qui, si elle conserve un grand nombre des orientations retenues par la version de 2002 et est adaptée pour respecter la jurisprudence Altmark de 2003 sur la qualification d'aide d'Etat, accorde encore plus de place à la subsidiarité et répond à un plus grand souci de simplification et de souplesse.

La mise en oeuvre du principe de subsidiarité, qui permet de mieux respecter la diversité des approches et des traditions des Etats membres tout en fixant un cadre cohérent pour l'ensemble de l'Union, ne s'exprime plus seulement dans l'approche de la définition du transport régional ou de longue distance et par le maintien d'un seuil élevé de montant des marchés (un million d'euros) en dessous duquel une attribution directe est possible, mais également dans la plus grande latitude donnée aux autorités publiques pour organiser en détail la mise en concurrence : ainsi, la proposition de règlement ne fixe plus de liste de critères de sélection qui leur seraient imposés pour attribuer des CSP, ni de règles spécifiques au secteur des transports publics terrestres en matière de sous-traitance ou d'abus de position dominante, ni enfin de définition du niveau adéquat de qualité des transports publics ou d'information des voyageurs.

L'objectif d'assouplissement, quant à lui, est essentiellement poursuivi par la reconnaissance de la possibilité ouverte aux autorités compétentes de fournir elles-mêmes, ou via un opérateur interne, tout service de transports publics (bus, tram, métro, train, services intégrés...) sans mise en concurrence, sous réserve toutefois du respect d'une transparence accrue, de l'établissement de critères précis et applicables en matière de compensation des OSP, et de cantonnement géographique de l'activité de l'autorité compétente ou de son opérateur interne et de ses filiales ( i.e. pas d'activité autorisée en dehors du territoire de l'autorité compétente). La reconnaissance de cette possibilité d'autoproduction (régie) est complétée par un allègement de la liste des exceptions à l'obligation de mise en concurrence des CSP : avec la disparition de celles relatives aux services de métro ou métro léger, qui s'ajoute à celle concernant les services intégrés déjà supprimée dans la proposition modifiée de 2002, seuls les services ferroviaires régionaux et de longue distance restent donc exonérés de l'obligation. L'assouplissement se manifeste aussi dans la flexibilité proposée quant à la durée des contrats, dont la durée maximale peut désormais être prorogée de 50 % (soit douze ans pour les services d'autobus et vingt-deux ans et demi pour les services ferroviaires) si l'opérateur justifie de la nécessité d'amortir ses actifs, et dans l'allongement de huit à dix ans de la période transitoire pour les services de transport par rail.

Enfin, la recherche de la simplification se traduit par un effort de clarification des mécanismes proposés, en particulier s'agissant de l'attribution des CSP qui n'est plus envisagée que sous deux formules seulement : l'appel d'offres dans le cadre d'une mise en concurrence, et l'attribution directe à un opérateur interne. Il en est de même pour ce qui concerne les règles applicables à la compensation en l'absence d'appel d'offres, qui sont fixées dans une annexe au règlement établissant des méthodes objectives, transparentes et réalistes fondées sur des principes communautaires traditionnellement mis en oeuvre (absence de surcompensation et de subventions croisées, séparation des comptes, réalité des coûts, promotion de la qualité et de l'efficacité).

Au-delà de ces trois séries de modifications, la proposition adoptée par la Commission en juillet 2005 comporte également deux autres innovations. La première, totalement inexpliquée par l'exposé des motifs, consiste en l'exclusion du champ du règlement des services de transports de passagers par voie navigable. La seconde, qualifiée de clause de réciprocité, constitue une contrepartie à l'extension de la durée de la période transitoire et vise tant à assurer la mise en oeuvre la plus rapide possible des dispositions du règlement qu'à soutenir les entreprises agissant en situation de concurrence : elle autorise en effet les autorités compétentes, pendant la seconde moitié des périodes transitoires, à exclure de la participation aux attributions de contrats par appel d'offres les opérateurs bénéficiant, pour plus de la moitié de l'ensemble de leurs activités, de marchés attribués ( i.e. attribution directe sans appel d'offre concurrentiel et/ou détention d'un droit exclusif) dans des conditions ne respectant pas encore les dispositions du règlement. Sont clairement visées par cette seconde disposition des entreprises comme la RATP et, surtout, la SNCF, qui seraient alors limitées dans leur stratégie de développement, de manière directe ou par l'intermédiaire de filiale, sur les marchés internationaux.

2. Vers un accord politique du Conseil

Lors de sa réunion du 27 mars 2006, le Conseil a mené un débat d'orientation sur la proposition révisée de règlement et chargé le Comité des représentants permanents (Coreper) de poursuivre son examen en vue de parvenir à un accord politique lors de la session du Conseil « Transports, télécommunications et énergie » des 8 et 9 juin 2006. Afin de structurer ce débat, la présidence autrichienne avait élaboré un questionnaire concernant principalement les types de services de transports pour lesquels les autorités compétentes pourraient être autorisées à attribuer directement des contrats et la poursuite jusqu'à leur échéance des contrats existants, compte tenu notamment de leurs modalités d'attribution et de leur durée.

S'agissant du premier point, si les délégations ont marqué leur accord sur la possibilité d'attribuer directement des contrats pour le transport ferroviaire régional ou de longue distance conformément à ce que propose le projet de règlement, un nombre important d'entre elles a suggéré, avec l'accord de la Commission, d'étendre l'attribution directe à tous les services de chemin de fer lourd, ce qui inclut les services suburbains et les réseaux ferroviaires intégrés. En revanche, si certaines délégations se sont prononcées en faveur de la possibilité d'étendre cette faculté à tous les contrats publics de transport de voyageurs, d'autres, soutenues par la Commission, s'y sont opposées en faisant valoir que cette extension compromettrait sérieusement l'objectif de la proposition de règlement.

