2. Les interrogations et les réserves soulevées par le troisième rapport du conseil d'orientation des retraites

Assurer l'avenir de l'assurance vieillesse suppose tout à la fois de réaliser des prévisions prudentes, de prendre des mesures courageuses et de les renouveler régulièrement.

Dans la perspective de 2008, les travaux du conseil d'orientation des retraites joueront probablement un rôle décisif dans la préparation de la future réforme. Le COR est en effet une instance de concertation et de débats, indépendante du Gouvernement, rassemblant des techniciens de l'assurance vieillesse, des syndicalistes, des personnalités qualifiées et des parlementaires. Au cours des dernières années, cet organisme a vu son rôle institutionnel sans cesse renforcé, au point de monopoliser presque l'expertise en matière d'assurance vieillesse.

En tant que membre du COR, votre rapporteur apprécie de pouvoir disposer de travaux de qualité dans des domaines très variés. C'est d'ailleurs précisément la raison pour laquelle les attributions de cet organisme ont été élevées au niveau législatif lors de la réforme des retraites de 2003. Pour autant, les responsables politiques doivent pouvoir conserver in fine leur liberté d'appréciation face aux avis des experts.

Malgré les indéniables mérites de cette institution, votre rapporteur regrette de s'être trouvé dans l'impossibilité de faire valoir ses observations à l'occasion de l'examen du projet de rapport sur les prospectives financières de l'assurance vieillesse sur la période 2005 à 2050 8 ( * ) .

Le troisième rapport du conseil d'orientation des retraites, publié le 29 mars 2006, suscite en effet à la fois des interrogations et des réserves.

Les auditions menées par votre rapporteur dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, avaient déjà montré le scepticisme de nombreux interlocuteurs sur les hypothèses retenues pour ces prospectives et les résultats qui en découlent. La question se pose notamment en ce qui concerne l'hypothèse retenue pour l'augmentation de la productivité (1,9 % par an) : choisir ce taux élevé permet certes de limiter la masse des pensions exprimée par rapport au PIB et de réduire les besoins prévisionnels de financement des caisses de retraite dans des proportions considérables, mais il dépasse largement la moyenne récente obtenue par l'économie française (1,1 % par an).

En outre, votre rapporteur s'inquiète particulièrement de l'interprétation qui pourrait être faite des passages de ce rapport du COR sur le taux de remplacement des assurés sociaux. Il est tout à fait préjudiciable d'afficher dans plusieurs tableaux, ainsi que dans les commentaires qui les accompagnent, un taux de remplacement supérieur pour un non-cadre du secteur privé à celui d'un administrateur de la fonction publique territoriale . C'est pourtant ce qui ressort du tableau suivant qui présente, de façon contestable, une projection jusqu'en 2050 :

Taux de remplacement nets à la liquidation à 65 ans et après 40 ans de cotisations, dans l'hypothèse d'indexation sur les prix et à taux de cotisation constants (1)

Génération

1938

1955

1985

Année de liquidation

2003

2020

2050

Non-cadre du secteur privé

Cnav

55,9 %

51,8 %

50,1 %

Arrco

27,6 %

25,0 %

23,3 %

Cnav + Arrco

83,6 %

76,8 %

73,5 %

Cadre du secteur privé

Cnav

26,9 %

23,8 %

23,1 %

Arrco

11,8 %

10,1 %

8,9 %

Agirc

25,4 %

22,8 %

21,2 %

Cnav + Arrco + Agirc

64,1 %

56,7 %

53,2 %

Fonctionnaire avec un taux de prime de 20 % (cas de l'attaché territorial)

CNRACL (*)

68,7 %

67,1 %

66,3 %

RAFP

0 %

1,4 %

2,9 %

CNRACL (*) + RAFP

68,7 %

68,5 %

69,2 %

(1) A partir de 2006

(*) Ou régime de la fonction publique d'Etat pour un fonctionnaire de l'Etat avec un taux de prime de 20 %.

Source : COR, 2005

Ces données risquent d'accréditer l'idée, aux yeux de l'immense majorité de nos concitoyens, que le système de retraite des trois fonctions publiques est globalement moins généreux que le régime général. Cette présentation des choses n'est pas conforme à la réalité et votre rapporteur ne peut accepter que le débat de 2008 sur les retraites s'engage sur ces bases.

Le fait d'accompagner ces hypothèses des éléments techniques sur lesquels elles sont construites n'empêchera pas l'opinion publique et la presse de ne retenir que l'information brute. Le rapport indique d'ailleurs lui-même que ces estimations sont établies en s'intéressant « uniquement à des personnes qui ont connu une carrière continue jusqu'à leur départ à la retraite, sans interruptions liées à des périodes de chômage ou d'inactivité, et qui n'ont été affiliées qu'à un seul régime de base ». Or, la probabilité statistique que cette condition se concrétise est très faible.

Votre rapporteur exprime toutefois son entière confiance au nouveau président du COR, Raphaël Hadas-Lebel, et formule le voeu que cette institution se montre plus réceptive à l'avenir aux observations des parlementaires qui siègent en son sein.

* 8 Cf. bulletin des commissions du Sénat du 1 er avril 2006 (session ordinaire 2006/2007) - communication du 28 mars 2006 de Dominique Leclerc sur les travaux du COR.

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