II. LA FRAGILITÉ DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE AU SEIN DE L'ASSURANCE VIEILLESSE

A. UNE SITUATION TRES VULNÉRABLE SUR LE PLAN INSTITUTIONNEL

1. Des relations complexes et déséquilibrées avec l'Etat

Les interrogations récentes, survenues quand est apparu le sujet de l'avenir des retraites de La Poste, ont mis une nouvelle fois en évidence la fragilité de la situation de la Cnav dans l'architecture du système de protection sociale. La presse avait en effet un temps annoncé qu'il était envisagé d'assurer le bouclage du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 à l'aide d'un versement anticipé de 700 millions d'euros de La Poste, en prévision d'un futur adossement au régime général 6 ( * ) . Il n'en a rien été. Votre rapporteur s'est d'ailleurs publiquement félicité le 28 septembre 2006, ainsi qu'Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, de la décision du Gouvernement de ne pas précipiter les conditions de cette opération.

Mais cet épisode illustre surtout la vulnérabilité du régime général, aussi bien dans ses rapports avec l'Etat, qu'avec les autres régimes sociaux. La gestion et la direction de la Cnav reposent, il est vrai, sur des règles de gouvernance classiques, mais faisant l'objet d'une mise en oeuvre subtile. Malgré les dispositions législatives et réglementaires gouvernant son statut, la caisse entretient dans les faits des relations complexes et déséquilibrées avec la puissance publique.

La Cnav est un établissement public national à caractère administratif disposant de la personnalité juridique et de l'autonomie financière (article L. 222-4 du code de la sécurité sociale). Elle est placée sous le contrôle de l'Etat qui l'exerce par l'intermédiaire des commissaires du Gouvernement. Le législateur lui a confié (article L. 222-1 du même code) la mission d'assurer la gestion de l'assurance vieillesse et d'exercer une action sanitaire et sociale en faveur des assurés sociaux. En conséquence, elle « propose par l'intermédiaire de son conseil d'administration, toute mesure, notamment dans le cadre de l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui lui paraît nécessaire pour garantir dans la durée l'équilibre financier de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés. »

Son instance dirigeante la plus importante est le conseil d'administration de la caisse qui est composé (article L. 222-5) de trente membres, dont treize représentants des syndicats, treize représentants des employeurs et quatre personnes qualifiées. Ce conseil « règle par ses délibérations les affaires de la caisse soit sur proposition de son président, de ses membres ou du directeur, soit sur l'initiative du ministre chargé de la sécurité sociale. » (article R. 224-1). On retrouve ici une rédaction inspirée, dans un tout autre domaine, de la loi du 5 avril 1884 sur les communes. Le conseil d'administration dispose donc d'une clause générale de compétence, à laquelle s'ajoutent des pouvoirs de délibération en matière budgétaire.

Les services administratifs de la Cnav sont placés sous la responsabilité d'un directeur nommé par décret, pris sur le rapport du ministre chargé de la sécurité sociale, après avis du président du conseil d'administration de l'organisme concerné (article R. 224-6). Il a pour mission d'assurer le fonctionnement de la Cnav sous le contrôle du conseil d'administration, d'exécuter les décisions du conseil d'administration et de préparer les projets de budgets.

Le conseil de surveillance de la Cnav est composé (article R. 228-3). de vingt-sept membres, dont six parlementaires, trois représentants des retraités et des personnes âgées, quatre personnalités qualifiées et douze représentants des organisations oeuvrant dans le domaine économique, sanitaire ou social, désignés par le ministre chargé de la sécurité sociale. Mais il s'agit d'une instance purement consultative (article R. 228-10) qui ne peut qu'émettre des recommandations qui sont rendues publiques.

Malgré ce statut juridique législatif et réglementaire, la question se pose de savoir si l'Etat pourrait imposer à la Cnav une décision désapprouvée par son conseil d'administration. Le régime général est en effet placé sous la tutelle pesante de l'Etat qui intervient parfois de facto dans la gestion des grands équilibres. Ceci explique probablement que, contrairement aux régimes complémentaires, la Cnav n'ait pas été dotée d'une clause de rendez-vous dans les conventions d'adossement qu'elle a signées avec la Caisse des industries électriques et gazières. Votre commission observe également que le régime général n'a jamais demandé au FSV le paiement des frais financiers que lui occasionnent ses retards de paiement.

Le ministère des finances semble en effet considérer que le montant des cotisations prises en charge par l'Etat (1,1 milliard d'euros en 2006) par le fonds de solidarité vieillesse (7,6 milliards d'euros) et les produits de la contribution sociale généralisée, des impôts et taxes affectés (5,9 milliards d'euros), soit au total environ 17,5 % des recettes de la caisse, justifie bien davantage qu'un droit de regard étendu sur sa gestion financière. Lors des débats parlementaires de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, Patrick Devedjian, alors ministre délégué à l'industrie, avait ainsi souligné en ces termes la spécificité du régime général :

« Sur le fond (...) je voudrais souligner que la situation de la Cnav est différente de celle de l'Agirc et de l'Arrco. En effet, la Cnav est un régime par annuités et non par points. Cette caisse ne présente donc pas un équilibre structurel identique à celui de l'Agirc et de l'Arrco, du moins à moyen terme. Il y a participation à un système de compensation avec d'autres régimes : c'est la compensation généralisée. Enfin, s'agissant des ressources, les cotisations en constituent environ les deux tiers dans le cas de la Cnav, contre 100 % dans le cas de l'Agirc et de l'Arrco. Ces différences, on le voit bien, peuvent rendre difficile l'application uniforme de méthodes qui seraient déterminées à l'avance. »

En définitive, l'autonomie toute relative du régime général d'assurance vieillesse n'est confortée que par la force de caractère de sa présidente, Danièle Karniewicz et par l'esprit de responsabilité des membres de son conseil d'administration.

* 6 Communiqué de presse du 28 septembre 2006.

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