II. LES COMPTES SPÉCIAUX « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ETAT » ET « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ETAT »

A. UNE ORGANISATION RÉNOVÉE

1. Création, nature et fonction des deux comptes

a) Des créations de la LFI pour 2006 procédant d'origines différentes

Les comptes spéciaux « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » et « Participations financières de l'Etat », situés en dehors du budget général, ont été institués, respectivement, par les articles 47 et 48 de la LFI pour 2006 .

(1) Le compte « Participations financières de l'Etat » était expressément prévu par la LOLF

L'enjeu spécifique de la gestion du patrimoine financier de l'Etat a justifié la mention expresse, dans la LOLF, de l'existence d'un compte spécial dédié. Aux termes du deuxième alinéa du I de l'article 21 de la loi organique, « les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat , à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale ».

La création par la LFI pour 2006 du compte « Participations financières de l'Etat » résulte directement de la mise en oeuvre cette disposition. Ce compte a pris la suite du compte n° 902-24, « Compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés », abrogé.

(2) Le compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » a été créé ex nihilo sous l'impulsion parlementaire

Le compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », qui n'avait pas d'équivalent sous l'empire de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 et dont la LOLF n'avait pas prévu l'existence, constitue une innovation de la loi de finances rectificative pour 2005 (loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, article 8, qui a institué ce compte a posteriori pour l'exercice 2005) et de la LFI pour 2006. Le législateur, par cette création, a entendu doter d'un outil de pilotage la politique de valorisation et de mobilisation du patrimoine immobilier de l'Etat menée par le gouvernement depuis 2003, et conçue comme un élément important de la réforme de l'Etat lui-même.

On doit rappeler que c'est sous l'impulsion des travaux du Parlement que cet outil a été introduit.

Les travaux du Parlement précurseurs du compte spécial

« Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat »

Au Sénat, un débat sur la gestion du patrimoine immobilier du ministère des affaires étrangères s'est tenu en séance publique le 10 mai 2005 ( JO débats Sénat , 10 mai 2005, p. 3629 et suivantes). Ce débat faisait suite au contrôle budgétaire de notre ancien collègue Jacques Chaumont sur l'outil diplomatique en Turquie (rapport d'information n° 395, 2003-2004). Il avait été inscrit à l'ordre du jour du Sénat à l'initiative de notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial sur la mission « Action extérieure de l'Etat », qui s'est situé dans la continuité de ces travaux. De ces derniers, ressortait notamment la nécessité d'une politique immobilière de l'Etat fortement centralisée.

A l'Assemblée nationale, le rapport de notre collègue député Georges Tron , en conclusion d'une mission d'évaluation et de contrôle, « sur la gestion et la cession du patrimoine immobilier de l'Etat et des établissements publics », a été publié le 6 juillet 2005 (rapport d'information n° 2457, XII e législature). Ce rapport pointait l'insuffisance du pilotage de la politique immobilière de l'Etat, et les surcoûts résultant des effets induits (sous-occupation des locaux disponibles, entretien insuffisant, accroissement tendanciel du parc, etc.).

b) Des comptes d'affectation spéciale dont le régime n'est pas exactement identique
(1) Des comptes d'affectation spéciale, instruments de la gestion patrimoniale de l'Etat

Les comptes « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » et « Participations financières de l'Etat » sont des comptes d'affectation spéciale au sens de l'article 21 de la LOLF : ils retracent « des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ». Ni l'un ni l'autre de ces comptes ne résume la gestion patrimoniale de l'Etat à laquelle ils renvoient respectivement, mais ils en constituent un instrument particulièrement important.

(a) Le compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », support des cessions immobilières de l'Etat propriétaire

Tel que l'a organisé, notamment, la LFI pour 2006, le compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » fait apparaître :

- en recettes, le produit des cessions des biens immeubles de l'Etat (lequel figure au titre des recettes non fiscales dans l'annexe « Evaluation des voies et moyens » jointe aux projets de LFI, ligne 2211) ;

- en dépenses, celles requises en termes d'investissement et de fonctionnement à la suite d'opérations de cession, d'acquisition ou de construction d'immeubles réalisées par l'Etat .

