CHAPITRE IV - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

La nécessité de disposer de moyens juridiques spécifiques pour lutter, outre-mer, contre le fléau de l'immigration clandestine, a conduit le Gouvernement à présenter deux dispositifs prévoyant des mesures particulières dans le cadre des contrôles d'identité pratiqués à en Guadeloupe et à Mayotte.

Article 78 (art. 78-2 du code de procédure pénale ; art. 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité)
Renforcement temporaire des contrôles d'identité en Guadeloupe et à Mayotte

Cet article, modifié par l'Assemblée nationale, tend à prévoir un dispositif renforcé, à titre temporaire, pour l'exercice de contrôles d'identité en Guadeloupe et à Mayotte . Il modifierait à cet effet l'article 78-2 du code de procédure pénale ainsi que l'article 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité.

1. Le droit en vigueur

L'article 78-2 du code de procédure pénale définit actuellement cinq hypothèses dans lesquelles un contrôle d'identité peut être pratiqué.

En premier lieu, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints, ont la possibilité d'inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

- qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

- qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;

- qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ;

- ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire .

En deuxième lieu, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés, sur réquisitions écrites du procureur de la République, aux fins de rechercher et de poursuivre d'infractions qu'il précise . Le fait que ce contrôle révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions ne constitue toutefois pas une cause de nullité des procédures incidentes.

En troisième lieu, l'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les mêmes modalités, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens .

En quatrième lieu, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les mêmes modalités, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la convention de Schengen et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté . 220 ( * )

En dernier lieu, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi dans une zone comprise entre les frontières terrestres ou le littoral du département de la Guyane et une ligne tracée à vingt kilomètres en-deçà, et sur une ligne tracée à cinq kilomètres de part et d'autre, ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la commune de Régina .

Ces dernières dispositions ont été validées par le Conseil constitutionnel qui a estimé, dans sa décision du 22 avril 1997, que « les contrôles d'identité prévus sont régis, sous le contrôle du juge, par les conditions de forme et de fond auxquelles de telles opérations sont de manière générale soumises ; que ces opérations sont effectuées en vue d'assurer le respect des obligations, prévues par la loi, de détention, de port et de présentation de titres et documents ; que les zones concernées, précisément définies dans leur nature et leur étendue, présentent des risques particuliers d'infractions et d'atteintes à l'ordre public liés à la circulation internationale des personnes ; que dès lors la situation particulière du département de la Guyane au regard de l'immigration clandestine , a pu conduire le législateur à prendre les dispositions critiquées sans rompre l'équilibre que le respect de la Constitution impose d'assurer entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle » 221 ( * ) .

2. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le premier paragraphe (I) de cet article complèterait l'article 78-2 du code de procédure pénale par un dispositif temporaire applicable en Guyane et à Mayotte.

Pendant cinq ans à compter de la publication de la présente loi, l'identité de toute personne pourrait également être contrôlée en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi :

- en Guadeloupe , dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que dans une zone de un kilomètre de part et d'autre, d'une part, de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre, Gourbeyre et Trois-Rivières et, d'autre part, de la route nationale 4 sur le territoire des communes du Gosier et de Sainte-Anne et Saint-François.

Les zones concernées sont donc sensiblement identiques à celles dans lesquelles seraient autorisées, en application de l'article 70 du présent projet de loi, les visites sommaires de véhicules. Le périmètre retenu, qui couvrirait environ 73 % de la population guadeloupéenne, est en effet celui dans lequel les étrangers en situation irrégulière accostent sur les côtes guadeloupéennes et transitent par la suite pour se rendre dans les zones urbanisées où ils résident ou travaillent clandestinement ;

- à Mayotte , dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà .

Le périmètre retenu permet également d'exercer un contrôle dans des endroits où se concentre la majorité des clandestins qui arrivent par mer à Mayotte. Le périmètre retenu concernerait environ 88 % de la population mahoraise.

Au terme de la période de cinq ans, la possibilité de pratiquer ces contrôles d'identité deviendrait caduque, sauf à ce que le législateur, au vu des résultats de ces mesures et de la pression migratoire s'exerçant sur ces deux collectivités, ne décide d'en prolonger l'application à titre temporaire ou définitif.

Votre commission juge ces dispositifs spécifiques justifiés par la situation de l'immigration dans ces deux collectivités ultramarine. Entourés des garanties procédurales prévues pour les autres cas de contrôle d'identité, ces contrôles s'inscrivent dans le cadre juridique offert tant par l'article 73 que par l'article 74 de la Constitution, et délimité par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Le second paragraphe (II) de cet article, introduit à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement, procède à une coordination.

L'article 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité prévoit que les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale -concernant le contrôle d'identité dans la bande des 20 kilomètres- ne prendront effet qu'à la date d'entrée en vigueur de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990.

Le présent article 78 modifiant la structure du texte de l'article 78-2, l'Assemblée nationale a modifié l'article 3 de cette loi pour qu'il vise désormais les alinéas concernés. Toutefois, votre commission estime que l'article 3 peut faire l'objet d'une abrogation pure et simple dès lors que la convention de Schengen est entrée en vigueur en droit français depuis plusieurs années. Elle vous soumet, en conséquence, un amendement en ce sens.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 78 ainsi modifié.

* 220 Des dispositions particulières précisent le périmètre du contrôle sur la voirie autoroutière ainsi que dans les liaisons ferroviaires internationales.

* 221 Décision n° 91-389 DC du 22 avril 1997.

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