IV. L'AFFIRMATION DE CERTAINES PRIORITÉS

Les violences commises au sein du couple

L'Assemblée nationale a adopté les dispositions du projet de loi telles que modifiées par le Sénat. Elle a approuvé en particulier l'équilibre recherché par notre assemblée dans la formulation retenue pour la levée du secret médical, possible sans l'accord de la victime lorsque celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.

Les députés ont complété ces mesures en permettant aux associations de lutte contre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe de se porter partie civile non seulement dans le cas de provocations aux violences commises à raison du sexe de la victime mais aussi pour toutes les provocations de violence.

Votre commission n'estime pas justifié d'élargir le champ d'action de ces associations au-delà de l'objet spécifique pour lequel elles sont constituées mais vous proposera en revanche de réparer des omissions ponctuelles de la législation en matière de lutte contre les discriminations ou de diffamations ( article 16 ).

Le dispositif consacré à l'hospitalisation d'office

L'Assemblée nationale a approuvé pour l'essentiel les articles 18 à 24 dans leur rédaction issue du Sénat sous réserve de quelques modifications :

- à l' article 18 , le Sénat avait prévu que le procureur de la République devait être averti des sorties d'essai dont bénéficient les personnes placées sous le régime de l'hospitalisation d'office.

Les députés ont souhaité cependant limiter cette information au cas des personnes qui ont fait l'objet d'une hospitalisation d'office après une décision de non lieu, relaxe ou un acquittement fondé sur leur irresponsabilité pénale ;

- à l' article 19 , le Sénat, contre l'avis de votre commission des lois et du Gouvernement, avait prévu de réserver au seul directeur départemental des affaires sanitaires et sociales la consultation directe des données du traitement national concernant les personnes ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office -le préfet ainsi que les personnes désignées par lui n'en étant que les destinataires.

Les députés sont revenus à la position préconisée par votre commission en première lecture en rétablissant la faculté pour le préfet d'accéder directement au fichier. En outre, reprenant dans une rédaction légèrement différente deux initiatives du Sénat, ils ont, d'une part, précisé la finalité de l'accès direct au fichier - « faciliter le suivi et l'instruction des mesures d'hospitalisation d'office »- et d'autre part, comme l'avait souhaité la Commission nationale informatique et liberté, renforcé les garanties concernant les personnes appelées à accéder en pratique au fichier en rappelant qu'elles devaient être individuellement désignées et dûment habilitées par les autorités prévues par la loi ;

- à l' article 22 , le projet de loi initial a institué une période d'observation de soixante-douze heures à la suite de la décision d'hospitalisation d'office prise par le maire -période au cours de laquelle deux certificats médicaux sont transmis au préfet par le directeur de l'établissement d'accueil, le premier dans un délai de vingt-quatre heures, le second à l'expiration des soixante-douze heures.

Au vue de ce dernier certificat, le préfet peut prononcer, par arrêté, la confirmation de l'hospitalisation d'office. L'Assemblée nationale a modifié ce dispositif en prévoyant que cette confirmation pourrait intervenir au vu de chacun de ces certificats médicaux afin de permettre au préfet, le cas échéant, de lever la décision d'hospitalisation au terme des premières vingt-quatre heures. Outre que la préoccupation ainsi exprimée est satisfaite par la possibilité reconnue au préfet par l'article 21 du projet de loi de décider la levée anticipée de la mesure, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale a pour effet, certes non souhaité, de permettre au préfet de confirmer l'hospitalisation d'office au vu du premier certificat. Or, il est indispensable que cette confirmation intervienne au terme de la période d'observation de soixante-douze heures qui, conformément aux recommandations des différentes missions d'évaluations sur le dispositif de l'hospitalisation sous contrainte, a pour objet d'établir un diagnostic mieux assuré et de réserver l'hospitalisation d'office aux seules personnes qui relèvent réellement de ce régime.

Votre commission vous propose donc par un amendement de revenir à la rédaction initiale du projet de loi.