Le compte a également vocation à retracer, en recettes comme en dépenses, des transferts avec le budget général de l'Etat , qu'il s'agisse, en pratique, de versements dans le cadre d'opérations immobilières (avances, par exemple) ou de restitutions à l'Etat d'une part non prédéterminée par la loi du produit des cessions immobilières, afin de contribuer au désendettement.

Désormais, avec la réforme du service des domaines, les schémas pluriannuels de stratégie immobilière des ministères et l'introduction de loyers budgétaires ( sur l'ensemble de ces mesures, voir l'encadré ci-dessous ), le compte « Gestion immobilière de l'Etat » peut être considéré comme l'un des piliers de la politique de rationalisation du patrimoine immobilier de l'Etat . Il constitue en effet un véritable « tableau de suivi » des opérations de cessions et, en particulier, retrace la part du produit de ces ventes affectée au désendettement public .

Les nouveaux instruments de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat

Outre le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » , support de la politique de cessions immobilières actuellement mise en oeuvre, le gouvernement a mis en place, en 2005 et 2006, plusieurs instruments destinés à permettre de rationaliser et dynamiser la gestion de l'Etat en la matière.

La réforme du service des domaines, devenu le 1 er février 2006 le service France Domaine , a fait de celui-ci l'opérateur immobilier de l'Etat, incarnant la fonction d'Etat propriétaire (par opposition aux administrations occupantes). Ses missions ont été élargies en conséquence, qui ne se limitent plus aux tâches d'évaluation patrimoniale et de rédaction des actes, mais consistent dans une mission générale de conception et de mise en oeuvre de la politique immobilière de l'Etat , en procédant aux arbitrages requis. France Domaine, de la sorte, met en oeuvre le programme de cessions immobilières (dont les méthodes tendent à se moderniser) et les loyers budgétaires, assiste les administrations centrales dans la définition de leurs stratégies immobilières... Placé sous l'autorité du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat et, au plan local, sous celle des préfets, le service est actuellement rattaché à la direction générale des impôts. A partir du 1 er janvier 2007, il sera transféré à la direction générale de la comptabilité publique, notamment afin de rapprocher la gestion immobilière des autres chantiers de modernisation de l'Etat conduits par cette direction, et de bénéficier de son positionnement interministériel.

Un conseil de l'immobilier de l'Etat a été installé le 19 juin 2006 , bien que son décret institutif ne soit paru au Journal officiel que le 18 octobre 2006 (décret n° 2006-1267 du 16 octobre 2006). Aux termes de ce texte, la nouvelle instance, créée pour cinq ans, « suit et évalue pour le compte du ministre chargé du domaine l'avancement de la démarche de modernisation et l'évolution du parc immobilier de l'Etat » et « formule régulièrement au ministre chargé du domaine des recommandations et des préconisations opérationnelles pour améliorer la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ». Le conseil est composé de deux députés : nos collègues Georges Tron, qui en assure la présidence, et Jean-Louis Dumont ont été désignés par l'Assemblée nationale, et de deux sénateurs : notre collègue Adrien Gouteyron et votre rapporteur spécial ont été désignés par le Sénat ; il comprend également des représentants de professionnels de l'immobilier et une personnalité étrangère qualifiée.

Des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) ont été élaborés par chaque ministère en ce qui concerne leur administration centrale. Ces documents, à présent tous finalisés, déclinent au cas par cas, sur cinq ans, à partir d'un diagnostic intégrant les données nécessaires à la gestion (en particulier les ratios d'occupation), les orientations d'optimisation et de modernisation décidées par le gouvernement. En 2007, le dispositif sera étendu aux services déconcentrés. Décrivant une démarche de restructuration, axée sur l'objectif de réduire la dépense immobilière et définie avec l'assistance du service France Domaine et en concertation avec le conseil de l'immobilier de l'Etat, les SPSI doivent déboucher sur la cessions d'immeubles inoccupés ou mal adaptés aux besoins des administrations occupantes.