Quant à la poursuite des contrats existants, plusieurs délégations se sont accordées pour que les CSP ayant été attribués après une procédure de mise en concurrence équitable puissent se poursuivre jusqu'à leur échéance. Quelques délégations ont en outre suggéré d'autoriser également la poursuite jusqu'à leur échéance des contrats n'ayant pas fait l'objet d'un appel d'offres, certaines d'entre elles estimant nécessaire de trouver une solution pour les contrats à long terme, de type tramway.

Enfin, l'idée de permettre aux États membres de prendre des mesures à l'encontre de transporteurs ayant obtenu directement des contrats pour certains services et souhaitant participer à un appel d'offres a été évoquée.

II. PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE ET ANALYSE DE VOTRE COMMISSION

A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

Tout en faisant état de l'accueil globalement favorable réservé à la nouvelle révision de la proposition de règlement par les autorités organisatrices et opérateurs de transports français, constaté notamment lors des auditions auxquelles il a procédé lors de la préparation de son rapport (5 ( * )), notre collègue Roland Ries a relevé, dans le texte soumis à l'avis du Conseil, un ensemble de sujets susceptibles d'appeler soit des réserves, soit des améliorations. Ces thèmes constituent évidemment l'objet de l'essentiel de la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne (DUE), laquelle est en outre assortie de quelques considérations complémentaires.

1. Une série de points appelant des réserves

La DUE a émis des réserves sur une série de trois points concernant la durée des CSP, le cas des services ferroviaires urbains et périurbains et la période de transition.

S'agissant des contrats de service public, elle a estimé que les dispositions générales ou exceptionnelles fixant, pour les services ferroviaires, leur durée maximale à quinze ans et, lorsque l'opérateur justifie de la nécessité d'amortir des actifs, à vingt-deux ans et demi, étaient encore insuffisantes en ce qui concerne certains CSP nécessitant des investissements à très long terme. Souhaitant qu'une solution soit trouvée à cette difficulté, susceptible notamment de pénaliser les projets de développement de tramway, elle a préféré, à la détermination d'une durée plus longue par le texte lui-même, qui ne serait pas nécessairement adaptée à la plus grande part des contrats concernant les services ferroviaires, renvoyer cette question à la subsidiarité. Elle propose donc que, d'une manière générale, la fixation de la durée des CSP relève directement des collectivités locales en tant qu'autorités organisatrices, qui apprécieront la conduite à tenir en fonction de la durée d'amortissement des investissements envisagés.

Pour ce qui concerne les services ferroviaires urbains et périurbains, la DUE a relevé une difficulté de mise en oeuvre concrète du règlement résultant de la continuité entre les infrastructures accueillant ces services et celles consacrées au transport régional. L'ouverture à la concurrence des deux types de services à des périodes différentes (6 ( * )), alors que leurs réseaux peuvent être communs, est ainsi susceptible de créer une grande complexité, voire de réels blocages, en l'absence d'une claire définition des deux notions. Or, la directive se contentant de définir l'une par rapport à l'autre, d'inextricables problèmes juridiques risquent de surgir dans les conurbations de l'Union européenne, où la notion de « banlieue » ne peut faire l'objet que d'une appréciation au cas par cas. Aussi la DUE préconise-t-elle, en application du principe de subsidiarité, de renvoyer la définition du transport régional aux Etats membres, rappelant du reste que cette position avait été convenue par l'accord politique obtenu au cours de la réunion du 5 décembre 2005 du Conseil « Transports, télécommunications et énergie » portant précisément sur le III ème paquet ferroviaire.

Enfin, observant que la scission de la période de transition en deux séquences imposait aux autorités organisatrices des obligations de mise en conformité susceptibles de conduire à segmenter les réseaux, la DUE, reprenant une proposition du Comité des Régions, suggérait de remplacer l'obligation d'appel d'offre pour la moitié des réseaux au bout de quatre ou cinq ans, selon le mode concerné, par une obligation de mise en conformité juridique de la totalité des contrats au bout de la première période.

2. Des dispositions appelant des améliorations

La DUE a par ailleurs estimé nécessaire que le Gouvernement parvienne à favoriser l'adoption d'améliorations portant sur quatre types de dispositions relatifs, respectivement, à la définition de l'opérateur interne, au principe de cantonnement géographique, à l'encadrement des compensations de service public et à l'exclusion de la voie fluviale et maritime du champ d'application du règlement.

Elle a tout d'abord relevé que la définition de l'opérateur interne (7 ( * )), qui seul peut bénéficier de l'attribution directe d'un marché, posait une grave difficulté aux sociétés d'économie mixte (SEM) dont, aux termes de la loi n° 2002-1 du 2 janvier 2002 tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales, le capital ne peut être détenu à plus de 85 % par les collectivités territoriales. Cette absence de contrôle complet interdit en effet aux SEM d'être regardées comme des opérateurs internes et les exclut dès lors des dispositions de la proposition de règlement relatives au régime de l'attribution directe. Estimant que, bien que manifestement particulier à la France, l'outil juridique que constitue la SEM est parfaitement adapté à la gestion de services publics, notamment dans le domaine des transports de voyageurs, la proposition de résolution de la DUE recommande de préciser la notion d'opérateur interne afin qu'elle soit compatible avec le statut bien particulier des SEM.