Par ailleurs, parallèlement à l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé sous la forme d'un article additionnel adopté dans le cadre d'un projet de loi relatif aux professions de santé 1 ( * ) de légiférer par ordonnance pour modifier les dispositions législatives relatives à l'hospitalisation sous contrainte. Votre commission s'est saisie pour avis de cette habilitation examinée le 21 décembre 2006 par le Sénat. Cette initiative du Gouvernement permet de répondre à deux séries de critiques adressées aux articles 18 à 24 du projet de loi.

En premier lieu, les représentants des psychiatres et des associations des (ex) patients de la psychiatrie et de leurs familles s'étaient émus des risques de confusion entre maladie mentale et délinquance.

S'il est souhaitable de laisser au Parlement la possibilité de poursuivre le débat sur les dispositions relatives à l'hospitalisation d'office, les articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance pourront être disjoints avant l'adoption définitive de ce texte dès lors que l'ordonnance prise par le Gouvernement traitera ces questions.

Ensuite, l'ensemble des acteurs intéressés avaient regretté lors des auditions organisées par votre rapporteur dans le cadre de l'examen en première lecture du présent projet de loi, que le texte ne modifie que l'hospitalisation d'office alors que l'ensemble du système de l'hospitalisation sous contrainte appelait une refonte. Votre commission s'était fait l'écho de ces préoccupations et, conformément à l'engagement pris alors par M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, la réforme d'ensemble attendue pourra être engagée dans le cadre de l'habilitation donnée au Gouvernement. Enfin, le choix de cette procédure permet de poursuivre la concertation indispensable avec toutes les parties intéressées.

Le renforcement de la lutte contre la toxicomanie et certaines pratiques addictives

Les députés ont largement approuvé les dispositions du texte consacrées à la lutte contre la toxicomanie et aux pratiques addictives dans la rédaction issue du vote du Sénat.

Cependant, alors que le Sénat avait rétabli l'enquête sur la vie familiale, professionnelle et sociale du bénéficiaire d'une injonction thérapeutique, abrogée par le projet de loi initial, à condition que le médecin-relais en ait fait la demande, l'Assemblée nationale a supprimé l'automaticité de l'enquête en cas de demande du médecin-relais. En cas de refus de l'autorité sanitaire, l'autorité judiciaire tranchera sur son opportunité ( article 27 ).

Poursuivant l'action du Sénat, qui avait étendu la liste des personnes passibles de sanctions aggravées en cas d'usage de produits stupéfiants dans l'exercice de leurs fonctions -personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public, personnels des entreprises de transport public de voyageurs, aussi de marchandises, qu'elles exercent ou non une mission de service public, tout en précisant que les seuls personnels de transport visés étaient ceux exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport-, l'Assemblée nationale a ajouté les travailleurs mis à disposition de l'entreprise de transport par une entreprise extérieure.

L' Assemblée nationale a ensuite avalisé la réorganisation des peines complémentaires effectuée par le Sénat -identité des peines complémentaires en cas d'usage de stupéfiants aggravé ou de refus de se soumettre à des épreuves de dépistage, suppression de la possibilité de prononcer des « permis blancs » , c'est-à-dire autorisant à conduire dans le seul cadre professionnel les condamnés à une suspension de permis de conduire, ajout de deux nouvelles peines complémentaires : l'interdiction de conduire tout véhicule terrestre à moteur et l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière à sa charge. Elle a ajouté la suspension des titres de conduite de navires de plaisance à moteur et l'interdiction d'en solliciter la délivrance pendant trois ans ( article 28 ).

L'Assemblée nationale a ensuite clarifié, à la suite du Sénat, les dispositions relatives à la provocation à l'usage ou au trafic de produits stupéfiants, suivie ou non d'effet, dirigées vers un mineur ou commises dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration et aux abords de ceux-ci lors des entrées ou des sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci ( article 28 ).

Elle a par ailleurs avalisé la suppression par le Sénat de l'exigence d'un accord du bénéficiaire de l'injonction thérapeutique prononcée par le procureur de la République ( article 29 ).

Cependant, alors que le Sénat avait supprimé la limitation de la durée de l'injonction thérapeutique à une durée de six mois, renouvelable une fois, introduite par le projet de loi, l'Assemblée nationale a limité la durée de la mesure d'injonction thérapeutique à six mois, renouvelable trois fois, afin de permettre le constat de l'extinction de l'action publique ( article 29 ).