Les loyers budgétaires, introduits par la LFI pour 2006 , à titre d'expérimentation, pour trois ministères (le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et le ministère de la justice) et concernant 178 immeubles effectivement occupés, se trouvent généralisés pour 2007, par le présent projet de loi de finances, à l'ensemble des administrations centrales situées en Ile-de-France (257 immeubles) ; ils doivent être étendus, ultérieurement, à tous les services, notamment les services déconcentrés. Dans la LFI pour 2006, ces loyers ont été calculés sur la base des valeurs patrimoniales inscrites au tableau général des propriétés de l'Etat (TGPE, par ailleurs mis à jour et consolidé), auxquelles ont été appliquées le taux de 5,12 %, qui correspond au taux moyen de remboursement de la dette de l'Etat mais reste inférieur à celui du marché (6 %). Dans le présent projet de loi de finances, ce taux est relevé à hauteur de 5,4 %. Sa mise en oeuvre conduira à une masse globale de loyers budgétaires, en 2007, d'un peu plus de 300 millions d'euros.

Parallèlement, France Domaine conclura, avec chaque ministère, des conventions retraçant les droits et obligations de l'administration occupante , sorte de « baux » dont les loyers budgétaires feront partie intégrante. Ce dispositif, qui a vocation à responsabiliser les gestionnaires, concrétisera la décision annoncée par le Président de la République, le 6 janvier 2006, à Metz, de mettre fin au régime de l'affectation domaniale gratuite.

(b) Le compte « Participations financières de l'Etat », support des opérations patrimoniales de l'Etat actionnaire

Le compte « Participations financières de l'Etat », conformément à l'organisation qui en a été décidée par la loi de finances pour 2006, retrace :

en recettes :

a) tout produit des cessions par l'Etat de titres, parts ou droits de sociétés qu'il détient directement ;

b) les produits des cessions de titres, parts ou droits de sociétés détenus indirectement par l'Etat qui lui sont reversés ;

c) les reversements de dotations en capital, produits de réduction de capital ou de liquidation ;

d) les remboursements des avances d'actionnaires et créances assimilées ;

e) les remboursements de créances résultant d'autres interventions financières de nature patrimoniale de l'Etat ;

f) des versements du budget général ;

en dépenses :

a) les dotations à la Caisse de la dette publique et celles contribuant au désendettement d'établissements publics de l'Etat (la formule est destinée à couvrir, notamment, les versements à la CADES, et permet d'y associer les apports aux établissements publics qui ne reflètent pas un placement de nature patrimoniale lesquels, au sens de la comptabilité européenne, désignent désormais les seuls investissements assortis d'une réelle perspective de rentabilité) ;

b) les dotations au Fonds de réserve pour les retraites (cette mention expresse dans la nomenclature du compte résulte d'un amendement au projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative conjointe de sa commission des finances et de plusieurs de nos collègues députés 17 ( * ) ) ;

c) les augmentations de capital , les avances d'actionnaire et prêts assimilés, ainsi que les autres investissements financiers de nature patrimoniale de l'Etat ;

d) les achats et souscriptions de titres, parts ou droits de société ;

e) Les commissions bancaires, frais juridiques et autres frais qui sont directement liés aux opérations de cessions par l'Etat de titres, parts ou droits de sociétés qu'il détient, ainsi qu'aux deux dernières séries d'opérations mentionnées (2°, c et d).

Ainsi configuré, le compte « Participations financières de l'Etat », à l'instar du compte n° 902-24 auquel il a succédé, ne retrace pas directement la politique menée par le gouvernement en direction des entreprises qu'il contrôle . Cette politique fait l'objet du Rapport relatif à l'Etat actionnaire , « jaune » budgétaire annexé aux projets de loi de finances depuis 2001 (en application de l'article 142 modifié de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques). Le compte présente seulement les opérations en capital relatives aux établissements et entreprises dans lesquels l'Etat détient des participations .

En particulier, dans la mesure où il ne concerne pas, conformément aux dispositions précitées de l'article 21 de la LOLF, la gestion courante, ce compte ne fait pas apparaître, normalement, les recettes de dividendes . Celles-ci figurent au titre des recettes non fiscales dans l'annexe « Evaluation des voies et moyens » jointe aux projets de loi de finances (lignes 2110 et 2116, respectivement « Produits des participations de l'Etat dans des entreprises financières » dont la Caisse des dépôts et consignations constitue l'essentiel et « Produits des participations de l'Etat dans des entreprises non financières et bénéfices des établissements publics non financiers »).