La DUE a ensuite considéré que le principe de spécialisation géographique (8 ( * )) risquait de porter atteinte à la cohérence des réseaux de transport public dans la mesure où elle interdirait à un opérateur d'exploiter les parties de lignes extérieures au territoire de l'autorité compétente (ce qu'on qualifie de « lignes sortantes »). C'est pourquoi elle a appelé, dans sa proposition de résolution, à un assouplissement du cantonnement géographique par l'ouverture de la notion d'opérateur interne aux opérateurs dont l'essentiel des missions est exercé à l'intérieur du territoire de l'autorité compétente.

Tout en estimant que l'annexe au règlement, qui précise de manière détaillée les critères communautaires résultant de la jurisprudence Altmark mis en oeuvre pour encadrer le régime des compensations de service public, s'avérait inutile dès lors que la Commission a déjà énuméré, dans une communication sur les aides d'Etat, les principes qu'elle retient pour examiner les compensations de service public qui lui sont notifiées, la DUE n'a pas, dans le texte de la proposition de résolution, suggéré sa suppression.

En revanche, rappelant que la première version de la proposition de règlement incluait la voie fluviale, elle a suggéré le rétablissement de celle-ci dans le champ de la proposition révisée de règlement et l'extension de ce dernier à la voie maritime. Elle a en effet considéré que, le transport maritime ou fluvial étant parfois partie intégrante de réseaux de transports urbains ou périurbains, ils pouvaient être inclus dans certains plans de transports urbains.

B. ANALYSE ET PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Votre commission approuve le principe et les grandes lignes de la proposition de résolution de la DUE, dont le rapporteur, M. Roland Ries, a parfaitement su cerner les enjeux de la proposition de règlement révisée et soulever les difficultés que son texte, bien que profondément amélioré par rapport à sa version initiale et devenu très largement satisfaisant, pouvait encore poser. Toutefois, les quelques précisions et compléments qu'elle a souhaité apporter l'ont conduite à adopter une proposition de résolution dont l'architecture formelle est substantiellement différente de celle de la DUE.

Il lui a en effet paru pertinent de distinguer plus clairement les trois grands types de problèmes en suspens, qui portent, respectivement, sur une plus large application du principe de subsidiarité, sur une meilleure définition du champ d'application du règlement et de certaines notions qu'il utilise, et enfin sur le mécanisme de la période de transition de huit à dix ans qu'il prévoit.

1. Une approbation de principe

Tout comme la DUE, votre commission approuve les grandes lignes de la proposition de règlement révisée. Elle estime que son texte est aujourd'hui mieux adapté que le projet initial aux réalités historiques des systèmes de transports publics terrestres existants dans les différents Etats membres, et que le cadrage juridique proposé par la Commission sera d'autant plus utile et efficace qu'il laisse davantage de place à la subsidiarité pour tenir compte de ces particularités.

a) Des motifs de satisfaction

Mais au-delà de cette opinion, votre commission se félicite surtout que, dans son principe, le futur règlement communautaire étende à l'ensemble de l'Union européenne le modèle français de gestion des services publics locaux de transports terrestres de voyageurs, qui a fait ses preuves depuis des décennies. Aussi suggère-t-elle que la proposition de résolution exprime à titre liminaire la satisfaction du Sénat quant à cette reconnaissance de l'intérêt du modèle français, qui est fondé sur un principe de concurrence régulée, et rappelle sa pertinence pour les trois catégories d'acteurs concernés : les usagers, les collectivités territoriales et les opérateurs de transport.

En ce qui concerne les usagers, il s'agit de compléter la proposition de résolution de la DUE en faisant référence à leur droit de bénéficier d'un réseau de transports publics offrant un haut niveau de qualité, de sécurité, de densité et de continuité du service, garanti au besoin par des compensations de service public. Votre rapporteur souligne que cette innovation apportée par la proposition de résolution adoptée par votre commission permet, au passage, de reprendre le considérant du texte de la DUE relatif à la légitimité des compensations de service public.

S'agissant des collectivités territoriales, votre commission propose de conserver le considérant de la DUE approuvant le respect de leur libre choix, en tant qu'autorités organisatrices de transport, d'opter soit pour l'attribution directe à un opérateur interne, soit pour la mise en concurrence par appel d'offres, tout en le complétant par une formule saluant également le fait que le texte communautaire reconnaît la légitimité des formules d'attribution multimodale, cette reconnaissance étant essentielle pour notre pays.

Enfin, pour faire référence aux opérateurs, la proposition de résolution de la commission souligne la faculté qu'il leur est reconnue de se porter candidats à l'attribution d'un marché quel que soit le régime de propriété de leur capital, public, privé ou mixte. Cette formule, outre qu'elle introduit la notion de mixité du capital pouvant en particulier renvoyer au statut des SEM, rappelle en un seul alinéa les deux considérants de la proposition de résolution de la DUE relatifs au régime de propriété des entreprises de transport.

b) Un encouragement à l'adoption rapide du texte communautaire

C'est au regard de ces trois observations complémentaires que, comme celle de la DUE, la proposition de résolution de votre commission suggère ensuite au Gouvernement de se montrer favorable à l'adoption rapide du texte proposé par la Commission européenne. Elle ajoute à cet égard que cette adoption permettra de sécuriser le régime juridique du secteur des transports collectifs de voyageurs, notamment les conditions de financement des obligations de service public, et, par conséquent, d'encourager le développement de ce secteur.