L'Assemblée nationale a ensuite autorisé le juge des libertés et de la détention à décider une mesure d'injonction thérapeutique, tout en s'opposant à la généralisation de la compétence du juge de l'application des peines en matière de suivi de l'application de l'injonction thérapeutique, en rappelant que sa compétence était actuellement circonscrite aux obligations de soins prescrites dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve, et en arguant du caractère réglementaire de cette disposition ( article 29).

Elle a par ailleurs adopté sans modification l'extension de la procédure de l'ordonnance pénale aux délits d'usage de stupéfiants, cette extension ayant cependant été limitée par le Sénat à l'usage simple ( article 31 ), ainsi que les dispositions tendant à permettre aux enquêteurs de procéder à des « coups d'achat » en matière de répression du trafic de stupéfiants ( article 32 ).

L'Assemblée nationale a ensuite prévu un décret en Conseil d'Etat définissant les modalités d'agrément des associations dispensant le stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants ( article 33 ).

Elle a enfin renoncé à retenir comme circonstance aggravante le fait de commettre des violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou une personne vulnérable sous l'emprise manifeste d'un produit stupéfiant ou en état d'ivresse manifeste, en rappelant que le caractère habituel des violences et la qualité de la victime constituaient déjà deux circonstances aggravantes ( article 34 ).

La délinquance des mineurs

Les députés ont approuvé les dispositions du texte consacrées à la délinquance des mineurs dans la rédaction issue du vote du Sénat et, en particulier, la mise en place de la nouvelle procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs.

Ils ont par ailleurs porté de six mois à un an la durée maximale des mesures de composition pénale estimant que cet allongement s'accordait mieux à certaines obligations comme le suivi régulier d'une scolarité ( article 35 ).

L'Assemblée nationale a adopté sans modification la création d'une mesure d'activité de jour consistant en des activités d'insertion scolaire ou professionnelle pour les mineurs délinquants, ainsi que la limitation du nombre d'admonestations ou de remises à parents ordonnées à l'égard d'un mineur dans une même année ( article 36 ).

Elle a ensuite modulé la durée du nouveau placement visant à permettre la mise en oeuvre d'un travail psychologique, éducatif et social sur les faits commis, en prévoyant que sa durée maximale serait maintenue à un mois pour les mineurs de dix à treize ans, mais pourrait atteindre une durée de trois mois, renouvelable une fois, s'agissant des autres mineurs ( article 39 ).

L'Assemblée nationale a par ailleurs adopté sans modification la faculté pour le tribunal pour enfants, en cas d'ajournement du prononcé d'une mesure éducative ou d'une peine, d'ordonner une mesure d'activité de jour ( article 40 ), ainsi que la possibilité de placer un mineur en centre éducatif fermé dans le cadre d'un placement à l'extérieur, modalité d'exécution des peines privatives de liberté ( article 41 ).

Elle a ensuite avalisé la position du Sénat consistant à laisser la juridiction apprécier l'opportunité de mettre ou non à la charge du condamné les stages de sensibilisation à la sécurité routière et les stages de responsabilité parentale ( article 44 ) ;

L'Assemblée nationale a enfin adopté sans modification la disposition prévoyant que la mesure d'assistance éducative imposant la fréquentation d'un établissement peut se faire sous le régime de l'internat ( article 45 ).

Surtout, l'Assemblée nationale a étendu la portée de la disposition actuellement prévue par l'ordonnance du 2 février 1945 permettant au juge de déroger au principe de l'atténuation de la responsabilité pénale pour les mineurs de plus de seize ans. Les députés ont décidé d'abord de ne plus faire mention au caractère « exceptionnel » de cette dérogation, ensuite, d'en étendre le champ d'application aux auteurs d'infractions violentes en situation de récidive et, enfin, de supprimer à l'égard de cette catégorie de délinquants l'obligation, pour le juge, de motiver spécialement sa décision de ne pas atténuer la responsabilité pénale ( article 39 bis ).

* 1 Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

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