CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS, À L'ÉTAT DES PERSONNES ET AUX RECONNAISSANCES D'ENFANTS FRAUDULEUSES À MAYOTTE

Initialement restreinte aux modifications apportées au code civil ainsi qu'à la reconnaissance de paternité à Mayotte, cette division du projet de loi a vu son objet étendu aux règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi qu'à l'état des personnes à Mayotte à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale, afin de prendre en compte les articles additionnels adoptés par les députés.

Si une telle dérogation aux règles du droit commun est possible en application de l'article 74 de la Constitution, elle ne l'est pas, en revanche, dans les départements d'outre-mer, soumis à l'article 73 de notre loi fondamentale. C'est la raison pour laquelle votre commission n'a pas souhaité reprendre les évolutions du droit de la nationalité envisagées, pour le département de la Guyane, par la proposition de loi n° 59 (2005-2006), présentée par notre collègue Georges Othily, même si elle est consciente des fortes difficultés que connaît, du fait de l'immigration clandestine, cette collectivité.

Article 73 (art. 20 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique à Mayotte)
Prise en charge des frais liés à la naissance d'un enfant né d'une mère étrangère en situation irrégulière et faisant l'objet d'une reconnaissance de paternité

Cet article, qui a fait l'objet de modifications à caractère rédactionnel lors de la discussion à l'Assemblée nationale, est l'une des premières dispositions du projet de loi tendant à limiter les reconnaissances de paternité de complaisance qui sont monnaie courante à Mayotte. Il mettrait à la charge tant du père que de la mère de l'enfant né à Mayotte d'une mère étrangère en situation irrégulière et qui fait l'objet d'une reconnaissance de paternité, les frais médicaux liés à sa naissance , en modifiant l'article 20 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique à Mayotte.

La procédure de reconnaissance est fixée par l'article 316 du code civil, tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation. Par ailleurs, la procédure de « dation de nom », prévue par l'article 3 de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local à Mayotte, permet également d'exercer des reconnaissances de paternité.

Comme l'ont relevé tant la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine que la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la situation de l'immigration à Mayotte, les reconnaissances de paternité fictive constituent une fraude largement pratiquée dans cette collectivité, qui permet l'obtention d'un premier titre de séjour. Le nombre des reconnaissances de paternité y a été multiplié par 6 entre 2001 et 2005, passant de 882 à 5.423, alors que, entre 2001 et 2004, le nombre des actes de naissance y est seulement passé de 6.619 à 7.676.

Faire reconnaître un enfant peut en effet ouvrir un droit au séjour sur le territoire français.

L'enfant dont l'un des parents au moins est Français ayant, aux termes de l'article 18 du code civil, la nationalité française, le parent étranger de cet enfant bénéficie, de plein droit, de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », à la condition de ne pas vivre en état de polygamie et de contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant 205 ( * ) . Si la reconnaissance de paternité est le fait d'un étranger en situation régulière, alors l'enfant mineur est autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial et se voit délivrer une carte de séjour temporaire, même si le père ou la mère est titulaire d'une carte de résident. Toutefois, l'autre parent, s'il n'est pas le conjoint de l'auteur de la reconnaissance de paternité, n'est pas assuré d'obtenir un titre de séjour.

Ces possibilités expliquent que de nombreuses reconnaissances de paternité interviennent, non dans l'intérêt de l'enfant, mais dans l'intérêt de ses parents, et en particulier dans l'intérêt financier de l'auteur de la reconnaissance .

L'objectif du présent article est donc de dissuader des personnes de reconnaître un enfant né d'une mère étrangère en leur imposant la charge financière des frais liés à sa naissance à Mayotte. Sur les 7.676 naissances enregistrées l'année dernière, 5.249, soit près de 70 %, concernaient des Comoriennes en situation irrégulière.

Aux termes de l'article 19 de l'ordonnance précitée du 20 décembre 1996, sont affiliés au régime d'assurance maladie-maternité géré par la caisse de sécurité sociale de Mayotte :

- les personnes majeures de nationalité française résidant à Mayotte ;

- les personnes majeures de nationalité étrangère en situation régulière au regard de la législation sur le séjour et le travail des étrangers applicable à Mayotte, autorisées à séjourner sur le territoire de cette collectivité territoriale pour une durée supérieure à trois mois ou y résidant effectivement depuis trois mois ;

- les enfants mineurs qui sont à la charge de l'affilié, qu'ils soient légitimes, naturels, reconnus ou non, adoptifs, pupilles de la nation dont l'affilié est tuteur, ou enfants recueillis.

Ce régime assure, selon l'article 20 de l'ordonnance, la couverture et le paiement direct de l'intégralité des frais d'hospitalisation et de consultation externe exposés dans l'établissement public de santé de Mayotte 206 ( * ) .

Selon la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, par dérogation à l'article 19 ainsi qu'au principe posé par l'article 20, les frais d'hospitalisation et de consultation externe exposés dans l'établissement public de santé de Mayotte à l'occasion de la naissance et de la maternité seraient désormais mis intégralement à la charge :

- de la mère étrangère d'un enfant né à Mayotte ne justifiant pas d'un titre lui donnant accès au territoire ou d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident . De fait, un arrêté du directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de La Réunion et de Mayotte, en date du 9 août 2005, a fixé à 10 euros par semaine pour une consultation externe et à 300 euros pour une hospitalisation en gynécologie obstétrique les tarifs appliqués, à Mayotte, aux étrangers non affiliés au régime de sécurité sociale ;

- du père ayant reconnu un enfant né d'une femme étrangère en situation irrégulière au regard de l'entrée et du séjour .

Le père devrait donc régler les sommes réclamées par le centre hospitalier de Mayotte si celles-ci n'ont pas déjà été payées par la mère étrangère, dès lors qu'il serait tenu personnellement et solidairement de leur paiement.

Votre commission relève toutefois que la mise en oeuvre effective de ce dispositif nécessitera que les reconnaissances effectuées postérieurement à la naissance de l'enfant soient rapidement portées à la connaissance de l'agent comptable du centre hospitalier de Mayotte afin qu'il puisse, le cas échéant, récupérer ces sommes auprès du père de l'enfant.

L'absence de prise en charge financière par le régime d'assurance maladie-maternité s'appliquerait, selon le texte adopté, même lorsque la reconnaissance fait l'objet de la procédure prévue aux articles 2499-2 à 2499-5 du code civil qui seraient institués par l'article 75 du présent projet de loi. Ainsi, même si cette procédure aboutit à une opposition à l'enregistrement de la reconnaissance, le père restera tenu des sommes non réglées.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 73 sans modification.

* 205 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 206 Toutefois, une participation proportionnelle est laissée à la charge des assurés pour les analyses et examens prescrits par un médecin dans le cadre de son activité libérale.

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