Ces précisions, qui ne figurent pas dans le texte adopté par la DUE, ont semblé utiles à votre commission sous trois angles complémentaires car elles permettent, à la fois :

- de rappeler que l'objectif principal de la réforme est bien d'adapter, pour le rendre plus sûr, le cadre juridique communautaire aux nouvelles conditions d'activité du secteur des transports collectifs de voyageurs, qui a profondément évolué depuis le règlement (CEE) n° 1191/69 du Conseil du 26 juin 1969 relatif à l'action des Etats membres en matière d'obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable ;

- de prendre acte d'un des aspects les plus importants de cette réforme, à savoir la fixation, au regard notamment de la jurisprudence Altmark , de règles précises concernant le financement des obligations de service public (9 ( * )) ;

- de souligner l'opportunité de cette sécurisation pour le développement du secteur, développement qui doit être entendu non seulement par opposition au transport individuel par voiture dans une perspective de développement durable et de désengorgement des réseaux urbains, mais aussi dans une optique strictement économique : en effet, la France dispose, avec des entreprises comme Connex (filiale de Véolia), Transdev (filiale de la Caisse des dépôts et consignations), Eolis (filiale de la SNCF) ou la RATP, de « champions » nationaux des transports urbains figurant parmi les principaux opérateurs européens, qui ne pourront tirer que des avantages à l'ouverture du secteur à la concurrence et à son essor subséquent au niveau communautaire.

Enfin, le texte de la proposition de résolution adopté par votre commission des affaires économiques annonce les trois séries d'améliorations dont elle demande au Gouvernement de favoriser l'adoption : une meilleure prise en compte du principe de subsidiarité et la modification de dispositions de la proposition communautaire portant tant sur le champ d'application et certaines définitions du règlement que sur la période de transition qu'il prévoit.

2. Trois séries de propositions d'améliorations

a) Une meilleure prise en compte du principe de subsidiarité

Il n'est pas contestable que la dernière mouture du texte proposé par la Commission européenne laisse une part beaucoup plus grande que sa version originale au principe de subsidiarité. Toutefois, votre commission estime nécessaire et possible de le mettre en oeuvre encore plus largement dans deux domaines particuliers : la durée des CSP et la définition du transport ferroviaire régional. Elle reprend ainsi les deux premières demandes formulées par la DUE, dans des termes du reste presque identiques, tout en les complétant.

Votre commission suggère d'une part de laisser entièrement à l'appréciation des collectivités territoriales, en tant qu'autorités organisatrices, la fixation de la durée des contrats de service public en fonction de la durée d'amortissement des investissements, au lieu d'organiser par la règle communautaire un système à la fois complexe et variable en raison même de l'aléa que constitue la durée d'amortissement (10 ( * )). Au fond, le projet de la Commission consiste à reconnaître aux collectivités territoriales la faculté de fixer une durée de CSP à l'intérieur de certaines limites pouvant aller jusqu'à vingt-deux ans et demi, et à leur interdire toute marge de manoeuvre au-delà. Or, il existe des projets pour lesquels la durée d'amortissement des investissements peut excéder cette durée et dépasser même les trente ans : il en est ainsi du projet en cours de réalisation pour la concession d'un tramway à Reims. Telle est la raison pour laquelle la totale application du principe de subsidiarité semble plus opportune, votre rapporteur ayant à cet égard jugé utile d'ajouter, dans le texte de la proposition de résolution de votre commission, une justification à cette demande afin de démontrer sa nécessité pour, notamment, les projets réalisés sous forme concessive ou sous celle de partenariat public-privé, qui sont les plus susceptibles d'être concernés par une durée excédant la vingtaine d'années.

D'autre part, votre commission reprend la demande formulée par la DUE de laisser à l'appréciation des Etats membres la définition du transport ferroviaire régional, qui conditionne la possibilité d'attribution directe des lignes concernées. Elle ajoute que cette mise en oeuvre du principe de subsidiarité, dont votre rapporteur rappelle qu'elle a été actée par le Conseil « Transports » de décembre dernier à l'occasion de l'examen du III ème paquet ferroviaire, conditionne également le traitement approprié, équitable et efficace, des services ferroviaires urbains et périurbains en ce qu'elle garantit l'absence de solution de continuité dans les réseaux des grands conurbations.

b) Des modifications portant sur le champ d'application du règlement et sur la définition de certaines des notions qu'il utilise

S'agissant du champ d'application du règlement, votre commission, tout comme la DUE, propose d'abord son extension aux services publics de transports de voyageurs par voie navigable, comme cela était envisagé initialement par la Commission européenne. En effet, outre que certains services de transports fluviaux peuvent être offerts par des opérateurs - tels les navettes de la RATP sur la Seine ou les lignes de vaporetti à Venise - et qu'il parait légitime de les prendre aussi en considération, on ne peut manquer de s'interroger sur les conséquences juridiques du remplacement du règlement (CEE) n° 1191/69 du Conseil du 26 juin 1969, appelé à être totalement supprimé, par un nouveau règlement dont le périmètre lui serait inférieur : comment et par quelle législation serait traité le périmètre résiduel ?

En outre, votre rapporteur a été sensible aux observations qui lui ont été communiquées par le Groupe des entreprises de transport public des grandes métropoles (11 ( * )) quant à la clarification des conditions d'attribution des CSP. Relevant que le règlement constituera, à terme, une lex specialis ayant vocation, s'agissant d'une législation sectorielle, à s'imposer aux législations horizontales, le GGM estime essentiel que les règles obligatoires qu'il fixe soient claires et non équivoques pour tous les contrats entrant dans son champ d'application, et qu'elles prévalent sur l'application de règles plus générales, notamment celles relatives aux obligations découlant des directives portant coordination des procédures de passation des marchés publics. Or, en l'état, le texte de la proposition de règlement révisée demeure imprécis sur ce point. Telle est la raison pour laquelle votre commission demande, dans un alinéa particulier, la clarification de l'articulation entre le règlement et les directives portant coordination des procédures de passation des marchés publics afin de définir précisément le régime adapté applicable aux différents types de contrats.

