ANNEXE 2 : COMPTE-RENDU DU DÉBAT D'ORIENTATION SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE

La commission a ensuite procédé à un débat d'orientation sur le projet de loi organique n° 125 (2006-2007) relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.

Après avoir évoqué les principales dispositions du projet de loi organique (allongement de la durée du stage avocat accompli lors de la formation initiale, obligation de formation continue, nouvelles règles de mobilité calquées sur celles applicables aux anciens élèves de l'ENA), M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, notant le fossé grandissant entre les avocats et les magistrats, préjudiciable au bon fonctionnement de l'institution judiciaire, a jugé opportune l'initiative des députés de porter à six mois la durée du stage avocat. Il a néanmoins envisagé de modifier légèrement cette durée afin de ne pas augmenter la durée globale de la formation initiale.

Il a souligné l'intérêt d'ouvrir la magistrature à la société civile et a proposé d'alléger les conditions de recrutement des magistrats exerçant à titre temporaire. Abordant la définition de la faute disciplinaire proposée par le texte pour en clarifier la portée au regard des actes juridictionnels, il a indiqué qu'il réfléchissait à un dispositif permettant d'une part de ne pas introduire une confusion entre l'exercice des voies de recours et le pouvoir d'appréciation du CSM en matière disciplinaire, d'autre part de sanctionner plus efficacement les défaillances graves d'un magistrat, sans attendre la fin d'une procédure.

Jugeant trop complexe la procédure d'examen des réclamations des justiciables par le Médiateur de la République dont la saisine serait en outre soumise au filtrage des parlementaires, il a souhaité que ces réclamations soient examinées par un organisme indépendant, nommé par le garde des sceaux et chargé de transmettre à ce dernier les plaintes qui paraîtraient fondées. Soulignant l'intérêt d'un organisme collégial composé de personnalités ayant l'expérience du monde judiciaire pour examiner ces réclamations, il a fait valoir, en outre, que le Médiateur ne disposait pas des moyens nécessaires pour instruire les plaintes des justiciables dont il pourrait être saisi.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a souligné la nécessité que les plaintes des justiciables mettant en cause le comportement d'un magistrat fassent l'objet d'un examen effectif, et le cas échéant, donnent lieu à des poursuites disciplinaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur , souscrivant à la démarche des députés tendant à instituer une obligation de mobilité extérieure, a suggéré un assouplissement du dispositif, afin d'autoriser l'accomplissement de la mobilité dès quelques années d'exercice et sur une ou deux années.

Evoquant ensuite la procédure de suspension des magistrats dont le comportement serait pathologique, il a jugé souhaitable la création d'un comité médical national, les comités départementaux, non spécialisés, ne prenant pas suffisamment en compte les spécificités de la magistrature.

M. Patrice Gélard, président, a signalé que plus de 45 % des réclamations reçues par le Médiateur à son siège parisien lui étaient adressées directement, sans passer par un parlementaire. Il s'est montré circonspect sur l'instauration d'une saisine préalable du Médiateur par les parlementaires pour l'examen des plaintes des justiciables mettant en cause le comportement des magistrats, estimant que ce filtre pourrait les mener à des appréciations portant atteinte à la séparation des pouvoirs.

Après s'être interrogé sur la valeur ajoutée des innovations proposées par le texte au regard du droit actuel, notamment s'agissant du dispositif concernant la faute disciplinaire , M. Pierre Fauchon a craint que l'intervention du Médiateur de la République ne complique inutilement la procédure. Il a fait valoir qu'il serait plus opportun de s'appuyer sur les structures existantes, telles que le corps d'inspection judiciaire et les chefs de cour, plutôt que de renforcer les prérogatives du Médiateur, dont le rôle essentiel consiste à intervenir pour trouver en équité une solution à des dysfonctionnements administratifs, après que les démarches entreprises par les usagers furent demeurées infructueuses. Considérant que la mission dévolue par le texte au Médiateur de la République dénaturait son statut, il a affirmé le rôle fondamental des chefs de cour d'appel dans la prévention et le traitement des manquements professionnels des magistrats et plus généralement en matière de déontologie. A cet égard, il a souhaité que les chefs de cour fassent un usage plus actif de la faculté de saisir le Conseil Supérieur de la Magistrature en matière disciplinaire, ouverte par la réforme statutaire du 25 juin 2001. Il a également suggéré un renforcement des corps d'inspection.

Sceptique quant aux apports du texte concernant la définition de la faute disciplinaire , M. Jean-René Lecerf a constaté qu'il n'était pas envisagé de sanctionner l'erreur grossière et manifeste d'appréciation des magistrats.

M. François Zocchetto, faisant observer que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale conduisait à une mobilité statutaire trop tardive dans la carrière, a estimé que l'ouverture et l'enrichissement attendus d'une telle mobilité devraient plutôt intervenir en début de carrière, pendant une durée d'un ou deux ans. Après s'être demandé s'il était nécessaire d'inscrire dans le statut des magistrats des précisions sur la faute disciplinaire alors même que celle-ci faisait l'objet d'une jurisprudence étayée du CSM, il s'est interrogé sur l'articulation entre la faute disciplinaire et la procédure dans le cadre de laquelle elle aurait été commise.

S'agissant de la procédure d'examen des plaintes des justiciables, il a jugé choquant, au regard des règles constitutionnelles de séparation des pouvoirs, qu'un parlementaire puisse être à l'origine d'une poursuite disciplinaire à l'encontre d'un magistrat. Considérant que le Médiateur ne disposait pas de la légitimité nécessaire pour intervenir dans le fonctionnement de l'institution judiciaire, il s'est demandé si la mention du Médiateur dans un texte organique n'aurait pas pour effet de rendre obligatoire le reclassement au niveau organique de son statut. Il s'est prononcé en faveur d'une commission des requêtes chargée d'examiner les réclamations des justiciables, qui pourrait être rattachée au garde des sceaux ou au Président la République, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.

Jugeant inopportune l'extension des pouvoirs du Médiateur, M. Hugues Portelli a indiqué que ce dernier avait vocation à régler des dysfonctionnements administratifs et n'avait par conséquent aucune légitimité pour instruire des réclamations relatives au comportement des magistrats. Le transfert à cette autorité d'un pouvoir d'instruction des plaintes des justiciables lui a semblé attentatoire à la séparation des pouvoirs.

En conclusion, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a rappelé que le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, dressant un bilan des autorités administratives indépendantes, établi par M. Patrice Gélard, avait proposé que la saisine du Médiateur soit ouverte à tout citoyen et que soit cependant maintenue la possibilité d'une saisine par l'intermédiaire d'un député ou d'un sénateur.

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