Le patrimoine de l'Etat actionnaire

Le répertoire établi annuellement par l'INSEE, sur la base d'une enquête annuelle de mise à jour, révèle que l'Etat, au 31 décembre 2004 (plus récentes statistiques définitives disponibles), contrôlait majoritairement, directement ou indirectement, quelques 1.307 entreprises, dont 96 sociétés de premier rang. Au 31 décembre 2005, selon les données provisoires de l'INSEE, l'Etat aurait contrôlé 1.143 entreprises, dont 96 de premier rang . La valeur moyenne du portefeuille des participations cotées de l'Etat, fin octobre 2006, était estimée à environ 130 milliards d'euros.

Alors que la LFI pour 2006 a estimé le produit des participations financières de l'Etat (ligne de recettes non fiscales 2116, dividendes perçus au titre de l'exercice 2005) à hauteur de 2,49 milliards d'euros, ces dividendes devraient en réalité s'élever à plus de 3,5 milliards d'euros , selon le Rapport relatif à l'Etat actionnaire annexé au présent projet de loi de finances. La progression s'avère de 20 % par rapport à l'exercice antérieur : au titre de l'année 2004, en effet, ce produit (recette du budget 2005) s'était établi à 2,8 milliards d'euros (l'année précédente, il n'avait pas dépassé le montant de 1,2 milliard d'euros). Dans le présent projet de loi de finances, pour 2007, ce produit est estimé à près de 5,12 milliards d'euros, soit un gain supérieur de près de la moitié à celui de 2006 .

(2) La limitation des versements du budget général aux recettes des comptes d'affectation spéciale ne concerne pas le compte « Participations financières de l'Etat »

Selon le premier alinéa du I de l'article 21, précité, de la LOLF, les recettes des comptes d'affectation spéciale, en principe, peuvent être complétées par des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte . Les comptes d'affectation spéciale, de fait notamment les comptes « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » et « Participations financières de l'Etat », on l'a signalé prévoient une ligne, en recettes, destinée à retracer d'éventuels versements du budget général.

Le deuxième alinéa de la même disposition, cependant, lève expressément cette limitation des versements du budget général au profit du compte retraçant les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat. En effet, le législateur organique a tenu compte de la nécessité d'assurer en toutes circonstances, en vue de dotations aux entreprises publiques, un niveau de recettes suffisant sur le compte qui constitue l'unique support de ces dotations 18 ( * ) .

L'hypothèse d'un complément en provenance du budget général, toutefois, dans l'esprit des textes comme pour votre commission des finances, doit évidemment rester exceptionnelle , qu'il s'agisse d'un versement dans la limite de 10 % des crédits initiaux, suivant le droit commun des comptes d'affectation spéciale, ou a fortiori qu'il s'agisse d'un versement qui, au bénéfice des recettes du compte « Participations financières de l'Etat », excèderait cette proportion.

* 17 Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) a été institué par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, modifiée par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Aux termes exprès de l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, ce fonds constitue un établissement public de l'Etat à caractère administratif, et il a pour mission de « gérer les sommes qui lui sont affectées afin de constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes de retraite ». Les ressources du FRR sont composées des excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), de tout ou partie des excédents du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de 65 % de la contribution de 2 % sur les revenus de placements et de patrimoine, de ressources exceptionnelles telles que les recettes de privatisation qui lui sont affectées, et du produit des placement effectués pour son compte. Ces ressources sont mises en réserve jusqu'en 2020, au profit des régimes obligatoires d'assurance vieillesse. A la fin de l'année 2005, les réserves ainsi constituées sur le Fonds s'élevaient à environ 23 milliards d'euros en valeur 2003. Il convient de rappeler que l'objectif fixé, pour 2020, lors de la création de l'établissement, était de 1.000 milliards de francs, soit environ 160 milliards d'euros en valeur 2003.

* 18 Hors le compte retraçant les opérations patrimoniales de l'Etat actionnaire, la LOLF n'a aménagé une telle dérogation au principe de limitation des versements du budget général aux comptes d'affectation spéciale qu'en faveur du compte retraçant les opérations relatives aux pensions , explicitement prévu, lui aussi, par le législateur organique.

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