En ce qui concerne par ailleurs la définition de certaines notions utilisées par le règlement communautaire, la proposition de résolution adoptée par votre commission préconise en premier lieu une modification du concept d'opérateur interne qui, en l'état de sa définition communautaire (12 ( * )), ne permet pas d'en faire relever les SEM : en effet, la loi du 2 janvier 2002, tout comme celle, fondatrice, du 7 juillet 1983, interdit que leur capital puisse être détenu à 100 % par les collectivités publiques.

Or, actuellement, une quarantaine de ces sociétés gèrent des services de transports publics urbains et interurbains en France, à la satisfaction générale des actionnaires comme des usagers. Le maintien sans modification du texte communautaire - qui, il convient de le noter, applique en l'espèce une jurisprudence Stadt Halle de la CJCE (13 ( * )) - exclurait donc les SEM de la possibilité de bénéficier, le cas échéant, d'une procédure d'attribution directe, ou contraindrait les collectivités territoriales choisissant cette procédure à ne faire appel qu'à des organismes placés sous le statut de régie, dont l'expérience a montré qu'il était moins satisfaisant.

Votre rapporteur ne mésestime pas le fait qu'il peut être difficile, au travers d'un texte particulier, de porter atteinte à une définition qui est utilisée dans d'autres secteurs couverts par la législation communautaire : c'est pourquoi il envisage de mener ultérieurement une réflexion sur le statut des SEM en recherchant une évolution susceptible de le rapprocher de celui des Stadtwerke allemandes (14 ( * )), dont le capital est entièrement détenu par une ou plusieurs collectivités territoriales. Nonobstant, il a jugé dans l'immédiat indispensable, pour autoriser les collectivités territoriales à exercer réellement un choix dans les modalités d'attribution du service public de transports terrestres entre l'attribution directe et l'appel d'offres, que la définition de l'opérateur interne posée par le règlement communautaire soit adaptée de manière à ce que les SEM puissent en relever.

Telle est la raison pour laquelle votre commission demande au Gouvernement d'oeuvrer en faveur d'une modification de la notion d'opérateur interne de manière à la rendre compatible avec la variété des organisations institutionnelles locales, et notamment le statut particulier des sociétés d'économie mixte.

Enfin, en second lieu, sa proposition de résolution suggère, tout comme celle de la DUE, un assouplissement du principe de spécialisation géographique pour permettre l'inclusion de certaines « lignes sortantes » dans le périmètre territorial du service. En effet, la condition de cantonnement territorial définie par la proposition de règlement exclut toutes les lignes de transport qui, bien qu'appartenant à un réseau structuré, franchissent les limites territoriales des autorités compétentes, quand bien même ces lignes seraient essentielle aux liaisons entre aires métropolitaines et banlieues, aux liaisons interrégionales, voire aux liaisons entre Etats limitrophes. Il paraît donc opportun tant de clarifier la définition du périmètre géographique sur lequel l'autorité compétente exerce ses compétences légales que d'assouplir celle de l'opérateur interne de manière à l'ouvrir aux opérateurs dont l'essentiel des missions, et non leur intégralité, est exercé à l'intérieur du territoire de ladite autorité compétente.

c) Des aménagements au mécanisme de la période de transition

Au contraire des précédentes, la dernière série de recommandations de la proposition de résolution de votre commission se distingue plus nettement de celle adoptée par la DUE.

Tout d'abord, observant les difficultés d'application pratique suscitées par le dispositif imaginé par la Commission européenne, qui consiste à partager la période de transition en deux pour contraindre les collectivités territoriales à attribuer la moitié de leurs CSP à la fin d'une étape intermédiaire (15 ( * )), la DUE avait retenu une suggestion formulée par le Comité des Régions tendant à ne rendre obligatoire à mi-parcours que la mise en conformité de la totalité des contrats de CSP. Or, votre rapporteur craint que cette obligation soit elle-même très délicate à mettre en oeuvre matériellement, d'autant que le contenu exact de la notion de mise en conformité est imprécis. Aussi, afin de régler le problème, extrêmement préoccupant, posé par le principe même d'obligations imposées à mi-parcours aux autorités organisatrices ayant opté pour un contrat multimodal unique couvrant l'ensemble de leur réseau, et éviter que celles-ci ne soient dans les faits soumises à une période de transition réduite de moitié, votre commission des affaires économiques estime plus opportun de demander directement la suppression de l'étape intermédiaire. Elle observe d'ailleurs que cette solution satisfait aussi au principe de subsidiarité en laissant aux autres collectivités la liberté de décider du rythme qui leur semble le plus adapté pour conformer leurs marchés de transport public aux nouvelles exigences communautaires.

Ensuite, votre commission préconise également la suppression de la clause de réciprocité, qui permet aux autorités organisatrices d'exclure de leurs nouveaux appels d'offres les opérateurs de transport bénéficiant, pour plus de la moitié de l'ensemble de leurs activités, de marchés attribués dans des conditions ne respectant pas encore les dispositions du règlement. Sur ce point, sa proposition est très divergente de celles de la DUE. Celle-ci, en effet, après avoir relevé que cette clause est approuvée par les opérateurs de transport privés et dénoncée par les opérateurs de transport publics, l'a estimée « équitable et équilibrée dans la mesure où il ne s'agit pas d'une clause automatique, mais d'une simple faculté offerte aux autorités organisatrices, qui seront libres d'exclure ou non de leurs appels d'offres les opérateurs en situation de monopole sur leurs marchés d'origine » et en a donc approuvé le principe.

Votre commission ne partage pas cette opinion dans la mesure où cette clause crée, pour l'accès au marché, une discrimination entre entreprises fondée sur des décisions qui ne relèvent pas de leur responsabilité. En effet, pendant la période de transition, la décision d'ouvrir un marché dans les conditions fixées par le règlement communautaire ou non relève de la responsabilité des collectivités territoriales et non des opérateurs de transport : il serait donc très inéquitable de les pénaliser en autorisant d'autres collectivités à les exclure de leurs propres marchés pour cette raison.

Enfin, toujours dans l'optique d'assurer la stabilité juridique des contrats passés dans ce secteur très capitalistique, qui requiert des investissements importants, et de faciliter la transition entre la réglementation communautaire actuelle et le futur cadre législatif, votre commission demande un élargissement des situations dans lesquelles des contrats attribués sans mise en concurrence avant l'entrée en vigueur du règlement pourront être poursuivis jusqu'au terme de leur échéance. Le texte de la proposition de la Commission n'est en effet pas très clair sur ce point. Or, dès lors que des contrats en cours attribués directement ont des durées compatibles avec celles fixées par le futur règlement, et non manifestement excessives, quelles raisons imposeraient-elles de revenir sur des dispositions contractuelles retenues d'un commun accord dans le respect de la législation communautaire alors applicable ?

3. Deux différences résiduelles

Les propositions de résolution de votre commission et de la DUE diffèrent enfin sur deux points résiduels.

La DUE a souhaité souligner que la proposition de règlement communautaire rappelle, dans l'un de ses considérants, le principe de neutralité quant au régime de propriété des entreprises de transport, qui implique que le droit communautaire n'impose aucune privatisation. Il semble à votre commission que cette mention, qui ne concerne pas les dispositions normatives du règlement, n'apporte pas de précision indispensable utile au Gouvernement dans le cadre de sa participation à la réunion du Conseil « Transports, télécommunications et énergie » des 8 et 9 juin prochain.

Du reste, votre rapporteur relève que la proposition de résolution de la commission ne manque elle-même pas de faire expressément référence au caractère public ou mixte du capital de certains des opérateurs autorisés à se porter candidats à l'attribution d'un marché de services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route. Il estime donc que les choses sont claires de ce point de vue sans qu'il soit nécessaire de faire figurer dans la proposition de résolution un considérant spécifique.

En outre, la proposition de résolution de la DUE rappelle in fine le souhait du Sénat de voir adoptée une directive-cadre générale sur les services publics avant l'entrée en vigueur de directives sectorielles. Bien entendu, votre commission partage cette déclaration de principe : on pourrait notamment considérer que la définition des opérateurs internes ou le traitement de l'exception juridique française que constituent les SEM pourraient utilement figurer dans une telle directive-cadre.

Reste qu'il a semblé à votre rapporteur contradictoire, dans une même proposition de résolution, de demander au Gouvernement d'oeuvre en faveur d'une adoption rapide du règlement proposé par la Commission pour stabiliser le cadre juridique communautaire du secteur des transports publics de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable, et de conclure sur une mention soulignant la nécessité de subordonner la mise en oeuvre de la législation communautaire sectorielle à l'adoption préalable d'une directive-cadre générale, dont l'état rédactionnel est encore aujourd'hui embryonnaire. Aussi votre commission n'a-t-elle pas estimé opportun de reprendre cette formule qui, à la limite, pourrait constituer pour le Gouvernement une « réserve parlementaire » dirimante interdisant la poursuite du processus d'examen de la proposition de règlement OSP.

*

* *

Réunie le mercredi 17 mai 2006, après avoir constaté qu'aucun amen-dement n'avait été déposé sur la proposition de résolution n° 202 (2005-2006) présentée par M. Roland Ries, au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition révisée de règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route (E 2970) , votre commission des affaires économiques a adopté à l'unanimité, le groupe CRC s'abstenant, la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition révisée de règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route (E 2970),

Relève avec satisfaction que ce texte étend à l'ensemble de l'Union européenne le modèle français de gestion des services publics locaux de transports terrestres de voyageurs, fondé sur un principe de concurrence régulée reconnaissant :

- aux usagers, le droit de bénéficier d'un réseau de transports publics offrant un haut niveau de qualité, de sécurité, de densité et de continuité du service, garanti au besoin par des compensations de service public ;

- aux collectivités territoriales, en tant qu'autorités organisatrices de transport, la liberté d'opter soit pour l'attribution directe à un opérateur interne, soit pour la mise en concurrence par appel d'offres, de services portant sur un ou plusieurs modes de transports ;

- aux opérateurs, la faculté de se porter candidats à l'attribution d'un marché quel que soit le régime de propriété de leur capital, public, privé ou mixte.

Suggère au Gouvernement de se montrer favorable à l'adoption rapide de ce texte, qui permettra de sécuriser le régime juridique du secteur des transports collectifs de voyageurs, notamment les conditions de financement des obligations de service public, et, par conséquent, d'encourager le développement de ce secteur, en lui demandant cependant de favoriser une meilleure prise en compte du principe de subsidiarité et la modification de dispositions de la proposition portant tant sur le champ d'application et certaines définitions du règlement que sur la période de transition qu'il prévoit, par les améliorations suivantes :

1° En ce qui concerne le principe de subsidiarité, pourraient être laissées à l'appréciation :

- des collectivités territoriales, en tant qu'autorités organisatrices, la fixation de la durée des contrats de service public en fonction de la durée d'amortissement des investissements, qui peut excéder une trentaine d'années dans les cas de projets réalisés sous forme concessive ou sous celle de partenariat public-privé ;

- des Etats membres, la définition du transport ferroviaire régional, qui conditionne la possibilité d'attribution directe des lignes concernées et le traitement approprié, équitable et efficace, des services ferroviaires urbains et périurbains ;

2° S'agissant du champ d'application du règlement et des définitions de certaines des notions qu'il utilise :

- le champ pourrait être étendu, comme cela était envisagé initialement par la Commission, aux services publics de transports de voyageurs par voie navigable ;

- l'articulation entre le règlement et les directives portant coordination des procédures de passation des marchés publics pourrait être clarifiée afin de définir précisément le régime adapté applicable aux différents types de contrats ;

- la notion d'opérateur interne pourrait être modifiée ou complétée de manière à la rendre compatible avec la variété des organisations institutionnelles locales, et notamment le statut particulier des sociétés d'économie mixte ;

- le principe de spécialisation géographique pourrait être assoupli pour permettre l'inclusion de certaines « lignes sortantes » dans le périmètre territorial du service ;

3° Quant à la période de transition, son mécanisme pourrait être aménagé :

- par la suppression de l'étape intermédiaire, susceptible de mettre en difficulté les autorités organisatrices ayant opté pour un contrat multimodal unique ;

- par la suppression de la clause de réciprocité permettant aux autorités organisatrices d'exclure de leurs nouveaux appels d'offres les opérateurs de transport bénéficiant, pour plus de la moitié de l'ensemble de leurs activités, de marchés attribués dans des conditions ne respectant pas encore les dispositions du règlement ;

- par l'élargissement des situations dans lesquelles des contrats attribués sans mise en concurrence avant l'entrée en vigueur du règlement pourront être poursuivis jusqu'au terme de leur échéance.

TABLEAU COMPARATIF

___

Proposition de résolution n° 202 (2005-2006)

de M. Roland Ries

___

Proposition de résolution de la commission

___

Le Sénat,

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition révisée de règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route (E 2970),

Vu la proposition révisée de règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route (E 2970),

Approuve les grandes lignes de ce texte, et notamment :

Relève avec satisfaction que ce texte étend à l'ensemble de l'Union européenne le modèle français de gestion des services publics locaux de transports terrestres de voyageurs, fondé sur un principe de concurrence régulée reconnaissant :

- aux usagers, le droit de bénéficier d'un réseau de transports publics offrant un haut niveau de qualité, de sécurité, de densité et de continuité du service, garanti au besoin par des compensations de service public ;

- le respect du libre choix des collectivités locales qui peuvent, en tant qu'autorités organisatrices de transport, opter soit pour l'attribution directe à un « opérateur interne », soit pour la mise en concurrence par appel d'offres ;

- aux collectivités territoriales, en tant qu'autorités organisatrices de transport, la liberté d'opter soit pour l'attribution directe à un opérateur interne, soit pour la mise en concurrence par appel d'offres, de services portant sur un ou plusieurs modes de transports ;

- la généralisation du principe de contractualisation, que l'opérateur de transport soit public ou privé ;

- aux opérateurs, la faculté de se porter candidats à l'attribution d'un marché quel que soit le régime de propriété de leur capital, public, privé ou mixte.

- la reconnaissance de la légitimité des compensations de service public ;

- l'instauration d'un principe de réciprocité dans l'ouverture à la concurrence, en vertu duquel les autorités organisatrices pourraient exclure de leurs nouveaux appels d'offres les opérateurs de transport qui ne se seraient pas conformés aux exigences du règlement pour les marchés qu'ils détiennent déjà.

Souligne que ce texte rappelle, dans l'un de ses considérants, le principe de neutralité quant au régime de propriété des entreprises de transport, qui implique que le droit communautaire n'impose aucune privatisation.

Demande au Gouvernement de favoriser une adoption de ce texte dans les meilleurs délais, sous les réserves suivantes :

Suggère au Gouvernement de se montrer favorable à l'adoption rapide de ce texte, qui permettra de sécuriser le régime juridique du secteur des transports collectifs de voyageurs, notamment les conditions de financement des obligations de service public, et, par conséquent, d'encourager le développement de ce secteur, en lui demandant cependant de favoriser une meilleure prise en compte du principe de subsidiarité et la modification de dispositions de la proposition portant tant sur le champ d'application et certaines définitions du règlement que sur la période de transition qu'il prévoit, par les améliorations suivantes :

1° En ce qui concerne le principe de subsidiarité, pourraient être laissées à l'appréciation :

- la fixation de la durée des contrats de service public en fonction de la durée d'amortissement des investissements devrait être laissée à l'appréciation des collectivités locales en tant qu'autorités organisatrices, conformément au principe de subsidiarité ;

- des collectivités territoriales, en tant qu'autorités organisatrices, la fixation de la durée des contrats de service public en fonction de la durée d'amortissement des investissements, qui peut excéder une trentaine d'années dans les cas de projets réalisés sous forme concessive ou sous celle de partenariat public-privé ;

- la définition du transport ferroviaire régional, qui conditionne la possibilité d'attribution directe des lignes concernées, devrait être laissée aux Etats membres, conformément au principe de subsidiarité ;

- des Etats membres, la définition du transport ferroviaire régional, qui conditionne la possibilité d'attribution directe des lignes concernées et le traitement approprié, équitable et efficace, des services ferroviaires urbains et périurbains ;

- la période de transition devrait être aménagée afin qu'il y ait obligation de mettre en conformité la totalité des contrats de service public à mi-parcours, mais que l'obligation de les attribuer conformément au règlement ne s'applique qu'à l'issue de la période.

Recommande au Gouvernement de favoriser l'adoption des améliorations suivantes :

2° S'agissant du champ d'application du règlement et des définitions de certaines des notions qu'il utilise :

- le champ pourrait être étendu, comme cela était envisagé initialement par la Commission, aux services publics de transports de voyageurs par voie navigable ;

- l'articulation entre le règlement et les directives portant coordination des procédures de passation des marchés publics pourrait être clarifiée afin de définir précisément le régime adapté applicable aux différents types de contrats ;

- la notion d'« opérateur interne » pourrait être précisée afin d'être compatible avec le statut bien particulier des sociétés d'économie mixte ;

- la notion d'opérateur interne pourrait être modifiée ou complétée de manière à la rendre compatible avec la variété des organisations institutionnelles locales, et notamment le statut particulier des sociétés d'économie mixte ;

- le principe de spécialisation géographique de l'«opérateur interne » pourrait être assoupli afin de permettre l'inclusion dans le périmètre de certaines « lignes sortantes » ;

- le principe de spécialisation géographique pourrait être assoupli pour permettre l'inclusion de certaines « lignes sortantes » dans le périmètre territorial du service ;

3° Quant à la période de transition, son mécanisme pourrait être aménagé :

- par la suppression de l'étape intermédiaire, susceptible de mettre en difficulté les autorités organisatrices ayant opté pour un contrat multimodal unique ;

- par la suppression de la clause de réciprocité permettant aux autorités organisatrices d'exclure de leurs nouveaux appels d'offres les opérateurs de transport bénéficiant, pour plus de la moitié de l'ensemble de leurs activités, de marchés attribués dans des conditions ne respectant pas encore les dispositions du règlement ;

- par l'élargissement des situations dans lesquelles des contrats attribués sans mise en concurrence avant l'entrée en vigueur du règlement pourront être poursuivis jusqu'au terme de leur échéance.

- le champ du règlement pourrait être étendu à la voie fluviale et maritime.

Rappelle son souhait de voir adoptée une directive-cadre générale sur les services publics avant l'entrée en vigueur de directives sectorielles.

* (1) Règlement (CEE) n° 1191/69 du Conseil du 26 juin 1969 relatif à l'action des Etats membres en matière d'obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, plusieurs fois modifié, en dernier lieu par le règlement (CEE) n° 1893/91 pour en étendre le champ d'application aux transports locaux.

* (2) Affaire C-280/00, Altmark Trans GmbH et Regierungspräsidium Magdeburg/Nahverkehrs-gesellschaft Altmark GmbH - Arrêt de la CJCE du 24 juillet 2003.

* (3) Ainsi, le règlement continue à s'appliquer à l'ensemble du secteur des transports publics terrestre, à l'exception des « trains historiques », et à accorder la priorité aux règles de concurrence figurant dans les directives sur les marchés publics lorsqu'elles sont applicables. Par raisonnement a contrario , les concessions de services, les contrats relatifs aux chemins de fer lourds, au métro et aux voies navigables, certaines situations dans lesquelles l'opérateur est étroitement lié à l'autorité pour laquelle il fournit le service, ainsi que les opérateurs de droit public, relèvent du champ du règlement puisque les règles fixées dans les directives sur les marchés publics ne sont pas applicables à ces situations.

* (4) La proposition initiale n'autorisait les autorités compétentes à utiliser cette procédure que pour les contrats de services de métro et de métro léger.

* (5) Fédération nationale des sociétés d'économie mixte (FNSEM), Groupement des autorités responsables de transport (GART), Régie autonome des transports parisiens (RATP), Société nationale des chemins de fer français (SNCF), Union des transports publics (UTP).

* (6) L'ouverture du transport régional de voyageurs à la concurrence sera envisagée dans le cadre du III ème paquet ferroviaire, qui n'entrera en vigueur qu'après 2010.

* (7) Selon l'article 2 (j) de la proposition révisée de règlement : « Entité juridiquement distincte sur laquelle l'autorité compétente exerce un contrôle complet et analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services » .

* (8) En application de l'article 5.2 de la proposition révisée de règlement, l'opérateur interne bénéficiaire d'une attribution directe et toute entité sur laquelle celui-ci détient une influence même minime doivent exercer l'intégralité de leurs activités de transport public de voyageurs à l'intérieur du territoire de l'autorité compétente et ne peuvent participer à des mises en concurrence organisées en dehors de ce territoire.

* (9) Du reste, il est significatif de relever que la formule du jargon technocratique communautaire utilisée pour désigner la présente proposition de règlement est : « Règlement OSP ».

* (10) On rappellera qu'il s'agit de huit ans pour les services d'autobus et de quinze ans pour les services de transport par rail et les services multimodaux, ces durées pouvant être allongées, au maximum, de moitié pour tenir compte des conditions d'amortissement des actifs.

* (11) Le Groupe des entreprises de transport public des grandes métropoles (GGM) regroupe les douze opérateurs de transport public des métropoles européennes suivantes : Athènes, Barcelone, Budapest, Berlin, Bruxelles, Lisbonne, Londres, Milan, Paris, Rome, Rotterdam et Vienne.

* (12) « Entité juridiquement distincte sur laquelle l'autorité compétente exerce un contrôle complet et analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services » .

* (13) Affaire C-26/03 Stadt Halle, RPL Recyclingpark Lochau GmbH, Arbeitsgemeinschaft Thermische Restabfall und Energieverwertungsanlage TREA Leuna - Arrêt de la CJCE du 11 janvier 2005.

* (14) C'est au demeurant en Alsace et en Moselle annexées que sont historiquement apparues, en 1895, les premières SEM, sous le statut de droit allemand de Stadtwerke .

* (15) On rappellera que cette étape est fixée à quatre ans pour les contrats de service public de transport par autobus et à cinq ans pour ceux de transport par rail.

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